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Chapitre 30
La bataille decisive
La guerre de 1914-1918 fut la première guerre entre nations, par
opposition aux armées ; les mains qui la dirigèrent atteignirent chaque
foyer de la plupart des pays européens, et ceux de nombreux autres
non-européens. C’était une chose nouvelle dans le monde, mais elle
avait été prédite par les conspirateurs du communisme et du sionisme.
Les Protocoles de 1905 disaient que la résistance au plan qui y était
exposé rencontrerait une « guerre universelle » ; Max Nordau dit en
1903 que l’ambition sioniste en Palestine serait réalisée par « la
prochaine guerre mondiale. »
Pour que de telles paroles s’accomplissent et acquièrent ainsi le
statut de « connaissance étrange » révélée en avance sur l’événement, il
fallait que la conspiration prenne le contrôle des gouvernements
impliqués afin que leurs mesures de politique nationale, et par
conséquent leurs opérations militaires, puissent être détournées pour
servir aux fins de la conspiration, et non celle des intérêts nationaux.
Le président américain était déjà (c’est-à-dire, depuis 1912) prisonnier
de « conseillers » secrets, comme on l’a montré ; et la description qu’en
fit M. House (comme dans le roman anonyme et les Papiers Intimes reconnus) est correcte, il correspond à l’image donnée antérieurement
dans les Protocoles : « … nous remplaçâmes le souverain par sa
caricature en la personne d’un président tiré par nous de la foule et
choisi parmi nos créatures et nos esclaves ».
Cependant, on n’exigea pas de M. Wilson qu’il joue un rôle actif
dans la poursuite du grand « dessein », au début de la Première Guerre
mondiale ; il accomplit sa fonction par la suite. À son début, l’objectif
principal était d’obtenir le contrôle du gouvernement britannique. La
lutte pour accomplir cela dura deux ans et aboutit à la victoire pour
les intrigants, dont les activités étaient inconnues du public.
Cette bataille, menée dans le « labyrinthe » de la « politique
internationale », fut la bataille décisive de la Première Guerre
mondiale. C’est-à-dire - comme aucune décision n’est jamais finale et
peut toujours être modifiée par une décision ultérieure - qu’elle
produisit les effets les plus importants et les plus durables par la
suite, au cours du XXe siècle ; ces effets continuèrent à dominer les
événements entre les deux guerres et pendant la Seconde Guerre
mondiale, et en 1956, on peut les voir comme constituant la cause la
plus probable de n’importe quelle troisième « guerre universelle ».
Aucun fracas d’armes pendant la guerre de 1914-1918 ne produisit un
effet sur l’avenir comparable à celui provoqué par la capture du
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gouvernement britannique en 1916. Ce processus fut dissimulé aux
foules impliquées. Du début à la fin, les Britanniques crurent
simplement qu’ils avaient à faire à un impétueux chef militaire teuton
- et les Américains, que le penchant des peuples européens pour la
querelle était la cause première de cette crise.
En Angleterre en 1914, la situation provoquée en Amérique par la
captivité secrète du président Wilson n’avait pas cours. Les postes
politiques et militaires importants étaient détenus par des hommes qui
soumettaient au test chaque proposition de conduite politique et
militaire de la guerre : pourrait-elle les aider à gagner la guerre et
était-ce dans l’intérêt de leur pays ? Par ce test, le sionisme échoua.
L’histoire des deux premières années de la guerre de quatre ans est
celle de la lutte en coulisse pour déloger ces hommes obstructionnistes
et les supplanter par d’autres hommes dociles.
Avant 1914, la conspiration n’avait pénétré que les antichambres
(excepté pour la démarche fatale du gouvernement Balfour en 1903).
Après 1914, un cercle croissant d’hommes importants s’associa à
l’entreprise de diversion, le sionisme. Aujourd’hui, « les considérations
pratiques » (la popularité ou l’hostilité publique, les votes, le soutien
financier et le pouvoir) qui influencent les politiciens à cet égard sont
bien connues, parce qu’elles ont été révélées par de nombreuses
publications authentiques. À cette époque-là, il aurait fallu qu’un
politicien anglais soit exceptionnellement intelligent ou prévoyant pour
voir dans les sionistes les détenteurs des clés de l’avancement
politique. Par conséquent, le motif balfouréen d’engouement
romantique a pu les inciter ; les annales sur cette période sont peu
claires, et n’expliquent pas l’inexplicable. De plus, les Anglais ont
toujours eu tendance à donner à leurs actions l’apparence d’un but
moral élevé, et à se persuader de croire en ce dernier ; Cela amena
Macaulay à faire remarque : « On ne connaît pas spectacle plus
ridicule que celui du public britannique dans un de ses accès
périodiques de moralité ». Il est alors probable que certains des hommes qui se joignirent à cette intrigue (c’en était une,
indubitablement) pensèrent qu’ils agissaient bien. Ce processus
d’aveuglement est montré par la déclaration (découverte par moi) qui
identifie clairement un groupe de pro-sionistes dans les hautes
sphères anglaises de l’époque, et qui suggère une motivation du même
genre que celui dont Lord Macaulay fit la satire.
Cette déclaration vient d’un certain M. Olivier Locker-Lampson,
un député conservateur du début de ce siècle. Il ne joua aucun grand
rôle et ne se distingua, si tant est, que par son soutien postérieur
fanatique au sionisme au sein et en dehors du Parlement, mais c’était
un ami proche des dirigeants qui mirent le sionisme sur le dos du
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peuple britannique. En 1952, il écrivait dans un hebdomadaire
londonien :
« Winston, Lloyd George, Balfour et moi avons été élevés comme de
vigoureux protestants, qui croient en l’arrivée d’un nouveau Sauveur
quand la Palestine sera restituée aux juifs. »
C’est l’idée messianique des millénaristes de Cromwell, imposée
au XXe siècle. Seuls les hommes cités pourraient dire si cette
déclaration est vraie, et seul l’un d’entre eux est encore en vie. Si c’est
cela la véritable base du protestantisme, qu’il soit vigoureux ou autre,
les lecteurs peuvent en juger par eux-mêmes. Nul n’oserait prétendre
que c’est une base saine pour la conduite de la politique nationale ou
des opérations militaires en temps de guerre. De même, bien sûr, elle
exprime la même idée impie qui mena le Prophète Monk et tous les
hommes dans son genre : celle que Dieu a oublié son devoir et, ayant
manqué à ses engagements, il doit le faire faire par d’autres à sa place.
Quoi qu’il en soit, un groupe s’était formé, et nous pourrions tout
aussi bien le désigner par le nom que cet homme lui donna : les
Protestants Vigoureux.
La Première Guerre mondiale commença, avec ces Protestants
Vigoureux ambitionnant d’accéder au pouvoir, afin qu’ils puissent
détourner les opérations militaires en Europe en faveur de la cause qui
avait pour but de procurer la Palestine aux sionistes. Le Dr Weizmann,
qui n’avait pas chômé depuis la dernière fois que nous l’avions vu,
enfermé avec M. Balfour à Manchester, en 1906, passa immédiatement
à l’action : « Il est temps maintenant… les considérations politiques
seront favorables », écrivait-il en octobre 1914. Il alla voir M. C.P.
Scott, éditeur du Manchester Guardian - journal qui se passionnait
beaucoup (à l’époque comme aujourd’hui) pour toute cause nonnationale.
M. Scott fut enchanté d’apprendre que son visiteur était
« un juif qui détestait la Russie » (la Russie, alliée de l’Angleterre, était
à ce moment-là en train de sauver les armées anglaises et françaises à
l’Ouest, en attaquant par l’Est), et l’emmena immédiatement prendre le
petit déjeuner avec M. Lloyd George, alors ministre des Finances.
