La Controverse de Sion

par Douglas Reed

 

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Chapitre 20

 

Le dessein

Cette preuve fut donnée quand les documents de la société secrète des « Illuminati » d’Adam Weishaupt furent saisis par le gouvernement bavarois en 1786, et publiés en 1787. Le plan originel de la révolution mondiale et l’existence d’une organisation puissante aux membres très haut-placés furent alors révélés. Dès ce moment, il ne subsista aucun doute que tous les pays et les classes de la société comprenaient des hommes qui s’étaient ligués entre eux pour détruire tout gouvernement légitime et toute religion. L’organisation conspiratrice repassa dans la clandestinité après son exposition, mais elle survécut et poursuivit son plan, faisant irruption à la vue du public en 1917. Depuis lors, comme le communisme, elle poursuit ouvertement les buts dévoilés par le gros coup du gouvernement bavarois en 1786 - utilisant les méthodes révélées également à l’époque.

La publication des documents Weishaupt survint par un hasard aussi curieux que celui de la conservation des documents de M. Whittaker Chambers en 1948 7. Seul un reliquat subsistait après que l’essentiel eut été détruit, car une partie des faits et gestes et des plans des Illuminati avait été connue avant 1786, en partie de par les vantardises de ses membres, et en partie de par les révélations de

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certains qui (comme M. Chambers 160 ans plus tard) se révoltèrent contre la compagnie en laquelle ils se trouvaient, quand ils comprirent sa véritable nature. Ainsi, la duchesse douairière Maria Anna de Bavière reçut-elle en 1783 l’information d’anciens Illuminés selon laquelle l’ordre enseignait que la religion devait être considérée comme une absurdité (« l’opium du peuple » de Lénine) et le patriotisme comme de la puérilité, que le suicide était justifiable, que la vie devait être gouvernée par la passion plutôt que la raison, que l’on pouvait empoisonner ses ennemis, et ainsi de suite. Suite à cela et à d’autres informations, le duc de Bavière publia en 1785 un décret contre les Illuminati ; l’ordre fut accusé d’être une branche de la francmaçonnerie, et les représentants gouvernementaux, les membres des forces armées, les professeurs, les enseignants et les étudiants avaient interdiction de le rejoindre. Un interdit général fut posé sur la formation des sociétés secrètes (c’est-à-dire les corps qui se rassemblaient sans se faire enregistrer, comme la loi l’exigeait).

Cet interdit (qui ne pouvait manifestement pas être appliqué - les organisations secrètes ne pouvant être supprimées par décret) mit en garde les conspirateurs, de sorte que (ainsi que le relatent les deux historiens des Illuminati, Messieurs C.F. Forestier et Leopold Engel) « une quantité considérable de documents de la plus haute importance appartenant à l’ordre fut soit cachée soigneusement, soit brûlée » et « peu de documents survécurent, car la plus grande partie fut détruite, et les relations externes furent interrompues, afin de détourner les soupçons » ; autrement dit, l’ordre entra dans la clandestinité. Ainsi les documents qui furent trouvés en 1786 ne représentent-ils qu’une toute petite partie de l’ensemble. M. Forestier dit qu’en 1784 (la dernière année au cours de laquelle l’ordre eut plutôt tendance à vanter son pouvoir qu’à le cacher), l’ordre s’étendait depuis sa base bavaroise « sur toute l’Europe Centrale, du Rhin à la Vistule et des Alpes à la Baltique ; ses membres comprenaient : des jeunes gens qui devaient appliquer par la suite les principes qu’on leur avaient inculqués, des fonctionnaires de toutes sortes qui mettaient leur influence à son service, des membres du clergé à qui il inspirait la “tolérance”, et des princes dont il pouvait revendiquer la protection et qu’il espérait contrôler. » Le lecteur se rendra compte que ceci est une image du communisme aujourd’hui, à l'exception de l’allusion aux « princes », dont le nombre s’est presque réduit à néant depuis 1784.

Cependant, les documents qui furent découverts et publiés, s’ils n'indiquaient pas l’étendue complète des membres et des connexions des llluminati, particulièrement en France, en Grande-Bretagne et en Amérique, révélaient néanmoins la nature de la société secrète et son ambition totalement destructrice. Un émissaire illuministe fut frappé par la foudre lors d'un voyage en Silésie en 1785. Les papiers trouvés sur lui provoquèrent la fouille des maisons de deux leaders

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illuministes. La correspondance entre « Spartacus » (Adam Weishaupt) et les « aréopagites » (ses associés les plus proches dans l’ordre), ainsi que d’autres papiers trouvés alors révélèrent le plan complet pour la révolution mondiale, dont nous sommes au 20ème siècle devenus familiers de par ses consequences, et sous le nom de “Communisme”.

Nul ne peut croire aujourd’hui que ce plan grandiose de destruction prit naissance dans le cerveau d’un professeur bavarois, ni résister à la conclusion que (comme le suggère Mme Nesta Webster), Weishaupt et ses alliés ne créèrent pas, mais ne firent que lâcher sur le monde une force vive et terrible restée inerte pendant des siècles.

Quand il fonda ses Illuminati, le 1er mai 1776, Weishaupt était doyen de la faculté de droit à l’université d’Ingolstadt (à notre époque, les professeurs d’université secrètement communistes se trouvent souvent dans les facultés de droit). Il avait été élevé par les jésuites, qu’il en vint à détester, et il leur emprunta leur secret d’organisation, qu’il pervertit à des fins contraires : la méthode (comme le disait son associé Mirabeau) grace à laquelle « sous un seul chef, les hommes dispersés dans tout l’univers se retrouvaient à tendre vers le même but. » Cette idée de liguer des hommes ensemble au sein d’une conspiration secrète et de les utiliser pour réaliser un but qu’ils ne comprennent pas, transparaît dans l'ensemble des lettres et autres documents illuministes saisis par le gouvernement bavarois.

L’idée est présentée de manière passionnée, et les nombreuses façons de la réaliser sont d’une grande ingéniosité. L’expérience de la conspiration, accumulée au cours des âges, devait être l'inspiratrice, et les recherches de Mme Nesta Webster pour déterminer l'origine de cette doctrine morbide et perverse la firent remonter jusqu'au début de l'ère chrétienne et même avant. Par exemple, M. Silvestre de Sacy dit que la méthode utilisée par les Ismaéliens (une secte subversive au sein de l’Islam au VIIIe siècle) était d’enrôler des « partisans en tout lieu et dans toutes les classes de la société », dans une tentative de destruction de leur foi professée et de leur gouvernement ; le leader ismaélien, Abdullah ibn Maymun, entreprit d' « unifier, sous la forme d’une vaste société secrète aux nombreux degrés d’initiation, des librepenseurs qui ne considéraient la religion que comme un frein pour le peuple, et des fanatiques de toutes les sectes. » L’accomplissement d’Abdullah ibn Maymun, selon une autre autorité, M. Reinhart Dozy, fut que « par de tels moyens, le résultat extraordinaire fut qu'une multitude d’hommes aux croyances diverses travaillèrent tous ensemble à un objectif connu seulement de quelques-uns d’entre eux ». Ces citations décrivent exactement à la fois les buts, les méthodes et l'accomplissement d’Adam Weishaupt, et ceux du communisme, et on pourrait les multiplier par des extraits de la littérature des kabbalistes, des gnostiques et des manichéens.

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Les documents de Weishaupt sont incontestablement authentiques ; le gouvernement bavarois devança involontairement toute tentative de crier à la « contrefaçon » (d'une manière que nous connaissons bien dans notre siècle), en invitant quiconque serait intéressé à examiner les originaux aux Archives de Munich.

Ceux-ci révélaient trois choses principales : premièrement, les buts de la société ; deuxièmement, la méthode d’organisation ; et troisièmement, les membres - du moins sur une region relativement limitée (principalement, les États allemands du Sud). Ces trois questions seront discutées séparément ici.

L’idée de base, rendue parfaitement claire dans la correspondance entre « Spartacus » et ses compagnons-conspirateurs à pseudonymes, était la destruction de toute autorité, nationalité et religion établies, permettant ainsi d’ouvrir la voie à l'ascension d’une nouvelle classe dirigeante, celle des Illuminés. Les buts de la société, tels que résumés par Henri Martin, étaient « l’abolition de la propriété, de l’autorité sociale et de la nationalité, et le retour de la race humaine à l'état heureux dans lequel elle ne formait qu’une seule famille, sans besoins artificiels, sans sciences inutiles, chaque père étant prêtre et magistrat ; prêtre de nous ne savons quelle religion, car malgré leurs fréquentes invocations du Dieu de la Nature, beaucoup d’indications nous amènent à conclure que Weishaupt n’avait d’autre Dieu que la Nature elle-même. »

Ceci est confirmé par Weishaupt ; « Les princes et les nations disparaîtront… La raison sera le seul code de l’homme. » Dans tous sesécrits, il élimina complètement toute idée de pouvoir divin en dehors de l’Homme.

L’attaque contre « les rois et les princes » n'était qu'une« couverture » de la véritable attaque contre toute nationalité (comme le temps l’a montré - maintenant que l'offre en rois et princes fait défaut, le communisme détruit de manière impartiale les Premiers ministres comme les politiciens prolétaires) ; et l’attaque contre les « prêtres » était un déguisement de l’attaque réelle, contre toute religion. Le vrai but, dans les deux cas, est révélé dans la correspondance même de Weishaupt avec ses intimes ; le faux but était professé aux agents inférieurs de la société, ou au public, au cas où il aurait eu vent des activités illuministes. La grande habileté de Weishaupt dans l’enrôlement de gens importants, qui le rejoignaient en croyant qu’ils se montraient ainsi « progressistes » ou « libéraux », est démontrée par le nombre de princes et de prêtres retrouvés sur ses listes secrètes d’adhésion.

Le meilleur exemple de son succès et de la faculté d'adaptation rapide de sa méthode se retrouve dans le cas de la religion. Son

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attaque de la religion fut une chose beaucoup plus audacieuse et ahurissante à son époque qu’à la nôtre, où nous avons vécu suffisamment longtemps avec le communisme ouvertement déclaré pour savoir reconnaître une proposition qui, à l’époque de Weishaupt, devait sembler à peine crédible : celle que l’homme, après avoir trouvé la voie menant à l’idée de Dieu, devrait de son propre chef rebrousser chemin !

L’idée première de Weishaupt était de faire de l’Adoration du Feu la religion de l’Illuminisme. Il était peu probable que cette idée puisse jamais amener des recrues venant des rangs du clergé, et il eut une meilleure idée, qui les fit venir en nombre. Il déclara que Jésus avait eu « une doctrine secrète », jamais révélée ouvertement, mais que toute personne assidue pouvait lire entre les lignes des Évangiles. Cette doctrine secrète devait supprimer la religion et la remplacer par la raison : « quand enfin la Raison deviendra la religion de l’homme, alors le problème sera résolu. » L’idée de rejoindre une société secrète dont Jésus avait été le vrai fondateur et de suivre un exemple établi par Jésus en utilisant des mots pour cacher le vrai sens, se révéla irrésistible pour de nombreux ecclésiastiques qui franchirent alors la porte qui leur était ainsi ouverte. C’étaient des personnages d’un nouveau genre pour leur époque ; de nos jours le clerc communiste est devenu familier.

