p. 159 160 161 162 163 164 165 166 167
Chapitre 18
L’interrogation Napoleonienne
Quand Napoléon atteignit le sommet vertigineux de son pouvoir,
il espérait vraisemblablement faire de grandes choses pour la France et
les Français, ainsi que pour lui (et sa famille.)
Peu de temps après être devenu Empereur (et probablement même
auparavant), il constata qu’un des problèmes les plus difficiles auquel
il devrait faire face n’était pas du tout une affaire française, mais une
affaire étrangère : « la question juive » ! Elle avait torturé la vie des
peuples pendant des siècles ; à peine le Pape fut-il persuadé et la
couronne impériale posée sur la tête de Napoléon, qu’elle surgit de
derrière le trône de Napoléon pour le harceler.
À la manière napoléonienne, il la prit à la gorge et tenta de lui
soutirer une réponse à la question éternelle : les juifs désiraient-ils
vraiment faire partie de la nation et vivre selon sa loi ou
reconnaissaient-ils secrètement une autre loi, qui leur commandait de
détruire et de dominer les peuples parmi lesquels ils demeuraient ?
Cependant, cette Interrogation célèbre était la seconde tentative
par Napoléon de résoudre l’énigme juive, et l’histoire de la première
tentative, peu connue, devrait être brièvement rapportée.
Napoléon fut l’un des premiers hommes à concevoir l’idée de
conquérir Jérusalem pour les juifs, et ainsi « accomplir la prophétie »,
selon l’expression actuellement à la mode. Il créa ainsi un exemple
imité à notre siècle par tous ces leaders britanniques et américains qui
n’aimeraient probablement pas être comparés à lui : Messieurs Balfour
et Lloyd George, Woodrow Wilson, Franklin Roosevelt et Harry
Truman, et Sir Winston Churchill.
L’entreprise de Napoléon fut de si courte durée que l’Histoire n’en
dit presque rien, et pas davantage de ses motifs. Étant donné qu’à
l’époque il n’était pas encore le dirigeant de la France, mais le
commandant en chef, il espérait peut-être simplement gagner par ce
moyen le soutien militaire des juifs du Moyen-Orient, pour sa
campagne sur leurs terres. S’il s’imaginait déjà Premier consul et
Empereur, il recherchait peut-être (comme Cromwell) le soutien
monétaire des juifs d’Europe pour cette plus grande ambition.
En tout cas, il fut le premier potentat européen (il le fut vraiment
en tant que commandant militaire suprême) à courtiser la faveur des
dirigeants juifs en leur promettant Jérusalem ! Ce faisant, il soutenait
la théorie de la nationalité juive séparée qu’il dénonça plus tard.
160
L’histoire est authentique, et brève. Elle repose entièrement sur
deux rapports publiés en 1799 à Paris dans le Moniteur de Napoléon,
alors qu’il commandait l’expédition française envoyée pour attaquer la
puissance anglaise via l’Egypte.
Le premier, daté du 17 avril 1799 à Constantinople, et publié le 22
mai 1799, disait : « Buonaparte proclame qu’il invite tous les juifs
d’Asie et d’Afrique à venir se placer sous son drapeau pour rétablir la
Jérusalem antique. Il en a déjà armé un grand nombre et leurs
bataillons menacent Alep. »
C’était explicite ; Napoléon entreprenait « d’accomplir la
prophétie » sur la question du « retour ».
Le deuxième rapport, paru dans le Moniteur quelques semaines
plus tard, disait : « Ce n’est pas seulement pour donner Jérusalem aux
juifs que Buonaparte a vaincu la Syrie ; il a de plus vastes desseins… »
Napoléon avait probablement reçu les nouvelles de l’effet que le
premier rapport avait produit en France, où cette suggestion que la
guerre contre l’Angleterre (tout comme la révolution contre « les rois et
les prêtres ») pouvait être tournée principalement à l’avantage des juifs,
n’avait pas été bien reçue; alternativement, cela aurait peut-être fait
plus de bien aux Anglais auprès des autres peuples d’Arabie, que cela
ne pourrait jamais en faire à Buonaparte auprès des juifs.
La bulle s’évapora à ce moment-là, car Napoléon n’atteignit jamais
Jérusalem. Deux jours avant que le premier rapport fut publié par le
lointain Moniteur, il était déjà en retraite vers l’Égypte, contrarié à
Acre6 par un Anglais obstiné.