M. Lloyd George (que le Dr Weizmann trouva « extraordinairement
désinvolte » concernant la guerre en Europe) fut « chaleureux et
encourageant » à propos du sionisme, et proposa une autre réunion
avec M. Balfour. Elle eut lieu le 14 décembre 1914. M. Balfour, se
rappelant la conversation de 1906, demanda « tout à fait
nonchalamment » s’il pouvait aider le Dr Weizmann de façon pratique,
recevant la réponse : « Pas tant que les armes grondent ; quand la
situation militaire deviendra plus claire, je reviendrai » (Mme Dugdale,
dont le Dr Weizmann corrobore le récit : « Je n’ai pas donné suite à
cette ouverture, le temps et le lieu n’étaient pas propices. » Ce fut au
cours de cette rencontre que M. Balfour dit d’une façon gratuite que
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« quand les armes se seront tues, vous pourrez obtenir votre
Jérusalem »).
Le Dr Weizmann ne se saisit pas avidement de l’offre « tout à fait
nonchalante » de M. Balfour pour une bonne raison. Le quartier
général sioniste, à ce moment-là, était à Berlin, et les collègues du Dr
Weizmann y étaient convaincus que l’Allemagne gagnerait la guerre.
Avant de jouer cartes sur table, ils voulaient en être sûrs. Quand, plus
tard, ils se résolurent à miser sur la carte alliée, « les armes » « grondaient » toujours. La pensée du carnage en Europe ne dissuada
pas le Dr Weizmann de « donner une suite à l’ouverture ». Comme il le
dit franchement à M. Balfour (et M. Balfour ne compris certainement
pas ce que son visiteur avait exactement à l’esprit), « le moment…
n’était pas propice », et le Dr Weizmann avait l’intention d’attendre que
« la situation militaire devienne plus claire. »
De façon significative, il semble que certains des hommes
concernés par ces entrevues inconnues du public cherchèrent à
dissimuler leurs rendez-vous ; à l’époque, le destin de l’Angleterre était
censé être leur seule préoccupation. J’en ai déjà donné un exemple
apparent : la confusion à propos de la date de la seconde rencontre de
M. Balfour avec le Dr Weizmann, celle qui vient d’être décrite. M. Lloyd
George, écrivit de même que sa première rencontre avec le Dr
Weizmann eut lieu en 1917, quand il était Premier ministre, et la
qualifia de « fortuite. » Le Dr Weizmann corriga cela dédaigneusement :
« en réalité, le plaidoyer de M. Lloyd George en faveur de la patrie juive précéda de loin son accession à la fonction de Premier ministre, et nous
nous nous rencontrâmes plusieurs fois entre-temps. »
Une troisième rencontre avec M. Balfour suivit, « une grande
conversation qui dura plusieurs heures » et se passa
« extraordinairement bien. » Le Dr Weizmann, encore une fois, exprima
sa « haine de la Russie », l’alliée en difficulté de l’Angleterre. M. Balfour
se demandait modérément « comment un ami de l’Angleterre pouvait
être aussi anti-russe quand la Russie faisait tant pour aider
l’Angleterre à gagner la guerre ». Comme à l’occasion précédente,
quand il fit allusion aux convictions anti-sionistes des juifs
britanniques, il semble qu’il n’eut aucune véritable intention de
protester, et conclus, « C’est une grande cause, celle à laquelle vous
oeuvrer ; vous devez revenir à maintes reprises. »
M. Lloyd George avertit aussi le Dr Weizmann qu’ « il y aurait sans
aucun doute une forte opposition venant de certains milieux juifs », et
le Dr Weizmann fit sa réponse de réserve, comme quoi en fait, « les
juifs riches et puissants étaient pour la plupart contre nous. » Étrangement, cette insinuation sembla impressionner énormément les
Protestants Vigoureux, qui étaient surtout des hommes riches et
puissants, et ils sont devinrent bientôt aussi hostiles envers leurs
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compatriotes, les juifs d’Angleterre, que celui qui les importunait, le Dr
Weizmann de Russie.
L’opposition au sionisme se développa à partir d’une autre source.
Aux postes les plus hauts placés, se tenaient encore des hommes qui
ne pensaient qu’au devoir national et à la victoire. Ils ne
pardonneraient pas la « haine » d’un allié militaire ni ne soutiendraient
des « points de détails » dispendieux en Palestine. Ces hommes étaient
M. Herbert Asquith (Premier ministre), Lord Kitchener (Secrétaire à la
guerre), Sir Douglas Haig (qui devint le Commandant en Chef en
France) et Sir William Robertson (chef d’état-major en France, plus
tard Chef de l’état-major impérial).
M. Asquith était le dernier leader libéral en Angleterre qui
cherchait à donner au « libéralisme » une signification concordante
avec l’intérêt national et la croyance religieuse, par opposition à la
signification que l’on avait donnée à ce terme dans les quatre dernières
décennies (celle que lui avait attribuée les Protocoles : « Lorsque nous
eûmes injecté le poison du libéralisme dans l’organisation de l’État, sa
complexion politique changea ; les États furent infectés d’une maladie
mortelle : la décomposition du sang. »).
Avec son renversement postérieur, le libéralisme, au sens premier,
mourut en Angleterre ; et en fait, le parti lui-même tomba dans le
déclin et s’effondra, laissant ne laissant qu’un nom utilisé
principalement comme « couverture » par le communisme et sa légion
de « rêveurs utopiques ».
M. Asquith découvrit l’intrigue qui se tramait quand il reçut une
proposition pour un État juif en Palestine, de la part d’un ministre juif,
M. Herbert Samuel, qui avait été présent au petit déjeuner de
Weizmann et Lloyd George en décembre 1914 ; ces deux-là en furent
informés à l’avance. M. Asquith écrivit : « … La proposition de Samuel
en faveur de l’annexion britannique de la Palestine, un pays de la taille
du Pays de Galles, essentiellement de montagnes stériles, et
partiellement aride ; il pense que nous pourrions planter dans ce
territoire pas très prometteur environ trois ou quatre millions de juifs…
Je ne suis guère attiré par cette proposition de supplément à nos
responsabilités… Le seul autre partisan de cette proposition est Lloyd
George, et je n’ai pas besoin de dire qu’il se contrefiche des juifs ou de
leur rôle dans l’avenir… »
M. Asquith (qui a correctement résumé M. Lloyd George) resta du
même avis jusqu’à la fin. Dix ans plus tard, alors qu’il n’était plus en
fonction depuis longtemps, il visita la Palestine et écrivit : « Parler de
transformer la Palestine en un Foyer national juif me semble aussi
fantastique que cela l’a toujours été. » En 1915, par sa réponse
défavorable - et son retrait du gouvernement - il devint l’objet de
310
l’intrigue. Tant qu’il le pouvait, il maintint son pays hors de l’aventure
palestinienne ; il accepta l’opinion des leaders militaires que la guerre
ne pouvait être gagnée (si elle pouvait l’être) que sur le principal champ
de bataille, en Europe.
Lord Kitchener, qui était de cet avis, avait une autorité immense et
une popularité publique. L’objectif militaire primordial, qu’il visait à
cette étape, était de garder la Russie dans la guerre (les sionistes
voulaient la destruction de la Russie, et en informèrent les Protestants
Vigoureux). Lord Kitchener fut envoyé en Russie par M. Asquith en
juin 1916. Le croiseur Hampshire, et Lord Kitchener à son bord,
disparurent. Les bonnes autorités s’entendent que c’était un homme
qui aurait pu soutenir la Russie. Un obstacle formidable, tant à la
révolution mondiale là-bas qu’à l’entreprise sioniste, disparut. Le
sionisme ne pourrait probablement pas avoir été imposé à l’Occident,
s’il avait vécu. Je me rappelle que les soldats sur le front occidental,
quand ils entendirent la nouvelle, sentirent qu’ils avaient perdu une
bataille majeure. Leur intuition était plus vraie qu’ils ne le savaient.
