p. 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363
Chapitre 33
La ligue d'imposition de la paix
Au moment même, en 1917, où les deux forces analogues de
Russie, le communisme révolutionnaire et le sionisme révolutionnaire,
apparurent en pleine lumière, le troisième but secret de la guerre, celui
dont ils étaient les instruments, fut aussi révélé. C’était le projet pour
une « fédération mondiale » de prendre en main « la gestion des affaires
humaines » et de régner par la force.
À l’époque (comme dans la Seconde Guerre, vingt-cinq ans plus
tard), on incitait les masses à détruire « un fou à Berlin » [l’empereur
Guillaume II – NdT] pour cette raison même - qu’il cherchait à dominer
le monde par la force. En Angleterre, M. Eden Philpotts (un des
nombreux oracles d’alors et de la guerre suivante) tonnait :
« Vous pensiez vous emparer du monde ; mais vous ne garderez que
ses malédictions, comme une couronne sur votre front… », et c’était
le cri universel. Pourtant, le plan secret promu en Occident était
également pour « s’emparer du monde par la force » et mettre à sa
tête de nouveaux « seigneurs de la guerre ».
On l’avait simplement paré avec d’autres mots. Ce qui était
qualifié de militarisme réactionnaire prussien en Allemagne était une
des « idées avancées » de M. House à Washington ; ce qui était
ambition mégalomane chez le Kaiser était un concept éclairé d’un
« nouvel ordre mondial » à Londres. Les politiciens d’Occident
devinrent des dissimulateurs professionnels. Même Disraeli ne pouvait
prévoir en 1832 (« la pratique de la politique en Orient peut être définie
par un mot : la dissimulation ») que cela deviendrait la définition de la
pratique politique en Occident au XXe siècle ; mais cela arriva quand
les leaders politiques occidentaux, en soutenant le sionisme et la
révolution mondiale, cédèrent à l’incitation d’Asiatique ; leurs actes
revêtirent une duplicité asiatique à la place de leur sincérité natale.
Étrangement, M. Woodrow Wilson, le plus docile d’entre tous, se
rebella au début, de la façon la plus plaintive, contre les contraintes
secrètes. Il essaya de déclarer, comme on l’a montré, que « les causes
et les objectifs de la guerre sont obscurs », et quand M. House lui
interdit cela, il avoua quand-même que les belligérants des deux côtés
poursuivaient « les mêmes » objectifs. Il alla plus loin au tout début de
sa présidence, quand il écrivit :
« C’est une chose intolérable que le gouvernement de la République
soit devenu à ce point hors d’atteinte du peuple ; qu’il ait été capturé
par des intérêts qui sont spécifiques et non généraux. Nous savons
355
que quelque chose intervient entre le peuple des États-Unis et le
contrôle de ses propres affaires à Washington. »
Vraisemblablement, il apprit la nature de ces « intérêts » et de ce
« contrôle », et cette connaissance exaspérante causa peut-être sa
chute (et celle de M. Roosevelt à la génération suivante).