Les leaders illuministes les raillaient en privé. Philo, le principal collaborateur de « Spartacus » (le Baron von Knigge de Hanovre) écrivit : « Nous disons donc que Jésus n’a pas souhaité introduire une nouvelle religion, mais seulement rétablir la religion naturelle et la raison dans leurs anciens droits… De nombreux passages de la Bible peuvent être utilisés et expliqués, et ainsi toute querelle entre les sectes cesse si on peut trouver une signification raisonnable à l’enseignement de Jésus, qu’elle soit vraie ou non… Donc, maintenant que les gens voient que nous sommes les seuls vrais et fidèles chrétiens, nous pouvons nous prononcer plus particulièrement contre les prêtres et les princes, mais je me suis arrangé de telle façon qu’après avoir accompli des tests préalables, je puisse admettre des pontifes et des rois à ce degré de l’ordre. Dans les Mystères supérieurs, nous devons alors (a) dévoiler la pieuse imposture et (b) révéler parmi toutes les écritures l’origine de tous les mensonges religieux et leur connexion… » «Spartacus » commenta avec bonheur : « Vous ne pouvez pas imaginer la sentiment suscité par notre rang de Prêtre. Le plus merveilleux est que les grands théologiens protestants et réformés qui font partie de l’Illuminisme croient toujours que l’enseignement religieux qui y est communiqué contient l’esprit juste et authentique de la religion chrétienne. Ô, homme, de quoi ne peut-on te convaincre !

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Je n’ai jamais pensé devoir devenir le fondateur d’une nouvelle religion. »

Weishaupt fit de grands progrès en Bavière après avoir persuadé avec succès les ecclésiastiques que l’irréligion était la vraie foi et l’Antéchrist le vrai christianisme. Il nota que tous les professeurs nonilluministes avaient été éconduits de l’université d’Ingolstadt, que la société avait fourni à ses membres cléricaux « de bons bénéfices, des paroisses, des postes à la cour », que les écoles étaient contrôlées par les Illuministes et qu'ils s'empareraient bientôt du séminaire pour les jeunes prêtres, à partir de quoi « nous serons à même de pourvoir toute la Bavière en prêtres appropriés. »

L’attaque de Weishaupt contre la religion était la caractéristique la plus distinctive de sa doctrine. Ses idées à propos du « Dieu de la Raison » et du « Dieu de la Nature » rapprochent fortement sa pensée de la pensée judaïque, dans sa relation aux gentils, et puisque l’Illuminisme devint le communisme et que le communisme tomba sous leadership juif, ceci pourrait être significatif. La Loi judaïque établit également que les gentils (qui en tant que tels sont exclus du monde à venir) n’ont droit qu’à la religion de la nature et de la raison que Weishaupt enseignait. Moses Mendelssohn 8, cité dans ses mémoires, dit :

« Nos rabbins enseignent unanimement que les lois écrites et orales qui forment conjointement notre religion révélée sont de rigueur dans notre nation seule : “Moïse nous a ordonné une loi, et même l'héritage de la congrégation de Jacob”. Nous croyons que toutes les autres nations de la terre ont été dirigées par Dieu pour adhérer aux lois de la nature… Ceux qui règlent leurs vies selon les préceptes de cette religion de la nature et de la raison sont appelés les hommes vertueux d’autres nations… » Ainsi, dans cette vision autoritaire, Dieu lui-même a exclu les Gentils de sa congrégation et leur a ordonné de vivre simplement selon les lois de la nature et de la raison. Ainsi, Weishaupt leur ordonnait de faire exactement ce que le Dieu juif leur avait ordonné de faire. Si les rabbins talmudiques n’eurent aucun rôle dans l’inspiration de l’Illuminisme (et les recherches n'en découvrent aucun), la raison pour laquelle ils prirent plus tard part à la direction du communisme semble ici devenir évidente.

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Voilà les buts des Illuminati. Ce sont ceux - inchangés - du communisme aujourd’hui. Quant à la méthode, toute bassesse dont sont capables les êtres humains fut répertoriée pour ensuite être utilisée pour le recrutement. Parmi les documents, se trouvaient deux paquets qui horrifièrent particulièrement l’opinion publique à l’époque. Ils contenaient des documents stipulant que l'ordre pouvait exercer le droit de vie et de mort sur ses membres, et présentant un éloge de l'athéisme, ainsi que la description d’une machine à détruire automatiquement les documents secrets, et des prescriptions pour l’avortement, pour contrefaire les sceaux, pour fabriquer des parfums toxiques et de l’encre sympathique, entre autres choses. Aujourd'hui, le contenu d’un laboratoire communiste est familier à quiconque s’intéresse à de telles affaires, mais en 1787, l’effet de cette révélation, dans la Bavière catholique, fut celui d’un aperçu de l’antichambre des Enfers.

Les documents de Weishaupt incluaient un diagramme illustrant la manière dont il exerçait le contrôle de son organisation. Ce diagramme montre ce qui pourrait être un morceau de cotte de mailles, ou de nid d’abeilles, et est identique au célèbre système de « cellule » sur lequel le communisme est construit aujourd’hui. C’est le produit d’une intelligence supérieure (et manifestement de siècles d’expérience ; de telles méthodes ne sont pas inventées sans un long processus de tâtonnements). Le secret est qu’un dommage sur une telle structure ne peut être que local, le tissu principal restant toujours

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intact et susceptible d'être réparé. Si quelques liens, ou cellules, sont détruits, ils peuvent être réparés en temps voulu, et pendant ce temps l’organisation continue, en grande partie indemne.

Weishaupt siégeait au centre de cette toile et en tirait toutes les ficelles. « Il faut montrer combien il serait facile pour un chef intelligent de diriger des centaines et des milliers d’hommes », avait-il écrit au-dessus du diagramme, et il avait ajouté en dessous : « Il y en à deux immédiatement sous moi à qui j’insuffle tout mon esprit, et chacun d'eux en a encore deux autres, etc… De cette façon, je peux mettre mille hommes en mouvement et les enflammer de la manière la plus simple, et c'est de cette façon qu'on doit transmettre les ordres et opérer en politique. »

Quand les documents illuministes furent publiés, la plupart des membres apprit pour la première fois que Weishaupt en était le chef, car il n’était connu que de ses proches associés. La majorité savait seulement que, quelque part au-dessus d’eux, se trouvait un « leader bien-aimé » ou « grand frère », un Étre plein de sagesse, bienveillant mais sévère, qui par eux, refaçonnerait le monde. Weishaupt avait en fait accompli le « résultat extraordinaire » attribué à Abdullah ibn Maymun au sein de l’islam : sous le contrôle de ce dernier, « une multitude d’hommes aux croyances diverses travaillèrent tous ensemble vers un objectif connu seulement de quelques-uns. »

Le fait que chaque dupe ne connût que ses deux dupes immédiats n’aurait pu à lui seul provoquer ce résultat. Comment les Illuminés étaient-ils maintenus ensemble ? La réponse est que Weishaupt découvrit, ou reçut d’une intelligence supérieure, le secret sur lequel la force cohésive de la révolution mondiale repose aujourd’hui, sous le communisme : la terreur !

Tous les Illuminés prenaient des noms « illuminés », qu’ils utilisaient dans les relations qu'ils avaient entre eux et dans toute leur correspondance. Cette pratique du pseudonyme, ou « nom de couverture », continue à ce jour. Les membres des gouvernements communistes qui usurpèrent le pouvoir en Russie en 1917 furent, pour la première fois dans l’Histoire, connus du monde par des pseudonymes (et sont également connus ainsi pour la postérité). Les révélations de 1945-1955 en Amérique, en Angleterre, au Canada et en Australie montrèrent que les hommes qui travaillaient comme agents communistes dans les gouvernements de ces pays utilisaient des « noms de couverture », selon la manière initiée par Weishaupt. Weishaupt organisait sa société en échelons ou cercles, dont les anneaux extérieurs comprenaient les nouvelles recrues et les dupes de moindre importance. L’avancement dans les échelons était censé amener l’initiation aux chapitres suivants du mystère central.

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Weishaupt préférait l’enrôlement de jeunes hommes à un âge où ils sont le plus impressionnables, entre 15 et 30 ans. (Cette pratique fut poursuivie jusqu’à notre époque ; Messieurs Alger Hiss, Harry Dexter White, Whittaker Chambers, Donald Maclean, Guy Burgess et d’autres furent tous « pris au filet » dans leurs universités américaines ou anglaises). D’autres échelons ou degrés étaient ajoutés à mesure que le cercle de recrutement s’élargissait, ou qu’on y découvrait des obstacles particuliers ; on a déjà donné l’exemple de la religion, et dans ce cas également, le communisme, en insinuant que Jésus fut le premier communiste, a suivi le précédent de Weishaupt, en changeant simplement « Illuministe » par « communiste. » Dans cette approche des membres potentiels, le mode d’invitation : « Si vous voulez bien me suivre au salon », variait pour s'adapter aux cas particuliers. On faisait prêter serment aux jeunes hommes qui étaient recrutés pour la conspiration au cours d’un cérémonial intimidant qui comprenait une parodie significative du sacrement chrétien. On leur demandait de fournir un dossier sur leurs parents, énumérant leurs « passions dominantes », et de s'espionner mutuellement. Ces deux idées sont fondamentales au communisme, et l'une des sources originelles possibles est la « Loi mosaïque », dans laquelle l’obligation de dénoncer un proche soupçonné d’hérésie, et de placer « un garde autour de mon garde », fait partie des « lois et jugements ».

On faisait en sorte que le jeune Illuminé ne sache jamais combien de regards de supérieurs inconnus étaient posés sur lui (il ne connaissait que ses supérieurs immédiats) ; on lui apprenait à dénoncer son entourage, et il en déduisait que son entourage le dénonçait aussi. C’est le principe de base de la terreur, que l’on ne peut jamais totalement instaurer uniquement par le meurtre, la torture ou l’emprisonnement ; seul le fait de savoir qu’elle ne peut faire confiance à personne, pas même à son propre fils, ou père, ou ami, réduit la victime humaine à une soumission totale. Depuis l’époque de Weishaupt, cette terreur secrète s'est établie en Occident. Ceux qui n’en ont aucune expérience personnelle peuvent comprendre le pouvoir qu’elle exerce de nos jours, même à des milliers de kilomètres de son siège central, à la lecture de la description que fait M. Whittaker Chambers de sa fuite dans la clandestinité après qu’il eut résolu de rompre avec ses maîtres communistes.

Quant au nombre de membres des Illuminati, les documents découverts montrèrent qu’après dix ans d’existence, l’ordre comptait plusieurs milliers de membres, dont beaucoup occupaient des postes importants dans l’administration, où ils pouvaient exercer une influence sur l'action des dirigeants et des gouvernements. Ils incluaient même des dirigeants : le marquis de Luchet, un contemporain, relate qu’environ trente princes régnants et non

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régnants avaient lâchement rejoint un ordre dont les maîtres avaient juré de les détruire ! Étaient inclus les ducs de Brunswick, Gotha et Saxe-Weimar, les princes de Hesse et Saxe-Gotha, et l’Électeur de Mayence ; Metternich, le pédagogue Pestalozzi, des ambassadeurs, des politiciens et des professeurs. Au-dessus de tous, se trouvait celui qui vingt ans plus tard, devait écrire le chef-d’oeuvre le plus célèbre au monde sur le thème du jeune homme qui a vendu son âme au diable. Il est difficile de résister à la conclusion que Faust était en vérité l’histoire de Goethe et de l’Illuminisme ; son thème est essentiellement le même que celui de Witness et d’autres oeuvres contemporaines dont les auteurs ontéchappé au communisme.

Ces listes étaient manifestement incomplètes, pour la raison précédemment évoquée selon laquelle des précautions avaient déjà été prises avant que les autorités bavaroises ne fassent une incursion aux domiciles des principaux associés de Weishaupt, en 1786. Pour la même raison, les documents découverts ne révèlent qu’une partie du territoire sur lequel s’étaient étendus les Illuminati ; le diagramme de Weishaupt montra que l’ordre secret était construit de façon telle que plus d'un segment ne puisse jamais être découvert ou endommagé. Il est possible, toujours pour la même raison, que Weishaupt n’ait été qu’un chef de groupe ou de région, et que la haute administration de ce qui était manifestement une organisation mondiale-révolutionnaire ne fut jamais démasquée.