Après cela, seuls Asquith, Robertson, Haig et les juifs d’Angleterre
se tenaient entre le sionisme et son but. Le cercle d’intrigue s’élargit.
Le Times et le Sunday Times rejoignirent le Manchester Guardian dans
son enthousiasme pour le sionisme, et à l’intérieur ou autour du
Cabinet, de nouveaux hommes s’ajoutèrent à Balfour et Lloyd George.
Lord Milner (sur le point de les rejoindre) annonça que « si les Arabes
pensent que la Palestine deviendra un pays arabe, ils se trompent
lourdement » ; à ce moment-là, le colonel Lawrence incitait les Arabes
à se révolter contre un ennemi des Alliés, les Turcs. M. Philip Kerr (qui
devint Lord Lothian par la suite, à cette époque secrétaire de M. Lloyd
George) décida qu’ « une Palestine juive » devait résulter du châtiment
« du chien enragé de Berlin » (tel que le Kaiser était dépeint « à la
foule »). Sir Mark Sykes, secrétaire en chef du Cabinet de guerre, était
« une de nos plus grandes trouvailles » (Dr Weizmann), et élargit l’idée
à « la libération des juifs, des Arabes et des Arméniens ».
Au moyen de telles fausses suggestions, « la multitude » est à tout
moment « persuadée ». Les Arabes et les Arméniens étaient là où ils
avaient toujours été, et n’aspiraient pas à être déplacés ailleurs. Les
juifs en Europe étaient aussi libres ou non libres que les autres
hommes ; les juifs de Palestine avaient montré leur impatience d’aller
en Ouganda, les juifs d’Europe et d’Amérique voulaient rester là où ils
étaient, et seuls les Khazars judaïsés de Russie, sous leurs directeurs
talmudiques, voulaient posséder la Palestine. L’invention de cette
formule de Sir Mark était une infortune de plus pour la postérité, car
cela impliquait que l’aventure palestinienne n’était qu’une aventure
parmi d’autres, toutes apparentées. À la différence des autres
311
Protestants Vigoureux, c’était un expert dans les affaires du Moyen-
Orient, et il aurait pu réfléchir un peu plus.
Une autre recrue, Lord Robert Cecil, utilisa aussi cette formule
trompeuse : « l’Arabie pour les Arabes, la Judée pour les juifs,
l’Arménie pour les Arméniens » (la libération arménienne fut tout à fait
perdue de vue dans les événements postérieurs), et argument aussi est
curieux, car la diplomatie est innée chez les Cecil. Le sionisme avait le
pouvoir étrange de produire des aberrations chez les hommes sages.
M. Balfour (un demi Cecil) eut une sagesse cecilienne sur d’autres
questions ; il présenta un document sur la réorganisation de l’Europe après la guerre qui est considéré aujourd’hui comme un modèle de
diplomatie prudente, tandis que sur la question du sionisme, il était
comme un drogué.
Le cas de Lord Cecil est tout aussi inexplicable. Je me rappelle
une conférence qu’il donna à Berlin (dans les années 1930), sur la
Société des Nations. Grand, voûté, au visage de faucon,
héréditairement doué, il émit des avertissements sur l’avenir, comme
du haut d’une montagne de révélation, et invoqua de manière
sépulcrale « les prophètes hébreux. » En tant que jeune journaliste, je
fus très impressionné sans comprendre ce qu’il voulait dire.
Aujourd’hui, alors que j’en sais un peu plus, c’est toujours mystérieux
pour moi ; si Jérémie, par exemple, était quoi que ce soit, c’était bien
anti-sioniste.
Pourtant, le Dr Weizmann dit spécifiquement de Lord Robert :
« Pour lui, le rétablissement d’une patrie juive en Palestine et
l’organisation du monde en une grande fédération étaient les
caractéristiques complémentaires de l’étape suivante dans la gestion des
affaires humaines… En tant que l’un des fondateurs de la Société des
Nations, il considérait la patrie juive comme étant d’importance égale à la
Société elle-même. »
Ici, le grand secret est révélé ; mais Lord Robert le discernait-il ?
La conquête de la Palestine pour les sionistes de Russie n’était pas que
« l’étape suivante » dans « la gestion des affaires humaines » (le dicton
de Lord Acton à propos du « dessein » et des « administrateurs » revient
à l’esprit). « La fédération mondiale » est dépeinte comme une partie
concomittante du même plan. La théorie de base de cette ligue, sous
ses diverses formes, s’est avérée être que les nations devaient
abandonner leur souveraineté, pour que la nationalité séparée
disparaisse (cela, bien sûr, est aussi le principe de base des
Protocoles). Mais si les nations doivent disparaître, pourquoi le
processus de leur destruction commence-t-il par la création d’une nouvelle nation, si ce n’est pour qu’elle soit l’autorité suprême dans
« la gestion des affaires humaines » (cette conception d’une nation
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suprême s’étend de la même façon sur tout l’Ancien Testament, le
Talmud, les Protocoles et le sionisme littéral).
Ainsi l’adhésion de Lord Robert au sionisme devient-il
incompréhensible, car sa sagesse héritée le rendait totalement
conscient des périls du despotisme mondial, et à cette même période, il
écrivit à M. House en Amérique : «
Que nous devrions faire un effort réel pour établir un dispositif de
paix quand cette guerre sera finie, je n’en ai aucun doute… Un
danger me semble être de viser à trop de choses….. Rien n’a fait plus
de mal à la cause de la paix que l’échec des efforts dans ce sens après
Waterloo. De nos jours, on oublie généralement que la Sainte Alliance
commença à l’origine en tant que Ligue pour Imposer la Paix.
Malheureusement, elle a permis que ses énergies soient détournées
d’une façon telle qu’elle est vraiment devenue une ligue pour soutenir
la tyrannie, avec la conséquence qu’elle fut généralement discréditée, en plus de faire un mal infini par d’autres façons… L’exemple montre à
quel point les plans les mieux intentionnnés peuvent facilement mal
tourner. »
La citation montre que Lord Cecil devait être conscient du danger
de « détournement des énergies » ; elle montre aussi qu’il avait mal
compris la nature du sionisme, si l’opinion que lui attribua le Dr
Weizmann est correcte. Quand il écrivait ces mots, une nouvelle
« Ligue pour Imposer la Paix » était en train d’être organisée en
Amérique par le propre beau-frère de M. House, le Dr Mezes ; elle fut le
précurseur des diverses actions de lancement d’un gouvernement
mondial qui ont suivi, dans lesquelles l’intention de groupes puissants
de fonder « une ligue pour soutenir la tyrannie » dans le monde a été
clairement révélée.
Ainsi, alors que la seconde année de la Première Guerre mondiale
finissait, les Protestants Vigoureux, qui regardaient vers la Palestine,
et non vers l’Europe, étaient une bande importante de compagnons
décortiquant le noyau russo-sioniste. Messieurs Leopold Amery,
Ormsby-Gore et Ronald Graham rejoignirent les « amis » nommés plus
haut. Le sionisme avait son pied dans chaque département du
gouvernement, sauf le ministère de la Guerre. Quelle que soit la nature
originale de leur enthousiasme pour le sionisme, les récompenses
matérielles, à ce stade, séduisaient indéniablement ; l’intrigue était
destinée à déloger des hommes de leurs fonctions et à prendre leur
place.
