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Chapitre 43
L’etat sioniste
La révolution, s’étant répandue dans la moitié de l’Europe qui lui
avait été offerte par les Alliés occidentaux, eut un effet
supplémentaire : comme l’attaque d’un serpent, elle projeta une langue
qui atteignit les côtes méridionales de l’Europe, traversant la
Méditerranée jusqu’à un petit territoire appelé la Palestine. L’argent,
l’équipement, l’escorte et les convois furent fournis par l’Occident,
mais la révolution apporta les deux composantes indispensables à
l’État sioniste : le peuple pour l’envahir et les armes qui faisaient de sa
conquête une certitude.
L’Occident était de connivence, mais en dernière analyse l’État
sioniste fut créé par la révolution, qui de cette manière accomplit la
doctrine lévitique du « retour ». Ces incursions en Europe et en Arabie
constituèrent les seuls « gains territoriaux » récoltés lors de la Seconde
Guerre mondiale, au début de laquelle les « élus dictateurs » avaient
pour la seconde fois publiquement renoncé à toute velléité gain
territorial. La conséquence de ces deux développements fut de laisser,
au sein de l’Europe divisée et de la Palestine divisée, deux détonateurs
permanents d’une nouvelle guerre, qui à tout moment pouvait être
déclenchée par quiconque souhaiterait accroître ses ambitions par le
biais d’une troisième guerre mondiale.
Le lecteur se souviendra qu’au cours des années qui précédèrent
la Seconde Guerre, le sionisme connaissait un fiasco en Palestine, et
qu’en 1939, le Parlement britannique, contraint après vingt années de
tentatives infructueuses de reconnaître que « le foyer national juif »
était impossible à réaliser, avait décidé d’abandonner ce « mandat »
inapplicable et de se retirer après s’être assuré que toutes les
communautés du pays, arabes, juifs et autres, bénéficiaient d’une
représentation parlementaire.
Le lecteur constatera alors le
changement qui survint lors de la nomination de M. Churchill au poste
de Premier ministre en 1940, qui en comité privé déclara au Dr
Weizmann (d’après le récit du Dr Weizmann, qui n’a pas été remis en
cause) qu’il était « tout à fait d’accord » avec l’ambition sioniste « de
créer… après la guerre un État de trois ou quatre millions de juifs en
Palestine ».
M. Churchill avait toujours exprimé un grand respect pour les
gouvernements parlementaires, mais dans ce cas, en tant que despote
de guerre, il cassa en secret et arbitrairement la politique qui avait été
approuvée, après des débats exhaustifs, par la Chambre des
communes. Après cet événement, le lecteur a pu suivre le Dr
530
Weizmann au cours de ses voyages en Amérique, et a vu à quel point
les efforts de M. Churchill pour « armer les juifs » (en cela, il rencontra
l’opposition des administrateurs en fonction sur place) furent soutenus
depuis l’Amérique grâce à la « pression » exercée par le Dr Weizmann et
ses associés.
C’était à cette étape que le lecteur avait quitté l’État sioniste en
gestation. Tout au long de 1944, comme l’écrivit M. Churchill dans ses
mémoires de guerre, il continua à soutenir les ambitions sionistes.
« Tout le monde sait que je suis déterminé à respecter les engagements
pris par le gouvernement britannique auprès des sionistes dans le
cadre de la déclaration Balfour, conformément aux amendements que
j’ai apportés pendant mon mandat au sein du secrétariat des Colonies
en 1921. Aucune modification de la politique menée ne peut être actéesans discussion complète au sein du cabinet » (29 juin 1944). La
politique menée avait été modifiée après discussion complète au sein
du cabinet et du Parlement, en 1939. Ici, M. Churchill ignora tout
simplement cette décision politique majeure et revint à la précédente,
faisant écho à l’étrange déclaration d’un autre secrétaire aux colonies
(M. Leopold Amery, cité précédemment) comme quoi cette politique ne
pouvait être modifiée.
À nouveau, « il ne fait aucun doute que cela » (le traitement envers
les juifs de Hongrie) « est probablement le plus grand crime, et le plus
atroce jamais commis dans toute l’histoire de l’humanité… tous ceux
impliqués dans ce crime qui nous tomberont entre les mains, y
compris les simples exécutants de ces boucheries, devront être
exécutés après que leur implication dans ces meurtres aura été
prouvée… Des déclarations publiques devraient être faites, afin que
chaque coupable ou personne impliquée soit recherché et exécuté » (11
juillet 1944). Ici, M. Churchill - comme le président Roosevelt et M.
Eden - de façon implicite, lie l’exécution des coupables uniquement aux
crimes qu’ils ont commis à l’encontre des juifs, reléguant ainsi toutes
les autres victimes à l’oubli dans lequel, en effet, elles tombèrent.
Incidemment, le lecteur a pu voir dans le chapitre précédent que les
juifs faisaient autant partie des tortionnaires que des victimes.
Et pour continuer : « J’ai hâte de répondre rapidement à la
demande du Dr Weizmann relative à la constitution d’une force armée
juive présentée dans son courrier du 4 juillet » (12 juillet 1944).
« J’apprécie l’idée que les juifs essayent de mettre la main sur les
meurtriers de leurs compatriotes d’Europe Centrale, et je pense que
cela générerait une grande satisfaction du côté des États-Unis. Je crois
que c’est le souhait des juifs eux-mêmes de combattre les Allemands
où qu’ils soient. C’est avec les Allemands qu’ils sont en conflit » (26
juillet 1944). Si M. Churchill, comme le déclare M. Weizmann, avait
accepté la mise en place « en Palestine d’un État constitué de troisà
531
quatre millions de juifs », il aurait dû savoir que les sionistes
entretenaient un conflit bien plus sévère avec la population des
territoires arabes, et que toute « force armée juive » serait plus
susceptible de s’attaquer à ces tierces parties innocentes qu’aux
Allemands.
La dernière allusion rapportée qu’ait faite M. Churchill (en tant
que Premier ministre pendant la guerre) eut lieu après la fin des
combats en Europe : « Toute la question de la Palestine doit être réglée
à la table des négociations…Je ne pense pas que nous devions prendre
la responsabilité de gérer cette zone géographique très complexe
pendant que les Américains restent en retrait et critiquent. Ne vous
êtes vous jamais dit que nous devrions leur proposer de nous
remplacer ?… Je n’ai pas connaissance du moindre bénéfice récolté
par la Grande-Bretagne au cours de cette tâche pénible et impitoyable.
C’est au tour de quelqu’un d’autre de prendre le relais, maintenant. » (6 juillet 1945).
Cet extrait (étudié en parallèle avec la remarque enjouée faite par
le président Roosevelt à Staline, comme quoi la seule concession qu’il
pourrait accorder au roi Ibn Saoud serait de « lui donner les six
millions de juifs des États-Unis ») révèle les pensées intimes de ces
élus dictateurs qui exécutaient si docilement les ordres de Sion. M.
Churchill espérait pouvoir mettre ce problème insoluble sur le dos des
Américains ; M. Roosevelt aurait été heureux de pouvoir le mettre sur
le dos de quelqu’un d’autre. Dans ce domaine, les grands hommes,
comme cela fut prouvé par une remarque imprudente dans chacun des
cas, se comportèrent comme le comédien qui, malgré tous ses efforts,
n’arrive pas à se libérer du collant papier tue-mouche. M. Churchill,
dans ce mémorandum interministérielle, n’était pas conscient « du
moindre bénéfice récolté par la Grande-Bretagne au cours de cette
tâche pénible et impitoyable ». Mais en public, lorsque Sion était à
l’écoute, il continua (et cela continue à l’heure où ce livre est rédigé) à
applaudir sans limite l’aventure sioniste, ce qui éveilla même la
curiosité des critiques juifs (comme nous allons le voir).
