La Controverse de Sion

par Douglas Reed

 

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Chapitre 29

 

L’ambition de M. House

Tandis que dans cette entreprise toujours secrète, M. Balfour et ses associés s’avançaient vers le pouvoir en Angleterre pendant la Première Guerre mondiale, un groupe semblable d’hommes prenait secrètement forme dans la République américaine. La machine politique qu’ils construisirent produisit son plein effet presque cinquante ans plus tard, quand le président Truman fondit réellement l’État sioniste en Palestine.

En 1900, les Américains s’accrochaient toujours à leur « rêve américain », et l’essence de cela était d’éviter les « enchevêtrements avec l’étranger. » En fait, l’attaque contre l’Espagne à Cuba en 1898 les avait déjà séparés de cet ancrage sécurisé, et les origines mystérieuses de cette petite guerre sont donc d’un intérêt continu. On provoqua le public américain pour qu’il explose en une frénésie guerrière, de la façon familière, quand on raconta que le Maine avait explosé dans le port de la Havane à cause d’une mine espagnole. Quand il fut renfloué, de nombreuses années plus tard, on découvrit que ses plaques avaient été soufflées vers l’extérieur par une explosion intérieure (mais à ce moment-là, « la foule» avait depuis longtemps perdu son intérêt pour la question).

L’effet de la guerre hispano-américaine (« l’enchevêtrement» ininterrompu des américains dans les affaires des autres) prêta une importance majeure à la question : qui devait exercer le pouvoir exécutif en Amérique, car la nature de n’importe quel « enchevêtrement » en dépendait clairement. La réponse à cette question, de nouveau, fut gouvernée par l’effet d’une guerre précédente, la Guerre de Sécession américaine de 1861-1865. Ses conséquences principales (peu comprises par les Nordistes et les Sudistes en lutte) furent de changer sensiblement la nature, d’abord de la population, ensuite du gouvernement de la République.

Avant la Guerre de Sécession, la population américaine était principalement irlandaise, irlando-écossaise, écossaise, britannique, allemande et scandinave, et à partir de cet amalgame, un individu distinctement « américain » se développa. Dans la suite directe de cette guerre, l’ère de l’immigration sans restriction commença, qui en quelques décennies amena en Amérique des millions et des millions de nouveaux citoyens d’Europe de l’Est et du Sud. Ceux-ci comprenaient une grande masse de juifs des régions talmudiques de Russie et de la Pologne russe. En Russie le rabbinat s’était tenu entre eux et « l’assimilation », et cela continua quand ils atteignirent l’Amérique.

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Ainsi, le XXe siècle, à son début, lança-t-il la question : quel rôle leurs leaders acquérraient-ils dans le contrôle politique de la République et de ses entreprises étrangères ? Les événements postérieurs montrèrent que la conspiration de l’Est, sous ses deux formes, entra en Amérique par cette immigration massive. Le processus d’acquisition d’une mesure sans cesse croissante de pouvoir politique démarra dans les coulisses, vers 1900, et devait devenir le sujet principal de la vie nationale américaine durant les cinquante années suivantes.

L’homme qui le premier impliqua l’Amérique dans ce processus fut un certain M. Edouard Mandell House (populairement connu comme le colonel House, mais il n’avait fait aucun service militaire), un gentleman du Sud, principalement de descendance hollandaise et anglaise, qui grandit au Texas durant la période amère de la Reconstruction, qui suivit la Guerre de Sécession. Il constitue un personnage remarquable dans cette histoire. Comme d’autres connaisseurs exulteraient au goût d’un cognac rare, il adorait l’exercice secret du pouvoir par le biais des autres, et le confia avec franchise à son journal. Il fuyait la publicité (dit son éditeur, M. Charles Seymour) « par un sens de l’humour sardonique qui était chatouillé par la pensée qu’invisible et souvent insoupçonné, sans grande richesse ni poste élevé, par le simple pouvoir de la personnalité et du bon sens, il détournait en réalité les courants de l’Histoire. » Peu d’hommes ont exercé un si grand pouvoir en si totale irresponsabilité: « Il est assez facile pour quelqu’un sans responsabilité de s’asseoir autour d’un cigare et d’un verre de vin, et de décider de ce qu’il y a de mieux à faire », écrivit M. House.

Le choix des mots de son éditeur est exact ; M. House ne guida pas la politique nationale américaine, mais la détourna vers le sionisme, le soutien de la révolution mondiale et la promotion de l’ambition du gouvernement mondial. Le fait qu’il exerca le pouvoir secrètement est prouvé. Ses motivations pour l’avoir exercé dans cette direction-là sont difficiles à découvrir, car ses pensées (telles que révélées par son journal et son roman) semblaient être si confuses et contradictoires qu’aucune image claire n’émerge d’elles.

L’immense rapport quotidien de son règne secret (les Papiers Intimes) exposa entièrement comment il travaillait. Il laisse sans réponse la question de ce qu’il voulait, en fin de compte, ou s’il savait même ce qu’il voulait ; quant à cela, son roman montre seulement un esprit rempli de notions démagogiques insensées, jamais clairement étudiées dans le détail. L’apostrophe ampoulée sur la page de garde est typique : « Ce livre est dédié aux nombreux malheureux qui ont vécu et sont morts en ayant manqué les opportunités, parce que dès le départ, la structure sociale mondiale était injuste » ; cela signifie apparemment que M. House, qui se prenait pour un homme religieux, avait une

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piètre opinion du travail d’une autorité précédente, décrite en ces mots : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ».