Le Premier ministre qui faisait obstruction, M. Asquith, fut écarté à la fin de 1916. Les pages d’hier révèlent maintenant la manière dont
cela fut réalisé et le passage du temps permet de juger des résultats.
Le motif donné au public fut que M. Asquith était inefficace à
poursuivre la guerre. La sincérité de l’affirmation peut être testée par
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ce qui suivit ; le premier acte de ses successeurs fut de détourner des
forces vers la Palestine, et suite à cela, M. Lloyd George perdit presque
entièrement la guerre.
Le 25 novembre 1916, M. Lloyd George recommanda que son chef
se retire de la présidence du Conseil de guerre, en faveur de M. Lloyd
George. Normalement, une telle demande aurait été suicidaire, mais
c’était un gouvernement de coalition, et le libéral M. Lloyd George fut
soutenu dans sa demande par les leaders conservateurs, M. Bonar
Law et Sir Edward Carson, si bien que cela était un ultimatum. (Ces
deux-là avaient problablement une foi honnête dans les aptitudes
supérieures de M. Lloyd George ; ils ne peuvent être soupçonnés d’une
duplicité tory [diminutif de « conservateur » - NdT] suffisamment
profonde pour prévoir qu’il finirait par détruire le Parti libéral !)
M. Lloyd George exigea aussi que l’incompétent (et conservateur)
M. Balfour soit évincé du titre de Premier Lord de l’Amirauté. Le
Premier ministre libéral refusa avec indignation d’abandonner le
Conseil de guerre ou de licencier M. Balfour (le 4 décembre). Il reçut
alors la démission de M. Balfour, sur quoi il envoya immédiatement à
M. Balfour une copie de sa propre lettre refusant de licencier M.
Balfour. Là-dessus, M. Balfour, bien que bloqué chez lui par un gros
rhume, trouva la force d’envoyer une autre lettre dans laquelle il insistait pour démissionner, comme M. Lloyd George l’avait exigé, et M.
Lloyd George démissionna également.
M. Asquith restait seul. Le 6 décembre, M. Balfour (qui avait
démissionné sur l’ordre de M. Lloyd George) se sentit suffisamment
bien pour recevoir M. Lloyd George. Cet après-midi-là, les leaders de
parti se rencontrèrent et annoncèrent qu’ils serviraient volontiers sous
M. Balfour. M. Balfour déclina, mais offrit volontiers de servir sous M.
Lloyd George. M. Lloyd George devint alors Premier ministre et nomma
l’incompétent M. Balfour secrétaire des Affaires étrangères. Ainsi, les
deux hommes qui s’étaient engagés en secret à soutenir le sionisme
accédèrent-elles aux fonctions politiques les plus hautes, et à partir de
ce moment-là, les énergies du gouvernement britannique furent
dirigées sur l’obtention de la Palestine pour les sionistes, au-dessus de
tous les autres buts. (En 1952, je lis une lettre dans le journal juif Commentary, de New York, annonçant que les juifs du Nord du Pays de
Galles avaient joué par leurs votes un rôle décisif dans
l’accomplissement de l’élection de M. Lloyd George. J’ai aussi été
informé de façon crédible que dans sa pratique de procureur, il reçut
de nombreuses affaires sionistes, mais je ne peux le garantir. Dans
son cas, l’explication de motivations vénales ne peut être écartée, selon
moi ; l’inexactitude de ses déclarations concernant ses relations avec le
sionisme, que le Dr Weizmann corrige par deux fois, suggère cela.
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Ainsi, les personnages centraux se regroupèrent-ils sur la scène.
M. Lloyd George, petit avocat élégant en jaquette au milieu de ses
collègues plus grands, dont beaucoup portaient encore la vieille
redingote, ressemblait à un moineau au milieu de corbeaux. À côté de
lui, se trouvait M. Balfour, grand, mou, toujours prêt à répondre de
façon cynique, d’un air las, à une question honnête, donnée au cours
d’un petit tennis léger ; je l’imagine là, flânant rêveusement le long de
Saint James’s Park jusqu’à la Chambre. Entourant ces deux hommes,
le choeur grec des membres du Conseil des ministres, des soussecrétaires
d’État et de hauts fonctionnaires qui avaient découvert leur
Protestantisme Vigoureux. Il se peut que certains de ces compagnons
de voyage de Sion aient été vraiment trompés et n’aient pas compris
dans quelle galère ils s’engageaient. M. Lloyd George était le premier
personnage majeur d’une longue série d’autres personnages qui
savaient prendre le train en marche quand ils en voyaient un ; par
eux, ces innocents mots, « politicien du vingtième siècle » - acquirent
une signification sinistre, et le siècle leur doit beaucoup ses épreuves.
Quant à la diversion de la force militaire britannique vers un but
étranger, un vaillant résistant restait seul après la mort de Lord
Kitchener et la destitution de M. Asquith. La silhouette robuste de Sir
William Robertson faisait face au groupe entourant M. Lloyd George.
S’il l’avait rejoint, il aurait pu avoir des titres, des réceptions, des
libertés, des ordres, des loges dorées, et des rubans descendant
jusqu’à la ceinture ; il aurait pu avoir des fortunes pour « les droits »
de tout ce qu’il (ou n’importe quel nègre à sa place) écrivait; il aurait
pu avoir des boulevards à son nom et défiler dans des villes qui
l’auraient acclamé en Europe et en Amérique ; il aurait pu faire se
lever pour lui le Congrès et la Chambre des Communes, et entrer dans
Jérusalem sur un cheval blanc. Il ne reçut même pas de pairie, ce qui
est rare parmi les maréchaux britanniques.
Il était le seul homme à avoir jamais accédé à ce rang supérieur
depuis le rang de soldat. Dans l’Angleterre de la petite armée
professionnelle, c’était un grand accomplissement. Il était simple,
honnête, lourd, taillé à coups de serpe ; il était du peuple et
ressemblait à un beau sergent-major. Son seul soutien, dans sa lutte,
se trouvait chez le commandant des armées en France, Sir Douglas
Haig, qui était de la caste des officiers de cavalerie, beau et à l’allure
militaire - l’idéal, pour le soldat, de ce qu’un officier devrait être.
Robertson, le vieux soldat bourru, dut (à contrecoeur) assister à
plusieurs fêtes caritatives dont s’occupent les dames de la société en
temps de guerre, et à l’une d’elle, vit Lady Constance Stewart
Richardson, qui se sentie poussée à interprêter des danses dans les
étoffes et à la manière d’Isadora Duncan. Un général, remarquant
l’impatience de Robertson, dit : « Il faut reconnaître qu’elle a de très
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belles jambes. » « Bof, comme n’importe quelles autres foutues
jambes », grogna Robertson.
C’est à ce dernier qu’incomba la tâche de contrecarrer la diversion
des armées britanniques vers la Palestine, s’il le pouvait. Il considéra
toutes les propositions exclusivement du point de vue de leur influence
militaire sur la guerre et la victoire ; si elles aidaient à gagner la
guerre, la motivation lui était indifférente ; sinon, il s’y opposait, sans
égard pour aucune autre considération. Sur cette base, il décida que la
proposition sioniste concernait un « point de détail » dangereux qui ne
pouvait que retarder et compromettre la victoire. Il ne discuta jamais,
et ne soupçonna même peut-être jamais, une quelconque implication
politique ; cela était pour lui hors de propos.