A l’époque où M. Churchill dicta ce dernier mémorandum selon
lequel « la question de la Palestine devait être réglée à la table des
négociations », ces propos étaient si décalés qu’il pourrait les avoir
tenus à à des fins humoristiques. Le problème était clos, puisque les
sionistes disposaient d’armes, les hommes devant utiliser ces armes
allaient être illégalement transférés à travers l’Europe depuis le
territoire révolutionnaire (comme illustré dans le chapitre précédent),
et les principaux partis politiques en Angleterre comme en Amérique
étaient prêts à applaudir tout acte d’agression, d’invasion ou de
persécution commis par les migrants avec les armes qu’ils avaient
obtenues.
532
Cela était particulièrement évident dans le cas du Parti socialiste en
Angleterre, qui était à l’époque le pays prioritairement impliqué dans la
destinée de la Palestine. Le Parti travailliste (tel qu’il se qualifiait)
d’Angleterre se présentait comme le défenseur des pauvres, des démunis et
des opprimés ; il avait été créé et développé avec la promesse de pensions
pour les retraités, de réduction du chômage, de soins gratuits, ainsi que de
défense et de soutien aux faibles, aux pauvres et au petites gens en général.
Alors que la guerre approchait de sa fin, ce parti vit enfin la perspective
d’obtenir le pouvoir avec une majorité substantielle. Comme le Parti
conservateur (et les deux partis américains), il calcula apparemment que
même à ce stade, la victoire n’était pas tout à fait certaine et qu’elle pourrait
être assurée en apaisant Sion. Ainsi, l’objectif principal de sa politique
étrangère fut-il de déloger les habitants d’un petit pays lointain « encore plus
pauvres, plus haïs et opprimés depuis plus longtemps encore que les
travailleurs britanniques pendant les jours les plus noirs de la révolution
industrielle ». Pour couronner le tout, en 1944, son leader, M. Clement
Attlee, révéla le nouveau dogme du socialisme britannique : « Que les
Arabes soient encouragés à quitter » (la Palestine) « pendant que les juifs
s’établissent. Qu’ils soient généreusement dédommagés pour leurs terres,
et que leur implantation en un autre lieu soit organisée avec soin et
financée largement » (douze ans plus tard, presqu’un million de
Palestiniens, encouragés à fuir par des bombes, continuaient à attendre
dans les pays arabes frontaliers ; et le Parti socialiste britannique, à
chaque nouvel événement, demandait plus bruyamment à leur encontre
un châtiment supplémentaire).
Les socialistes britanniques, quand ils firent cette déclaration,
savaient que les sionistes, sous le couvert de la guerre contre
l’Allemagne, avaient accumulé des armes pour la conquête de la Palestine
par la force. Le général Wavell, commandant les troupes du Moyen-Orient,
avait informé M. Churchill depuis longtemps que « laissés à eux-mêmes,
les juifs battraient les Arabes » (qui ne disposaient pas de source
d’approvisionnement en armes). Le point de vue du général Wavell à
propos de la stratégie sioniste était celui de tous les administrateurs
responsables basés sur place, et c’est pour cette raison que le Dr
Weizmann ne l’appréciait pas. Le lecteur a déjà constaté, aussi loin que la
Première Guerre mondiale, que le déplaisir du Dr Weizmann était
dangereux même pour les gens haut placés, et cela pourrait avoir joué
dans le transfert du poste de commandement du général Wavell depuis le
Moyen-Orient vers l’Inde. L’ouvrage officiel britannique History of the War
in the Middle East [Histoire de la guerre au Moyen-Orient – NdT] décrit le
général Wavell comme « l’un des plus grands commandants de l’histoire
militaire » et précise que la fatigue, due à ses grandes responsabilités, fut
aggravée par le sentiment qu’il ne disposait pas de toute la confiance de
M. Churchill, qui bombardait son commandant du Moyen-Orient de
télégrammes « fatigants » et « inutiles » à propos de « points de détails ». De
par sa réaffectation, le général Wavell pourrait avoir été une victime
533
supplémentaire du sionisme, et les prouesses militaires britanniques
durant la guerre en souffrirent peut-être ; cela ne peut être démontré,
bien qu’il s’agisse d’une conjecture raisonnable.
En 1944, un assassinat de plus eut lieu dans cette histoire. Lord
Moyne, en tant que secrétaire au Colonies, était le ministre de cabinet
alors en charge de la Palestine, poste précédemment occupé par Lord Lloyd
(qui avait été violemment critiqué par M. Churchill pour avoir tardé à « armer les juifs », et qui était mort en 1941). Lord Moyne était un
humaniste, et il avait de la sympathie pour le judaïsme, mais il partageait
l’analyse de tous ses prédécesseurs, selon laquelle le projet sioniste en
Palestine se terminerait par une catastrophe. Pour cette raison, et à
cause de sa compassion pour ceux qui souffrent en général, il eut
tendance à relancer l’idée de la mise à disposition de terres en Ouganda
pour tout juif qui avait réellement besoin de trouver une nouvelle maison
quelque part.
Cet humanisme lui valut la haine mortelle des sionistes, qui
n’acceptaient en aucune façon une approche les éloignant de l’objet de
leur ambition, la Palestine. En 1943, Lord Moyne changea de point de vue,
selon M. Churchill, qui suggéra que le Dr Weizmann se rende au Caire
pour y rencontrer Lord Moyne et se rendre compte par lui-même de cette
évolution favorable. Avant qu’aucune rencontre n’ait pu avoir lieu, Lord
Moyne fut assassiné au Caire (en novembre 1944) par deux sionistes de
Palestine – ainsi, un pacifiste de plus fut éliminé d’une voie jonchée de
cadavres de pacifistes précédents. Cet événement perturba pendant un
certain temps le flot de mémorandums à propos de « l’armement des juifs »
envoyés par M. Churchill à ses collègues, et une nouvelle fois, les
responsables basés en Palestine recommandèrent urgemment que
l’immigration sioniste vers cette destination soit suspendue. La réponse
de M. Churchill (17 novembre 1944) fut que cela « ferait le jeu des
extrémistes », alors même que les extrémistes demeuraient libres eu
égard à leurs projets futurs et que leur nombre s’accroissait.
Alors qu’en Europe, la fin de la Seconde Guerre mondiale approchait,
les espoirs de M. Churchill relatifs à une transaction spectaculaire qui
intégrerait dans la joie les Khazars à l’Arabie s’évanouirent. Si sa
suggestion (selon laquelle Ibn Saoud devait être fait « seigneur du Moyen-
Orient, à condition qu’il s’accorde avec vous », i.e. Dr Weizmann) fut
jamais transmise au président Roosevelt par le Dr Weizmann, un
événement qui eut lieu en 1944 pourrait en avoir été le résultat. Un
Américain, le colonel Hoskins, (« représentant officiel du président
Roosevelt au Moyen-Orient », pour citer le Dr Weizmann) rendit alors
visite au leader arabe. Le colonel Hoskins, comme tout homme
compétent, ne croyait pas au plan consistant à établir un État sioniste,
mais il voulait aider les juifs à se rendre en Palestine (si certains d’entre
eux le souhaitaient) et ce, en accord avec les Arabes. Il s’aperçut que le roi
Ibn Saoud considérait qu’il avait été grossièrement insulté par le Dr
534
Weizmann, dont il parla « de la manière la plus agressive et la plus
dédaigneuse, prétendant que j’avais » (le Dr Weizmann) « essayé de le
soudoyer en lui offrant vingt millions de livres pour qu’il cède la Palestine
aux juifs » ; indigné, il exclut toute proposition de transaction sous de
telles conditions. Ainsi, toute perspective d’ « accord » s’évanouit-elle, et le
colonel Hoskins disparut lui aussi de l’histoire ; encore un homme bon
vaincu dans sa tentative de résoudre le problème insoluble posé par
M. Balfour.
Ainsi, alors que la guerre entrait dans ses derniers mois,
seules deux alternatives demeuraient. Le gouvernement
britannique, abandonnant sa décision de 1939, pouvait continuer à
lutter pour essayer de préserver un équilibre impartial entre les
autochtones et leurs envahisseurs venus de Russie ; ou bien, il
pouvait laisser tomber « le mandat » et se retirer, retrait à la suite
duquel les sionistes expulseraient les Palestiniens en utilisant les
armes issues des théâtres militaires européens et africains.