Le chercheur d’aujourd’hui se sent quelque peu amer que l’offre
sioniste de Napoléon ait été si vite interrompue, car s’il avait été
capable de la poursuivre, il aurait bien pu se faire qu’une députation
de sages sionistes examine promptement sa généalogie (comme
Cromwell antérieurement) pour trouver quelque trace de descendance
davidienne qui le qualifiât pour être proclamé Messie.
Ainsi, tout ce qu’il reste aujourd’hui de cette entreprise de
Napoléon se résume à un commentaire significatif fait à notre époque
par M. Philip Guedalla (1925) : « Un homme en colère avait manqué,
pensait-il, sa destinée. Mais une race patiente attendait toujours ; et
au bout d’un siècle, après que d’autres conquérants eurent foulé les
mêmes routes poussiéreuses, on a vu que nous n’avions pas manqué
la nôtre. »
Il s’agit d’une référence aux troupes britanniques de 1917 : dans
cette présentation sioniste typique de l’histoire, elles sont de simples
instruments dans l’accomplissement du destin juif - ce point fut omis
161
par Napoléon. M. Guedalla prononça ces paroles en présence de M.
Lloyd George, Premier ministre britannique de 1917, qui avait envoyé
ces soldats sur ces mêmes « routes poussiéreuses ». M. Lloyd George se
mit ainsi en valeur sous le regard approbateur d’un auditoire qui le
voyait comme « un instrument dans les mains du Dieu juif » (Dr
Kastein.)
Napoléon fut couronné Empereur en 1804 ; et, en 1806, « la
question juive » prenait une si grande place dans ses soucis qu’il fit sa
célèbre seconde tentative pour y répondre.
Au milieu de toutes ses campagnes, il était absorbé par cette
question, comme beaucoup de potentats avant lui ; il essaya alors la
méthode inverse pour y répondre : après avoir brièvement entrepris de
rétablir la « Jérusalem antique » (et ainsi, la nation juive), il exigea que
les juifs choisissent publiquement entre la nationalité séparée et
l’intégration au sein de la nation où ils demeuraient.
Il était alors en mauvais termes avec les Français à cause de la
faveur (disaient-ils) qu’il montrait envers les juifs. Plaintes et appels à
protection contre eux se déversaient sur lui au point qu’il dit au
Conseil d’État : « Ces juifs sont des sauterelles et des chenilles, ils
dévorent ma France… Ils sont une nation dans la nation. » À l’époque,
même le judaïsme orthodoxe niait énergiquement cette description.
Le Conseil d’État lui-même était divisé et doutait, à tel point que
Napoléon fit appel à 112 représentants principaux du judaïsme, de
France, d’Allemagne et d’Italie, pour venir à Paris répondre à une liste
de questions.
Le monde étrange dans lequel Napoléon mit alors les pieds est peu
compris des gentils. Il est éclairé par les deux citations suivantes:
«Parce qu’il acceptait l’idée de Peuple élu et de salut, le monde juifétait judéocentrique, et les juifs pouvaient interpréter tout ce qui
arrivait du seul point de vue d’eux-mêmes en tant que centre » (Dr
Kastein).
«Le juif a bâti une Histoire globale du monde dont il s’est fait le
centre ; et depuis ce moment, c’est-à-dire le moment où Jéhovah
conclut l’alliance avec Abraham, le destin d’Israël forme l’Histoire du monde, et, en vérité, l’Histoire du cosmos tout entier, pour laquelle le
Créateur du monde se donne du mal. C’est comme si les cercles se
rétrécissaient toujours plus ; finalement, seul reste le point central: l’Ego» (M. Houston Stewart Chamberlain).
La première de ces autorités est un juif sioniste, et l’autre est ce
que la première appellerait un antisémite ; le lecteur verra qu’elles sont
en accord total sur l’essence de la doctrine judaïque.
En effet, celui qui étudie ce sujet constate qu’il n’y a vraiment
aucun désaccord sur de telles questions entre les érudits juifs
162
talmudiques et leurs opposants, qu’ils accusent d’avoir des préjugés ;
ce dont se plaignent réellement les extrémistes juifs est le fait que la
critique vienne de milieux « extérieurs à la loi » ; cela est pour eux
intolérable.
Les questions formulées par Napoléon montrent qu’à la différence
des Anglais et des politiciens américains de ce siècle qui ont adopté le
sionisme, il comprenait parfaitement la nature du judaïsme et le
problème des rapports humains qu’il engendre. Il savait que, selon la
Loi judaïque, le monde avait été créé à une date décidée avec précision,
seulement pour les juifs, et que tout ce qui y arrivait (y compris les
épisodes de sa propre gloire et de son pouvoir) était uniquement
calculé pour amener le triomphe juif.