Il avait dit à M. Asquith, en 1915 : « Manifestement, la méthode la
plus efficace » (pour vaincre les puissances centrales) « est de vaincre
de façon décisive les principales armées allemandes, qui sont toujours
sur le front occidental. » Il mit donc instamment en garde contre « les
campagnes auxiliaires sur des théâtres mineurs et l’affaiblissement des
forces en France… La pierre de touche par laquelle tous les plans et
propositions doivent être testés est leur rapport avec l’objet de la guerre. »
Les peuples engagés dans la guerre sont chanceux si leurs leaders
raisonnent de cette façon, et malheureux s’ils dévient de ce
raisonnement. Par cette logique concluante, l’entreprise palestinienne
(une entreprise politique) était hors sujet. Quand M. Lloyd George
devint Premier ministre, il concentra immédiatement tous ses efforts
sur le détournement des forces militaires vers une campagne majeure
en Palestine :
« Quand j’ai formé mon gouvernement, j’ai immédiatement soulevé au
ministère de la Guerre la question d’une nouvelle campagne en
Palestine. Sir William Robertson, qui tenait beaucoup à prévenir le
danger d’envoyer des troupes depuis la France jusqu’en Palestine…
s’y est fortement opposé et a pour l’instant marqué le point. »
Sir William Robertson corrobore : « Jusqu’en décembre 1916 » (quand M. Lloyd George devint Premier
ministre) « les opérations au-delà du canal de Suez avaient été pour
l’essentiel défensives en principe, le gouvernement, de même que l’étatmajor…
reconnaissant l’importance primordiale de la lutte en Europe et
le besoin d’apporter le plus grand soutien aux armées là-bas. Cette
unanimité entre ministres et soldats n’eut plus cours après le
changement de gouvernement…
La différence fondamentale d’opinion était particulièrement
importune dans le cas de la Palestine…
316
Le nouveau cabinet de guerre existait depuis seulement quelques
jours quand il ordonna à l’état-major d’examiner la possibilité
d’étendre les opérations en Palestine… L’état-major porta les
exigences à trois divisions additionnelles, et celles-ci ne pouvaient
être obtenues que des armées sur le front occidental… L’état-major
dit que le projet s’avérerait être une grande source d’embarras et
compromettrait nos perspectives de succès en France… Ces conclusions furent décevantes pour les ministres… qui voulaient
voir la Palestine occupée immédiatement, mais elles ne pouvaient pas
être réfutés… En février, le cabinet de guerre s’adressa de nouveau au
chef d’état-major, demandant quels progrès étaient faits dans la
préparation d’une campagne d’automne en Palestine. »
Ces passages montrent comment le cours de la politique nationale
et des opérations militaires en cas de guerre peut être « dévié » par la
pression politique dans les coulisses. Dans ce cas, la question de la
bataille entre politiciens et militaires affecte les vies des nations à
l’heure actuelle - les années 1950.
M. Lloyd George se renforça alors par une manoeuvre qui, une fois
encore, montre la longue réflexion qui dut être consacrée à la
préparation de cette entreprise et au préalable, à la sélection prudente
« d’administrateurs » pour la soutenir. Il proposa que le cabinet de
guerre « faire entrer les dominions au sein du conseil, dans une
mesure beaucoup plus large que jusqu’alors, dans la poursuite de la
guerre.» Présentée de cette façon, l’idée séduisait beaucoup les
populations en Angleterre. Des combattants du Canada, d’Australie,
de Nouvelle-Zélande et d’Afrique du Sud faisaient campagne coude à
coude avec leurs propres fils. La réponse immédiate des pays d’outremer
au danger du « vieux pays » avait touché le coeur des Britanniques
de souche, et ils étaient très heureux que leurs leaders [de ces pays] se
joignent plus étroitement à leur propre leader dans la « poursuite de la
guerre. »
Cependant, « la parole du diplomate » (et son intention) différait
grandement de ses actes ; la proposition de M. Lloyd George n’était
qu’une « couverture » pour faire venir le général Smuts à Londres
depuis l’Afrique du Sud, vu qu’il était considéré par les sionistes
comme leur « ami » le plus précieux à l’extérieur de l’Europe et de
l’Amérique, et on fit venir le général pour qu’il propose la conquête de
la Palestine !
La population des électeurs en Afrique du Sud est divisée de
manière tellement égale entre les Afrikaners et les Sud-Africains
anglophones que les « 20 pour cent fluctuants » y étaient plus décisifs,
si tant est, qu’en Amérique. Les sionistes se sentaient capables - et il
est possible que le général Smuts les en crut capables – d’ « apporter»
317
un vote permettant de remportant l’élection. Un de ses collègues, un
certain M. B.K. Long (un député de Smuts, et anciennement du Times de Londres) écrivit que « le vote juif substantiel, qui était fermement
loyal à Smuts et son parti », l’aida énormément dans de telles victoires
électorales. Sa biographie mentionne un legs important venant « d’un
juif riche et puissant » (un exemple de la fausseté de l’accusation du
Dr Weizmann concernant les juifs riches et puissants ; à propos, le
même Sir Henry Strakosch légua un cadeau similaire à M. Winston
Churchill), et des cadeaux anonymes consistant en une maison et une
voiture. Ainsi, les considérations politiques de parti qui pesaient dans
sa balance étaient-elles semblables à celles de M. Lloyd George, M.
House et d’autres par la suite, et les facteurs matériels sont
raisonnablement évidents dans son cas.
Cependant, le motif religieux (ou pseudo-religieux) est
fréquemment invoqué dans ses biographies (de même qu’il fut parfois
revendiqué par M. Lloyd George). Elles affirment qu’il préférait l’Ancien
Testament au Nouveau, et le citent comme ayant dit : « Plus je vieillis,
plus je deviens hébraïste. » Je le rencontrai bien des années plus tard,
alors que je savais quel rôle important il avait joué dans cette ancienne
histoire. Il était alors (en 1948) très troublé par la situation déclinante
du monde et le rôle explosif de la Palestine dans celle-ci. Il était de
belle apparence, en bonne forme et droit à presque quatre-vingts ans,
avec des yeux perçants et une petite barbe. Il était impitoyable, et à
l’occasion, aurait pu être dépeint sous une lumière cruelle (si les
grands journaux s’étaient rangés contre lui au lieu d’être derrière lui) ,
et sa finesse politique égalait celle de M. Lloyd George. La propagande
le décrivit comme le grand architecte de la réconciliation anglo-boer ;
quand il mourut dans sa ferme solitaire du Transvaal, les deux races
étaient plus que jamais en désaccord, si bien que la réalisation de la
véritable réconciliation incomba aux générations suivantes. En Afrique
du Sud, il fut une force séparatrice, et tous savaient que la véritable
puissance derrière son parti était celle de l’or et du groupe
d’exploitation des mines de diamants, et non la puissance de
l’Angleterre ; Johannesburg était la base de sa force politique. En
1948, quand le test eut lieu, il fut le premier à soutenir le sionisme
contre un gouvernement britannique en difficulté.
Le 17 mars 1917, le général Smuts atteignit Londres, au milieu
d’ovations sans précédent, et le renversement de Sir William Robertson
parut enfin proche. L’accueil triomphal du général Smuts était un
premier exemple du « battage» maintenant familier autour de
personnages publics choisis par une presse bouton-poussoir. La
méthode est connue, sous une autre forme, chez les peuples primitifs
de son Afrique natale, où « M’Bongo », le Faiseur de Louanges, s’avance
devant le chef, le proclamant « Grand Éléphant, Celui qui fait trembler
la Terre, qui poignarde le Ciel », et autres choses de ce genre.