Ce qui est sûr, c'est que bien que les documents illuministes ne contiennent aucun nom ou autre indication de nature à révéler son pouvoir en France, la Révolution française, lorsqu'elle débuta trois ans plus tard, devint une attaque contre toute autorité civile et toute religion, une attaque identique à celle planifiée par Weishaupt et ses associés. Depuis ce jour, les écrivains au service de la révolution mondiale (leur nom est légion dans tous les pays) n’ont jamais cessé de nier toute connexion quelle qu'elle soit entre l’Illuminisme et la Révolution française ; ils soutiennent ingénument que puisque la société secrète fut interdite en 1786, elle ne put avoir de rapport avec un événement de 1789.

La vérité est que l’Illuminisme, bien qu’interdit, ne fut pas plus éradiqué que le communisme ne le serait aujourd’hui par une interdiction légale, et que ses agents donnèrent à la Révolution française ses marques de fabrique qui l’identifient comme l’oeuvre de révolutionnaires mondiaux, et non de Français mécontents. Les actes commis sous la Terreur étaient d’une nature inimaginable avant qu’ils ne soient commis, mais ils étaient depuis longtemps familiers, en imagination, aux Illuminati. Dans quels autres esprits l’idée que les récipients du souper sacramentel devaient être transportés sur un âne

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en procession publique dans les rues de Paris aurait-elle pu prendre forme ? Ils étaient éduqués dans la tradition antique d’une telle parodie, et leurs propres initiés étaient admis au cours d’une cérémonie parodiant le sacrement. Dans quel cerveau, sinon celui de Weishaupt, l'idée d’introniser à Notre-Dame une actrice comme Déesse de la Raison aurait-elle pu naître ?

« Pour les besoins d'évocation diabolique… il est requis… de profaner les cérémonies de la religion à laquelle on appartient, et de piétiner ses symboles les plus sacrés » ; c’est la description que fait M. A.E. Waite de la formule de magie noire, et la magie noire et le satanisme étaient deux des ingrédients du breuvage illuministe.

Weishaupt et ses proches, ou peut-être ses maîtres, proposèrent de s’introduire en France par leurs agents - des Illuminés secrets – et ce, en haut lieu. Au cours de ce siècle, nous avons vu quels formidables résultats peuvent être obtenus par cette méthode ; le résultat avorté de la Seconde Guerre mondiale, et l'état de trêve armée dans lequel elle a laissé le monde, fut provoqué par des hommes tels que Hiss et White, et les hommes haut-placés qui les protégeaient. Weishaupt choisit la manière parfaite pour obtenir un tel pouvoir sur les affaires et les événements français : passer par une autre société secrète très puissante, qu’il infiltra et dont il s'empara selon les méthodes exposées dans ses documents. Cette société était le Grand Orient de la franc-maçonnerie.

Le plan pour prendre le contrôle de la franc-maçonnerie par le biais d’agents illuministes, et le succès accompli, est exposé clairement dans les documents de Weishaupt. Il note d’abord : « J’ai réussi à obtenir un aperçu en profondeur des secrets des francs-maçons ; je connais leur but global et l'annoncerai au bon moment à l’un des degrés supérieurs ». Par la suite, il donna l’ordre général à ses « aréopagites » de s'engager dans la franc-maçonnerie : « Nous aurons alors notre propre loge maçonnique… nous la considérerons comme notre pépinière… à chaque occasion, nous nous protégerons grâce à elle… ».

Cette technique d’avance « à couvert » (qui est toujours fondamentale au communisme aujourd’hui) était le principe directeur : « Du moment que le but est atteint, peu importe sous quelle couverture cela se passe ; et une couverture est toujours nécessaire. Car dans la dissimulation se trouve une grande partie de notre force. Pour cette raison, nous devons toujours nous couvrir avec le nom d’une autre société. Les loges sous les ordres de la franc-maçonnerie sont pour le moment la couverture la plus appropriée à notre but ultime … on ne peut oeuvrer contre une société dissimulée de cette manière… En cas de poursuites ou de trahison, les supérieurs ne peuvent pas être

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découverts… Nous serons enveloppés dans une obscurité impénétrable qui nous protégera des espions et des émissaires d’autres sociétés. »

Une fois de plus, on reconnaît clairement la méthode communiste d’aujourd’hui dans ces mots ; ils pourraient s’appliquer à la « capture » de partis, d'associations et de sociétés actuels, sans en changer une syllabe. L'étendue du succès de Weishaupt se retrouve clairement dans un extrait d'une complainte prononcée cinq ans après le début de la Révolution Française, par le duc de Brunswick, Grand Maître de la franc-maçonnerie allemande, qui fut aussi un Illuminé. En 1794, il dissout l’ordre, disant avec des accents de surprise attristée : « …

Nous voyons notre édifice » (la franc-maçonnerie) « s’écrouler et recouvrir la terre de ruines ; nous voyons la destruction que nos mains ne peuvent plus arrêter… Une grande secte a surgi qui, en prenant pour devise le bien et le bonheur de l’homme, a travaillé dans l’obscurité de la conspiration pour faire du bonheur de l’humanité une proie pour elle-même. Cette secte est connue de tous ; ses frères ne sont pas moins connus que son nom. Ce sont eux qui ont sapé les bases de l’Ordre au point de le renverser complètement ; c’est par eux que toute l’humanité a été intoxiquée et égarée pour plusieurs générations… Ils ont commencé en jetant la réprobation sur la religion… le plan qu’ils avaient formé pour briser tous les liens sociaux et détruire tout ordre a été révélé dans tous leurs discours et leurs actes… ils ont recruté des apprentis de tous les rangs et dans tous les postes ; ils ont trompé les hommes les plus perspicaces en prétextant faussement des intentions différentes… Leurs maîtres n'avaient en vue rien moins que les trônes terrestres, et le gouvernement des nations devait être dirigé par leurs cercles nocturnes. C’est ce qui s’est passé, et se passe encore. Mais nous remarquons que les princes et les peuples ignorent la manière et les moyens dont cela est accompli. C’est pourquoi nous leur disons en toute franchise : l’usage impropre de notre Ordre… a causé tous les troubles politiques et moraux dont le monde est rempli aujourd’hui. Vous qui avez été initiés, vous devez vous joindre à nous en élevant vos voix, afin d’apprendre aux peuples et aux princes que les sectaires, les apostats de notre Ordre, ont été et seront les seuls auteurs des révolutions présentes et futures… Afin d'extraire jusqu'à la racine l’abus et l’erreur, nous devons dès ce moment dissoudre l’Ordre entier… »

Avec cette citation, le présent récit à fait un bond, ce qui nous amène cinq ans avant les événements, afin de montrer que l’un des plus importants francs-maçons de cette génération, lui-même un pénitent, identifia les Illuminati comme les auteurs de la Révolution française et des révolutions futures. Le succès de Weishaupt dans son intention déclarée de s'emparer de la franc-maçonnerie de l’intérieur, et le rôle joué alors par les agents illuministes à l’intérieur de la franc

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maçonnerie afin de dirigier la révolution, ne pouvaient être certifiés par une meilleure autorité que le Grand maître de la franc-maçonnerie allemande lui-même.

Sous cette influence insufflée, la franc-maçonnerie, très puissante en France, suivit un cours extrême et engendra les clubs jacobins ; ceux-ci, toujours sous influence illuministe, présidèrent à la Terreur, où les auteurs masqués de la révolution révélèrent sa vraie nature par leurs actions. Tout comme la révolution russe 130 ans plus tard, la Révolution française afficha alors sa haine des pauvres et des faibles plus que celle des riches, des paysans de Vendée plus que de leurs prétendus oppresseurs, de toute beauté en tant que telle, des églises et de la religion, de tout ce qui pouvait élever l’âme humaine au-dessus des besoins et des désirs animaux.

Adam Weishaupt devint lui-même franc-maçon en 1777, l’année suivant la fondation de ses Illuminati, en intégrant une loge de Munich. Le comte Mirabeau, qui fut plus tard le dirigeant révolutionnaire français, était au courant tant de l’intention que de la raison secrète de Weishaupt de rejoindre les francs-maçons, car ses Mémoires incluaient un document daté de 1776 qui présentait un programme identique à celui des Illuminati, et dans son Histoire de la Monarchie Prussienne, il se réfère nommément à Weishaupt et aux Illuminati, et dit : «

La Loge Théodore de Bon Conseil à Munich, au sein de laquelle il y avait quelques hommes ayant de l’intelligence et du coeur, était fatiguée d’être ballottée par les vaines promesses et querelles de la Maçonnerie. Les chefs se résolvèrent à greffer sur leur branche une autre association secrète qu'ils nommèrent l'Ordre des Illuminés. Ils la modelèrent sur la Compagnie de Jésus, tout en proposant des vues diamétralement opposées. »

Ce sont précisément l'intention et la méthode décrites par Weishaupt dans sa propre correspondance, et c’est la preuve que Mirabeau, le dirigeant révolutionnaire, les connaissait à l’époque, c’est à-dire en 1776. De plus, ses mots suggèrent que la société secrète des Illuminati fut fondée dans l’intention explicite de prendre le contrôle de la franc-maçonnerie et, à travers elle, de provoquer et de diriger la révolution. La complicité de Mirabeau concernant toute l’entreprise depuis le début est suggérée par le fait que le document daté de 1776 (l’année de la fondation des Illuminati) lui attribue le « nom de couverture » illuministe « Arcesilas », si bien qu’il dut être un membre fondateur, avec Adam Weishaupt, et par la suite un Illuminé important. Mirabeau, en tant que lien entre Weishaupt et la Révolution Française, est incontournable. L’éditeur de ses Mémoires, M. Barthou, fait observer que « le plan de réforme » de 1776, trouvé dans les documents de Mirabeau, « ressemble beaucoup, dans certaines

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parties, à l’oeuvre accomplie plus tard par l’Assemblée Constituante » (le Parlement révolutionnaire de 1789). C’est une autre façon de dire que le travail de l’Assemblée Constituante ressemblait beaucoup au plan d’Adam Weishaupt de 1776, lorsque Mirabeau et lui étaient en train de fonder les lluminati et prévoyaient ensemble de prendre le contrôle de la franc-maçonnerie.

Les autres étapes de la capture clandestine de la francmaçonnerie par Weishaupt sont également claires dans ces archives. Au congrès général de 1782 (sept ans avant la Révolution) à Wilhelmsbad, les Illuminati attirèrent tant de recrues que l’Ordre de la Stricte Observance, auparavant le corps le plus puissant de la francmaçonnerie, cessa d’exister. La voie vers la victoire totale dans le monde maçonnique fut ouverte quand les Illuminati recrutèrent les deux personnages les plus importants de la franc-maçonnerie allemande, le duc Ferdinand de Brunswick (futur pénitent) et le prince Carl de Hesse.

En 1785, des émissaires illuministes assistèrent à un autre congrès général à Paris, et dès ce moment, il semble que la planification détaillée de la Révolution devint la tâche de la Loge des Amis réunis, qui était une « couverture » pour les Illuminati. L’effacement des traces à ce stade est le résultat de la notoriété que l’ordre acquit en Bavière, de sa proscription l’année suivante, en 1786, et de la destruction des preuves. Néanmoins, en 1787, les mêmesémissaires vinrent en visite à Paris, sur invitation du comité secret de la Loge.