Dans la recherche des origines des idées politiques de M. House (qui furent d’abord apparentées au communisme ; plus tard dans sa vie, quand les dégâts étaient faits, il devint plus modéré), le chercheur est lancé sur des pistes significatives. Son éditeur trouve dans sa première pensée une note « réminiscente de Louis Blanc et des révolutionnaires de 1848». Gardant cela en mémoire, j’ai dirigé antérieurement l’attention des lecteurs vers Louis Blanc, le révolutionnaire français qui, pendant un moment, en 1848, sembla susceptible de jouer le rôle de Lénine, et convoqua l’Assemblée des délégués des travailleurs, qui était une anticipation des Soviétiques de 1917.

De telles notions, chez un Texan de la fin du XIXe siècle, sont aussi inattendues que le bouddhisme chez un Esquimau. Néanmoins, M. House acquit ces idées dans sa jeunesse ; quelqu’un les avait implantées en lui. Son deuxième prénom, Mandell, était celui « d’un marchand juif de Houston, qui était l’un des amis les plus intimes de son père ; le fait que le père ait donné un nom juif à son fils indique l’attitude de la famille envers cette race. » (M. Arthur D. Howden, son biographe) Dans le roman de M. House, le héros refuse tout avancement pour aller vivre dans une chambre modeste de l’East Side avec un juif polonais, arrivé en Amérique après des émeutes antisémites à Varsovie, causées par le meurtre du fils d’un haut représentant gouvernemental, commis par « un jeune juif, harcelé audelà de l’endurance. » Plus tard, le beau-frère et conseiller de M. House fut un juif, le Dr Sidney Mezes, qui fut l’un des initiateurs du plan du gouvernement mondial de ce siècle dans sa toute première forme (The League to Enforce Peace (La Ligue d’Imposition de la Paix - NdT)).

C’est tout ce qui peut être mis à jour sur l’atmosphère intellectuelle de la période formatrice de l’esprit de M. House. Dans un de ses passages les plus révélateurs, M. House lui-même commente la suggestion d’idées faite à d’autres, et montre, apparemment sans le comprendre, à quel point il était impuissant en fin de compte, lui qui pensait être tout-puissant : « Avec le président, comme avec tous les autres hommes que j’ai cherché à influencer, c’était invariablement mon intention de lui faire penser que les idées qu’il tirait de moi étaient les siennes propres… Normalement, pour dire la vérité, l’idée ne m’était pas originale… La chose la plus difficile au monde est de suivre à la trace n’importe quelle idée jusqu’à sa source… Nous pensons souvent qu’une idée nous est originale quand, à la simple vérité, elle a été inconsciemment absorbée de quelqu’un d’autre. »

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Il commença à apprendre la politique au Texas, quand il n’avait que dix-huit ans, percevant alors, pendant une élection présidentielle (1876), que : « …deux ou trois hommes au Sénat et deux ou trois à la Chambre, et le président lui-même, dirigeaient le gouvernement. Les autres n’étaient que des hommes de paille… Par conséquent, je n’avais aucune ambition d’avoir une fonction, ni n’avais aucune ambition de parler. » (Il met la même idée dans la bouche d’un politicien, dans son roman de 1912) « À Washington… j’ai constaté que le gouvernement était dirigé par quelques hommes ; qu’à l’extérieur de ce petit cercle, personne n’avait beaucoup d’importance. C’était mon ambition d’y faire irruption si cela était possible, et mon ambition a maintenant fait un bond, au point de vouloir, non seulement en faire partie, mais plus tard, être CELA…

Le président m’a demandé d’entreprendre la direction de sa campagne… Il a été nommé et réélu à une écrasante majorité… et j’étais maintenant bien à l’intérieur du cercle enchanté, et à portée de mon désir suivant de n’avoir aucun rival… J’enroulai un fil presque invisible autour du peuple, qui le maintenait fermement… )

Dans cet esprit, M. House entra en politique au Texas : « Je commençai en haut plutôt qu’en bas… cela est mon habitude de mettre quelqu’un d’autre à la tête théoriquement, de sorte que je puisse faire le véritable travail sans être dérangé par les demandes qui sont faites à un président… Chaque responsable des campagnes que je dirigeai recevait publicité et applaudissements tant de la presse que du peuple, pendant la campagne… ils quittaient l’attention du public en quelques mois… et pourtant, quand la campagne suivante arrivait, le public et la presse acceptaient avec autant d’impatience un autre homme de paille. »

M. House utilisa le Texas plus ou moins comme un jeune acteur prometteur pourrait utiliser la province. Il réussit si bien comme organisateur de parti qu’au changement de siècle, il était le vrai dirigeant de l’État, et était assis quotidiennement dans le bureau de son gouverneur (nommé par M. House et oublié depuis longtemps) au Capitole, où il choisissait des sénateurs d’État et des membres du Congrès, et traitait les requêtes des nombreux officiels qui assiègent habituellement un gouverneur d’État. La tournée provinciale accomplie, il se prépara à conquérir la capitale. En 1900, il était « lassé du poste que j’occupais au Texas » et était « prêt à participer aux

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affaires nationales. » Après une préparation supplémentaire, il commença en 1910, alors que la Première Guerre mondiale approchait, « à rechercher un candidat approprié à la nomination démocrate pour l’élection présidentielle. »

Ainsi M. House, âgé de cinquante ans, était-il un faiseur de présidents. Avant de lire ses Papiers Intimes, j’étais très impressionné par « la connaissance étrange » affichée par un sioniste américain majeur, le rabbin Stephen Wise, qui en 1910, dit devant un auditoire du New Jersey : « Mardi, M. Woodrow Wilson sera élu gouverneur de votre État ; il n’achèvera pas son mandat comme gouverneur ; en novembre 1912, il sera élu président des États-Unis ; il sera investi président pour la deuxième fois. » C’était de la préconnaissance, à la manière de celle révélée par les Protocoles, Léon Pinsker et Max Nordau, mais une recherche approfondie révéla que le rabbin Wise la tenait du colonel House !