318
Le général Smuts fut présenté au cabinet de guerre impérial
comme « un des généraux les plus brillants de la guerre » (M. Lloyd
George). Le général Smuts avait en fait conduit une petite campagne
coloniale en Afrique du Sud-Ouest et, quand il fut appelé à Londres,
menait une campagne inachevée en Afrique orientale, contre « une
armée petite, mais efficacement formée à la brousse, de 2 000 officiers
allemands et 20 000 ascaris indigènes » (son fils, M. J.C. Smuts).
L’hommage était ainsi généreux (M. Lloyd George avait une piètre
opinion des soldats professionnels : « Il n’y a aucune profession où
l’expérience et l’entraînement comptent moins, comparé au jugement
et au flair. »)
À cette période, afin de mieux s’isoler « des généraux » (autres que
le général Smuts), M. Lloyd George et son petit comité en guerre
avaient pris une maison particulière « où ils siégeaient deux fois par
jour et occupaient tout leur temps à la politique militaire, ce qui est
mon travail ; un petit corps de politiciens, tout à fait ignorants de la
guerre et de toutes ses nécessités, essaye de mener la guerre euxmêmes
» (Sir William Robertson). À ce corps cloîtré, en avril 1917, le
général Smuts, sur invitation, présenta ses recommandations pour
gagner la guerre. Cela fut formulé en ces termes : « La campagne de Palestine présente des possibilités militaires et
même politiques très intéressantes… Il reste à considérer la question
beaucoup plus importante et compliquée du front occidental. J’ai
toujours vu cela comme un malheur… que les forces britanniques
soient devenues si entièrement absorbées par ce front. »
(Quand ce conseil fut donné, la Russie était en train de
s’effondrer, le transfert des armées allemandes vers le front occidental
était un événement évident et imminent, et la menace posée à ce front
avait soudainement pris l’ampleur d’un péril mortel).
Cette recommandation donna à M. Lloyd George le fort soutien
militaire (venant d’Afrique orientale) dont il avait besoin, et il fit
immédiatement ordonner au cabinet de guerre que le commandant
militaire en Égypte attaque en direction de Jérusalem. Le général
Murray objecta que ses forces étaient insuffisantes et fut limogé. Làdessus,
on offrit le commandement au général Smuts, que M. Lloyd
George considérait comme « susceptible de poursuivre une campagne dans cette région avec une grande détermination ».
Sir William Robertson gagna alors sa plus grande victoire dans
cette guerre. Il eut une conversation avec le général Smuts. On ne
pourra jamais évaluer les qualités de général de son visiteur, parce
qu’il n’eut jamais l’occasion de les tester, au cours des petites
campagnes dans lesquelles il servit. Ses qualités en tant que politicien,
cependant, sont au-delà de tout soupçon ; il était le plus circonspect
des hommes, et peu disposé à échanger les triomphes de Londres
319
pour le risque d’un fiasco sur le champ de bataille, qui pourrait
détruire son avenir politique en Afrique du Sud. Donc, après sa
conversation avec Sir William Robertson, il déclina l’offre de M. Lloyd
George. (Vu la tournure que prirent les événements, le fiasco lui aurait
été épargné, mais cela était impossible à prévoir, et ainsi, un
conquérant de plus manqua la chance d’entrer dans Jérusalem sur un
destrier. Comme, habituellement, les politiciens adorent de tels
moments, malgré l’aspect comique que le temps leur donne souvent, il
regretta cela par la suite : « Être entré dans Jérusalem ! Quel
souvenir ! »). À l’époque, il dit à M. Lloyd George : « Ma forte conviction
est que notre présente situation militaire ne justifie pas vraiment de
campagne offensive pour la prise de Jérusalem et l’occupation de la
Palestine. »
M. Lloyd George ne se laissa pas décourager par cette volte-face,
ni même par l’effondrement de la Russie et le nouveau danger à
l’Ouest. En septembre 1917, il décida que « les troupes requises pour
une grande campagne en Palestine pourraient être prises sur le front
occidental pendant l’hiver 1917-1918, et pourraient accomplir la tâche en
Palestine à temps pour être de retour en France pour le déclenchement
du travail actif au printemps. »
Seul Dieu aurait pu préserver les compatriotes de M. Lloyd George
des pleines conséquences de cette décision. La guerre ne pouvait pas
être gagnée en Palestine ; elle pouvait encore être perdue en France et
le danger était grave. Mais M. Lloyd George, abandonné même par le
général Smuts, avait enfin trouvé un soutien militaire, car à ce
moment-là, un autre personnage, criant «mois boueux»19, était sorti
des coulisses et s’était avancé sur la scène centrale.
C’était un certain Sir Henry Wilson, qui se décrit lui-même ainsi,
pendant une mission de guerre en Russie, en janvier 1917 :
«Le dîner de gala au Foreign Office20… je portais le Grand officier de
la Légion d’honneur et l’Étoile et Collier du Bain, et aussi des pattes
d’épaule russes et un calot d’astrakan gris, et somme toute, j’avais
toute l’apparence d’un homme superbe. J’ai créé une véritable
sensation au dîner du Foreign Office et ensuite à la réception. J’étais
beaucoup plus grand que le grand duc Serge, et en tout point
“remarquable”, comme on m’a dit. Superbe !»
C’est à cet homme, prenant la pose sur un arrière-plan russe
tragique, que M. Lloyd George et le sionisme doivent leur occasion en
or enfin arrivée, et l’Angleterre, une quasi-catastrophe. Sir Henry
Wilson était très grand, mince, lisse et souriant ; un de ces élégants de
320
l’état-major, pimpants, tout en cuir poli, aux ferrets rouges, enrubanné
et bardé de cuivre, qui décourageaient les soldats de tranchée épuisés
et couverts de boue, en France. Il parlait couramment le français
(grâce à une gouvernante française), et à cet égard, « Henri » était le
chéri des généraux français, qui le trouvaient agréablement exempt de
la rigidité anglaise (en effet, c’était un Irlandais, et sur les questions
irlandaises, il n’était pas d’accord avec les autres Irlandais, dont deux
d’entre eux le tuèrent sur le pas de sa porte à Londres, en 1922 ; et
furent pendus).
Sir Henry avait précédemment été d’accord avec tous les autres
leaders militaires concernant la souveraineté du front principal et la
folie des « points de détails » inutilement excessifs, et surpassa les
autres par sa vigueur dans l’affirmation de ce principe :
« Le moyen de finir cette guerre est de tuer des Allemands, non des
Turcs… L’endroit où nous pouvons tuer le plus d’Allemands est ici, » (en France) « et donc, chaque livre de munitions que nous possédons
dans le monde doit venir ici. Toute l’histoire montre que les
opérations sur un théâtre secondaire et inefficace n’ont aucune
influence sur les opérations principales, sauf celle d’affaiblir les
forces engagées là. » (1915)
Aucun diplômé de l’état-major, ni aucun soldat au champ de
bataille, ne le contesteraient. Sir Henry n’a pu, en 1917, découvrir de
raison militaire d’abandonner ce principe de base de la guerre, pour
son opposé. L’explication de sa volte-face ne peut être qu’évidente. Il
avait observé la montée de Sion et la nature de la dispute entre M.
Lloyd George et son propre chef, Sir William Robertson. Sir Henry vit le
moyen de prendre la place de Sir William. D’où le fait que le récit du
Dr Weizmann sur ses « découvertes d’amis » à cette période, comporte
une allusion à la « sympathie » du général Wilson, « un grand ami de
Lloyd George. » Le 23 août 1917, Sir Henry annonça à M. Lloyd George
« la forte croyance que si un plan vraiment bon était mis au point dans
les détails, nous pourrions chasser les Turcs de la Palestine et
probablement les écraser complètement pendant les mois boueux, sans
interférer en aucune façon avec les opérations de Haig au printemps et à
l’hiver prochains » (en France).