Napoléon comprit à son époque la théorie judaïque telle qu’elle est
expliquée à notre siècle par le Dr Kastein, à propos du roi Cyrus de
Perse et de sa conquête de Babylone en 538 av. J.-C. :
«Si le plus grand roi de l’époque devait être un instrument dans les
mains du Dieu juif, cela signifiait que ce Dieu était celui qui
déterminait le destin non seulement d’un peuple, mais de tous les
peuples ; qu’il déterminait le destin des nations, le destin du monde
entier.»
Napoléon avait provisoirement offert d’être « un instrument dans
les mains du Dieu juif » sur la question de Jérusalem, mais il avait été
déjoué par le défenseur d’Acre. Maintenant, il était Empereur et ne se
résignait pas à être « un instrument », ni n’en acceptait la proposition
Il entreprit de faire en sorte que les juifs manifestent leur
allégeance, et il formula astucieusement des questions auxquelles il
était aussi impossible de répondre sans désavouer l’idée centrale, que
de les éluder sans encourir un reproche ultérieur d’hypocrisie. Le Dr
Kastein qualifie ces questions d’« infâmes », mais c’est seulement dans
l’esprit mentionné précédemment que toute question d’un être
extérieur à la Loi est infâme.
Dans un autre passage, le Dr Kastein dit, avec une admiration
involontaire, qu’à travers ses questions, Napoléon « saisit correctement
le principe du problème », et ceci est un éloge supérieur à ceux
accordés par le Dr Kastein aux autres dirigeants gentils.
Et c’était vrai : si un homme mortel avait été capable de trouver
une réponse « à la question juive », Napoléon l’aurait trouvée, car ses
investigations atteignirent le fond même du problème et ne laissèrent
aux hommes sincères que le choix entre un gage de fidélité et une
admission déclarée d’infidélité invétérée.
Les délégués élus par les communautés juives vinrent à Paris. Ils
étaient confrontés à un dilemme. D’une part, ils avaient tous été élevés
dans la croyance séculaire qu’ils devaient toujours rester un peuple 163
« séparé », choisi par Dieu pour « terrasser et détruire » d’autres
nations, et finalement « revenir » sur une Terre promise ; d’autre part,
ils étaient les premiers parmi ceux que la Révolution avait émancipés,
et le général qui les interrogeait, le plus célèbre de cette Révolution,
avait autrefois entrepris de « rétablir la Jérusalem antique. »
Maintenant, cet homme, Napoléon, leur demandait de dire s’ils
faisaient partie ou non de la nation qu’il dirigeait.
Les questions de Napoléon, telles des flèches vers une cible,
visaient directement les principes de la Torah-Talmud, sur la base
desquels avait été érigé un mur entre les juifs et les autres hommes.
Ces principes majeurs étaient : la Loi juive permettait-elle les mariages
mixtes ? Les juifs considéraient-ils les Français comme des« étrangers » ou comme des frères ? Considéraient-ils la France comme
leur pays natal, aux lois duquel ils devraient nécessairement obéir ? La
Loi judaïque faisait-elle une distinction entre débiteurs juifs et
chrétiens ?
Toutes ces questions attaquaient les lois raciales et religieuses
discriminatoires que les Lévites (comme les chapitres précédents l’ont
montré) avaient empilées sur les commandements moraux, les
annulant ainsi.
Napoléon, avec un art de la publicité et une formalité extrêmes,
confronta les représentants juifs aux questions que le monde avait
posées pendant des siècles.
Sous cette lumière crue qui les frappait, les notables juifs
n’avaient que deux alternatives : désavouer la Loi raciale en toute
sincérité, ou déclarer leur reniement, tout en le niant secrètement (un
expédient autorisé par le Talmud.)
Comme le dit le Dr Kastein : « Les érudits juifs à qui l’on fit appel
pour réfuter ces accusations se retrouvèrent dans une position
extrêmement difficile, car pour eux, tout dans le Talmud était sacré,
même ses légendes et ses anecdotes. » C’est une façon pour le Dr
Kastein de dire qu’ils ne pouvaient qu’éluder ces questions par le
mensonge, car on ne fit pas « appel [à eux] pour réfuter les
accusations » ; on leur demanda simplement une réponse sincère.
Les délégués juifs professèrent ardemment qu’une chose telle
qu’une nation juive n’existait plus ; qu’ils ne désiraient pas vivre dans
des communautés fermées, auto-gouvernées ; qu’ils étaient en tous
points des Français, et rien de plus. Ils éludèrent seulement la
question des mariages mixtes ; ceux-ci, dirent-ils, étaient permis
« sous le droit civil. »
Même le Dr Kastein se voit contraint d’appeler la manoeuvre
suivante de Napoléon « un coup de génie.»