Même avant que la Révolution ne se soit vraiment étendue, le fait qu’elle était provoquée et dirigée par l’Illuminisme était connu et public. L’acte d’accusation et l’avertissement prononcés par le marquis de Luchet se révèlent être aujourd’hui une prédiction étonnamment exacte, non seulement concernant le cours que la révolution prendrait en France, mais aussi le cours ininterrompu de la révolution mondiale jusqu’à nos jours. Déjà en 1789, il écrivait :

« Sachez qu’il existe une conspiration en faveur du despotisme contre la liberté, de l'incompétence contre le talent ; du vice contre la vertu, de l’ignorance contre l’instruction… Cette société vise à diriger le monde… Son but est la domination universelle… Aucune calamité de ce genre n’a encore jamais affligé le monde… »

De Luchet décrivait précisément le rôle que le monarque serait forcé de jouer pendant la phase des Girondins (« le voir condamné à servir les passions de tout ce qui l’entoure… à élever des hommes avilis au pouvoir, à prostituer son jugement par des choix qui déshonorent sa sagesse ») et la situation critique dans laquelle la Révolution laisserait la France (« Nous ne voulons pas dire que le pays où règnent des Illuminés cessera d’exister, mais il tombera dans un tel

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degré d’humiliation qu’il ne comptera plus dans la politique, que la population diminuera… »). Si l'on ne tenait pas compte de son avertissement, s'écriait de Luchet, il y aurait « une série de désastres dont la fin se perd dans l’obscurité des temps… un feu souterrain couvant éternellement et éclatant périodiquement en explosions violentes et dévastatrices. »

Les événements des 165 dernières années ne furent pas mieux décrits que dans ces paroles de de Luchet, qui les avait prédits. Il prévit également le mécène « libéral et progressiste » de la revolution, qui devait grandement aider à provoquer les « explosions violentes et dévastatrices » de ces 165 années : « il y a trop de passions qui voient un intérêt à soutenir le système des Illuminés, trop de dirigeants trompés, s’imaginant eux-mêmes éclairés, prêts à précipiter leur peuple dans l’abîme. » Il prévit la force et l’emprise ininterrompues de la conspiration : « les chefs de l’Ordre n’abandonneront jamais l’autorité qu’ils ont acquise ni le trésor dont ils disposent. » De Luchet appela la franc-maçonnerie à nettoyer ses écuries tant qu’il en était encore temps : « Ne serait-il pas possible de diriger les francs-maçons eux-mêmes contre les Illuminés, en leur montrant que pendant qu’ils travaillent à maintenir l’harmonie dans la société, les autres sèment partout les graines de la discorde et préparent la destruction finale de leur ordre?». 165 ans plus tard, en Grande-Bretagne et en Amérique, les hommes appelèrent leurs gouvernements en ces termes exacts, et tout aussi vainement, à « purger » les fonctions et services publics en expulsant les Illuminés, appelés alors communistes.

La portée de la prédiction de de Luchet est donnée par le fait qu’il écrivait en 1789, alors que la Révolution française était à peine une révolution : elle était universellement considérée comme une simple réforme modérée et salutaire qui laisserait au monarque un pouvoir raisonnable, corrigerait des maux évidents et établirait la justice et la liberté pour toujours dans une France heureuse et régénérée ! C’était encore la croyance générale en 1790 lorsque, de l’autre côté de la Manche, un autre homme vit la vraie nature de la Révolution et « prédit avec une étrange exactitude le cours des événements », pour citer M. John Morley, son biographe plus d’un siècle plus tard.

Edmond Burke, un Irlandais, fut l’un des plus grands orateurs que la Chambre des communes britannique ait jamais connus. Le temps est le révélateur de la qualité d’un tel homme et, au fil des années, les expressions utilisées dans son attaque contre la Révolution française résonnent encore plus magnifiquement ; comme dans le cas de de Luchet, ce qui est frappant est que cette attaque fut publiée en 1790, alors que les noms de Robespierre et de Danton étaient à peine connus, avant que le mot « république » n'ait été entendu, alors que le roi attendait avec impatience de longues années de règne

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constitutionnel, alors que la France entière célébrait joyeusement l’amélioration pacifique qui venait d’être réalisée. L’ombre du doigt tendu de Burke traversa soudainement cette scène heureuse, pointant« comme un prophète inspiré » vers la ruine prochaine. Son biographe dit : « Il n’est pas étonnant que quand le nuage éclata et que la ruine fut accomplie, des hommes se tournèrent vers Burke comme ils se tournaient autrefois vers Ahitopheth, à qui ils demandaient conseil comme s'ils demandaient l'oracle de Dieu ».

Malheureusement, ce n'est pas l'image exacte de ce qui se produisit quand l’avertissement de Burke se réalisa. De nombreux hommes se retournèrent contre Burke, et non vers lui, précisément parce qu’il avait dit la vérité ; en effet, le pouvoir que la conspiration, même à cette époque, exerçait sur la presse et le débat public est très clairement montré dans la manière dont la flatterie à son égard se transforma subitement en attaque et en diffamation après qu’il eut publié ses Réflexions sur la Révolution. Les IIlluminés et les organes et orateurs « libéraux et progressistes » contrôlés par ces derniers avaient beaucoup compté sur Edmund Burke, car il avait soutenu la cause des colons américains une décennie plus tôt. Comment pouvait-il soutenir une révolution et en attaquer une autre, demandérent-ils avec colère, et Burke fut l'objet d'une attaque générale que la presse unie, à notre époque, garde en réserve pour tout homme qui exige publiquement une enquête sur le communisme-au-sein-dugouvernement.

Si Burke avait suivi la ligne « progressiste » et avait prétendu que la Révolution française aiderait « l’homme du commun », la flatterie à son égard aurait continué, mais dans ce cas, rien de ce qu’il eût dit n’aurait eu de valeur durable, ou ne serait resté dans les mémoires aujourd’hui. Les choses étant ce qu’elles sont, les paroles inspirées de son attaque contre la révolution ont la lueur impérissable de l’or : «Elle s'en est allée, cette sensibilité de principe, cette chasteté d’honneur, qui ressentait la souillure comme une blessure… L’âge de la chevalerie a disparu. Celui des sophistes, des économistes et des calculateurs lui a succédé ; et la gloire de l’Europe s’est éteinte pour toujours. »

Si ces mots, eux aussi, étaient une prophétie inspirée (et en 1955, ils semblent plus exacts qu’ils ne l’étaient même en 1790), au moins, la chrétienté et l’Occident trouvèrent en Raymond Burke un pleureur éloquent et noble. Car il connaissait la différence entre les « révolutions » aussi clairement qu’il vit la veritable nature de l’événement de France. Il n’était pas prêt d’être embobiné par le fait que quelqu’un avait qualifié trompeusement de « révolution » une guerre coloniale d’ indépendance, menée par des propriétaires terriens. En véritable ami de la liberté, il avait soutenu l’offre des colons de

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s'auto-gérer et d’être maîtres chez eux. Il n’y avait pas la moindre ressemblance entre leurs motivations et celles des hommes secrets qui, comme Burke le décela, étaient derrière la Révolution française. Il tendit donc un doigt accusateur et ne tint aucun compte des reproches des « libéraux » et des « progressistes », tout comme il n'avait pas tenu compte de leur flatterie auparavant (Edmund Burke savait assurément que leur éloge n’avait alors pas été animé par une quelconque sympathie pour les marchands de Nouvelle Angleterre ou les planteurs du Sud).

En Amérique, à ce moment-là, le sentiment général à propos de l’événement en France était une sensation d’illusion, provoquée par la confusion des idées que Burke rejetait. Il y avait, pour lors, la notion populaire qu’une autre « révolution » bienveillante s'était produite, quelque peu semblableà la « révolution américaine ». Il y eut une« frénésie française » transitoire, où les Américains portèrent des cocardes et des bonnets phrygiens, dansèrent, festoyèrent et défilèrent sous des drapeaux français et américains entremêlés, et crièrent« Liberté, Égalité, Fraternité. » Avec la Terreur, cette phase d’illusion fut suivie d'une phase de dégoût et d’horreur.

Les leaders jacobins dirigèrent la Terreur et, comme de bons Illuminés, ils utilisaient des pseudonymes classiques tel que l’avait initié « Spartacus » Weishaupt lui-même : Chaumette était Anaxagoras, Clootz (décrit comme un baron prussien) était Anarcharsis, Danton Horace, Lacroix Publicola et Ronsin Scaevola. Lorsqu'ils eurent réussi la phase-Kerenski, ces terroristes exécutèrent fidèlement le plan des Illuminati, et par le meurtre d’un roi et la profanation des églises, exprimèrent les deux notions principales de ce plan : la destruction de tout gouvernement légitime et de toute religion. Cependant, ils n’étaient eux-mêmes que des outils, car un contemporain, Lombard de Langres, écrivit sur cette « convention la plus secrète qui dirigea tout après le 31 mai, un pouvoir occulte et épouvantable dont l’autre Convention était devenue l’esclave et qui était composée des principaux initiés de l’Illuminisme. Ce pouvoir était au-dessus de Robespierre et des comités du gouvernement… Ce fut ce pouvoir occulte qui s’appropria les trésors de la nation et les distribua aux frères et amis qui avaient contribué au grand-oeuvre. »

C’est cette image d’hommes hauts placés faisant la volonté d’une secte suprême, dissimulée mais manifestement dirigeante, qui donne à la Révolution l’aspect d’un spectacle de marionnettes démoniaque, joué sur fond de flammes rouges vacillantes dans une odeur de soufre. La révolution, non pas la Révolution française ; quelle que soit la véritable nature de la révolution anglaise, il n’y a eu depuis 1789 qu’une seule révolution permanente. Il n’y a pas eu d’éruptions épisodiques, déconnectées, en 1848 et 1905 et ainsi de suite, mais des

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éruptions récurrentes « d’un feu souterrain couvant éternellement », que de Luchet et Burke avaient prédit avant l’événement. Toutefois, ce qui a une grande valeur historique dans les annales de la Révolution Française est la preuve fournie par elle de l’utilisation d'hommes dans un but incompris de ceux-ci. Ceci donne à la révolution, jadis et maintenant, son empreinte singulière et satanique ; elle est, comme Lombard de Langres l’écrivit, « le code de l’enfer ».

Alors que la révolution déclinait, trois hommes émergèrent, en France, en Angleterre et en Amérique, qui virent clairement trois choses la concernant : ils virent que son cours avait suivi le diagramme révélé par les documents Illuminati en 1787 ; que cette société secrète avait été capable, au travers de la franc-maçonnerie, de la provoquer et de la diriger ; et que la ligue secrète des conspirateurs, avec son plan ininterrompu pour la révolution mondiale, avait survécu et préparait les prochaines « explosions violentes et dévastatrices » prédites par de Luchet. Ces trois hommes étaient l’abbé Baruel, jésuite et témoin oculaire de la Révolution ; le professeur John Robison, un scientifique écossais qui pendant plus de vingt ans avait été secrétaire général de la Société Royale d’Edimbourg ; et le Révérend Jedediah Morse, ecclésiastique et géographe de Nouvelle Angleterre. Il étaient tous trios des hommes distingués. Les ouvrages de l’abbé Baruel et du professeur Robison, et les sermons du révérend Morse (tous de 1797- 98) recurrent de nombreuses éditions et sont encore indispensables aux étudiants de notre époque. Leurs oeuvres et leurs paroles attirèrent énormément l'attention du public et ils furent soutenus depuis Philadelphie par William Cobbett, dans son journal Porcupine’s Gazette ; il semble que M. Cobbett fut conduit à l’exil par le même pouvoir occulte qui avait entrepris de détruire Messieurs Baruel, Robison et Morse.