Apparemment, M. Wilson avait été étudié de près par le groupe d’hommes secrets qui était en passe de fusionner, car ni M. House, ni le rabbin Wise à ce moment-là ne l’avaient rencontré ! Mais M. House « devint convaincu qu’il avait trouvé son homme, bien qu’il ne l’eût jamais rencontré… “Je me suis tourné vers Woodrow Wilson… comme étant le seul homme… qui en tous points se montrait à la hauteur de la tâche” » (M. Howden). La mesure standard utilisée est indiquée dans un passage postérieur: « L’ennui avec l’obtention d’un candidat à la présidence, c’est que l’homme qui est le mieux adapté pour cette place ne peut être désigné, et, s’il était désigné, il ne pourrait être élu. Le Peuple prend rarement le meilleur homme adapté au poste ; il est donc nécessaire de travailler pour le meilleur homme qui puisse être désigné et élu, et en ce moment, Wilson semble être cet homme. » (Cette description, de nouveau, est qualifiée par l’allusion, dans le roman de M. House, aux méthodes utilisées par un groupe puissant pour élire « sa créature » à la présidence).

L’idée sioniste s’associa à l’idée révolutionnaire - parmi le groupe d’hommes qui était en train de secrètement choisir M. Woodrow Wilson pour la présidence - en la personne de ce rabbin Stephen Wise (né à Budapest, comme Herzl et Nordau). Il était l’organisateur sioniste en chef en Amérique, et en tant que tel, représentait encore une sorte de curiosité parmi les juifs d’Amérique, qui à cette époque rejetaient le sionisme et se méfiaient « des juifs de l’Est. » Jusqu’en 1900, comme le dit le rabbin Wise, le sionisme en Amérique se limitait aux juifs immigrants de Russie, qui l’avaient amené avec eux des ghettos talmudiques de là-bas ; la masse des juifs américains était d’origine allemande, et rejetaient catégoriquement le sionisme.

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Entre 1900 et 1910, un million de nouveaux immigrants juifs arrivèrent de Russie, et, sous organisation sioniste, commencèrent à former un corps important d’électeurs ; là était le lien entre M. House (dont la stratégie électorale sera décrite) et le rabbin Wise. Le rabbin Wise, qui était principalement connu comme orateur militant, pour ne pas dire agitateur, concernant les questions relatives au travail, n’était alors pas un personnage juif représentatif, et néanmoins (comme le Dr Weizmann en Angleterre), il était l’homme à qui les potentats politiques donnaient secrètement les entrées et prêtaient l’oreille.

La force de ce groupe secret est montrée par le fait qu’en 1910, quand M. House eut confidentiellement décidé que M. Wilson devait être le prochain président, le rabbin Wise proclama publiquement qu’il le serait, et pour deux mandats. Cela nécessitait un remaniement la politique du rabbin, car il soutenait toujours le Parti républicain ; après la sélection secrète de M. Wilson par M. House, le rabbin Wise passa au Parti démocrate. Ainsi, les idées « révolutionnaires » confuses de M. House et celles parfaitement claires du sionisme arrivèrent-elle ensemble sur le seuil de la Maison Blanche. L’entente au sein du groupe était cordial : M. Wise déclare (après l’élection) que « nous avons reçu une aide chaleureuse et encourageante de la part du colonel House, ami intime du président… House a non seulement fait de notre cause l’objet de son attention particulière, mais a servi d’officier de liaison entre l’administration de Wilson et le mouvement sioniste. » Le parallèle étroit entre le cours de ces procédés secrets en Amérique et ceux en Angleterre est montré ici.

Le secret de la mainmise de M. House sur le Parti démocrate repose sur la stratégie qu’il avait inventée pour gagner les élections. Le Parti démocrate n’avait pas été au pouvoir depuis presque cinquante ans sans interruption, et House avait inventé une méthode qui faisait de la victoire une quasi-certitude mathématique. Le Parti démocrate devait, en fait, devoir ses victoires en 1912 et 1916, aussi bien que les victoires du président Roosevelt et du président Truman en 1932, 1936, 1940, 1944 et 1948, à l’application du plan de M. House. Dans ce plan électoral, qui dans son domaine mérite peut-être le nom de génie, se trouve l’effet persistant de M. House sur la vie de l’Amérique ; ses idées politiques n’étaient jamais formées de façon claire, et il les changeait fréquemment, si bien qu’il forgea un instrument par lequel les idées des autres furent mises en application ; l’instrument lui-même fut brillamment conçu.

En essence, c’était un plan pour obtenir le votes massif des « natifs de l’étranger » - les nouveaux immigrés – an faveur du Parti démocrate, en faisant appel à leurs sentiments raciaux et leur réflexes émotionnels particuliers. Il fut mis au point de façon très détaillée, et

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réalisé d’une main de maître, dans cette branche particulière que sont les sciences politiques.

Ce qui est unique et prodigieux dans ce plan, c’est que M. House le publia anonymement, la même année 1912, où M. Wilson, secrètement « choisi », fut officiellement désigné et élu. Au cours de cette année chargée, M. House trouva le temps d’écrire en trente jours un roman intitulé Philip Dru : Administrator (ce terme inhabituel rappelle l’allusion des Protocoles aux « administrateurs [que] nous choisirons… »). Le chapitre intitulé « La fabrication d’un président », qui n’est manifestement pas une fiction, transforme ce roman presque illisible en un document historique de première importance.