Dans ce rapport, M. Lloyd George trouva enfin le soutien dont il
avait besoin pour son ordre de septembre 1917, cité six paragraphes
plus haut. Il saisit l’expression charmante de « mois boueux » ; il lui
donna un argument militaire ! Le général Wilson lui expliqua que ces
« mois boueux » en France, qui, en embourbant les armées,
écarteraient une offensive allemande majeure tandis qu’elles
avançaient, comprenaient « cinq mois de boue et de neige, de la minovembre à la mi-avril » (1918). Sur ce conseil, M. Lloyd George fonda
sa décision de prendre en France « les troupes requises pour une
321
grande campagne en Palestine », et de les renvoyer en France à temps
en cas d’urgence là-bas. Sur ce point, le général Wilson, seul parmi les
leaders militaires, avisa M. Lloyd George que la grande attaque
allemande n’arriverait probablement jamais (elle arriva à la mi-mars).
Sir William Robertson fit remarquer en vain que le planning était
illusoire ; le mouvement des armées entraînait des problèmes majeurs
de transport et de navigation, et au moment où les dernières divisions
débarqueraient en Palestine, les premières ré-embarqueraient ! En octobre, il avertit de nouveau que les troupes prises en France ne pourraient pas être de retour à temps pour la bataille en été : « la juste
décision militaire à prendre est d’agir sur la défensive en Palestine… et
de continuer à chercher une décision à l’Ouest… toutes les réserves
devraient être envoyées sur le front occidental. »
À cet instant fatidique, le hasard, le grand conspirateur de
toujours dans cette histoire, frappa en faveur des sionistes. Les
membre du Conseil des ministres à Londres (qui avaient apparemment
presque oublié le front occidental) harcelaient Sir William Robertson
pour « nous donner Jérusalem comme étrennes » (l’expression semble
révéler à nouveau « la désinvolture extraordinaire » à propos de la
guerre, que le Dr Weizmann avait attribué antérieurement à M. Lloyd
George). En Palestine, le général Allenby, sous une pression semblable,
fit une tentative de pénétration, découvrit à sa surprise que les Turcs
offraient peu d’opposition, et marcha sans trop de difficulté sur
Jérusalem.
La récompense n’avait aucune valeur militaire, dans la totalité de
la guerre, mais dès lors, M. Lloyd George n’allait plus se contenir. Les
troupes furent détournées de la France sans égard pour ce qui était
imminent là-bas. Le 6 janvier 1918, Sir Douglas Haig se plaignit de
l’affaiblissement de ses armées en France à la veille de la plus
importante bataille ; il lui manquait « 114 000 fantassins ». Le 10
janvier 1918, le ministère de la Guerre fut forcé d’émettre des ordres
pour réduire toutes les divisions de 12 à 9 bataillons d’infanterie.
Une presse libre aurait pu à cette période donner à Sir William
Robertson le soutien dont il avait besoin, dans l’opinion publique, pour
empêcher tout cela. On lui refusa cela aussi, car à ce stade, la
situation prédite par les Protocoles de 1905 était en train d’être
provoquée :
« Nous devons contraindre les gouvernements… à agir dans le sens
favorable à notre plan aux larges perspectives, … par [le biais de] ce
que nous présenterons comme étant l'opinion publique, secrètement
orientée par nous au moyen de ce qu’on appelle la “grande
puissance” - la Presse, qui, à quelques exceptions négligeables près,
est déjà entièrement entre nos mains.»
322
Des auteurs de grande réputation étaient prêts à informer le
public du danger imminent ; on ne leur permit pas de parler.
Le colonel Repington, du Times, était l’auteur militaire le mieux
connu à cette époque ; sa réputation dans ce domaine était la plus
haute au monde. Il nota dans son journal :
« C’est épouvantable, et cela signifiera la réduction d’un quart de
notre infanterie en France et une confusion dans toute notre
infanterie au moment de la prochaine crise. Je ne me suis jamais senti
si malheureux depuis que la guerre a commencé… Je ne peux pas
dire grand chose, parce que l’éditeur du Times manipule souvent mes
critiques ou ne les publie pas.. Si le Times ne retourne pas à sa ligne
indépendante et n’agit pas comme le chien de garde du public, je
m’en laverai mes mains. »
Alors que l’accomplissement de ses avertissements était à portée
de main, Sir William Robertson fut limogé. M. Lloyd George, résolu à
obtenir l’autorité pour son aventure palestinienne, imposa son plan au
Comité interallié de Versailles, que les conseillers techniques
approuvèrent en janvier 1918, « sous réserve de la sécurisation du front
occidental ». Sir William Robertson, à la requête de M. Clemenceau,
réitéra son avertissement que cela mettrait en danger mortel le front
occidental. Quand la réunion se termina, M. Lloyd George le
réprimanda violemment, et il fut immédiatement supplanté par Sir
Henry Wilson.
Avant qu’il ne quitte son poste, il y utilisa ses derniers moments à
faire une dernière tentative pour empêcher le désastre prochain. Il se
rendit à Paris (également en janvier) pour demander l’aide du général
Pershing, le commandant américain, pour réapprovisonner le front
épuisé (seules quatre divisions américaines et demi avaient alors
atteint la France). Le général Pershing, un soldat fidèle à son devoir,
donna la réponse que Sir William attendait et qu’il aurait lui-même
donnée à la place du général Pershing : « Il fit astucieusement observer
qu’il était difficile de réconcilier ma demande d’aide à la défense du
front occidental avec le désir de M. George d’agir offensivement en
Palestine. Il n’y avait, malheureusement, aucune réponse à cet
argument, sauf que, en ce qui me concernait personnellement, aucun
homme ou fusil ne seraient envoyés en Palestine de quelque endroit
que ce soit. »
Après cela, Sir William Robertson ne fut plus « concerné ». Son
récit diffère des mémoires de M. Lloyd George et d’autres politiciens, en
ce qu’il ne montre aucune rancoeur ; son unique thème est le devoir.
De la façon dont il fut traité, il dit simplement : « Cela avait
fréquemment été mon devoir désagréable, au cours de l’année 1917,
que de protester contre les entreprises militaires que le Premier
ministre voulait que l’armée mène à bien, et cette opposition l’avait
323
sans aucun doute décidé à essayer un autre chef de l’état-major
impérial… Sur le point du remplacement, donc, il n’y avait rien à dire et
je n’ai rien dit. » Ainsi, un homme admirable disparaît de cette histoire
d’hommes nombreux de moindre mérite, mais son travail est resté,
parce que, jusqu’au moment de son renvoi, il sauva peut-être juste
assez d’hommes et de fusils pour que la ligne qui s’effondrait tienne
jusqu’à la dernière extrémité, en mars, comme une haussière qui se
déchire pourrait tenir par un seul fil.
Quand il partit, deux hommes hors du gouvernement et de l’armée
continuèrent la lutte, et leurs efforts méritent d’être rapportés, parce
que ces derniers firent partie des dernières tentatives pour préserver le
principe du reportage libre, indépendant et vigilant. Le colonel
Repington était un ancien officier de cavalerie, admirateur de jolies
femmes, amateur de discussions de qualité, un beau sabreur (en
français dans le texte - NdT). Ses carnets donnent une image durable
de la vie superficielle des salons qui se tenaient tandis que les armées
se battaient en France, et qu’à Londres les intrigants conspiraient
dans les antichambres politiques. Cela lui plaisait, et bien qu’il en
sentît l’incongruité, il réalisait que la morosité seule n’était pas un
remède. Il était aussi honnête et patriotique que Robertson, et
incorruptible ; les généreuses offres (qui aurait pu l’inciter à se taire, et
étaient probablement faites dans cette intention) n’avaient aucun effet
sur lui.