Ce second grand acte de la tragédie palestinienne se rapprochait.
Le Dr Weizmann avait déclaré à M.Roosevelt que les sionistes « ne
pouvaient faire reposer la décision sur l’agrément des Arabes », mais
M. Roosevelt n’avait pas pris d’engagement. Selon le Dr Weizmann, M.
Churchill s’était engagé personnellement, en privé ; en 1944, le Dr
Weizmann devint impatient d’obtenir un engagement public de M.
Churchill, sous forme d’une déclaration Balfour amendée qui
accorderait un territoire (en lieu et place du terme vague « foyer
national ») à Sion (en 1949, il en voulait encore terriblement à M.
Churchill, qui, sous le « prétexte » que la guerre devait d’abord être
terminée, s’était abstenu de déclarer publiquement cette capitulation
finale).
Tel Macbeth, les « grands chefs d’État » du Dr Weizmann
flanchèrent et se dérobèrent au moment où l’échéance approchait. Ni
M. Churchill ni M. Roosevelt n’acceptèrent de commander ouvertement
à leurs soldats la mise à exécution de cette échéance, et les sionistes
crièrent « Volonté infirme! 52 » Alors M. Roosevelt se rendit à Yalta, avec
sur le visage l’expression d’un profond désespoir, saisi sur pellicule par
les journalistes ; il s’engagea sur la partition de l’Europe en deux, et à
la fin informa M. Churchill - qui, selon M. Hopkins, fut « stupéfait » et
« profondément choqué » par la nouvelle - qu’il allait rencontrer le roi
Ibn Saoud à bord du cuirassé américain Quincy.
Ce qui s’ensuivit demeure mystérieux. Ni M. Roosevelt ni M.
Churchill n’avaient le droit de céder un territoire arabe aux lobbyistes
qui les harcelaient à Washington et à Londres ; néanmoins, ce qui leur
était demandé était, en apparence, si insignifiant en comparaison de ce
535
qui venait tout juste d’être fait à Yalta, que la soumission de M.
Roosevelt, accompagnée d’un brutal ultimatum à destination roi Ibn
Saoud, n’auraient surpris personne. Au lieu de cela, il quitta
soudainement le rôle qu’il avait joué pendant de nombreuses années et
se comporta en chef d’État ; ensuite, il mourut.
Il quitta Yalta le 11 février 1945 et passa les 12, 13 et 14 février à bord du Quincy, jours au cours desquels il reçut le roi Ibn Saoud. Il
demanda au roi d’ « accepter quelques juifs supplémentaires en
Palestine » et reçut une réponse sèche : « non ». Ibn Saoud déclara qu’ « il y avait une armée juive de Palestine armée jusqu’aux dents et… ils
ne semblaient pas combattre les Allemands, mais ciblaient les
Arabes ». Le 28 février, M. Roosevelt revint à Washington. Le 28 mars,
Ibn Saoud réitéra par courrier les craintes dont il avait fait part
oralement (qui furent depuis confirmées par les événements)
concernant les conséquences qu’induirait le soutien américain apporté aux sionistes. Le 5 avril, le président Roosevelt répondit, réaffirmant
son propre engagement oral donné à Ibn Saoud, selon lequel :
« Je n’entreprendrais aucune action, en tant que chef de l’exécutif de
ce gouvernement, qui pourrait se révéler hostile au peuple arabe ».
Il mourut le 12 avril. Son engagement n’aurait jamais été connu si
un homme d’État américain, le secrétaire d’État James G. Byrnes, ne
l’avait publié six mois plus tard (le 18 octobre 1945) dans une tentative
désespérée de dissuader le président Truman, successeur de M.
Roosevelt, d’entreprendre précisément l’ « action hostile aux Arabes »
que le président Roosevelt avait juré de ne jamais mener.
La promesse de M. Roosevelt fut littéralement faite sur son lit de
mort, et une autre grande question de l’Histoire reste sans
réponse était-il sincère ? Si par chance il l’était, alors une mort de
intervint en faveur du sionisme. Son proche, M. Hopkins (qui était
présent au moment de la rencontre et en rédigea un mémorandum)
railla la suggestion selon laquelle cette promesse avait été faite
sincèrement, déclarant que le président Roosevelt « soutenait
totalement, [les sionistes], en public comme en privé, et selon ses propres
convictions » (selon ce mémorandum, M. Roosevelt déclara qu’il en
avait plus appris sur la Palestine de la bouche d’Ibn Saoud en cinq
minutes qu’il n’en avait appris au cours de toute sa vie ; c’est à partir
de cet événement que naquit l’anecdote célèbre selon laquelle Ibn
Saoud aurait déclaré : « Nous savons depuis deux mille ans ce qu’il
vous a fallu deux guerres mondiales pour comprendre »). Toutefois, M.
Hopkins pourrait ne pas être un témoin crédible concernant cet
événement, puisque immédiatement après la rencontre, lui, l’ombre du
président, rompit mystérieusement avec M. Roosevelt, qu’il ne revit
jamais ! M. Hopkins s’enferma dans sa cabine, et débarqua trois jours
plus tard à Alger, où il « fit porter un mot » par un intermédiaire,
536
disant qu’il retournerait en Amérique par un autre moyen. La
séparation fut aussi soudaine que celle qui avait eu lieu entre M.
Wilson et M. House.
Ce qui est clair, c’est que les dernières semaines et les derniers
jours de M. Roosevelt furent assombris par la controverse de Sion, et
non par des questions de politique américaine ou européenne. S’il
avait vécu et si sa promesse faite à Ibn Saoud avait été connue, le
sionisme, qui avec une grande puissance avait permis de le rendre et
de le maintenir président pendant douze ans, serait devenu son pire
ennemi. Il mourut. (L’engagement était catégorique ; il continuait
ainsi : « Aucune décision relative à la situation fondamentale de la
Palestine ne sera prise sans avoir exhaustivement consulté les Arabes et
les Juifs » ; c’était un désaveu complet du Dr Weizmann, qui lui avait
dit : « Nous ne pouvons faire reposer la décision sur l’agrément des
Arabes »).
Ainsi, entouré d’un mystère de la dernière heure, M. Roosevelt
aussi quitta lui aussi cette histoire. Un dernier coup d’oeil à la
multitude qui s’était rassemblée autour de lui au cours de ses douze
années de règne nous est fourni par M. Merriman Smith, porte-parole
supérieur de la Maison Blanche ; cette description d’une veillée
mortuaire montre que la beuverie de Yalta escorta le président jusque
dans la tombe :
« La plupart des passagers du train étaient des collaborateurs de
Roosevelt. Avant que le train ne soit hors de vue du dépôt de Hide
Park qui était tendu de crêpe noir, ils commencèrent ce qui allait
devenir une veillée post-funéraire. L’alcool coula à flot dans tous les
compartiments et salons. Les stores furent baissés dans tout le train,
et vu de l’extérieur cela ressemblait à n’importe quel train ramenant
des personnes endeuillées chez elles. Mais derrière ces rideaux, les
membres de l’équipe de M. Roosevelt se payaient ce qu’ils
considéraient être du bon temps. Leur Patron aurait approuvé… Je
vis l’un des chantres du New Deal balancer un plateau de verres
vides dans les toilettes et crier sur un ton de fausse bravade : “Allez,
cul sec, on n’a plus besoin de verres”. Les portiers et les serveurs
s’agitaient dans tous les sens, courant dans les couloirs avec des
plateaux qui débordaient et se renversaient. Si vous n’aviez pas su
qui étaient les gens dans le salon, vous auriez cru qu’il s’agissait
d’une équipe de rugby de retour après un match. Certains utilisaient
le whisky comme un antidote contre les soucis du travail …
J’entendis un choeur d’alcooliques chanter Ce n’est qu’un au
revoir…(ang. Auld Lang Syne) »
Tels étaient les cérémoniaux de la vie d’un politicien, au cours de
ces derniers jours où « les troupes » marchaient vers une nouvelle
« victoire », où les armées communistes prenaient possession de la
537
moitié de l’Europe, et où les sionistes de Russie étaient transportés par
l’Occident vers l’invasion de la Palestine.