Dans ce chapitre de son roman (que M. House fut poussé à publier par son mentor assidu, le Dr Sidney Mezes), un sénateur américain du nom de Selwyn est décrit comme se préparant à « diriger la Nation d’une main absolue, et pourtant, on ne saurait pas que c’est lui, le pouvoir dirigeant. » Selwyn est M. House. Apparemment, il ne put résister à la tentation de donner un indice de son identité, et fit en sorte que « Selwyn » invite l’homme qu’il avait choisi comme présidentmarionnette (« Selwyn recherche un Candidat ») à « dîner chez moi, dans mes salons à Mandell House. »

Auparavant, Selwyn invente « un plan infâme », de concert avec un certain John Thor - « le grand prêtre de la finance » - plan par lequel « une organisation complète et compacte », utilisant « une tromperie des plus ignobles eu égard à ses opinions et intentions réelles « , pourrait « élire sa créature à la présidence ». Le financement de cette ligue secrète était « simple. » « L’influence de Thor dans toute l’Amérique commerciale était absolue… Thor et Selwyn choisirent les mille » (millionnaires) « qui devaient donner chacun dix mille dollars… Thor devait dire à chacun d’eux qu’il y avait une question, touchant au bien commun de la fraternité des affaires, qui nécessitait vingt mille dollars, et que lui, Thor, en fournirait dix, et voulait que chacun en fournisse autant… Il n’y avait que quelques hommes d’affaire… qui ne s’estimaient pas heureux de se voir convoqués à New York par Thor, et qu’on leur demande de le rejoindre aveuglément dans un financement dont le but était la sauvegarde des richesses». L’argent de ce « grand fonds de corruption » est placé par Thor dans différentes banques, versé sur demande, par Selwyn, sur les comptes d’autres banques, et depuis ces dernières, transféré à la banque personnelle du gendre de Selwyn ; « le résultat fut que le public n’aurait aucune chance d’être au courant du fonds, ni de la manière dont il était dépensé. »

Sur cette base de financement, Selwyn choisit sa « créature », un certain Rockland, (M. Wilson), qui, en dînant avec Selwyn à « Mandell House », s’entend dire que sa responsabilité en tant que président sera « diffuse » : « bien qu’un président posède le droit

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constitutionnel d’agir seul, il n’a aucun droit moral d’agir en contradiction des principes et traditions de son parti, ou des conseils des leaders du parti, car le pays accepte le candidat, le parti et les conseillers du parti comme un tout, et non séparément » (ce passage ressemble fortement aux allusions des Protocoles à « la responsabilité des présidents » et à l’autorité suprême de leurs « conseillers. »)

Rockland acquiesce humblement à cela. (Après l’élection, « ennivré par le pouvoir et l’adulation des flagorneurs, à une ou deux reprises, Rockland s’affirme et agit sur des questions importantes sans s’être d’abord entretenu avec Selwyn. Mais, après avoir été violemment attaqué dans les journaux de Selwyn… il ne fit aucune nouvelle tentative d’indépendance. Il se sentait tout à fait impuissant entre les mains de cet homme fort, et en effet, il l’était. » Ce passage du roman de M. House de 1912, écrit avant l’investiture de M. Wilson, pourrait être comparé à un passage des Papiers Intimes de M. House, de 1926, rapportant sa véritable relation avec le candidat pendant la campagne électorale. Ce passage affirme que M. House rédigea les discours du candidat à la présidentielle, et le chargea de ne tenir compte d’aucun autre conseil, sur quoi M. Wilson admit des imprudences, et promit « de ne pas agir en indépendant à l’avenir. » Dans le roman, on voit Selwyn en train de raconter à Thor la tentative de Rockland d’échapper à la sujéton : « Quand il raconta les efforts de Rockland pour se libérer, et la manière dont il l’avait ramené, se tordant sous son échec, ils rirent joyeusement » ; ce chapitre est intitulé « Les conspirateurs jubilants »).

Un autre chapitre montre comment l’élection de la « créature » fut accomplie. Le plan qui est décrit transforme pratiquement la campagne électorale en une science exacte, et gouverne toujours la campagne électorale en Amérique. Il est basé sur le calcul fondamental de M. House selon lequel environ 80 pour cent des électeurs voteraient, quelles que soient les circonstance, pour un des deux partis rivaux dans des proportions à peu près égales, et cette dépense d’argent et d’effort doit donc se concentrer sur les « 20 pour cent fluctuants. » Puis, il analyse ces 20 pour cent en détail, jusqu’à ce que le petit résidu soit isolé, sur lequel l’effort extrême doit être appliqué. Chaque once ou centime de dépenses inutiles est éliminé, et une masse d’énergie est libérée, qui doit être dirigée contre le petit corps d’électeurs qui peut faire pencher le résultat. Ce plan a tant fait pour « détourner » le cours des événements en Amérique et dans le monde qu’il faut ici le résumer en détail.