Néanmoins, il fut utilisé pour lancer le plan destiné à établir « une
fédération mondiale », basée sur la force. L’idée lui fut « insufflée » par
d’autres ; l’expression est utilisée par le biographe de M. House pour
décrire la méthode par laquelle M. House incitait d’autres hommes à
certaines actions (méthode par laquelle il était lui-même incité à ses
propres actions). En novembre 1915, alors que les Américains
s’enflammaient toujours pour le président qui les maintenait hors de la
guerre, M. House lui donna ces instructions :
« Nous devons projeter l’influence de cette nation au nom d’un plan
par lequel les obligations internationales doivent être respectées et
maintenues, et au nom de quelque plan par lequel la paix mondiale pourra être maintenue. »
C’était toujours l’argumentaire du vendeur : que « le plan » « maintiendrait la paix mondiale ». Depuis longtemps, M. House
discutait du plan avec Sir Edward Grey (le ministre des Affaires
étrangères de M. Asquith ; il devint aveugle en 1914, mais dans un
moment de clairvoyance spirituelle, il employa les mots qui sont
devenus encore plus vrais depuis : « les lumières sont en train de
s’éteindre partout en Europe »). Sir Edouard Grey fut captivé par « le
plan », et écrivit à M. House : « Le droit international n’a jusqu’ici reçu aucune sanction ; la leçon de cette guerre est que les Forces de
l’Entente doivent se lier entre elles pour lui donner une sanction. »
La « sanction » était l’euphémisme utilisé par les dissimulateurs pour
éviter d’alarmer les masses avec des paroles de « guerre » ou de
« force ». La définition du dictionnaire, dans un tel contexte, est une
« mesure coercitive », et le seul moyen de coercition entre nations est,
en dernier ressort, la guerre : aucune « sanction » ne peut être efficace
si elle n’est pas soutenue par cette menace. Par conséquent, Sir
Edward Grey pensa que l’on pourrait mettre fin à la guerre en faisant
la guerre. C’était un homme incorruptible, mais apparemment induit
en erreur ; les créateurs de la grande « idée » savaient de quoi ils
parlaient (et actuellement, cela a été également révélé).
En 1916, M. House avait déjà instruit M. Wilson quant à son
devoir, et en mai, le président annonça publiquement son soutien au
« plan » lors d’une réunion d’un nouveau groupe ouvertement
dénommé « La Ligue d’mposition de la Paix ». M. Wilson ne savait rien
de sa nature : « il n’apparaît pas que Wilson Woodrow ait étudié
sérieusement le programme de la Ligue d’Imposition de la Paix » [les
Papiers Intimes de M. House - NdT].
356
C’était une réincarnation de l’ancienne « Ligue d’imposition de la
paix » qui (comme Lord Cecil l’avait rappelé à M. House) « devint
vraiment une ligue pour soutenir la tyrannie. » En 1916, le nom révéla
toute l’affaire ; l’opinion américaine n’était alors pas prête à tomber
dans un piège si évident. Le sénateur George Wharton Pepper
rappelle : « Une organisation lourdement financée habilement intitulée “La Ligue
d’Imposition de la Paix” rendait notre tâche plus facile en soulignant,
comme son titre l’indiquait, que l’Accord » (de la Société des Nations)
« était destiné à devenir effectif par la force… Notre affirmation
constante, en opposition avec la leur, était que faire appel à la forceétait au mieux futile, au pire… dangereux. J’ai comparé la futilité certaine d’un appel à la force internationale avec la possible espérance
résultant de la confiance en la conférence internationale, et me suis
déclaré favorable à toute association de ce genre, et me suis
invariablement opposé à une ligue qui serait basée sur le premier
postulat. »
Les dissimulateurs révélèrent vite le nom, « la Ligue d’Imposition
de la Paix », mais « le plan », qui engendra « La Société des Nations »,
resta le même, de façon transparente : c’était un plan pour transférer
le contrôle des armées nationales à un certain comité supranational
qui pourrait les utiliser pour « la gestion des affaires humaines », de
manière à servir ses propres buts spécifiques, et le motif a continué
jusqu’à nos jours. Comme dans le cas précédent du sionisme, le
président Wilson s’engagea bien avant le moment crucial (par sa
déclaration publique de mai 1916), et aussitôt que l’Amérique fut en
guerre (avril 1917), il annonça qu’il était impliqué dans une entreprise
destinée à fonder « un nouvel ordre international » ; cette déclaration fut
faite au moment de la première révolution en Russie et de la
préparation de la Déclaration Balfour.