Le verdict de l’abbé Baruel sur ce qui s'était produit était identiqueà la prophétie de de Luchet auparavant, et à l’analyse de Lord Acton beaucoup plus tard :

« … Nous démontrerons que, même pour les actes les plus horribles commis pendant la Révolution française, tout fut prédit et déterminé, combiné et prémédité ; qu’ils furent le résultat d’une infamie mûrement pensée, puisqu’ils avaient été préparés et produits par des hommes qui possédaient seuls la clef de ces complots et conspirations, se cachant dans les réunions secrètes où ces derniers avaient été conçus… Bien que les événements quotidiens ne semblent pas avoir été combinés, il existait néanmoins un agent secret et une cause secrète, provoquant chaque événement et détournant chaque circonstance vers le but longtemps recherché… La grande cause de la révolution, ses caractéristiques principales, ses crimes atroces, resteront toujours une chaîne continue d’infamie profondément ancrée et préméditée

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Les trois hommes en arrivèrent à la même conclusion : « Une conspiration anti-chrétienne… pas seulement contre les rois, mais contre chaque gouvernement, contre toute société civile, même contre toute propriété quelle qu’elle soit » (abbé Baruel); «Une association a été formée dans le but exprès de déraciner tous les établissements religieux et de renverser tous les gouvernements existants d’Europe » (prof. Robison) ; « Le but exprès est de “déraciner et supprimer le christianisme, et de renverser tous les gouvernements civils”. » (M. Morse). Ils convinrent que ce qui était arrivé n’était pas simplement un épisode en France, né de circonstances françaises, mais l’oeuvre d’une organisation au plan continu dans tous les pays : un plan universel. Ils convinrent que cette organisation était la société secrète des lluminati, qu’elle avait inspiré et contrôlé la phase terroriste de la Révolution, qu’elle avait survécu et qu’elle était établie et forte en Angleterre et aux États-Unis. L’abbé Baruel en particulier donna un avertissement sur ce dernier point.

Les paroles et les écrits de ces trois hommes furent soutenus par les hommes publics importants de leur époque, et furent si pleinement corroborés par les événements, particulièrement à notre siècle, qu’historiquement, ils servent simplement à montrer que la révolution mondiale fut reconnue par certains, et son déroulement futur prédit, au moment de sa seconde apparition en Occident. Les efforts de ces trois hommes furent tout aussi vains à prévenir les ravages qui seraient provoqués plus tard par la conspiration, et c’est pourquoi les arguments de Messieurs Barruel, Robison et Morse présente un intérêt particulier.

Ce qui leur arriva prouve de manière plus concluante que n’importe laquelle de leurs propres paroles la chose même qu’ils s'efforcèrent de démontrer : l’existence et la puissance d’une société secrète travaillant, dans tous les pays, au dessein destructeur qu’ils décrivaient. Messieurs Barruel, Robison et Morse furent couverts d'injures. À leur époque, les journaux n'en étaient qu'à leurs premiers balbutiements et appartenaient d'ordinaire à un seul homme, qui en était également l'éditeur. Il devait donc être beaucoup plus difficile qu'aujourd’hui de prendre le contrôle d’une grande partie d’entre eux. L’attaque concentrée portée contre les trois hommes, dès l'instant où ils dirent que l’Illuminisme avait provoqué la Révolution française et qu'il existait toujours, démontre que même en 1797, les Illuminés contrôlaient de façon effective la presse en Amérique et en Angleterre.

Ce fut l’une des découvertes les plus surprenantes accomplies grâce aux recherches qui ont permis d’écrire ce livre. À mon époque, j’ai été forcé de me rendre compte que ce contrôle existe et qu’un auteur qui écrit sur la révolution mondiale dans l'esprit d’Edmond Burke verra toutes les voies de la publication se fermer à lui. Mme

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Nesta Webster relate la même expérience. Quand elle commença à écrire sur la révolution, au début des années 1920, un célèbre éditeur londonien lui dit : « Rappelez-vous que si vous adoptez un parti antirévolutionnaire, vous aurez tout le monde littéraire contre vous. » Elle dit qu’elle trouva cela extraordinaire, mais constata alors par l’expérience que l’éditeur avait raison, et mon observation a été identique. Cependant, je pensais que c’était une condition apparue au cours des trente dernières années, jusqu’à ce que j'étudie l’histoire de Messieurs Barruel, Robison et Morse ; je constatai alors que « le monde littéraire dans son ensemble » était tombé sur eux comme un seul homme en 1798, alors que la Terreur était récente. Rien ne m’a si clairement démontré que la ligne qui part de l’Illuminisme de 1789 pour arriver au communisme d’aujourd’hui n’est rien d’autre qu’une ligne d'héritage ; la même organisation poursuit le même but avec les mêmes méthodes, et même avec les mêmes mots.

Il y avait une autre chose curieuse à propos de l’attaque envers ces trois auteurs qui avaient adopté « un parti anti-révolutionnaire. » Peu après qu’il eurent attiré l'attention du public, les attaques dans les journaux commencèrent ; des attaques presque toujours anonymes. Elles utilisaient exactement le même langage (un double langage) que celui utilisé aujourd'hui dans des attaques semblables. Les trois hommes furent accusés d'entamer une « chasse aux sorcières », d’être des fanatiques et des alarmistes, de persécuter « la liberté d’opinion » et « la liberté d’enseignement », de déformer la pensée « libérale » et « progressiste », et autres choses du même genre. Après cela, l’attaque se poursuivait en calomnies et insinuations haineuses, et j’ai souvent retrouvé certaines expressions récurrentes qui furent employées dans la campagne menée contre un membre du Conseil américain, M. James Forrestal, en 1947-49 ; on disait leurs vies privées dissolues et leurs habitudes financières louches ; tout cela pour finir par l'insinuation familière qu’ils étaient « fous. » Cette insinuation est fréquente aujourd’hui, dans les étapes culminantes d’une campagne contre n’importe quel personnage anti-révolutionnaire ; elle est manifestement considérée comme une médecine particulièrement puissante dans le domaine de la diffamation. Cette forme particulière d’attaque pourrait trouver sa source originelle dans le Talmud, qui l’utilise contre Jésus (l’Encyclopaedia Juive, dans son article sur Jésus, renvoie ses lecteurs à l'ouvrage d’un auteur juif qui « est d'avis que des processus mentaux anormaux ont dû intervenir dans les propos et le comportement de Jésus. »)
En résumé, ces attaques contre Messieurs Barruel, Robison et Morse utilisaient un vocabulaire politique limité, identifiable aujourd'hui à celui de la révolution et de ses agents, et ce vocabulaire est maintenant si rebattu qu’il doit être communiqué à tous les initiés par quelque figure centrale de l’organisation. La campagne dirigée

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contre eux fut efficace, si bien que leurs avertissements, tout comme ceux de Burke, furent oubliés des foules. Cependant, la bande secrète (qui doit éprouver envers la vérité la même horreur que le diable éprouve envers la croix) continua à les craindre, si bien que la diffamation continua longtemps bien après leur mort ! Déjà, en 1918, l’université Columbia de New York alloua des fonds pour un travail de recherche coûteux conçu pour démontrer que les Illuminati étaient vraiment morts lorsqu'ils furent proscrits en 1786 et qu’ils ne pouvaient en aucun cas avoir provoqué ou survécu à la Révolution française ; dans cette publication toutes les qualificatifs en stock furent ressortis et utilisés à nouveau, comme si les trois morts étaient des « chasseurs de sorcières » encore en vie !

En 1918, la révolution russe n’avait qu’un an, et le moment fut apparemment considéré favorable pour une nouvelle tentative de démontrer que la Révolution française n'avait été qu'une affaire indépendante, n'ayant laissé aucune racine qui aurait pu surgir en Russie en 1917. Si Messieurs Barruel, Robison et Morse, où qu’ils se trouvassent à l’époque, purent observer ces événements, ils remarquèrent sans nul doute qu’en 1918 et au cours des années suivantes, le communisme avait trouvé dans l’université Columbia de New York un très bon terrain de chasse. (Parmi les malheureux jeunes hommes qui se firent piéger pour la cause, se trouvait M. Whittaker Chambers, dont le repentir et l'avertissement de 1939, s’ils avaient été pris en compte par le président Franklin Roosevelt, auraient pu changer le cours de la Seconde Guerre mondiale et de ce siècle pour le meilleur.)

Les deux premiers présidents de la République américaine, bien qu’ils n’aient pas agi efficacement contre la société secrète, en étaient profondément alarmés et savaient très bien que ce que Barruel, Robison et Morse avaient dit était vrai. L'un des derniers actes de George Washington fut, dans une lettre à M. Morse, d’exprimer l’espoir que son travail aurait « une diffusion plus générale… car il contient une information importante, peu connue, en dehors d’un petit cercle, mais sa dissémination serait utile, si elle était répandue dans la communauté. » (On peut supposer que le général Washington n’aurait pas dit à un Whittaker Chambers « d'aller se faire voir ailleurs »). Peu de temps auparavant, Washington avait informé un autre correspondant qu’il était tout à fait satisfait que « les doctrines des Illuminati et les principes du jacobinisme » se soient « propagés aux États-Unis. »

Pour tout dire, cela ne faisait aucun doute, car des sociétés secrètes étaient apparues aux États-Unis en 1793 - c'est-à-dire dans les dix années qui avaient suivi la naissance de la République - sous l’apparence de « Clubs Démocratiques. » Leur véritable nature fut

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clairement révélée par l’attitude du ministre français, Genet, à leur égard ; il afficha ouvertement une sympathie similaire à celle que les ambassadeurs soviétiques de notre generation affichent envers les organisations communistes, ou peut-être plus exactement, envers celles qui servent de « couverture » au communisme (le rapport entre les ambassades soviétiques et le parti révolutionnaire au sein du pays d’accréditation fut constaté par la masse de preuves documentaires recueillies au cours des enquêtes canadiennes et australiennes, respectivement en 1945-46 et 1954-55). George Washington, alors président en 1794, accusa ces « sociétés auto-créées » d’avoir provoqué l’émeute insurrectionnelle de Pennsylvanie connue sous le nom de Whiskey Rebellion. L’autorité de Washington était trop grande pour que l’on puisse l’accuser de mener une chasse aux sorcières, et les clubs s'enfoncèrent rapidement dans la clandestinité, mais à partir de ce moment, la présence sur le sol américain d’une organisation oeuvrant à la révolution mondiale fut connue de tous ceux qui voulaient savoir et étaient capables de résister au « lavage de cerveau » de la presse.