164
Il établit historiquement que si on les force publiquement à
répondre à ces questions essentielles - pour les peuples avec lesquels
ils vivent - les représentants du judaïsme donneront des réponses
fausses ou qu’ils ne peuvent appliquer.
Les événements des décennies qui suivirent montrèrent que la
revendication de séparer la nationalité-dans-les-nations ne fut jamais
abandonnée par ceux qui exerçaient réellement le pouvoir au sein de la
communauté juive.
Aussi Napoléon gagna-t-il, dans son échec, une victoire historique
pour la vérité, qui garde sa valeur de nos jours.
Il chercha à donner aux réponses qu’il avait obtenues une forme
officielle des plus contraignante, qui lierait les juifs, en tout lieu et
pour tout l’avenir, aux engagements donnés par leurs sages : il
souhaita que l’on convoque le Grand Sanhédrin !
De toutes les régions d’Europe, les 71 membres traditionnels du
Sanhédrin, 46 rabbins et 25 laïcs, se pressèrent alors à Paris et se
réunirent en février 1807, au milieu de scènes d’une grande
magnificence. Même si le Sanhédrin, en tant que tel, ne s’était pas
réuni depuis des siècles, le « centre » talmudique de Pologne n’avait
que récemment cessé de fonctionner publiquement, si bien que l’idée
d’un corps dirigeant issu de la communauté juive était réelle et bien
vivante.
Le Sanhédrin alla plus loin que les notables juifs dans la
perfection et l’ardeur de ses déclarations ; (incidemment, il commença
par prononcer des remerciements aux églises chrétiennes pour la
protection dont ils avaient bénéficié dans le passé, et cet hommage
vaut la peine d’être comparé à la version sioniste habituelle de
l’histoire de l’ère chrétienne, qui prétend qu’elle ne fut qu’une longueépreuve de « persécution juive » par les chrétiens).
Le Sanhédrin reconnut l’extinction de la nation juive comme un fait
accompli. Cela résolut le dilemme central créé par le fait que la Loi, qui
avait été jusque-là toujours considérée comme imposée aux juifs
exclusivement, ne permettait pas de distinction entre le droit civil et le
droit religieux. Comme la « nation » avait cessé d’exister, on proclama
que les lois talmudiques de la vie quotidienne ne s’appliquaient plus,
mais la Torah, en tant que loi de la Foi, restait immuable ; ainsi parla
le Sanhédrin. Si un conflit ou un débat venait à survenir, les lois
religieuses devraient alors être considérées comme subalternes à celles
de l’État dans lequel les juifs vivaient en tant qu’individus. Israël
n’existerait à dater de ce moment qu’en tant que religion, et ne
chercherait plus aucune réhabilitation nationale.
Ce fut un triomphe unique pour Napoléon (et qui sait dans quelle
mesure cela contribua à sa chute ?). Les juifs furent libérés du
165
Talmud ; la voie de la réintégration au sein de leurs semblables, leur
participation à l’humanité, fut rouverte là où les Lévites l’avaient
fermée plus de deux mille ans auparavant ; l’esprit de discrimination
et de haine fut abandonné et exorcisé.
Ces déclarations formèrent la base sur laquelle la revendication de
libertés civiques pleines et entières fut réalisée partout en Occident
durant les années qui suivirent. Toutes les sections du judaïsme
connues de l’Occident les soutinrent.
Dès lors le judaïsme orthodoxe, le visage tourné vers l’Occident,
nia toute suggestion que les juifs formeraient une nation dans les
nations. Avec le temps, le judaïsme non orthodoxe « élimina chaque
prière exprimant ne serait-ce que le soupçon d’un espoir ou d’un désir
d’une quelconque forme de résurrection nationale juive » (rabbin Moses
P. Jacobson).
Au Parlement britannique, l’herbe fut coupée sous le pied des
adversaires de l’émancipation juive, qui affirmaient que « les juifs
attendent avec impatience l’arrivée d’un grand libérateur, leur retour
en Palestine, la reconstruction de leur Temple, la renaissance de leur
culte antique ; ils considéreront donc toujours l’Angleterre non comme
leur pays, mais simplement comme leur lieu d’exil » (cité par M.
Bernard J. Brown.)