Concernant cette question palestinienne, la mort libéra M.
Roosevelt de son dilemme. M. Churchill resta seul pour y faire face. Il
courtisait les sionistes depuis l’époque des élections de 1906. Il avait
fait partie du gouvernement britannique de 1917, à propos duquel un
ancien membre (M. Leopold Amery, cité en 1952 dans un journal
sioniste) déclara : « Lorsque nous publiâmes la déclaration Balfour,
nous pensions que si les juifs pouvaient devenir une majorité en
Palestine, ils formeraient un État juif… nous n’envisagions pas une
Palestine divisée, qui n’existe qu’à l’ouest du Jourdain ».
M. Churchill ne fit jamais part publiquement de telles intentions
(en effet, il les rejeta) mais si telle était sa vision, cela signifie que
même l’État sioniste établi à l’issue de la Seconde Guerre mondiale ne
correspond aucunement aux intentions de ceux qui élaborèrent la
déclaration Balfour, et que des invasions supplémentaires de
territoires arabes doivent encore être menéees par la voie des armes.
Le mot-clef dans cette citation est « si » ; « si les juifs pouvaient
devenir une majorité… » À partir de 1945, trois décennies de révolte
arabe avaient démontré que les sionistes ne deviendraient jamais
majoritaires » à moins que les Arabes ne soient expulsés de leur terre
natale par la force. La question qu’il restait à élucider était de définir
qui allait s’occuper de l’expulsion ? M. Roosevelt avait juré que jamais
il ne le ferait. Le Dr Weizmann, toujours prompt à s’écrier : « Je m’en
tiens à mon billet 53», aimait à déclarer que M. Churchill était impliqué
dans la mesure où le Dr Weizmann désirait qu’il le soit.
Même M. Churchill ne put mener à bien cette tâche. Lui aussi fut
libéré de ce dilemme ; non pas par la mort, mais par une défaite
électorale. Ses mémoires laissent apparaître son orgueil blessé suite à
ce revers ; « Tous nos ennemis s’étant rendus sans condition ou étant
sur le point de le faire, je fus immédiatement écarté par les électeurs
britanniques de toute nouvelle responsabilité dans la conduite de leurs
affaires ».
Ce n’était pas aussi simple que cela. L’historien du futur devra
travailler à partir de ces informations, mais ceux qui ont vécu les
événements savent mieux ce qui s’est passé ; j’étais en Angleterre et
assistai à l’élection au cours de laquelle M. Churchill fut « écarté ». En
vérité, il eût été difficile de s’attendre à ce que l’électorat britannique
puisse voir dans l’issue de la guerre (dont M. Churchill était le critique
le plus acerbe) des raisons d’effectuer un vote de remerciement en
538
faveur de M. Churchill, mais il y avait d’autres raisons à sa défaite que
la simple désillusion.
Comme pour les élections américaines, le pouvoir de « commander
le vote » fut utilisé au cours des élections britanniques de 1945. M.
Churchill était allé loin en « armant les juifs » et en s’engageant en
privé à soutenir le sionisme, mais pas assez loin pour le Dr Weizmann.
En Angleterre, à la moitié du siècle, le contrôle de la presse était
pratiquement finalisé, sur cette question ; la propagande sioniste
pendant les élections fut fortement orientée contre M. Churchill et fut
menée au nom des socialistes, qui avaient fait le serment requis de
soutenir les « actions hostiles » contre les Arabes (« les Arabes
devraient être encouragés à partir pendant que les juifs
s’établissent… »). L’ensemble des parlementaires juifs bascula d’un
coup du côté du Parti socialiste (et se concentra dans sa mouvance la
plus à gauche, là où se cachaient les communistes). Avec une grande
satisfaction, les sionistes assistèrent à la déconfiture de leur
« champion » de 1906, 1917 et 1939. Le Dr Weizmann déclara que la
victoire des socialistes (et l’ « échec » de M. Churchill) « emplit de joie
tous les libéraux ». C’était la récompense pour les quarante années de
soutien au sionisme de M. Churchill ; en fait, il n’avait pas ordonné
aux troupes britanniques d’éliminer les Arabes de Palestine et, dès
lors, était devenu un ennemi.
Ainsi, M. Churchill fut-il au moins dispensé de la tâche consistant
à décider du sort de la Palestine et n’aurait pas dû être aussi
désespéré qu’il le décrivit, lorsqu’il fut désavoué juste après la
« victoire ». Les socialistes britanniques, ayant enfin obtenu une
majorité écrasante au Parlement, réalisèrent tout à coup qu’ils étaient
censés, « encourager les Arabes à partir », en recourant à la force.
Quand eux aussi commencèrent à reculer face à ces comportements
d’assassins, les accusations de « trahison » commencèrent à pleuvoir
sur eux. Le discours du Dr Weizmann devient alors frénétique et
rempli d’indignation ; d’après ses déclarations, le gouvernement
socialiste, « trois mois après son élection, rompit la promesse qu’il avait
répétée au peuple juif si souvent, si clairement, et même avec
véhémence ». Pendant quarante ans, Lord Curzon semble avoir été le
seul dirigeant politique impliqué dans cette affaire à réaliser que même
le plus banal mot de sympathie confié au Dr Weizmann, serait plus
tard mis en avant comme « une promesse », donnée solennellement et
rompue lâchement.
Parmi les socialistes victorieux, un homme de parti talentueux, un
certain M. Hall, hérita du secrétariat aux Colonies de Lord Lloyd, Lord
Moyne et des autres assassinés ou diffamés, et était tout juste en
poste lorsqu’une délégation du Congrès sioniste mondial se présenta :
539
« Je dois dire que l’attitude adoptée par les membres de la délégation fut différente de tout ce que j’avais jamais observé. Il ne s’agissait pas
d’une requête visant à ce que le gouvernement de Sa Majesté étudie
les décisions de la conférence sioniste, mais d’une demande visant à
ce que le gouvernement de Sa Majesté exécute ce que le Congrès
sioniste lui ordonnait ».
Dix ans plus tard, un ex-président américain, M. Truman, se
souvint avec le même étonnement candide de visites similaires qui
avaient eu lieu pendant son mandat ; en 1945, ce phénomène se
perpétuait depuis 1906 sans ce que cela dérange la léthargie politique
de M. Hall. Peu après, il fut évincé du secrétariat aux Colonies, après
qu’on eut soudainement réalisé qu’il avait les qualités requises pour
accéder à la pairie.
Le gouvernement socialiste de 1945, qui en politique intérieure fut
sans doute le pire qu’un pays sortant de la guerre et ayant besoin
d’être revivifié aurait pu connaître, rendit un service à son pays dans le
domaine de la politique étrangère. Il sauva, en honneur, ce qui pouvait
être sauvé. Malgré la pression venant des quatre coins de la planète, il
refusa de jouer en Palestine le rôle de l’assassin ; s’il ne protégea pas
les Arabes, et à ce moment-là il n’en avait probablement pas les
moyens, au moins il ne les détruisit pas au nom du maître sioniste.