Ainsi, les trois grands « plans » avancèrent-ils ensemble jusqu’en
Occident, et ce projet-là était le couronnement du travail effectué par
les deux autres. Son principe de base était la destruction des États-
Nations et de la nationalité, si bien qu’il était l’expression, sous forme
moderne, du conflit antique entre l’Ancien et le Nouveau Testament,
entre la Loi lévitique et le message chrétien. La Torah-Talmud est la
seule source originale qu’on puisse découvrir, concernant cette idée de « destruction des nations » ; M. House pensait qu’il était presque
impossible de suivre à la trace une « idée » jusqu’à sa source, mais
dans ce cas, la piste peut être remontée tout au long siècles jusqu’à
500 av. J.-C. et nulle part elle n’a été effacée au cours de ces deux
mille cinq cents ans. Si, avant cette époque, quiconque au sein du
monde connu avait transformé ce « principe destructif » en code et en
doctrine, ils sont tous tombés dans l’oubli. L’idée contenue dans la
Torah-Talmud est restée intacte à travers toutes les générations. Le
357
Nouveau Testament la rejette et parle de « duperie des nations », non
de leur destruction. La Révélation prévoit un jour où ce processus de
duperie des nations prendra fin. Ceux qui cherchent à interpréter la
prophétie pourraient très bien voir en la Ligue d’Imposition de la Paix,
sous ses pseudonymes successifs, l’instrument de cette « duperie »,
condamnée à échouer au final.
M. House ayant décidé, et M. Wilson ayant déclaré, qu’ « un
nouvel ordre international » devait être établi, M. House (selon M.
Howden) fondit un groupe connu comme « The Inquiry » (« l’Enquête » -
NdT) pour établir un plan. Son chef était son beau-frère, le Dr Sidney
Mezes (alors président du Collège de la Ville de New York) et son
secrétaire, un certain M. Walter Lippmann (écrivant alors pour The
New Republic). Un certain docteur Isaiah Bowman (alors directeur de
la Société géographique américaine) apportait « conseil et aide
personnels. »
Le groupe d’hommes placés comme responsables de The Inquiry
était donc principalement juif (bien que dans ce cas, il ne s’agissait pas
de juifs-russes : cela pourrait indiquer la véritable nature de l’autorité
supérieure mentionnée par l’allusion du Dr Kastein à « une
Internationale juive »), et on peut ainsi raisonnablement voir
l’inspiration juive apparaissant dans le plan qu’il produisit. C’était (dit
M. Howden) un projet de « Convention pour une Société des Nations » auquel M. House apposa sa signature en juillet 1918 : « Le président
Wilson n’était pas et n’a jamais prétendu être, l’auteur de l’Accord. »
C’est donc ici que se trouvent les origines de la Société des Nations.
La Conférence de Paix se profilait au loin quand M. House se
préparait à lancer ce « nouvel ordre mondial », et ses premiers actes
pointèrent vers l’identité du groupe de contrôle derrière les
gouvernements occidentaux. Parmi les problèmes à traiter à la
conférence qui conclut la guerre de 1914-1918, le sionisme et la
Palestine (questions inconnues des masses au début de la guerre) se
retrouvèrent en position élevée, sinon primordiale.
Le président Wilson, pour cette raison, sembla connaître des
moments d’exaltation entrecoupés de longues périodes de
découragement. Le rabbin Stephen Wise, de son côté, dépeignit
l’entreprise palestinienne en des termes tels que le président, ravi,
soliloqua : « Penser que moi, un fils de presbytère, je puisse être à
même d’aider à rendre la Terre Sainte à son peuple. » Tandis qu’il se
contemplait ainsi dans le miroir de la postérité, le rabbin à ses côtés le
compara au roi perse Cyrus, qui avait permis aux juifs exilés sur sa
terre de retourner à Jérusalem. Le roi Cyrus avait permis aux natifs
judaïtes, s’ils le souhaitaient, de revenir en Juda après quelque
cinquante années ; on exigea du président Wilson qu’il transplante les
358
Khazars judaïsés de Russie sur une terre laissée par les juifs originels
quelque dix-huit siècles auparavant.