Selwyn commence la campagne d’investiture en éliminant tous les États dans lesquels l’un ou l’autre parti est sûr de gagner. De cette façon, il est libre de consacrer toute ses pensées aux douze États indécis, sur les votes desquels l’élection se déciderait. Il divise ceux-ci

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en groupes de cinq mille électeurs, nommant pour chaque groupe un homme sur place, et un autre au siège national. Il calcule que sur les cinq mille, quatre mille, en parts égales, ne pourraient probablement pas être détournés de son propre parti ou de l’autre, et cela fait tomber son analyse à mille électeurs indécis - dans chaque groupe de cinq mille dans les douze États - sur lesquels se concentrer. L’homme local est chargé d’obtenir toute les informations possibles sur leur « race, religion, profession et anciens liens de parti », et de les expédier à l’homme national responsable du groupe en question, qui est alors chargé d’atteindre chaque individu au moyen de « la littérature, de la persuasion ou peut-être par quelque argument plus subtil. » Le devoir des deux agents pour chaque groupe, un sur le terrain et l’autre au siège, est à eux deux de « ramener une majorité, sur les mille votes qui étaient à leur charge. »

Entre-temps, les directeurs de l’autre parti envoyaient « des tonnes d’imprimés à leur siège de l’État, qui, à son tour, les distribuait aux organismes de province, où ils étaient déposés dans un coin et donnés aux visiteurs quand il le demandaient. Le comité de Selwyn en utilisait le quart, mais chaque imprimé arrivait dans une enveloppe scellée, avec une lettre cordiale, adressée à un électeur qui n’avait pas encore décidé pour qui voter. L’opposition envoyait à grands frais des orateurs d’un bout à l’autre du pays… Selwyn envoyait des hommes au sein de ses groupes pour persuader personnellement chacun des mille électeurs hésitants de soutenir la liste Rockland. »

Par cette méthode des plus habiles d’analyse, d’élimination et de concentration, Rockland, dans le roman, (et M. Wilson, dans la réalité) fut élu en 1912. L’appel concentré aux « mille électeurs hésitants » de chaque groupe fut particulièrement axé sur l’émotion de la « race, du credo et de la couleur », et les objets d’attention furent évidemment choisis en ayant cela à l’esprit. « Ainsi, Selwyn gagna-t-il et Rockland devint la pierre angulaire de la voûte qu’il avait entrepris de construire. »

Le reste du roman est sans importance, mais contient quelques autres points significatifs. Son sous-titre est « Une Histoire de Demain, 1920-1935 ». Le héros, Philip Dru, est un jeune sorti de West Point et influencé par Karl Marx, qui est élu leader d’un mouvement de masse par acclamation lors d’un rassemblement d’indignation après que la conspiration de Selwyn et Thor fut devenue connue. La façon dont cela est révélé est également intéressante ; Thor fait poser un microphone dans sa pièce (chose peu connue en 1912, mais aujourd’hui presque aussi familière en politique que le Stateman’s Yearbook17 et, oubliant

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de le débrancher, sa « jubilante » conversation avec Selwyn après l’élection de Rockland est découverte par sa secrétaire, qui la donne à la presse ; un épisode des plus invraisemblables est que la presse la publie ! Alors, Dru rassemble une armée (armée, apparemment par magie, de fusils et d’artillerie), défait les forces du gouvernement en une seule bataille, marche sur Washington et se proclame « Administrateur de la République ». Sa première action majeure (et celle du président Wilson) est d’introduire « un impôt progressif sur le revenu, n’exemptant aucun revenu quelqu’il soit » (le Manifeste communiste de Karl Marx exigeait « un lourd impôt sur le revenu, progressif ou graduel » ; les Protocoles, « un impôt progressif sur la propriété »).

Dru attaque ensuite le Mexique et les républiques de l’Amérique Centrale, les vainquant aussi lors d’une seule bataille et les unissant ensuite sous le drapeau américain, qui dans le chapitre suivant devient également « l’emblème incontesté de l’autorité » sur le Canada et les Anglais, les Français et d’autres possessions des Antilles. Selwyn et Philip Dru sont manifestement tous deux M. House. Selwyn est l’organisateur de parti superbement efficace et le secret détenteur du pouvoir ; Dru est « le rêveur utopique » (les Protocoles) embrouillé qui ne sait pas quoi faire du pouvoir quand il l’obtient. Inévitablement, à la fin, M. House ne savait pas quoi faire avec deux personnages qui étaient en vérité un seul homme, et fut contraint de les fusionner, pour ainsi dire, en faisant de Selwyn, à l’origine le scélérat de l’histoire, le confident et compagnon intime de Dru. Après cela, il semble également clair qu’il ne savait pas quoi faire avec Dru, hormis le faire poursuivre par des ours. Il le mit donc sur un bateau se dirigeant vers une destination inconnue, avec Gloria (une fille en mal d’amour qui pendant cinquante chapitres doit écouter les plans incohérents de Dru pour refaire le monde), et conclut : « Heureuse Gloria ! Heureux Philip !… Où partaient-ils ? Reviendraient-ils ? C’étaient les questions que tous se posèrent, mais auxquelles personne ne put donner de réponse ».

En fait, rares sont ceux qui ont pu réussir à terminer ce roman, et personne ne se serait soucié de savoir où allaient Philip et Gloria, à une exception près. Il y avait au monde un être solitaire pour qui l’histoire dut comporter une signification aussi terrible et vraie que le Portrait de Dorian Gray pour Dorian : M. Woodrow Wilson. À cet égard, Philip Dru: Administrator est un ouvrage unique. Deux questions hantent le chercheur. M. Wilson le lit-il ? Qui souffla à M. House (ou à son souffleur) de publier cette illustration exacte de ce qui se passait, au moment même où « la créature » était désignée et élue? Considéré

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sous cette lumière, le livre devient un ouvrage de moquerie sadique, et le lecteur prend conscience que le groupe d’hommes qui entourait M. House devait être aussi malveillant que ceux qui sont décrits dans le chapitre « Les conspirateurs jubilants ».