Cette réussite fut l’oeuvre exclusive d’un certain M. Ernest Bevin,
qui selon moi fut le plus grand homme politique britannique du XXe
siècle. Selon les comptes-rendus, le roi George VI, le plus discret des
monarques, pressa le nouveau Premier ministre socialiste, M. Attlee,
de nommer son collaborateur le plus méritant et le plus solide au
poste de ministre des Affaires étrangères, parce que l’état du monde le
nécessitait si clairement. Alors, M. Attlee remania la liste qu’il avait
déjà élaborée, élimina le nom de quelque valeureux « libéral » qui
aurait pu impliquer son pays dans le futur pogrom arabe, et mit à la
place celui de M. Bevin.
Déjà en 1945, la Palestine était devenue un problème clairement
trop important pour les secrétaires aux Colonies ; c’était, et cela le
restera pendant longtemps, la préoccupation majeure des Premiers
ministres, des ministres des Affaires étrangères, des présidents et des
secrétaires d’État en Angleterre comme en Amérique, parce qu’il
s’agitde la source la plus explosive quant à de nouvelles guerres. En
1945, dès que la « victoire » fut remportée, ce dossier était considéré
comme dominant et pervertissant la politique de tous les Étatsnations.
Sans crainte, Ernest Bevin, le garçon de ferme du Somerset et
idole des dockers, prit la bombe en main et essaya de neutraliser le
détonateur. Il aurait pu réussir s’il avait obtenu le soutien ne serait
que d’un seul dirigeant occidental, quel qu’il soit. Ils lui tombèrent
tous dessus comme des loups. Il y avait comme un arrière-goût de
540
rassemblement religieux et d’hystérie évangéliste dans l’abandon de
leur abdication face à la domination sioniste.
C’était un homme robuste, l’esprit des contrées de l’Ouest de
l’Angleterre soufflait dans ses os et dans ses muscles, et leurs
courageuses traditions coulaient dans ses veines, mais malgré cela il
fut physiquement brisé en quelques années par la violence d’une
diffamation incessante. Il n’était pas du genre à se décourager. Il
réalisa qu’il avait affaire à une dynamique fondamentalement
conspirationniste, une conspiration dont la révolution et le sionisme
faisaient partie, et il est peut être le seul homme politique de ce siècle
à avoir utilisé un terme (« conspiration ») dont la définition s’applique
parfaitement à cette situation. Il déclara abruptement au Dr Weizmann
qu’on ne le contraindrait ni lne l’inciterait à toute action qui serait
contraire aux engagements britanniques. Le Dr Weizmann n’avait pas
fait face à de telles déclarations, à un tel niveau, depuis 1904, et son
indignation, surgissant hors de lui et matérialisée par le biais des
organisations sionistes du monde entier, produisit les attaques
incessantes qui s’ensuivirent alors à l’encontre de M. Bevin.
M. Churchill, s’il était resté Premier ministre, aurait apparemment
eu recours aux forces armées britanniques pour mettre en oeuvre la
partition de la Palestine. Cela semble être la conséquence inévitable de
son mémorandum adressé au Comité des Chefs d’État-major (le 25
janvier 1944), dans lequel il déclara : « Les juifs, laissés à eux-mêmes,
écraseraient les Arabes ; par conséquent, il ne peut y avoir grand
risque à se joindre aux juifs afin de mettre en oeuvre le type de projet de
partition qui est proposé… ». Le lecteur peut noter combien les
circonstances modifient grandement les arguments. La scission de
l’Europe était pour M. Churchill « une partition ignoble, qui ne peut
durer ». La partition de la Palestine valait, elle, la peine d’être menée à
bien en « se joignant aux juifs ».
M. Bevin refusa de prendre part à un tel projet. Selon ses
instructions, le gouvernement socialiste annonça qu’il « n’accepterait
pas le scénario selon lequel les juifs devaient être expulsés d’Europe ou
que l’on ne devait pas les autoriser à revenir vivre dans ces pays »
(européens) « sans discrimination, apportant leurs connaissances et
leurs talents à la reconquête de la prospérité européenne ».
Ces mots démontrent que cet homme comprenait la nature du
chauvinisme sioniste, les problèmes qui en découlaient et leur unique
solution. Ils décrivent ce qui arrivera inévitablement un jour, mais ce
jour a été repoussé à un quelconque moment après une nouvelle
période de désastre en Palestine, qui impliquera probablement le
monde entier. Il fut soit le premier homme politique britannique à
comprendre ce sujet, soit le premier à avoir eu le courage d’agir en
accord avec ses connaissances.
541
Le gouvernement socialiste de 1945 fut amené, par une
administration responsable, à faire ce que tout gouvernement
responsable précédent avait été obligé de faire : envoyer une nouvelle
commission d’enquête (qui ne put rien faire d’autre que de rendre les
même rapports que les commissions antérieures) et parallèlement
réguler l’immigration sioniste et protéger les intérêts des autochtones
arabes, en accord avec les promesses de la déclaration Balfour initiale.
Le Dr Weizmann considéra cela comme « un retour à l’ancien et sournois double accent mis sur les obligations envers les Arabes de
Palestine » et la machine sioniste se mit en branle afin de détruire M.
Bevin, contre lequel, pendant les deux années qui suivirent, une
campagne mondiale fut dirigée. Cela fut coordonné, synchronisé et
d’une effroyable violence. Tout d’abord, le Parti conservateur fut
envoyé à l’assaut. Les socialistes les avaient battus en capitulant face
au sionisme, ce qui leur apporta le soutien de la presse
instrumentalisée. Les conservateurs, ayant perdu leur mandat,
jouèrent cette carte maîtresse contre les socialistes, et à leur tour
capitulèrent face à Sion. Cela fut clarifié d’un seul coup : le Parti
proclama qu’il combattrait la politique intérieure des socialistes et
soutiendrait leur politique étrangère, mais à partir du moment où les
socialistes firent leur déclaration au sujet de la Palestine, le Parti
conservateur fit une exception au second engagement ; il démarra une
attaque permanente contre la politique du gouvernement socialiste au
sujet de la Palestine, ce qui voulait dire contre M. Bevin.
À ce stade, M. Churchill, protégé au sein de l’opposition, se
rabaissa en accusant M. Bevin de « sentiments anti-juifs », une attaque
empruntée aux coulisses de la Ligue anti-diffamation (qui ajouta un
nouveau mot, « Bevinisme », à son dictionnaire des termes
calomnieux). Aucun de ses adversaires politiques ne fut jamais
calomnié de la sorte par M. Bevin, collègue remarquable de M.
Churchill pendant les longues années de guerre.
Ainsi, M. Bevin, faisant face aux plus grandes menaces, reçut-il le
soutien total du parti d’opposition sur tous les dossiers de politique
étrangère à l’exception d’un seul, la Palestine. Pourtant, il aurait
encore pu sauver la mise, n’eût été l’intervention du nouveau président
américain, M. Harry S. Truman. Avec sa promotion automatique
depuis la vice présidence jusqu’à la présidence (à la mort du président
en exercice), l’Histoire du XXe siècle recommença à suivre la trame
d’une tragédie grecque (ou d’une comédie burlesque). M. Truman
impliqua son pays jusqu’aux oreilles dans l’imbroglio palestinien au
moment même où l’Angleterre, enfin, voyait surgir un homme qui était
compétent et suffisamment solide pour mettre fin à cette aventure
désastreuse.
542
À moins qu’un homme ne possède ce génie qui le dispense
d’acquérir des connaissances de base, une petite ville du fin fond du
Middle-West américain comme Kansas City n’est pas un endroit idéal
pour s’informer sur la vie internationale. M. Truman, lorsquon luil
confia la présidence, avait deux handicaps majeurs pour ce poste.
D’une part l’isolement de son lieu de naissance eu égard aux affaires
internationales, et d’autre part une connaissance accrue en matière d’ élections locales, dont il savait beaucoup de choses. À Kansas City il
avait vu, la machine en marche ; il en savait long sur les patronages,
les barons politiques, et les remplissages d’urnes avec de faux
bulletins. Il en avait retenu l’impression que la politique, c’était comme
les affaires : basée sur des règles fondamentalement simples, qui ne
laissaient pas de place pour les grandes idées.