De l’autre côté de l’Atlantique, le Dr Weizmann se préparait pour
la Conférence de Paix. Il était alors apparemment l’un des hommes les
plus puissants au monde, un potentat (ou l’émissaire de potentats) à
qui « les élus dictateurs » de l’Occident rendaient d’humbles
hommages. À un moment, en 1918, où le destin de l’Angleterre était en
jeu sur le front occidental, une audience du roi d’Angleterre fut
reportée. Le Dr Weizmann se plaignit si impérieusement que M.
Balfour rétablit immédiatement le rendez-vous ; excepté pour le lieu de
la rencontre, qui était le Palais de Buckingham, il semble en fait que
M. Weizmann accorda une audience au monarque. Pendant la Seconde
Guerre mondiale le dictateur soviétique Staline, pressé par les leaders
occidentaux de tenir compte de l’influence du Pape, demanda avec
rudesse: « Combien de divisions a le Pape ? » Tout du moins, telle était
l’anecdote, racontée maintes fois dans les clubs et les pubs, et pour les
gens simples, cela semblait exprimer une vérité essentielle en quelques
mots. Le cas du Dr Weizmann montre à quel point c’était
essentiellement faux. Il n’avait pas un seul soldat, mais lui et
l’Internationale qu’il représentait étaient capables d’obtenir des
capitulations jamais gagnées auparavant, sauf par des armées
conquérantes.
Il dédaignait les capitulants, tout comme la scène de ses
triomphes. Il écrivit à Lady Crewe : « Nous détestons de la même façon
les antisémites et les philosémites. » M. Balfour, M. Lloyd George et les
autres « amis » étaient philosémites au premier degré, dans l’acception
du mot selon le Dr Weizmann, et se surpassaient en obséquiosité
envers l’homme qui les méprisaient. Quant à l’Angleterre elle-même, le
Dr Weizmann, deux décennies plus tard, alors qu’il contemplait les
bêtes sauvages du Parc national Kruger, soliloqua : « Ce doit être chose
merveilleuse d’être un animal dans la réserve naturelle sud-africaine ;
beaucoup mieux que d’être un juif à Varsovie ou même à Londres. »
En 1918, le Dr Weizmann décida d’inspecter son royaume
d’élection. Quand il atteignit la Palestine, l’attaque allemande en
France avait commencé, les armées britanniques épuisées battaient en
retraite, et « la plupart des troupes européennes en Palestine étaient
évacuées pour renforcer les armées en France. » À un moment comme
celui-là, il exigea que la première pierre d’une université hébraïque soit
posée avec toute la pompe officielle. Lord Allenby protesta que « les
Allemands sont presque aux portes de Paris! » Le Dr Weizmann
répondit que ce n’était « qu’un épisode. » Lord Allenby s’entêta ; le Dr
Weizmann persista ; Lord Allenby, contraint et forcé, en référa à M.
Balfour, et reçut immédiatement, par télégramme, l’ordre d’obéir. Avec
une grande panoplie d’officiers d’état-major, de troupes et de
359
« présenter armes » (uniquement perturbés par le bruit des combats
britannico-turcs au loin), le Dr Weizmann tint alors sa cérémonie sur
le Mont Scopus.
(Je me rappelle ces jours en France. Même un demi-million de
soldats britanniques en plus aurait transformé la bataille ; une
multitude de vies aurait été sauvées, et la guerre probablement
terminée plus tôt. L’épreuve française et britannique en France faisait
des vacances sionistes en Palestine).
Quand la guerre se termina finalement, le 11 novembre 1918, nul
hormis le Dr Weizmann ne fut au déjeuner l’invité unique de M. Lloyd
George, qu’il trouva « en train de lire les Psaumes, et presque en
pleurs. » Ensuite, le chef de clan sioniste observa depuis le Dix
Downing street historique, alors que le Premier ministre disparaissait,
porté par une foule en joie vers l’abbaye de Westminster pour un
service d’action de grâces.