Il écrivit :
« Nous nourrissons plus d’un million d’hommes sur les théâtres de
guerre mineurs, et faisons faux bond à nos forces en France, à un
moment où toutes les forces boches de Russie peuvent arriver contre
nous… Je n’arrive pas à obtenir le soutien de l’éditeur du Times pour
réveiller le pays, et je ne pense pas que je serai capable de continuer
avec lui bien plus longtemps. »
(J’ai découvert les journaux du colonel Repington en travaillant
sur ce livre, et je me suis ensuite rendu compte que son expérience fut
identique à la mienne, avec le même éditeur, exactement vingt ans
plus tard).
Un mois plus tard, il écrivait :
« Au cours d’une entrevue orageuse, j’ai dit à M. Geoffrey Dawson que
son obséquiosité envers le cabinet de guerre au cours de cette année était en grande partie la cause de la posture dangereuse de notre
armée… Je ne veux plus avoir quoi que ce soit à faire avec le Times. »
Il restait un homme en Angleterre qui était capable et désireux de
publier la vérité. M. H.A. Gwynne du Morning Post publia l’article du
colonel Repington, qui exposait l’affaiblissement du front français à la
veille de son attaque, sans le soumettre au censeur. Lui et le colonel
Repington furent alors poursuivis, jugés et condamnés à une amende
(l’opinion publique était apparemment trop de leur côté pour un
324
châtiment plus dur). Sir William Robertson écrivit au colonel
Repington :
« Comme vous, j’ai fait ce qui était le mieux dans les intérêts
généraux du pays et le résultat a été exactement ce à quoi je
m’attendais… Mais l’important est de garder le cap, et ainsi, on pourra
être sûr que la bonne volonté sortira finalement de ce qui peut
actuellement paraître néfaste. » 21
Ainsi, les deux ans de guerre sous la direction de M. Lloyd George
en Angleterre furent-ils importants dans leurs effets sur le présent, et
je crois avoir montré comment il obtint son poste et quel but
primordial il poursuivit par ce biais. Au bout de dix-huit mois, il avait
surmonté toute opposition, avait détourné une multitude d’hommes de
la France vers la Palestine, et était enfin prêt pour la grande
entreprise.
Le 7 mars 1918, il donna des ordres pour « une campagne
décisive » afin de conquérir toute la Palestine, et y envoya le général
Smuts pour donner des instructions en conséquence au général
Allenby.
Le 21 mars 1918, l’attaque allemande tant attendue en France
commença, incorporant tous les hommes, armes et avions libérés du
front russe.
La « campagne décisive » en Palestine fut immédiatement
suspendue, et chaque homme qui pouvait être extirpé de Palestine fut
envoyé d’urgence en France. Le nombre total d’hommes employés en
Palestine était de 1 192 511 jusqu’en octobre 1918 (le général
Robertson).
Le 27 mars 1918, le colonel Repington écrivit : « C’est la pire
défaite dans l’histoire de l’armée. » Le 6 juin, les Allemands déclarèrent
175 000 prisonniers et plus de 2 000 fusils.
À ce point, la vérité apparut par les derniers mots ci-dessus,
extraits de la lettre de Sir William Robertson au colonel Repington, et
ils sont un présage d’espoir continu pour les hommes de bonne volonté
aujourd’hui. En gardant le cap, il avait sauvé suffisamment pour que
la ligne tienne, au point de rupture, jusqu’à l’arrivée en force des
325
Américains. Avec cela, la guerre était pratiquement terminée. Il est
clair que si la Russie avait été soutenue, l’excursion palestinienne
évitée et la force concentrée en France, elle aurait pu se conclure plus
tôt, et probablement sans « l’enchevêtrement » de l’Amérique.
Cependant, cela n’aurait pas favorisé le grand plan pour « la gestion
des affaires humaines. »
À ce stade du récit, j’écris avec les sentiments d’un participant, et
ces derniers influencent probablement ce que j’ai écrit sur la longue
histoire plus ancienne, parce que les effets, tels que je les ai vus à ma
génération, m’apparaissent mauvais. Je me rappelle la grande attaque
allemande du 21 mars 1918 ; je la vis dans le ciel et sur le terrain, et
avait combattu le premier mois, jusqu’à ce qu’on m’emporte sur une
civière. Je me rappelle l’ordre de Sir Douglas Haig, que chaque homme
doit se battre et mourir là où il se tenait ; c’était affiché sur les murs
du mess de mon escadron. Je n’ai aucune plainte concernant
l’expérience, et ne l’effacerais pas de ma vie si je le pouvais.
Maintenant que j’en suis venu à voir par quels moyens et motifs
secrets tout cela fut provoqué, je pense que les générations à venir
pourraient être un peu plus à même de garder le « cap » de Sir William
Robertson, et ainsi de s’assurer que la bonne volonté finisse par sortir
de ce qui leur semble néfaste, s’ils en savent un peu plus sur ce qui se
passa alors, et qui a continué depuis. Voilà ma raison d’écrire ce livre.
Suite à la victoire en Europe, le territoire convoité en Palestine fut
enfin acquis. Mais c’est une chose d’acquérir une terre, et une autre
d’y construire quelque chose. Sur cette terre, une « patrie » sioniste
devait être érigée, et ensuite un « État » (et au final, un
« Commonwealth » ?). Aucune de ces choses ne pouvait être réalisée
par l’Angleterre seule. Aucun précédent n’existait pour la donation
d’un territoire arabe, par un conquérant européen, à un bénéficiaire
asiatique. Pour une telle transaction, d’autres nations devaient être
cooptées - de nombreuses nations - et une société promue, afin que
l’on puisse lui donner l’apparence d’une affaire honnête. En fait, une
« Société des Nations » était requise, et l’Amérique, par-dessus tout,
devait être « enchevêtrée. » Cette autre partie du plan était aussi en
préparation ; tandis que les armées britanniques s’emparaient de
l’étendue de terre désirée, les avocats malins cherchaient le moyen d’y
amender les titres de propriété légitimes, de lancer une société et de
promouvoir l’entreprise en général.
M. Lloyd George avait rempli son rôle et son temps était bientôt
terminé. Le lecteur peut maintenant tourner les yeux de l’autre côté de
l’Atlantique et voir à quoi s’emploient M. House, M. Brandeis et le
rabbin Stephen Wise. Un certain M. Woodrow Wilson joue un vague
rôle dans ces opérations.
19. Traduction littérale de l’expression anglaise «mud month», elle-même traduite du vieil anglais «solmonath», qui désigne le mois de février – NdT (retournez)
20. Ministère des Affaires étrangères – NdT (retournez)
21. À la suite à tout cela, Sir Edward Carson, qui avait involontairement aidé M. Lloyd George à devenir Premier ministre, avait démissionné du gouvernement et avait dit à l'éditeur du Times qu'il n'était que le porte-parole de M. George Lloyd, le Morning Post étant le journal véritablement indépendant. M. Gwynne dit au Colonel Repington que le gouvernement voulait détruire le Morning Post, « comme c’est l’un des quelques journaux indépendants qui restent ». Avant que la Seconde Guerre n'arrive, il fut « détruit », comme on l’a déjà relaté. Après cela, seule une publication hebdomadaire survécut en Angleterre, qui, à mon avis, chercha à soutenir durant de nombreuses d'années le principe du reportage impartial et indépendant, mais en 1953, Truth aussi fut ramené dans le rang, par un changement de propriétaire. (retournez)
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