Cet homme de taille moyenne, robuste et exhibant un large
sourire, était sur le point de signer l’ordre déclenchant un acte de
destruction sans précédent dans l’histoire de l’Occident ; il s’avança
prestement vers la scène des grands événements. Il décida à Potsdam
que l’« Oncle Joe » était « un bon gars », et termina là-bas les
réarrangements territoriaux de l’Europe et de l’Asie qu’avait initié M.
Roosevelt. Il organisa le largage des bombes atomiques sur les villes
sans défenses d’Hiroshima et de Nagasaki. Aucune série d’actions
comparable ne fut jamais imputée à un ex-marchand de chemises
ayant fait faillite et ayant été parachuté à un poste d’ « élu dictateur ».
Alors, il tourna son regard vers la politique intérieure et les prochaines
élections au Congrès et à la présidence. Dans ce domaine, il savait (et
le déclara), que les votes contrôlés par les sionistes étaient décisifs.
Pendant que M. Bevin s’évertuait à désamorcer le conflit, M.
Truman annihila les efforts de M. Bevin. Il demanda à ce que cent
mille juifs soient immédiatement admis en Palestine, et organisa le
voyage en Palestine de la première commission d’enquête partisane.
C’était le seul moyen par lequel une commission pouvait être amenée à
rédiger un rapport favorable au plan sioniste. Deux des quatre
membres américains étaient des sionistes avoués ; le seul membre
britannique était un propagandiste sioniste et un gauchiste ennemi de
M. Bevin. Cette « Commission anglo-américaine » se rendit en Palestine
sous la direction (pour, peut être, la dixième fois en trente ans) du Dr
Weizmann. Elle recommanda (bien que « prudemment ») l’admission de
cent mille « réfugiés » (ce terme fut vraisemblablement choisi pour
tromper les masses et avait à cette période une signification
particulière ; aucun véritable réfugié ne souhaitait se rendre en
Palestine).
Ainsi, les bases de la prochaine guerre étaient-elles établies, et un
président américain soutint publiquement les « actions hostiles » à
l’encontre des Arabes, puisqu’il s’agissait bien de cela. Le Congrès
543
sioniste suivant (tenu à Genève en 1946) 54 prit joyeusement acte de
cette nouvelle « promesse » (la « suggestion » de M. Truman et les
« prudentes recommandations » de la commission partisane). Ce fut un
Congrès sioniste typique, entièrement composé de juifs de Palestine
(qui avaient déjà émigré là-bas) et d’Amérique (qui n’avaient aucune
intention de s’y rendre) ; la masse rassemblée en troupeau qui devait
être déplacée là-bas n’était pas représentée. La description par le Dr
Weizmann des décisions prises est lourde de signification.
Il déclara à propos du congrès « qu’il y régnait une ambiance
particulière » et qu’on y trouvait une tendance à « se concentrer sur les
méthodes… décrites par différents termes : “resistance”, “défense”, “activisme”. Malgré ces « nuances, » (déclara t’il) « un élément leur était
commun à toutes : la conviction que combattre l’autorité britannique en
Palestine et partout ailleurs était nécessaire ».
Les remarques circonspectes du Dr Weizmann doivent être
considérées dans le contexte de l’intégralité de son livre et de l’histoire
entière du sionisme. Ce qu’il entend est que le Congrès sioniste
mondial à [Bâle] en 1946 décida d’appliquer à nouveau la méthode
basée sur le terrorisme et l’assassinat qui s’était révélée efficace en
Russie pendant les phases préparatoires de la conspiration à deux
têtes. Le congrès savait qu’il s’agissait de la méthode « décrite par
différents termes » au cours des discussions, puisqu’elle avait déjà été
réinitiée via l’assassinat de Lord Moyne et à travers de nombreux actes
terroristes en Palestine. L’impulsion incitatrice de la décision du
Congrès (car il s’agissait bien de cela) vint de la recommendation du
président américain, d’après laquelle cent mille personnes devaient
être injectées de force en Palestine. Les sionistes considérèrent cela
comme une « promesse » supplémentaire, engageant l’Amérique à
approuver chacun de leurs agissements quels qu’ils soient, ce en quoi
ils avaient raison.
Le
Dr Weizmann savait exactement ce qui était en jeu, et pendant
ses dernières années, il recula devant les perspectives qui s’offraient à
nouveau à lui : un retour au culte de Moloch, le dieu du sang. Il avait
vu tant de sang versé au nom du communisme révolutionnaire et du
sionisme révolutionnaire, les deux causes qui avaient dominé sa
maison familiale et sa ville natale, dans le Pale. Au cours de sa
jeunesse, il avait exulté pendant les émeutes et les révolutions, et avait
considéré les assassinats comme faisant partie intégrante du
processus ; arrivé à l’âge adulte il s’était réjoui de la chute de la
Russie, malgré les décennies de bains de sang qui s’étaient ensuivies.
Pendant cinquante-cinq ans, il avait appelé au chaos et lâché les
544
chiens de guerre. Quasiment inconnu des masses absorbées par les
deux guerres, il était devenu l’un des hommes les plus puissants de la
planète. Commençant en 1906, où il manipula tout d’abord M.
Balfour, il avait progressé graduellement jusqu’à ce que sa parole,
prononcée dans les antichambres, devienne loi, jusqu’à ce qu’il puisse
commander l’audience des monarques et l’obéissance des présidents et
des Premiers ministres. Et là, alors que le plan qu’il avait mis si
longtemps à mettre en place était sur le point de se réaliser, il recula
devant les perspectives sanguinaires qui s’ouvraient
incommensurablement devant lui : du sang, encore et encore, et à la
fin… quoi ? Le Dr Weizmann se souvint de Sabbataï Tsevi.
Il était contre le fait de « s’abaisser devant les forces
démoralisantes au sein du mouvement », expression énigmatique qu’il
utilise pour parler de ceux que M. Churchill appelait « les
extrémistes », et que les administrateurs basés sur place appelaient
« les terroristes ». Cela veut dire qu’il avait changé alors qu’il se
rapprochait de la fin de sa vie, puisque sans terrorisme, le sionisme
n’aurait jamais pu se développer et si, en 1946, son État sioniste
devait voir le jour, cela ne pouvait être réalisé que par la violence.
Ainsi, le Dr Weizmann comprit-il finalement la futilité de ce demi-siècle
« de pression exercée en coulisse », et sans aucun doute perçut-t-il l’
inévitable fiasco qui suivrait la naissance dans la terreur de l’État
sioniste. Psychologiquement, ce fut un moment de grand intérêt dans
cette histoire, Peut-être qu’avec l’âge, les hommes deviennent plus
sages ; ils se lassent des mots et des actes violents qui semblaient
résoudre tous les problèmes pendant leur jeunesse de conspirateurs,
et cette révulsion pourrait avoir submergé Chaim Weizmann. Si tel
était le cas, il était trop tard pour changer quoi que ce soit. La machine
qu’il avait créée devait continuersur sa lancée, jusqu’à sa propre
destruction et celle de tout ceux que se trouveraient sur son chemin.
L’avenir qui restait au sionisme était entre les mains des « forces
démoralisantes au sein du mouvement », et c’est par lui que c’était
arrivé.
Il fut privé d’un vote de confiance et ne fut pas réélu au poste de
président de l’Organisation sioniste mondiale. Quarante ans après
Herzl, il fut écarté comme il avait écarté Herzl, et pour la même raison
fondamentale. Lui et ses Khazars de Russie avaient renversé Herzl
parce que Herzl voulait accepter l’Ouganda, ce qui signifiait renoncer à
la Palestine. Il fut renversé car il avait peur de s’engager à nouveau
dans une politique de terreur et d’assassinats, ce qui signifiait aussi
renoncer à la Palestine.