Foules et « administrateurs » ; quelqu’un parmi la foule
remarqua-t-il la tête haute, en forme de dôme, au visage barbu et aux
paupières lourdes, observant par la fenêtre, au Dix Downing street ?
Puis, le Dr Weizmann mena une délégation sioniste à la
Conférence de Paix de 1919, où « le nouvel ordre mondial » devait être
établi. Il informa l’auguste Conseil des Dix que « les juifs avaient été
frappés plus durement par la guerre que n’importe quel autre groupe » ;
les politiciens de 1919 n’émirent aucune objection face à cette insulte
à leurs millions de morts. Cependant, un juif protestataire, M. Sylvain
Levi, de France, tenta au dernier moment de leur instiller la prudence.
Il leur dit :
Premièrement, que la Palestine était un petit pays pauvre à la
population existante de 600 000 Arabes, et que les juifs, ayant un
standard de vie plus élevé que les Arabes, auraient tendance à les
déposséder ; deuxièmement, que les juifs qui iraient en Palestine
seraient principalement des juifs russes, qui avaient des tendances
explosives ; troisièmement, que la création d’un foyer national juif en
Palestine introduirait le principe dangereux de doubles loyautés juives.
Ces trois avertissements furent accomplis à la lettre, et furent
entendus avec hostilité par les politiciens gentils réunis à la
Conférence de Paix de 1919. M. Lansing, le secrétaire d’État américain,
porta immédiatement le coup de grâce à M. Lévi. Il demanda au Dr
Weizmann : « Qu’entendez-vous par foyer national juif ? » Le Dr
Weizmann dit qu’il signifiait qu’en sauvegardant toujours les intérêts
des non-juifs, la Palestine deviendrait au bout du compte « aussi juive
que l’Angleterre est anglaise. » M. Lansing dit que cette réponse
absolument obscure était « absolument claire », le Conseil des Dix
inclina la tête en signe d’accord, et M. Lévi, comme tous les
protestataires juifs depuis vingt-cinq siècles, fut défait. (On l’entendit
360
uniquement pour maintenir un semblant de considération impartiale ;
le rabbin Wise, inquiété par « les difficultés auxquelles nous dûmes
faire face à Paris », s’était déjà assuré de la docilité du président
Wilson. Approchant le président en privé, il dit : « M. le président, la
communauté juive mondiale compte sur vous en cas de besoin et
d’espoir », excommuniant ainsi M. Lévi et les juifs qui pensaient
comme lui. M. Wilson, posant sa main sur l’épaule du rabbin, « dit
tranquillement et fermement : “N’ayez aucune crainte, la Palestine sera
vôtre.” » )
Un autre homme essaya d’empêcher l’acte que ces hommes
étaient en train de préparer, avec légereté. Le colonel Lawrence aimait
les Sémites, car il avait vécu avec les Arabes et les avait soulevé dans
le désert contre leurs dirigeants turcs. Il était tout autant un ami des
juifs (le Dr Weizmann dit « on l’a présenté par erreur comme un
antisioniste ») et croyait qu’ « une patrie juive » (dans le sens, d’abord
donné au terme, d’un centre culturel) pourrait bien être incorporé à
l’État arabe uni pour lequel il avait oeuvré.
Lawrence vit à Paris que ce qui était planifié était de planter le
nationalisme sioniste comme une bombe à retardement parmi un
désordre d’États arabes faibles, et cette réalisation le brisa. M. David
Garnett, qui édita ses Lettres, dit : « Lawrence gagna ses victoires sans
mettre en danger plus qu’une poignée d’Anglais, et elles furent
gagnées, non pour ajouter des provinces soumises à notre empire,
mais par le fait que les Arabes avec lesquels il avait vécu et qu’il avait
aimés devaient être un peuple libre, et que la civilisation arabe devait
renaître. »
C’était la foi de Lawrence pendant sa « Révolte dans le Désert », et
c’est ce que les hommes qui l’envoyèrent en Arabie lui dirent. Quand la
Conférence de Paris commença, il « contrôlait entièrement ses nerfs et
était positivement aussi normal que la plupart d’entre nous » (M. J.M.