Peut-on envisager que M. Wilson ne l’ait pas lu ? Parmi ses ennemis et ses amis, au cours d’une campagne électorale, quelqu’un a dû le mettre dans ses mains. Le chercheur en Histoire doit nécessairement demander si la lecture de ce livre, à cette période-là ou par la suite, put causer l’état mental et physique dans lequel il tomba peu après. On peut en donner quelques descriptions contemporaines en guise d’illustration (bien qu’elles anticipent un peu la chronologie du récit). M. House écrivit plus tard à propos de l’homme qu’il avait « choisi » et avait fait élire (« le seul qui en tout point se montrait à la hauteur du poste ») : « Je pensai à ce moment-là » (1914) « et à plusieurs occasions par la suite, que le président voulait mourir ; certainement, son attitude et son état mental indiquaient qu’il n’avait aucun appétit de vivre. » Alors que M. Wilson était président depuis peu, M. Horace Plunkett, l’ambassadeur britannique, écrivit à M. House : « J’ai présenté mes respects au président, et j’ai été choqué de lui voir l’air si épuisé ; le changement depuis janvier dernier est terriblement marqué. » Six ans plus tard, William Wiseman, un émissaire gouvernemental britannique, dit à M., House : « J’ai été choqué par son aspect… Son visage était tiré et d’une couleur grise, et se convulsait fréquemment dans un effort pitoyable pour contrôler ses nerfs qui avaient lâché. » (1919) 18

Apparemment, la clé du chagrin est de recevoir une haute fonction en tant qu’instrument d’autres personnes qui restent dans l’ombre. M. Wilson prend inévitablement un air spectral quand on l’examine à la lumière de ce récit en cours de déroulement. M. House, le rabbin Wise et d’autres autour de lui semblèrent le contempler de la même façon que les collectionneurs contempleraient un spécimen épinglé. Vu l’état des choses, il dût être guidé par la conjecture, plutôt que par la révélation, lorsqu’à l’âge de vingt ans il décida qu’il serait un jour président. On le savait, et le rabbin Wise lui demanda un jour :

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« Quand avez-vous pensé ou rêvé pour la première fois à la présidence ? » Comme le rabbin en savait tellement plus que le président sur la manière dont le rêve avait été réalisé, il était peutpetre ironique, et fut manifestement surpris dans sa déférence habituelle quand M. Wilson répondit : « Il n’y eut jamais un moment après mon diplôme obtenu à l’université Davidson en Caroline du Sud où je ne m’attendais pas à devenir président », si bien que le rabbin demanda sardoniquement : « Même quand vous étiez enseignant dans une université de filles ! » M. Wilson, apparemment toujours inconscient, répéta : « Il n’y eut jamais un moment où je ne m’attendai pas et ne me préparai pas à devenir président. »

Entre « le choix » secret de M. Wilson par M. House en 1910 et sa nomination publique pour la présidentielle en 1912, il fut poussé à rendre un hommage public au sionisme ; à ce moment, les Américains commencèrent à simpliquer, de même que le peuple britannique s’était effectivement engagé à partir de l’offre de l’Ouganda en 1903. M. Wilson, dans sa préparation à la campagne, fit un discours sur « Les droits des juifs », dans lequel il dit : « Je ne suis pas ici pour exprimer notre sympathie envers nos concitoyens juifs, mais pour rendre évident notre sentiment d’identité avec eux. Ceci n’est pas leur cause ; c’est celle de l’Amérique. »

Cela ne pouvait signifier qu’une chose ; c’était une déclaration de politique étrangère, si M. Wilson était élu. Il n’y avait aucune nécessité de « rendre évident le sentiment d’identité » entre les Américains et les Américains, et les juifs en Amérique étaient en tous points libres et égaux ; seul un refus de s’identifier à l’Amérique pouvait altérer cela, et M. Wilson proclama dans les faits ce refus. Il déclarait spécifiquement que « l’identité » juive était différente et séparée, et que l’Amérique, sous lui, soutiendrait cette auto-ségrégation comme une cause.

Pour les initiés, c’était un engagement envers le sionisme. C’était aussi une allusion et une menace indirectes à la Russie, car l’implication des mots de M. Wilson était qu’il reconnaissait les juifs en Russie (qui étaient alors les seuls sionistes organisés) en tant que représentants de tous les juifs. Ainsi, il reprit le rôle de Balfour dans la production américaine de ce drame.

À cette époque, toute la propagande sioniste était dirigée contre la Russie. Environ trente ans avaient passé depuis l’assassinat du tsar Alexandre II, qui s’était attiré l’hostilité des révolutionnaires par sa tentative de présenter une constitution parlementaire (le Dr Kastein fit remarquer que la participation juive à l’assassinat était « naturelle. ») Son successeur, Alexandre III, fut forcé de se consacrer au combat contre la révolution. À l’époque de M. Wilson, le tsar Nicolas II reprenait la tentative d’Alexandre le Libérateur de pacifier et d’unifier son pays en accordant le droit de vote au peuple, et rencontrait une

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fois encore une opposition acharnée de la part des sionistes talmudiques.

Puis, au moment même où M. Wilson fit son attaque implicite envers « l’intolérance » russe, l’assassinat fut à nouveau utilisé en Russie afin de détruire l’oeuvre de Nicolas II. Pendant la révolution de 1906, il avait publié un décret impérial faisant de la Russie une monarchie constitutionnelle, et en 1907, il introduisit le suffrage universel. Les révolutionnaires craignaient cette mesure de libération plus qu’ils ne craignaient n’importe quel Cosaque, et utilisèrent l’Assemblée populaire, quand elle se réunit pour la première fois, pour déclencher un tumulte déchaîné, si bien qu’on dut la dissoudre. Le tsar choisit alors pour Premier ministre un diplomate éclairé, le comte Stolypine, qui par décret ordonna une réforme agraire suivie par de nouvelles élections. Le résultat fut qu’au second parlement, il reçut une grande ovation, et les révolutionnaires furent mis en déroute (environ 3 000 000 de paysans sans terre devinrent propriétaires de leur terre).