Le rôle qui, il est vrai, fut joué par le Grand-Orient de la francmaçonnerie, sous infiltration illuministe, dans la Révolution française fit que la franc-maçonnerie américaine se vit aussi suspectée, mais un débat franc sur cette question fut entravé par le fait que le grand Washington était le chef de la fraternité maçonnique. Les défenseurs de la franc-maçonnerie mirent fortement l’accent sur ce fait (manifestement selon le principe de « l’innocence par association »), et à l’occasion des obsèques de Washington en 1799, ils firent un grand étalage de leur fraternité avec le héros décédé. Par respect pour lui, plutôt que par une curiosité satisfaite, le débat public déclina alors, mais au moins deux éminents maçons, Amos Stoddard et le révérend Seth Payson, tout comme le duc de Brunswick en Europe, déclarèrent publiquement que les Illuminati avaient pénétré la franc-maçonnerie et travaillaient sous son nom. Le successeur de Washington, le président John Adams, adressa en 1798 un avertissement sévère à la francmaçonnerie :

« … la société des Maçons a découvert une science du gouvernement, ou un art de diriger la société, qui lui est particulière, et inconnue de tous les autres législateurs et philosophes du monde ; je veux dire non seulement l'habileté de se reconnaître mutuellement par des marques ou des signes que personne ne peut deviner, mais aussi le formidable pouvoir de permettre et de contraindre tous les hommes, et je suppose toutes les femmes, à tout instant, à garder un secret. Si cet art peut être appliqué, pour mettre de côté les maximes ordinaires de la société, et qu’il peut introduire la politique et la désobéissance au gouvernement, et toujours garder le secret, il doit être évident qu’une telle science et de telles sociétés peuvent être perverties à tous les desseins néfastes qui ont été suspectés… »

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Après cette réprimande publique, il est probable que seule la mort de Washington, qui eut lieu l’année suivante, aurait pu apaiser le désir public d’une enquête approfondie ; comme bien souvent dans ces affaires, les opposants à l’enquête profitèrent d’un événement sans aucun rapport qui détourna ou désarma l’attention publique. Néanmoins, le soupçon public dura pendant trois décennies, et mena à la formation d’un Parti anti-maçonnique, en 1827, qui, lors de sa convention d’État dans le Massachusetts, en 1829, déclara : « il y a la preuve d’une connexion étroite entre les ordres supérieurs de la francmaçonnerie et l’Illuminisme français ». Ce fut quasiment la dernière ruade du parti en faveur de l’investigation, car la convention d’État suivante, qui eut lieu dans le Vermont, en 1830, enregistra la suite dont notre siècle est aujourd’hui devenu familier : « … l’esprit d’investigation… fut rapidement et inexplicablement réprimé ; la presse était muette, comme si les voix de la sentinelle étranglée et de toute la population gardaient dans l'ignorance le fait qu'une alarme au sujet de la maçonnerie avait jamais été sonnée ».

En d'autres termes, les cris de l’appel à l’enquête avaient été couverts, tout comme aujourd'hui, par les cris opposes hurlant « chasse aux sorcières ». De ce moment à aujourd'hui, les Américains n'ont jamais réussi à pousser aucun gouvernement à mener une enquête en profondeur, et l'infiltration du gouvernement et des départements publics a continué, avec des résultats dévoilés seulement en partie par les révélations de 1948 et d’après. La situation en Angleterre s'est révélée similaire.

Dans les derniers paragraphes, ce récit a fait un bond de quelques années pour suivre le cours de l’embarras public américain concernant la franc-maçonnerie, jusqu’à sa fin en 1830 (le Parti anti-maçonnique est en réalité mort en 1840). Le récit retourne maintenant aux répercussions immédiates de la Révolution française, et ses conséquences sur le monde.

Le président Adams, comme le montre son livre Works, était tout à fait informé et persuadé de l’existence d’une conspiration universelle et permanente contre tout gouvernement légitime et toute religion. Il fit l’erreur, naturelle à son époque, de penser que le plan était un plan français, de même que les gens aujourd’hui, sans aucune excuse, parlent de communisme russe, bien que la nature internationale de la révolution se soit révélée depuis longtemps comme évidente, incontestablement.

Par sa Loi de sédition de 1798, le président Adams essaya de sauvegarder l’avenir de la République, mais le temps a montré depuis que les lois contre les sociétés secrètes et les conspirations (même si elles devraient être promulguées, pour établir l’illégalité de l’entreprise) sont inefficaces pour les contrôler, d’autant que l’organisation secrète

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a des siècles d’expérience pour se soustraire à de telles lois. La seule mesure efficace contre la conspiration secrète est l’enquête, la révélation publique et le remède, et cela n’a jamais été totalement employé.

L’homme public américain qui perçut le plus nettement la forme globale que prendrait l’avenir fut le confident de Washington, Alexander Hamilton. Il laissa parmi ses papiers un mémoire non daté (probablement de 1797-1800) qui disait :

« … l’ère actuelle est parmi les plus extraordinaires qui se soient produites dans l’histoire des affaires humaines. Certaines opinions, depuis longtemps maintenant, gagnent peu à peu du terrain ; ce sont celles qui menacent les bases de la religion, de la moralité et de la société. Une attaque a d’abord été lancée contre la révélation chrétienne, pour laquelle la religion naturelle fut proposée comme remplacement… L’existence même d’une Déité a été mise en doute et niée parfois. Le devoir de piété a été ridiculisé, la nature périssable de l’homme affirmée et ses espoirs limités à la courte durée de son état terrestre. La Mort a été proclamée comme un sommeil éternel, le dogme de l’immortalité de l’âme comme une duperie inventée pour tourmenter les vivants pour le bien des morts… Une connivence a été cimentée à tous les niveaux entre les apôtres et disciples de l’irréligion, et l’anarchie. La religion et le gouvernement ont tous deux été “stigmatisés” comme des abus… On a vu en France le développement pratique de ce système pernicieux. Il a servi de moteur pour corrompre toutes les institutions françaises historiques, civiles et religieuses, avec tous les freins mis en place pour atténuer la rigueur de l’autorité ; il a précipité la France tête la première dans une série de révolutions terribles, qui ont dévasté la propriété, fait des ravages dans les arts, ruiné les villes, désolé les provinces, dépeuplé les régions, rougi son sol de sang, et l’ont noyée dans le crime, la pauvreté et la misère ;… Ce système terrible a semblé pendant quelques temps menacer de subversion la société civilisée et d’introduire le désordre général parmi l’humanité. Et quoique les maux épouvantables qui furent ses seuls et uniques fruits mirent un frein à son progrès, il est à craindre que le poison ne se soit répandu trop largement et n’ait pénétré trop profondément pour être éradiqué à ce jour. Son activité a été suspendue, mais les éléments demeurent, concoctant de nouvelles éruptions quand l’occasion le permettra. Il est important de comprendre que l’humanité est loin de la fin des malheurs que ce système est supposé produire, et qu’il présage toujours une longue suite de convulsions, de révolutions, de carnages, de dévastations et de malheurs. Les symptômes de la trop grande prédominance de ce système aux États-Unis sont visibles de manière alarmante. C’est par son influence que des efforts ont été faits pour

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embarquer ce pays dans une cause commune avec la France, au début de la présente guerre ; pour inciter notre gouvernement à approuver et à promouvoir ses principes et opinions détestables avec le sang et le trésor de nos citoyens. C’est par son influence que chaque révolution qui réussit a été approuvée ou excusée ; que toutes les horreurs commises ont été justifiées ou atténuées ; que même la dernière usurpation, qui contredit tous les prétendus principes de la Révolution, a été considérée avec complaisance, et que la constitution despotique qu'elle a engendrée a été ingénieusement citée comme un modèle digne d’être imité. Dans le développement de ce système, l’impiété et l’infidélité ont progressé à pas de géants. On voit parmi nous des crimes prodigieux jusqu’ici inconnus … »

Pour nous, contemporains des années 1950, les résultats prédits ici nous sont si familiers que nous avons du mal à réaliser la compétence qu'il fallut, dans les années 1790, pour les prévoir si nettement ! De de Luchet, avant la Terreur (« une série de désastres dont le but se perd dans l’obscurité des temps… un feu souterrain couvant éternellement et éclatant périodiquement en explosions violentes et dévastatrices. ») à Alexander Hamilton, après la Terreur (« les éléments demeurent, concoctant de nouvelles éruptions quand l’occasion le permettra… l’humanité est loin de la fin des malheurs que ce système est supposé produire... une longue suite de convulsions, de révolutions, de carnages, de dévastations et de malheurs »), la forme que prendrait notre siècle fut prédite de la manière la plus exacte et la plus claire.

Le résultat final de toute cette prescience, en termes de précaution, fut nul.

Inutilement, mais massivement, tout arriva tel que ces hommes, et les Burke et Barruel, les Robison et Morse, l’avaient prédit ; comme un somnambule, l’Occident posa le pied sur toutes les mines qui avaient été placées. Les prophètes anti-révolutionnaires furent minimisés ; les orateurs et les auteurs révolutionnaires s’emparèrent du débat et furent applaudis.

Les guerres de Napoléon aidèrent à détourner l’attention du public du complot et de l’organisation qui avait été découverts. Dix ans après la Révolution française, les documents des Illuminati et la Révolution française étaient en passe d’être oubliés ; les foules commençaient à croire que la société secrète était vraiment morte, ou qu'elle n’avait jamais eu de rôle dans la Révolution, ou bien cela leur était égal. Vingt ans après la Révolution française, les Illuminati s’affairaient plus que jamais. Rien n’avait changé, sauf que les disciples de la secte en Angleterre et en Amérique avaient réussi, par leur pouvoir sur les informations publiées, à tromper l’opinion publique et à diffamer tous ceux qui avaient lancé un avertissement.

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Cette connaissance tardive concernant les Illuminati est récente ; Mme Nesta Webster la découvrit grâce à ses recherches. Elle provient des coffres de la police de Napoléon, qui ont maintenant livré leur contenu au chercheur et à l’historien. Ils montrent que, deux décennies après la Révolution et à la veille de la propre chute de Napoléon, les Illuminati étaient bien vivants et poursuivaient leur but inchangé.

François Charles de Berckheim était commissaire spécial de police à Mayence sous l’Empire, et franc-maçon. Il signala en 1810 que les Illuminati avaient des initiés partout en Europe et travaillaient dur pour introduire leurs principes au sein des loges de la francmaçonnerie : « L’Illuminisme est en train de devenir un grand et formidable pouvoir… les rois et les peuples en souffriront beaucoup, à moins que la prévoyance et la prudence ne brisent son mécanisme effrayant. » Un rapport ultérieur de 1814 confirme entièrement l’affirmation principale de Messieurs Barruel, Robison et Morse en 1797-99, à propos de la continuation de la société secrète :

« L’association la plus ancienne et la plus dangereuse qui est généralement connue sous la dénomination des Illuminés et dont la fondation remonte au milieu du siècle dernier… la doctrine de l’Illuminisme est subversive pour toute forme de monarchie ; la liberté sans limites, le nivellement absolu par le bas, tel est le dogme fondamental de la secte ; briser les liens qui lient le souverain au citoyen d’un État, voilà l’objet de tous ses efforts. »

Vingt ans après l’acte public de pénitence du Duc de Brunswick, Berckheim notait que « parmi les principaux chefs… se trouvent de nombreux hommes se distinguant par leur fortune, leur naissance et les dignités dont ils sont investis. » Il croyait que certains d’entre eux n’étaient « pas dupes de ces rêves démagogiques » mais « espèrent trouver dans les émotions populaires qu’ils suscitent les moyens de se saisir des rênes du pouvoir, ou en tout cas d’augmenter leurs richesses et leur crédit ; mais la foule des adeptes y croit religieusement… »

L’image évoquée dans ces mots (qui rappellent ceux de de Luchet, vingt-cinq ans auparavant) est, ou devrait être, familière aujourd’hui, car notre génération a montré à nouveau que l’avidité pour le pouvoir mène toujours les gens riches ou bien connus à s’associer avec des mouvements apparemment hostiles à leur richesse ou renommée, dans la croyance que, par eux, ils pourront peut-être devenir encore plus riches ou plus célèbres.