Cette note de désespoir avait retenti déjà auparavant, dans son
allusion au meurtre de Lord Moyne : « Les juifs de Palestine vont… extirper les racines comme les branches, - ce mal résidant en son
545
sein… ce phénomène absolument non-juif ». Ces paroles étaient
destinées aux oreilles occidentales, et étaient spécieuses ; l’assassinat
politique n’était pas « un phénomène absolument non-juif » dans les
régions talmudiques de Russie où le Dr Weizmann passa sa jeunesse
révolutionnaire et conspiratrice, comme il le savait bien, et une série
d’événements similaires entachait le passé. Effectivement, lorsqu’il
s’adressait à une assemblée sioniste, il admettait franchement que
l’assassinat politique n’était pas « un phénomène absolument nonjuif
», mais l’opposé : « Qu’était la terreur en Palestine, si ce n’est ce
mal ancien, sous une forme nouvelle et horrible ».
Ce « mal ancien », sortant de sa bouteille talmudique pour
affronter le Dr Weizmann à [Bâle] en 1946, explique apparemment le
ton prémonitoire qui remplit les dernières pages de son livre de 1949
(alors que l’État sioniste avait été établi par la terreur). Le meurtre de
Moyne, dit-il, pressentant le pire, « éclaire l’abîme auquel mène le
terrorisme ». Ainsi, au cours de ses derniers jours, le Dr Weizmann vitil
où son infatigable voyage l’avait mené: vers un abîme ! Il vit cet
abysse recevoir un premier lot de près d’un million de victimes. Dès la
fin de son mandat, le pouvoir effectif passa entre les mains des
« terroristes », comme il les appelle, et sa plainte tardive aux cris de
« machine arrière, toutes ! » resta lettre morte. Les « activistes » (tel
qu’ils préféraient se décrire) se retrouvèrent avec le pouvoir de
déclencher une troisième guerre quand ils le souhaitaient. Le Dr
Weizmann survécut, ce qui lui permit de jouer un rôle-clef au cours du
prochain épisode de cette saga, mais jamais plus il ne disposa d’un
véritable pouvoir au sein du sionisme.
À partir de 1946, les terroristes prirent le contrôle. D’abord, ils
oeuvrèrent à expulser les Britanniques de Palestine, et ils savaient
qu’ils ne pouvaient échouer, étant donné la situation qui avait émergé
de la Seconde Guerre mondiale. Si les Britanniques se défendaient ou
défendaient les Arabes sémites, on crierait à l’ « antisémitisme »
jusqu’à ce que les hommes politiques de Washington les rappellent à
l’ordre ; alors, une fois que les Britanniques seraient partis, les
terroristes s’occuperaient de l’expulsion des Arabes.
La terreur durait depuis plusieurs années, le meurtre de Moyne
n’en constituant que l’un des incidents ; en effet, M. Oliver Stanley,
l’un des secrétaires harcelés aux Colonies, déclara en 1944 à la
Chambre des communes que la terreur avait sensiblement retardé « l’effort de guerre britannique », ou, en d’autres termes, prolongé la
guerre (cet homme est un témoin fiable, puisqu’à sa mort il fut salué
par les sionistes comme étant « un ami fidèle »). En 1946 et 1947, à
l’issue du Congrès de [Bâle], la terreur s’intensifia ; des centaines de
soldats britanniques tombèrent dans des embuscades, furent tués
pendant leur sommeil, dynamités, et ainsi de suite. On donna
546
délibérément à la terreur l’apparence du « mal ancien » lorsque deux
sergents britanniques furent lentement menés à la mort dans un
verger et y furent laissés pendus. Le choix de cette forme lévitique de
torture (« pendaison à un arbre », la mort « que Dieu maudit ») signifie
que ces actes furent commis selon la Loi judaïque.
Le gouvernement britannique, découragé par la violence de la
presse américaine et britannique, soumises toutes deux à la même
pression, avait peur de protéger ses représentants et ses soldats, et un
soldat britannique écrivit au Times : « En quoi l’armée bénéficie t’elle
de la sympathie du gouvernement ? Elle ne venge pas ceux qui sont
assassinés, elle n’empêche pas non plus qu’il y ait d’autres meurtres.
Ne sommes-nous plus une nation suffisamment courageuse pour faire
appliquer la loi et l’ordre là où nous en avons la responsabilité ? »
Tel était le cas. Les grands gouvernement occidentaux avaient
succombé, sous une pression irrésistible, à une captivité léthargique,
et la Grande-Bretagne comme l’Amérique avaient cessé, du moins pour
cette période, d’être des États souverains. Finalement, pour ce qui est
du problème de la Palestine, le gouvernement britannique s’en remit à
la nouvelle organisation installée à New York et dénommée « Nations
unies » (qui avait aussi peu le droit de disposer de la Palestine que la
Ligue des nations avant elle)
Des délégués d’Haïti, du Libéria, du Honduras et d’autres pays du
« monde libre » se pressèrent à Lake Success, un étang désolé dans la
banlieue de New York. À cette époque, un sifflement de désapprobation
parcourait le monde, et du parent Onusien, des organismes tels que le
COBSRA, l’UNRRA ou l’UNESCO virent le jour. Ce jour-là, une entité
dénommée UNSCOP (Comité Spécial des Nations unies sur la
Palestine) rendit à l’ONU son rapport qui préconisait « la partition de la
Palestine ».
Le Dr Weizmann (bien qu’exclus par l’Organisation sioniste en
raison de ses avertissements contre le terrorisme) fut une fois de plus
le responsable entendu à Jérusalem par l’UNSCOP, avant de retourner
rapidement à New York où, en octobre et novembre 1947, il domina les
coulisses en roi du lobby. Une « pression irrésistible » opéra sans répit.
Les délégués que les foules voyaient sur les écrans animés étaient des
marionnettes ; le grand drame était entièrement joué en coulisse, et au
sein de ce « monde réel » selon Chesterton, dont les peuples ne
voyaient rien, deux opérations d’envergure étaient en cours, grâce
auxquelles la destinée de la Palestine fut scellée loin des salles de
réunion de l’ONU. D’abord, on était en train de faire passer des
centaines de milliers de juifs de Russie et d’Europe de l’Est à travers
l’Europe de l’Ouest jusqu’en Palestine, dans un but d’invasion.
Ensuite, les sionistes étaient en train d’utiliser l’approche de l’élection
présidentielle américaine pour faire monter les enchères entre partis
547
rivaux, concernant l’obtention du soutien sioniste, et ainsi s’assurer
que le vote américain, décisif au sein des Nations unies, irait dans le
sens d’une invasion.
Dans chacun de ces cas, et comme au cours des trois décennies
précédentes, des hommes émergèrent pour délivrer leurs pays des
conséquences de ces actions. Le transfert secret de juifs de l’Est à
travers l’Europe de l’Ouest fut révélé par un général britannique, Sir
Frederick Morgan (dont la participation au plan du débarquement de
Normandie fut louée par le général Eisenhower dans son livre).
Lorsque les combats prirent fin, le War Office prêta le général Morgan
à l’ « UNRRA », l’organe issu des Nations unies qui était supposé « aider
et réhabiliter » les victimes de la guerre. Le général Morgan prit en
charge les plus désespérées d’entre elles (les « réfugiés »), et découvrit
que l’ « UNRRA », qui coûtait très cher aux contribuables américains et
britanniques, était utilisée comme paravent pour dissimuler l’exode
massif de juifs depuis l’est de l’Europe jusqu’en Palestine. Ces
individus n’étaient pas des « réfugiés ». Leurs pays de naissance
avaient été « libérés » par l’Armée rouge et ils étaient en mesure d’y
vivre, leur qualité de vie étant assurée par les lois spécifiques contre l’ « antisémitisme », lois que tous ces pays annexés avaient reçues de
leur maître communiste. Ils ’avaient pas été « évacués d’Allemagne »,
où ils n’avaient jamais vécu. En fait, il s’agissait, une fois de plus, des Ostjuden, des Khazars, transportés par leur maîtres talmudiques vers
une nouvelle terre dans un but conspirateur.