L’avenir de la Russie à ce moment-là semblait plus brillant que jamais auparavant. Stolypine était un héros national et écrivait : « Notre but principal est de fortifier la population agricole. Toute la force du pays repose dessus… Donnez à ce pays dix ans de tranquillité intérieure, et vous ne reconnaîtrez pas la Russie ».

Ces dix années tranquilles auraient changé le cours de l’histoire pour le mieux ; au lieu de cela, la conspiration intervint et provoqua les dix jours qui bouleversèrent le monde. En 1911, le comte Stolypine se rendit à Kiev, où le tsar devait inaugurer un monument au libérateur assassiné, Alexandre II, et il fut abattu lors d’une représentation de gala au théâtre, par un révolutionnaire juif, Bagroff (en 1917 un commissaire juif, découvrant qu’une jeune fille, parmi certains fugitifs, était la fille du comte Stolypine, se hâta de l’abattre).

C’est arrivé en septembre 1911; en décembre 1911, M. Wilson, le candidat, faisait son discours exprimant « un sentiment d’identité » avec « la cause » juive. En novembre 1911, M. Wilson avait pour la première fois rencontré l’homme, M. House, qui l’avait « choisi » en 1910 (et qui avait alors déjà « aligné tous mes amis politiques et partisans » sur le soutien de M. Wilson). M. House annonça à son beau-frère : « Jamais auparavant n’ai-je trouvé à la fois l’homme et l’opportunité. »

Avant l’élection, M. House dressa une liste de membre du Conseil des ministres (voir Philip Dru), en concertation avec un certain M. Bernard Baruch, qui entre maintenant dans ce récit. Il se pourrait bien qu’il soit le plus important de tous les personnage qui y apparaîtront au cours des cinquante années suivantes, car il devait se faire connaître comme « conseiller » de plusieurs présidents, et dans

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les années 1950, il conseillait toujours le président Eisenhower et M. Winston Churchill. En 1912, il n’était publiquement connu qu’en tant que financier qui avait hautement réussi. Son biographe déclare qu’il contribua pour $ 50 000 à la campagne de M. Wilson.

Puis, pendant la campagne électorale, on fit sentir le mors à M. Wilson. Après des imprudences initiales, il promit à M. House (tel que cité plus tôt, et comparé à Philip Dru) « de ne pas agir en indépendant à l’avenir. » Immédiatement après l’élection, il reçut le rabbin Stephen Wise « pour une longue session » au cours de laquelle ils discutèrent « des affaires russes, en se référant spécialement au traitement des juifs » (M. Wise). Au même moment, M. House déjeunait avec un certain M. Louis D. Brandeis - juriste éminent, et juif - et rapporta que « son esprit et le mien sont en accord concernant la plupart des questions qui se posent maintenant à nous. »

Ainsi, trois des quatre hommes dans l’entourage de M. Wilson étaient des juifs et tous les trois, à une étape ou une autre, jouèrent des rôles majeurs en promouvant la re-ségrégation des juifs par le biais du sionisme et de son ambition palestinienne. À ce moment-là, M. Brandeis et le rabbin Wise étaient les sionistes principaux en Amérique et M. Brandeis, alors qu’il fait son entrée dans l’histoire, mérite un paragraphe.

Il était distingué en apparence et en intellect, mais ni lui ni un autre avocat n’auraient pu définir ce qui, en lui, constituait « un juif ». Il ne pratiquait pas la religion judaïste, que ce soit dans sa version orthodoxe ou réformée, et écrivit une fois : « Durant la plus grande partie de ma vie, mon contact avec les juifs et le judaïsme fut léger, et je pensai peu à leurs problèmes. » Sa conversion était du genre irrationnel et romantique (rappellant M. Balfour) : un jour, en 1897, il lut au petit déjeuner un compte-rendu du discours du docteur Herzl au Premier Congrès sioniste, et dit à sa femme : « Voilà une cause à laquelle je pourrais donner ma vie. »

Ainsi, le juif américain totalement assimilé fut-il transformé en un clin d’oeil. Il afficha l’ardeur du converti dans ses attaques ultérieures contre « l’assimilation » : « L’assimilation ne peut être évitée à moins que, dans la Patrie, un centre soit rétabli, à partir duquel l’esprit juif puisse rayonner. » Les sionistes de la Russie ne firent jamais confiance à ce produit de l’assimilation qui voulait maintenant se désassimiler. Ils détestaient ses discours fréquents sur « l’américanisme. » Il disait : « Mon approche du sionisme se fit par l’américanisme », et pour les talmudistes cela revenait à dire que le sionisme pouvait être approché par le « russianisme », qu’ils étaient résolus à détruire. En fait, il était illogique de préconiser la forme la plus féroce de ségrégation raciale tout en prétendant admirer l’assimilationisme américain, et M. Brandeis, avec toute ses compétences d’avocat, semble ne jamais avoir

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vraiment compris la nature du sionisme. Il devint le Herzl des sionistes américains (le rabbin Stephen Wise était leur Weizmann), et fut brutalement abandonné après avoir rempli son rôle. Cependant, au moment décisif, en 1917, il joua un rôle décisif.