Berckheim donne ensuite une description de l’organisation et des méthodes des Illuminati qui reproduit l’image évoquée par la correspondance de Weishaupt en 1786, et pourrait être également une photographie du communisme à l’oeuvre au siècle présent. L’extrait

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suivant montre un groupe de personnages reconnaissables du XXe siècle, et quiconque étudiant attentivement notre époque pourrait attribuer un nom à chacun d’eux, cependant il fut écrit en 1813 :

« Comme la force principale des Illuminés se trouve dans le pouvoir des opinions, ils ont eux-mêmes entrepris dès le début de faire du prosélytisme auprès des hommes qui de par leur profession exercent une influence directe sur les esprits, tels que les littérateurs, les érudits et par-dessus tout, les professeurs. Ces derniers dans leurs chaires, et les premiers dans leurs écrits, propagent les principes de la secte en masquant le poison qu’ils font circuler sous mille formes différentes. Ces germes, souvent imperceptibles aux yeux du commun des mortels, sont ensuite développés par les adeptes des Sociétés qu’ils fréquentent, et la formulation la plus obscure est ainsi portée à la compréhension des moins avertis. » C’est par-dessus tout dans les universités que l’Illuminisme a toujours trouvé et trouvera toujours de nombreuses recrues ; les professeurs qui appartiennent à l’Association entreprennent dès le début d'étudier le caractère de leurs élèves. Si un étudiant témoigne d’un esprit vigoureux, d’une imagination ardente, les sectaires se saisissent immédiatement de lui ; ils prononcent à ses oreilles les mots Despotisme, Tyrannie, Droits du peuple, etc, etc. Avant même qu’il puisse attacher une quelconque signification à ces mots, à mesure qu’il avance en âge, en lisant des ouvrages choisis pour lui, et par des conversations habilement arrangées, il développe le germe déposé dans son jeune cerveau. Bientôt, son imagination fermente… Enfin, une fois qu’il a été complètement captivé, quand plusieurs années de tests garantissent à la Société le secret inviolable et la dévotion absolue, on lui apprend que des millions d’individus disséminés dans tous les États d’Europe partagent ses sentiments et ses espoirs, qu’un lien secret lie fermement tous les membres dispersés de cette famille immense, et que les réformes qu’il désire si ardemment devront arriver tôt ou tard. Cette propagande est facilitée par les associations d’étudiants existantes, qui se rencontrent pour étudier la littérature, pour faire de l’escrime, pour le jeu ou même la simple débauche. Les Illuminés s’insinuent dans tous ces cercles et les transforment en foyers pour la propagation de leurs principes. Tel est alors le mode continuel de progression de l’Association depuis ses origines jusqu’à l’instant présent ; c’est en introduisant dès l’enfance le germe du poison dans les classes les plus élevées de la société, en nourrissant les esprits des étudiants d’idées diamétralement opposées à cet ordre des choses sous lequel ils doivent vivre, en brisant les liens qui les lient aux souverains, que l’Illuminisme a recruté le plus grand nombre d’adeptes… »

Ainsi, l’Illuminisme survécut-il et prospéra-t-il dans l’obscurité après que ses « adeptes » dans les bureaux de redaction, les chaires

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d’université et les classes eurent fait taire la clameur publique réclamant son éradication. Depuis lors, la chose perdure depuis environ cinq générations : une proportion d’hommes renommés et une proportion de jeunes hommes dans les universités ont été, à chaque génération, attirés dans ce filet. La seule contre-mesure qui ferait réfléchir les aînés et ouvrirait les yeux aux jeunes imprudents serait une information publique complète sur le monde de la révolution et ses méthodes, et cela a été refusé de génération en génération, si bien que la secte secrète a maintenu son pouvoir et son emprise. Il ne peut y avoir qu'une seule explication à ce refus des gouvernements, de génération en génération, d’examiner et de démasquer : à savoir qu’à notre époque comme à celle de Weishaupt, la secte a ses « adeptes » dans les gouvernements eux-mêmes ; notre siècle en a donné suffisamment de preuves.

Quid de Weishaupt lui-même, vingt ans et plus après son exposition et l'interdiction de son ordre ? En 1808, il cherchait à s’informer sur un point du rituel maçonnique, et ses recherches attirèrent l’attention d’un membre éminent du Grand Orient, le marquis de Chef-de-Bien, qui écrivit alors dans une lettre à un ami que l’Illuminisme avait fourni les hommes qui « poussèrent à la révolte, la dévastation, l’assassinat » : Quand Weishaupt mourut, en 1830, son ordre était probablement plus fort qu’il l’avait jamais été, mais était sur le point de changer de nom ; la même organisation, avec les mêmes buts, devait émerger dans les années 1840 en tant que communisme. La suite de cette histoire appartient aux chapitres ultérieurs, et à ce stade, le présent récit prend congé d’Adam Weishaupt, l’homme dont le nom est identifié pour toujours à l’apparition de la révolution mondiale en tant qu’idée et ambition permanentes, propagée par une organisation permanente de conspirateurs secrets dans tous les pays, et n’ayant absolument rien à voir avec le fait de remédier à l’oppression ou l’injustice ; ces maux, elle désirait les aggraver et les perpétuer.

Quels que soient ses inspirateurs, quelle que soit la source originelle de sa grande connaissance de la faiblesse humaine, Weishaupt, comme le dit Mme Nesta Webster, « rassembla dans ses mains les fils de toutes les conspirations, et fut en mesure de les tisser ensemble en une gigantesque combinaison pour la destruction de la France et du monde. » Au sein de son armée, des hommes de toutes classes et d’opinions les plus diverses furent soudés ensemble par des liens d’infamie qui semblaient aussi forts que ceux de la foi et de l’honneur : « L'admirable système de compartiments étanches de Weishaupt les mettait dans l'impossibilité d'avoir connaissance de ces differences, et ils marchaient tous, inconsciemment ou pas, vers le même but. »

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S’il y eut de multiples courants de mécontentement auparavant, Weishaupt les fusionna en un seul. Avec lui et l’Illuminisme, « la vague théorie subversive devint une révolution active » ; l’État-major fut formé, l'ordre de bataille établi, l’objectif clarifié. Aujourd’hui, presque deux cents ans plus tard, la conséquence en est également claire : la révolution mondiale destructrice doit l’emporter sur la chrétienté et l’Occident, les réduisant tous deux en ruines, ou alors elle sera ellemême écrasée et brisée. Il n’y a aujourd’hui pas de troisième solution ou de moyen terme ou de fin différente au conflit révélé en 1786. Les hommes publics de premier plan, tout comme les partisans de la secte le virent dès le début. Dès 1875, Mgr Dillon énonça avec concision ce fait inaltérable : «

Si Weishaupt n’avait pas vécu, la Maçonnerie aurait pu cesser d’être un pouvoir après la réaction consecutive à la Révolution française. Il lui donna une forme et un caractère qui lui permirent de survivre à cette réaction, de la stimuler jusqu’à aujourd'hui, et qui la feront progresser jusqu’à ce que son conflit ultime avec le christianisme détermine qui, de Christ ou de Satan, régnera finalement sur cette terre. »

Le présent livre est une étude de « la question juive » en tant que question la plus importante dans les affaires du monde à l’heure actuelle ; pourtant, le présent chapitre (le plus long jusqu’ici) sur la révolution mondiale n’a fait aucune mention de la question juive ou des juifs. Il y a une raison à cela. Cinquante ans après la Révolution française, la révolution mondiale était sous direction judaïste, mais l’instigation judaïste originelle de la révolution mondiale dans sa phase française ne peut être démontrée. La possibilité reste donc ouverte que la révolution mondiale n’était pas au départ une entreprise judaïste, mais une entreprise dont la secte dirigeante du judaïsme devint par la suite l’actionnaire principal. Rien de défini ne peut être établi d’une façon ou d’une autre ; la dissimulation des pistes est le premier principe des tactiques révolutionnaires.

Apparemment
, les juifs ne prirent pas part, ou très peu, à la conspiration-maîtresse (celle de Weishaupt et de ses Illuminati), et jouèrent simplement un rôle proportionnel, comme tous les autres acteurs, dans la Révolution française. Quant à la première conspiration, l’autorité principale sur ce sujet, Mme Nesta Webster, dit : « il semble que les juifs n'aient été admis au sein de l’Ordre que dans de rares cas ». Leopold Engel, un personnage mystérieux qui réorganisa l’Ordre en 1880, va plus loin, en déclarant que le recrutement des juifs était interdit. D’autre part, Mirabeau, un Illuminé et révolutionnaire majeur, s’identifia aux exigences et prétentions judaïstes, si bien que toute restriction sur la présence effective de juifs au sein de l’Ordre fut peut-être une méthode de « couverture » du

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genre de celles que Weishaupt considérait comme étant d’une importance suprême.

Les meilleures autorités à l’époque reconnurent que les Illuminati étaient les instigateurs de la Révolution et qu’ils comptaient des hommes de tous les pays. Le chevalier de Malet dit : « Les auteurs de la Révolution ne sont pas davantage français qu’allemands, italiens, anglais, etc. Ils forment une nation particulière qui a pris naissance et a grandi dans l’obscurité, au milieu de toutes les nations civilisées, avec pour objet de les soumettre à leur domination. » C’est également l’image que le chercheur d’aujourd’hui tire d'une étude de la littérature de la Révolution française ; elle diffère entièrement de l’image de la révolution russe de 1917, à laquelle ces mots ne peuvent s’appliquer.

Dans la Révolution française elle-même (en tant que distincte de la conspiration sus-mentionnée), le rôle joué par les juifs est assez clair, mais semble avoir été celui d'une « incitation au désordre » - que le Coran leur attribuait - plutôt que celui d’un contrôle ou d’une direction. À vrai dire, il est souvent difficile de distinguer les juifs, en tant que tels, dans les rapports de l’époque, car les auteurs de l’époque ne les distinguaient pas comme tels. De plus, la révolution dans sa phase française semblait être contre toute religion et toute nationalité (dans la phase russe, une fois encore, ce n’était plus le cas). Ainsi, la foule qui apporta des croix et des calices à l’assemblée révolutionnaire, pendant que les églises de Paris étaient consacrées aux « Banquets de la Raison », comprenait-elle aussi des juifs qui fournirent des ornements de la synagogue pour l’étalage de la profanation. Aussi, au « Temple de la Liberté », un citoyen « élevé dans les préjugés de la religion juive » entreprit de prouver « que toutes les formes de cultes sont des impostures pareillement dégradantes pour l’homme. » Alexandre Lambert fils exprima alors cette protestation contre l’esclavage du Talmud :

« La mauvaise foi, citoyens, dont la nation juive est accusée, ne vient pas d'eux mais de leurs prêtres. Leur religion, qui leur permettrait uniquement de prêter à leurs compatriotes à un taux de 5 pour cent, leur dit de prendre tout ce qu’ils peuvent des catholiques ; il est même sanctifié comme une tradition dans nos prières du matin que de solliciter l’aide de Dieu pour prendre un chrétien en défaut. Il y a plus, citoyens, et c’est le sommet de l’abomination ; si une erreur est commise dans le commerce entre juifs, on leur ordonne de faire réparation : mais si sur 100 louis, un chrétien devait en payer 25 de trop, on n’est pas obligé de les lui rendre. Quelle abomination ! Quelle horreur ! Et d’où tout cela vient-il, si ce n'est des rabbins ? Qui a suscité des interdictions contre nous ? Nos prêtres ! Ah, citoyens, plus que tout au monde nous devons renoncer à une religion qui…

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en nous soumettant à des pratiques abêtissantes et serviles, nous rend impossible le fait d’être de bons citoyens 9.

» Si les juifs sont où que ce soit identifiés en tant que juifs (pas simplement en tant que participants) dans les pires actes de la révolution, c’est par vantardise juive, et non une accusation gentile. Par exemple, un auteur tel que M. Léon Kahn se donne du mal pour associer les juifs, nommément, à l’attaque contre le roi et la religion et ce, cent ans après les événements. C’est un exemple de l’effort laborieux - qui peut être retracé dans une bonne partie de la littérature judaïste - pour démontrer que rien de tel ne peut arriver dans le monde, sauf de la main de Jéhovah, c’est-à-dire des juifs. M. Léon Kahn ne pouvait apparemment dépeindre la Révolution française en d’autres termes que ceux de Daniel et Balthazar. N’eût été la révolution russe, on pourrait oublier M. Léon Kahn ; une fois de plus, c’est l’époque actuelle qui donne à ces descriptions d’événements anciens leur allure de vérité.