Keynes). Il arriva en croyant à la promesse du président Wilson (le
discours des Quatorze Points, le 8 janvier 1918) : « Les nationalités
sous autorité turque devraient être assurées d’une sécurité d’existence
incontestable et d’une opportunité absolument indépendante de
développement autonome. » Il ne pouvait pas savoir que ces mots
étaient faux, parce que M. Wilson était secrètement engagé envers le
sionisme, par le biais des hommes qui l’entouraient.
Après la réponse du Dr Weizmann à M. Lansing, et son
approbation par le Conseil des Dix, la trahison devint claire à
Lawrence, et il montra « la désillusion, l’amertume et la défaite
résultant de la Conférence de Paix ; il avait une foi totale sur le fait que
le président Wilson assurerait l’autodétermination pour les peuples
arabes, quand il se rendit à la Conférence de Paix ; il était
361
complètement désillusionné quand il en revint » (M. Garnett). Lawrence
lui-même écrivit plus tard :
« Nous avons vécu de nombreuses vies dans le tourbillon de ces
campagnes, » (dans le désert) « ne nous épargnant jamais aucun bien
ni mal ; pourtant, quand nous avons atteint le but et que le nouveau
monde est né, les vieillards sont sortis de nouveau et nous ont pris
notre victoire, et l’ont remodelée d’après l’ancien monde qu’ils
connaissaient… Mon intention était de faire une nouvelle nation, de
redonner au monde une influence perdue, de donner à vingt millions
de Sémites les bases sur lesquelles construire un palais de rêve
inspiré de leurs pensées nationales. »
Lawrence, qui fut brisé par cette expérience, était alors parmi les
hommes les plus célèbres au monde. S’il avait rejoint les
dissimulateurs, il n’y a guère de rangs ou d’honneurs qui lui auraient
été refusés. Il abandonna son rang et ses décorations, et tenta même,
par honte, de perdre son identité ; il s’enrôla sous un faux nom dans le
rang le plus bas de la Royal Air Force, où il fut découvert par la suite
par un homme assidu du milieu de la presse. Cette dernière phase de
sa vie et l’accident de motocyclette qui y mit fin, a un aspect suicidaire
(ressemblant à la phase et à la fin similaires de M. James Forrestal
après la Seconde Guerre), et on doit s’en souvenir comme faisant
partie des martyrs de cette histoire.
Les hommes publics principaux étaient d’accord pour promouvoir
l’aventure sioniste via « l’ordre mondial international » qu’ils étaient sur
le point de fonder, quel que soit le coût en honneur et en souffrances
humaines. Sur presque toutes les autres questions, ils divergeaient, si
bien qu’à Paris, la guerre à peine finie, les réputations commencèrent à éclater comme des bulles, et les amitiés à se fissurer comme du plâtre.
Une rupture eut lieu entre le président Wilson et sa « deuxième
personnalité, son moi indépendant » (une brouille semblable et
mystérieuse devait diviser le président Roosevelt et son autre moi, M.
Harry Hopkins, à la fin d’une autre guerre).
M. House était à son zénith. Les Premiers ministres, les ministres,
les ambassadeurs et les délégués l’assiégeaient à l’Hôtel Crillon ; en un
seul jour, il donna quarante-neuf audiences à de tels grands
personnages. Une fois, le Premier ministre français, M. Clemenceau,
passa quand M. Wilson était avec M. House ; on exigea du président
qu’il se retire, tandis que les deux grands hommes s’entretenaient en
privé. Peut-être l’humiliation finit-elle par briser M. Woodrow Wilson ;
il fut frappé d’une maladie mortelle à Paris (comme M. Franklin
Roosevelt à Yalta, bien que M. Wilson vécût plutôt plus longtemps).