Tel était le regroupement autour d’un président captif tandis que la République américaine s’avançait vers l’engagement dans la Première Guerre mondiale, et telle était la cause qui allait être poursuivie à travers lui, et à travers l’engagement de son pays. Après son élection, M. House prit en main sa correspondance, décida qui il devait voir ou ne pas recevoir, dit aux membres du cabinet ce qu’ils devaient dire ou ne pas dire, etc… Entre temps, il avait aussi trouvé le temps d’écrire et de publier ce roman étonnant. Il voulait le pouvoir et l’obtint, mais ce qu’il voulait d’autre, suite à cela, il ne le décida jamais. Ainsi, son ambition était-elle sans but, et rétrospectivement, il ressemble maintenant à Savrola, le héros du roman d’un autre politicien, dont l’auteur, M. Winston Churchill, dit : « L’ambition était la force motrice, et Savrola était impuissant à y résister ». À la fin de sa vie, M. House, seul et oublié, détestait Philip Dru.

Mais entre 1911 et 1919, la vie fut délicieuse pour M. House. Il adorait le sentiment de pouvoir pour le pouvoir, et de plus était trop gentil pour vouloir nuire à Rockland à la Maison Blanche : «

C’était invariablement mon intention, avec le président comme avec tous les autres hommes que j’ai cherché à influencer, qu’il pense que les idées qu’il tirait de moi étaient les siennes. Dans la nature des choses, j’ai plus réfléchi à de nombreuses choses que le président, et j’avais eu l’occasion d’en discuter plus en profondeur que lui. Mais aucun homme n’aime honnêtement voir un autre homme diriger ses conclusions. Nous sommes tous un peu vaniteux sur ce point. La plupart des gens sont bien trop guidés par la vanité personnelle, dans leurs actes. Il se trouve que ce n’est pas mon cas. Ca m’est égal qui obtient le mérite pour une idée que j’ai transmise. Le principal est que l’idée fonctionne. Habituellement, à dire vrai, l’idée n’était pas de moi… » (M. Howden, déjà cité).

Ainsi, quelqu’un « dirigea » M. House, qui dirigea M. Wilson, vers la conclusion qu’un groupe d’hommes dans les régions talmudiques de Russie devaient être mis en possession de la Palestine, avec la conséquence évidente qu’une source permanente de guerre mondiale serait établie là-bas, et que les juifs du monde seraient à nouveau isolés de l’humanité. Dans ce plan, la destruction de la Russie et la diffusion de la révolution mondiale étaient aussi impliquées de manière prévisible.

À cette période (1913), un événement se produisit, qui sembla peu important alors, mais qu’il faudrait rapporter ici, à cause de sa

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conséquence importante par la suite. En Amérique, il y avait une organisation appelée B’nai B’rith (« les Enfants de l’Alliance », en hébreu). Fondée en 1843 comme loge fraternelle exclusivement réservée aux juifs, on la qualifia d’ « institution purement américaine », mais elle créa des branches dans de nombreux pays, et prétend aujourd’hui « représenter tous les juifs du monde entier », au point qu’elle semble faire partie de l’arrangement que le Dr Kastein décrit comme « l’Internationale juive. » En 1913 B’nai B’rith créa une minuscule ramification, l’ « Anti-Defamation League » [Ligue Anti- Diffamation – NdT]. Elle devait prendre une taille et un pouvoir immense ; avec elle, l’État-dans-les-États se dota d’une sorte de police secrète, et elle réapparaîtra dans cette histoire.

Avec l’accession de M. Wilson et du groupe derrière son siège de président, la décor fut installé pour la guerre qui était sur le point de commencer. La fonction de l’Amérique, dans sa promotion du grand « dessein » supranational par le biais de cette guerre, devait être celle d’auxiliaire. Dans cette première étape, l’Angleterre fut choisie pour le premier rôle, et l’objectif principal - le contrôle du gouvernement britannique - n’avait pas été entièrement acquis quand la guerre commença.

Ainsi, l’histoire retraverse maintenant l’Atlantique jusqu’en Angleterre, où M. Balfour était en passe de reprendre à nouveau ses fonctions. Les personnages marquants d’Angleterre étaient toujours résistants au but et plan secrets, et avaient l’intention de faire la guerre, et de la gagner aussi rapidement que possible, à l’endroit où elle avait commencé - l’Europe. Ils fallait les ramener dans le rang si on voulait que le processus prédit par Max Nordau en 1903 soit accompli. Donc, les hommes récalcitrants devaient être disciplinés, ou bien éliminés.

De 1914 à 1916, ainsi, l’histoire devient celle de la lutte pour destituer ces hommes en Angleterre, et les supplanter par d’autres qui, comme M. Wilson, s’aligneraient.


17. Ouvrage qui paraît depuis le milieu du 19e siècle environ, utilisé dans les milieux politiques et diplomatiques anglo-saxons de l'époque. On y trouve pour chaque pays, les événements historiques marquants, le type de constitution et de gouvernement, les institutions sociales y compris l'organisation judiciaire et les religions - NdT (retournez)

18. De fortes ressemblances se retrouvent dans les descriptions contemporaines de M. Roosevelt, dont M. House croyait aussi qu'il l'avait choisi comme « homme de paille ». M. Robert E. Sherwood dit avec insistance que M. Roosevelt était toujours hanté « par le fantôme de Wilson ». Alors que M. Roosevelt était président depuis deux ans, le directeur de son parti, M. James Farley, écrivit : « le Président semblait aller mal... visage tiré et réactions lentes » (1935) et deux ans plus tard, il fut « choqué par l'aspect du président » (1937). En 1943, Madame Tchang Kai-chek fut « choquée par l'apparence du président » ; en 1944, dit M. Merriman Smith, « Il semblait plus vieux que je l'ai jamais vu et il fit un discours hors de propos », et M. John T. Flynn dit que les photos du président « choquèrent la nation ». En 1945, Mlle Françoise Perkins, un membre de son cabinet, sortit de son bureau en disant : "Je ne peux pas supporter ça, le président a une apparence affreuse. » (retournez)

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