Durant la période suivant la Révolution française, il semble que les juifs, par leurs leaders, semblèrent uniquement tirer profit de la situation, comme ils en avaient le droit. Cependant, à la lumière de ce qui s'ensuivit, il est significatif que les juifs qui en profitèrent furent les « juifs de l’Est », et que ces convertis au judaïsme non-sémitiques ouvrirent à ce moment-là une première bréche dans les murs de l’Occident.

La plupart des juifs de France étaient séfarades, descendants de ces juifs espagnols et portugais qui avaient au moins quelque tradition ténue les liant à la Palestine. Tous les handicaps dont ces juifs établis depuis longtemps souffraient encore prirent fin par le décret de 1790, qui leur accordait tous les droits des citoyens français. En Alsace, une communauté d’ashkénazes, les juifs slaves, était apparue, et ces visiteurs venus de Russie n’étaient pas du tout appréciés, au point que la proposition de leur accorder la citoyenneté provoqua des débats orageux au sein de l’assemblée révolutionnaire, et une insurrection

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chez les paysans alsaciens. À cette occasion, les avertissements devenus familiers à l’Occident au cours des siècles précédents se firent à nouveau entendre. L’abbé Maury dit aux députés citoyens : « Les juifs ont traversé dix-sept siècles sans se mélanger aux autres nations… Ils ne doivent pas être persécutés, ils doivent être protégés en tant qu’individus et non en tant que Français, puisqu’ils ne peuvent être citoyens… Quoique vous fassiez, ils resteront toujours des étrangers parmi nous. » L’évêque de Nancy acquiesca : « On doit leur accorder protection, sécurité, liberté ; mais devrions-nous accepter dans la famille une tribu qui lui est étrangère, qui sans cesse tourne les yeux vers un pays commun, qui aspire à abandonner la terre qui la porte ? Le bien-être des juifs eux-mêmes nécessite cette protestation. »

Les juifs séfarades protestèrent aussi : « Nous osons croire que notre condition en France ne serait pas aujourd’hui remise en question si certaines demandes des juifs d’Alsace, de Lorraine et des Trois Évêchés n’avaient pas causé une confusion d’idées qui semble se refléter sur nous… À en juger par les documents officiels, elles semblent assez extraordinaires, puisque ces juifs aspirent à vivre en France sous un régime spécial, à avoir des lois qui leur seraient particulières, et à constituer une classe de citoyens séparée de toutes les autres. »

Cette protestation juive (une protestation récurrente à travers les siècles jusqu’à aujourd’hui, et toujours ignorée par les dirigeants gentils) fut aussi vaine que celle des marchands de Paris, trente ans auparavant, contre l’ouverture de leurs corporations aux juifs :

« Le marchand français dirige son commerce seul ; chaque maison commerciale est en un sens isolée ; tandis que les juifs sont des particules de mercure, qui à la moindre inclinaison se rassemblent en un bloc

Malgré toutes les oppositions, le décret émancipant les juifs d’Alsace fut adopté en 1791. Au moment où Napoléon accéda au pouvoir, un problème juif de premier ordre avait ainsi été créé pour lui, et - après son échec à le résoudre - pour le monde.

Dès ce moment, la secte dirigeante de la communauté juive employa tous ses efforts à réduire l’autorité des juifs originels, les séfarades, et à accroître celle de leurs groupe compact d’ashkénazes à l’Est ; à partir de là, les ashkénazes commencèrent à s’installer en Europe (et plus tard en Amérique), pour assumer la direction de la révolution mondiale et emporter partout avec eux l’attaque contre tout gouvernement, religion et nationalité légitimes.

Ce développement suivit la Révolution française, c'est-à-dire la première phase de la révolution mondiale, qui fut comme l’ouverture d’une porte ou la rupture d’une digue. À l’époque, tout ce que l’on

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pouvait raisonnablement dire sur les juifs eu égard à la Révolution, c'est qu’ils y avaient été impliqués comme les autres hommes, et en avaient profité plutôt plus que les autres hommes. La suite projeta une lumière différente sur tout cela, et commença à montrer une direction judaïste, et non une simple participation.

Car au cours du demi-siècle qui suivit la révélation du projet de révolution mondiale et l’éruption en France, les processus historiques de la communauté juive et de la révolution mondiale ne restèrent plus séparés ou distincts ; ils convergèrent. La conspiration ininterrompue et « les juifs » (dans le sens de la secte dominante) devinrent alors identiques et ne purent plus être regardés séparément. À partir du milieu du XIXe siècle, la révolution mondiale fut sous leadership juif ; quelle que fut la réalité des faits auparavant, elle passa alors entre ces mains-là.

Le témoin d’autorité, dont les paroles (tout comme celles de de Luchet, d’Alexander Hamilton et d’Edmund Burke auparavant) furent pleinement confirmées par les événements, fut un certain Benjamin Disraeli, Premier ministre d'Angleterre.

7. M. Whittaker Chambers, jeune Américain assez morbide et impressionnable fut «capturé » par les communistes à l'Université de Columbia à New York en 1925, et devint agent et courrier qui, travaillant sous un pseudonyme, transmit des documents officiels volés à ses supérieurs communistes. En 1938, dégoûté de son esclavage, il fuit le parti. En 1939, épouvanté par l'alliance entre le communisme et l'hitlérisme, il essaya d'informer le président Roosevelt de l'infestation des départements du gouvernement par des agents communistes et de l'espionnage qui y avait lieu, mais fut grossièrement repoussé, unémissaire présidentiel lui disant « d'aller se jeter dans le lac ». Par précaution, il avait dissimulé ses preuves (les photographies de centaines de documents officiels secrets) dans une cage d'ascenseur désaffectée, et au fil des années les oublia, car il n'en entendit plus parler avant 1948 ! Puis, son nom fut mentionné au cours d'une enquête provenant de révélations faites par un autre ancien agent communiste, et il fut cité à témoigner. C’est ce qu’il fit, et il fut immédiatement poursuivi en justice pour diffamation par un haut représentant gouvernemental, M. Alger Hiss, qu'il incrimina d’avoir volé des documents ultra secrets et de les avoir transmis, via M. Chambers, aux communistes. Pour sa propre protection, il contacta alors son parent à New York, et demanda si le paquet, dissimulé dans le cage d’ascenseur désaffecté dix ans auparavant, s’y trouvait toujours. Couvert de poussière, il était toujours là, et l'énormité de son contenu, réexaminé après dix ans, effraya M. Chambers lui-même. Il cacha le paquet dans un potiron, à sa ferme, où il apparut finalement à la lumière du jour lorsque M. Chambers dut présenter sa défense face à l'accusation de diffamation. Cela mena à la condamnation de son accusateur, M. Hiss, et à la révélation partielle d'un état d'infestation communiste au sein du gouvernement américain, si profond et si répandu que manifestement, la politique nationale américaine, pendant toute la période de la Seconde Guerre mondiale, devait être en grande partie sous l'influence directe des leaders de la révolution mondiale à Moscou. (Retournez)

8. Moses Mendelssohn écrivit ce texte il y a presque deux cents ans, et il définit correctement l'attitude judaïste de Kipling envers les « races inférieures qui n’ont pas la Loi ». À notre époque (1955), une proposition se répand dans la communauté juive pour amener théoriquement les races inférieures dans le giron des judaïstes, tout en perpétuant leur infériorité et leur exclusion. Comme le lecteur de ce livre se le rappellera, à l'ère préchrétienne, on cherchait les prosélytes, mais dès le début de la période chrétienne, l'hostilité judaïste à la conversion devint ferme et même féroce (à l'exception de la conversion massive des Khazars mongols, desquels viennent les ashkénazes d'aujourd'hui), et le Talmud dit que les « prosélytes, pour Israël, sont aussi irritants que la gale. » En 1955, un jeune rabbin non-orthodoxe, né en Allemagne mais vivant en Amérique, suggéra que le temps était venu que le judaïsme entreprenne le travail du missionnaire parmi les gentils. Les bases qu'il posa étaient identiques au dicton de Moses Mendelssohn ; ce rabbin, M. Jakob Petuchowski, réussit simplement à trouver une solution à ce qui avait semblé être une difficulté insoluble pour Mendelssohn (« Conformément aux principes de ma religion, je ne dois pas chercher à convertir quelqu'un qui n'est pas né selon nos lois ; … la religion juive y est diamétralement opposée » - c'est-à-dire, la conversion). M. Petuchowski proposa en fait que les conversions faites par sa mission telle qu’il l’exposait soient fondées sur une base qui donnerait un statut au converti, par rapport aux juifs originels, assez comparable à celui du Noir américain pendant l'ère esclavagiste, par rapport au Blanc dans sa grande plantation. On exigerait (en d’autres mots, on leur permettrait) des convertis qu’ils obéissent uniquement « aux Sept Lois de Noé, » (c’est vraisemblablement une allusion au neuvième chapitre de la Genèse) et non aux centaines de commandements et vetos attribués à Dieu par « la Loi mosaïque. ». De cette façon « les races inférieures » recevraient apparemment des mains du judaïsme la « religion de la nature et de la raison » recommandée pour eux par Adam Weishaupt, tout comme par Moses Mendelssohn. S'ils s'appelaient alors « juifs », ce serait plutôt comme le Noir de la plantation qui a pris le nom de famille de son propriétaire. Cette proposition ingénieuse fut peut-être suscitée par la réflexion que le pouvoir juif dans le monde est maintenant si grand qu'une solution au problème de statut des « races inférieures » devra être trouvée, si on veut que « La Loi » soit littéralement « observée ». Les propres mots de M. Petuchowski furent, « les juifs religieux croient vraiment que les plans pour le royaume de Dieu sur la terre ont été livrés à leur garde... Ces gentils qui ont donc à coeur ce plus grand salut, devraient être mis au courant de ce que le judaïsme a à offrir, et devraient être invités à unir leur destinée à la maison d'Israël. » Ce qui était « offert » là était en fait « la religion de la nature et de la raison. »(retournez)

9. La ligne en italique de cette citation offre une occasion opportune de faire remarquer que lorsqu’Alexandre Lambert fils prononça ces mots, la période rabbinique de l'histoire judaïste venait de commencer. Avant 1772 – date à laquelle la Pologne fut divisée - il y avait toujours eu une autorité visible, centrale, gouvernante ou dirigeante pour toute la communauté juive. Au début c'était le sacerdoce lévitique à Jérusalem et à Babylone. Sous Rome, c'était le parti politique dominant, les pharisiens, qui était dans les faits le gouvernement. Après la chute de Jérusalem et la diaspora, c'était le « gouvernement mobile » talmudique en Palestine, Babylonie, Espagne et Pologne. Après qu'il eut disparu de la vue en 1772, la période « rabbinique » commença, où l'autorité sur la congrégation entière de la communauté juive, pour autant qu'elle fût exercée, l’était via les rabbins, en tous lieux. Parmi ceux-ci, naturellement, se trouvaient des hommes de chaque degré de croyance et de tempérament, du plus extrême au plus modéré ; mais le présent siècle a montré que la majorité d'entre eux, comme à toutes les périodes précédentes de l'histoire juive, suivait « la Loi » littérale du judaïsme, qui du point de vue des gentils, évidemment, est l'extrémisme à son extrême. (retournez)

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