Apparemment, plus jamais les deux hommes ne se revirent ni ne
communiquèrent entre eux ! M. House se contenta de rapporter : « Ma
séparation de Woodrow Wilson fut, et est toujours pour moi un
362
mystère tragique, un mystère qui ne pourra maintenant jamais être
dissipé, car son explication est enterrée avec lui. »
Les illusions de pouvoir étaient en train de se dissoudre. Ces
hommes ne furent jamais véritablement puissants, parce qu’ils
agissaient en tant qu’instruments d’autres hommes. Ils ont déjà un air
fantomatique dans les annales, et si les places et les boulevards
nommés d’après eux portent toujours leurs noms, peu se souviennent
de qui ils étaient. M. Wilson retourna en Amérique et mourut peu
après. Il ne fallut pas longtemps pour que M. House devienne solitaire
et oublié, dans l’appartement de la 35e rue Est. M. Lloyd George se
retrouva dans un désert politique et fut seulement capable d’achever la
ruine d’un Parti libéral qui avait autrefois été grand ; en une décennie,
il se retrouva à la tête de quatre disciples. M. Balfour, pendant encore
quelques années, hanta distraitement Saint James’s Park.
Ils ne furent pas capables d’accomplir tout ce que leurs mentors
souhaitaient. Secoué par la violence des objections américaines, M.
Wilson « refusa absolument d’accepter la demande française pour la
création d’une force internationale qui devait fonctionner sous le
contrôle exécutif de la Ligue. » La Constitution américaine (se souvint
soudainement le président) ne permettait pas une telle reddition de
souveraineté.
Ainsi, le pire fut évité, au cours de cette génération. Les hommes
secrets, qui continuèrent à être puissants quand ces « élus dictateurs »
et ces « administrateurs » flexibles furent dépouillés de leur semblant de pouvoir, durent attendre la Seconde Guerre mondiale pour mettre
la main sur les armées des États-Nations. Alors, ils réalisèrent leur
« Ligue d’Imposition de la Paix », presque (mais encore pas tout à fait)
dans l’intégralité du pouvoir despotique qu’ils convoitaient. En 1919 ils
ont dû se contenter d’une première expérience modeste : la Société des
Nations.
Les États-Unis ne la rejoindraient même pas ; les masses en
Amérique, inquiétées par les résultats de la guerre et luttant
instinctivement pour regagner la zone de sécurité d’« aucun
enchêtrement étranger », n’acceptaient rien de tout cela. La Grande-
Bretagne rejoignit la Ligue, mais sous d’autres Premiers ministres que
M. Lloyd George, refusaient de céder le contrôle de ses armées. La voie
vers le genre de « nouvel ordre mondial » prévu par M. House et ses
souffleurs était bloquée pour l’instant. Néanmoins, une voie fut
trouvée, via la Société des Nations, pour ouvrir une brêche fatidique, et
probablement fatale, dans la souveraineté britannique.
L’autorité de cette « Société des Nations », quel que fût ce qu’elle
représentât, fut utilisée pour couvrir l’utilisation de troupes
britanniques comme gardes du corps pour les sionistes ayant
363
l’intention de s’emparer de la Palestine. Le système employé pour
donner ce semblant d’air légal à l’acte fut appelé « le mandat », et j’ai
montré précédemment où naquit ce dernier. Par ce moyen, la Société
des Nations fut capable d’installer les sionistes de Russie en Arabie, où
ils révélérent « les tendances explosives » prédites par M Sylvain Lévi
en 1919, et apparentes à tous aujourd’hui, en 1956. Ce fut le seul
accomplissement du « nouvel ordre mondial » installé en 1919, et par
le test antique, Cui bono ? [à qui profite le crime ? – NdT], on peut juger
de la paternité de cette « idée. »
L’histoire du « mandat » (et d’un homme qui tenta de l’empêcher)
constitue donc le chapitre suivant de ce récit.
Chap 34
Chap 32
Accueil
Chapitres
Index
Liens
Plus |