Pourtant, ces mises en garde étaient pertinentes. En moins de
quatre-vingt-dix ans, les déclarations du Sanhédrin napoléonien
avaient dans les faits été annulées, ce qui amena M. Brown à écrire:
«Maintenant, bien que l’égalité civique ait été fermement établie par
la loi dans presque chaque pays, le nationalisme juif est devenu la
philosophie d’Israël. Les juifs ne devraient pas être étonnés si les gens
nous accusent d’avoir obtenu l’égalité devant la loi sous de faux
prétextes; d’être toujours une nation au sein des nations, et que les
droits qui nous ont été accordés devraient être révoqués.»
Napoléon rendit inconsciemment un service à la postérité en
révélant le fait important que les réponses qu’il avait obtenues étaient
sans valeur. La seule et unique Loi, pour toutes pensées et actions, futà nouveau infligée aux juifs durant le reste du XIXe siècle par leurs
dirigeants talmudiques et par les politiciens gentils qui leur
apportèrent la même aide que le roi Artaxerxés avait apportée à
Néhémie.
Les réponses étaient-elles sincères ou fausses quand elles furent
données ? La réponse pourrait bien se révéler partagée, de même que
le judaïsme lui-même a toujours été partagé.
Nul doute que les délégués avaient fermement à l’esprit l’effet
d’accélération que leurs réponses, telles qu’elles furent formulées,
auraient sur l’octroi d’une égalité complète dans d’autres pays. D’autre 166
part, beaucoup d’entre eux durent sincèrement espérer que les juifs
pourraient enfin entrer dans l’humanité sans reniement secret, car
dans la communauté juive, cette umpulsion de forcer l’interdiction
tribale a toujours existé, bien qu’elle fût combattue par la secte
dirigeante.
Il est probable que certains délégués étaient sincères dans leurs
paroles, et que d’autres « rompirent secrètement » (selon l’expression
du Dr Kastein) avec une loyauté qu’ils avaient publiquement affirmée.
Le Sanhédrin de Napoléon avait un défaut de fond. Il représentait
les juifs d’Europe et ceux-ci (qui étaient en majorité séfarades) étaient
en train de perdre leur autorité au sein de la communauté juive. Le
centre talmudique et la grande majorité des « juifs de l’Est » (les
ashkénazes slaves) étaient en Russie ou en Pologne russe, et pas
même Napoléon ne réfléchit à ce fait, si même il en était conscient. Les
talmudistes n’étaient pas représentés au sein du Sanhédrin, et les
réponses données étaient hérésie sous leur Loi, car ils étaient les
gardiens des traditions des pharisiens et des Lévites.
Les aveux du Sanhédrin mirent fin à la troisième période
talmudique de l’histoire de Sion. Ce fut celle qui commença avec la
chute de la Judée en 70 ap. J.-C., quand les pharisiens léguèrent leurs
traditions aux talmudistes, et à la fin de ces dix-sept siècles, l’éternelle
question semblait, d’après les réponses du Sanhédrin, être résolue.
Les juifs étaient prêts à rejoindre l’humanité et à suivre le conseil
d’un juif français, Isaac Berr, lorsqu’il disait qu’ils devaient se
débarrasser « de cet esprit étroit de corporation et de congrégation,
dans toutes les questions civiles et politiques non directement
connectées à notre loi spirituelle. Sur ces sujets, nous devons
absolument apparaître comme de simples individus, comme des
Français uniquement guidés par un vrai patriotisme et par l’intérêt
général des nations. » Cela signifiait la fin du Talmud, et de la « clôture
autour de la Loi ».
C’était une illusion. Aux yeux des chercheurs gentils d’aujourd’hui
cela ressemble à une grande occasion manquée. Aux yeux du juif
littéral ce fut un danger épouvantable évité de justesse: celui d’une
participation commune à l’humanité.
La quatrième période de ce récit débute alors - le siècle de« l’émancipation », le XIXe siècle. Au cours de ce siècle, les talmudistes
de l’Est entreprirent d’annuler ce que le Sanhédrin avait affirmé, et
d’utiliser tous les privilèges gagnés par l’émancipation, non pour
mettre les juifs et tous les autres hommes sur un pied d’égalité, mais
pour parquer à nouveau les juifs, réaffirmer leur « séparation » d’avec
les autres et leur revendication à une nationalité séparée, qui était en
167
fait la revendication à être une « nation au-dessus de toutes les
nations », et non une « nation au sein des nations. »
Les talmudistes réussirent, avec des résultats dont nous sommes
les témoins à notre génération - qui est la cinquième période de la
controverse de Sion. L’histoire de leur succès ne peut être séparée de
celle de la révolution, à laquelle notre récit revient maintenant.
6) Aujourd’hui Akko; ville d’Israël sur la Méditerranée - NdT (retournez)
Chap 19
Chap 17
Accueil
Chapitres
Index
Liens
Plus |