De cette façon, une nouvelle guerre était en train d’être rallumée
sur les cendres de la dernière, et à deux reprises (janvier et août 1946),
le général Morgan déclara publiquement qu’ « une organisation secrète
oeuvrait à réaliser un vaste transfert de juifs depuis l’Europe, un
second Exode ». Le sénateur Herbert Lehman, sioniste important et
directeur général de l’UNRRA, déclara que cet avertissement était
« antisémite » et exigea la démission du général Morgan. Il s’apaisa
lorsque le général Morgan récusa toute intention « antisémite », mais
lorsque le général réitéra son avertissement huit mois plus tard, il fut rapidement remercié par le nouveau directeur général, M. Fiorello
LaGuardia, sympathisant sioniste et ancien maire de New York, plus
connu des New-yorkais sous le nom de « la Petite Fleur ». M.
LaGuardia nomma alors un certain M. Myer Cohen à la place du
général Morgan. Le gouvernement britannique se hâta de sanctionner
le général Morgan en mettant à la retraite cet émérite contributeur du
débarquement, affirmant (faussement) agir sur la demande de ce
dernier.
Deux hautes autorités indépendantes confirmèrent les
informations du général Morgan ; étant donné la condition servile de la
presse, ces révélations eurent peu d’écho. Une Commission
548
parlementaire britannique d’ évaluation rapporta (en novembre 1946)
qu’ « un très grand nombre de juifs, équivalant quasiment à un second
exode, migrent actuellement de l’Europe de l’Est vers les zones
américaines de l’Allemagne et de l’Autriche, avec pour intention dans
la majorité des cas de se rendre finalement en Palestine. Il ressort
clairement qu’il s’agit d’un mouvement bien organisé, disposant de
fonds importants et d’un soutien politique solide, mais la Commission
n’a pas été en mesure d’obtenir des preuves tangibles concernant
l’identité des véritables instigateurs ». Une Commission d’enquête sur
la guerre, envoyée en Europe par le Sénat des Etats-Unis, déclara que
« la migration massive de juifs depuis l’Europe de l’Est vers la zone
américaine de l’Allemagne fait partie d’un plan minutieusement organisé
financé par des groupes spécifiques localisés aux États-Unis. »
L’image, à nouveau, est celle d’une conspiration soutenue par les
gouvernements occidentaux, en particulier le gouvernement américain
dans ce cas précis. L’ « organisation » en Amérique disposait de fonds
publics américains et britanniques illimités, et mit en oeuvre cet exode
massif sous couvert d’une aide d’après-guerre. Ses dirigeants furent en
mesure d’écarter sommairement les hauts responsables, payés par le
public, qui révélèrent ce qui se tramait, et le gouvernement
britannique soutint cela. Bien qu’à cette époque (1946-1947), les
hommes politiques occidentaux étaient censés avoir réalisé la perfidie
de l’État révolutionnaire (puisque c’était le motif de la « guerre froide »),
les trois gouvernements de Washington, Londres et Moscou
travaillèrent en parfaite intelligence sur ce dossier. L’ « exode » venait
de Russie et des territoires européens que l’Occident avait abandonnés
à la révolution. Aucun individu ne pouvait quitter l’État soviétique
sans une autorisation, très rarement délivrée, mais dans ce cas
particulier, le Rideau de Fer se leva pour libérer un groupe d’individus
suffisamment nombreux pour que l’on soit assuré d’une guerre
immédiate et un chaos permanent au Proche-Orient. Tout aussi
naturellement, trente ans auparavant, les frontières et les ports de
l’Allemagne (un ennemi), de l’Angleterre (un allié) et de l’Amérique
(pays neutre) s’étaient ouverts pour permettre aux révolutionnaires de
se rendre en Russie. À ces deux occasions, au niveau politique le plus
élevé, c’est-à-dire au niveau supranational, il n’y eut pas d’allié,
d’ennemi ou d’acteur neutre ; tous les gouvernements s’effacèrent
devant le pouvoir suprême.
M. Leopold Amery, l’un des secrétaires aux Colonies qui avait
précédemment été impliqué dans le sionisme et la Déclaration Balfour
de 1917, avait déclaré : « Nous pension,s lorsque nous publiâmes la
déclaration Balfour, que si les juifs pouvaient devenir une majorité en
Palestine, ils constitueraient un État juif ». Pendant la période 1946-
1948, ce projet fut finalement réalisé, de la seule manière possible :
par le transfert massif de juifs de l’Est vers la Palestine. Il ne manquait
549
plus qu’une chose : obtenir des « Nations unies » une loi permettant
une pseudo-légalisation de l’invasion imminente. Pour permettre cela,
la capitulation du président américain était nécessaire ; et la manière
d’y arriver était de menacer les conseillers de son parti d’une défaite au
cours des prochaines élections présidentielles, qui devaient avoir lieu
un an plus tard.
En vérité, dans les brumes évanescentes de la Seconde Guerre,
une troisième guerre était en train d’être préparée par ce mouvement
clandestin de population, et en Amérique (après l’exclusion du général
Morgan en Europe), les deux hommes dont les mandats les rendaient
directement responsables tentèrent de faire avorter cette menace avant
qu’il ne soit trop tard. L’un d’entre eux était le général Marshall, dont
les interventions sur la question du débarquement en Europe et plus
tard sur le débarquement en Chine se sont révélées, de par leurs
résultats, généralement malheureuses. Sur la question de la Palestine,
il se montra prudent. En 1947, il était secrétaire d’État, et était par
conséquent le responsable principal de la politique internationale,
après le président. Il lutta pour extirper son pays du fiasco palestinien
et, comme toujours dans ces cas-là, son exclusion s’ensuivit
rapidement.
L’autre homme était M. James Forrestal, ministre de la Défense.
C’était un banquier billant, intégré au sein du gouvernement pendant
la guerre en raison de ses talents de manager. Il était fortuné, et seul
le souhait de servir son pays put l’avoir amené à accepter ce poste. Il
vit venir les conséquences désastreuses de cette implication en
Palestine, et mourut en croyant qu’il avait complètement échoué dans
sa tentative de l’éviter. De toutes les parties prenantes au cours de ces
deux générations, il est le seul à avoir laissé un journal 55 qui présente
550
exhaustivement les méthodes grâce auxquelles Sion contrôle et
manipule les dirigeants et les gouvernements.
M. Truman alla encore plus loin que le président Roosevelt en
retirant les affaires étrangères et la sécurité nationale des
ministères qui en étaient responsables, et en agissant à l’opposé de
leurs recommandations, sous la pression exercée par les conseillers
551
électoraux. L’histoire est exhaustivement relatée dans les journaux
intimes de M. Forrestal, les propres mémoires de M. Truman et le
livre du Dr Weizmann.
La lutte en coulisse pour contrôler le président américain, et
par conséquent la république elle-même, dura de l’automne 1947 au
printemps 1948, c’est-à-dire, du débat aux Nations unies sur la
partition de la Palestine jusqu’à la proclamation de l’État sioniste
après une invasion par la force.
Les dates sont importantes. En novembre 1947, les sionistes
voulaient le vote sur la « partition », et en mai 1948 ils voulaient que
leur invasion soit reconnue officiellement. L’élection présidentielle
devait avoir lieu en novembre 1948, et l’étape préliminaire majeure,
la désignation des candidats, devait avoir lieu en juin et juillet 1948.
Les chefs de parti informèrent M. Truman que sa réélection
dépendait de la position des sionistes ; le candidat de l’opposition
reçut un conseil similaire de ses chefs de parti. Ainsi, « la
campagne électorale prit l’allure d’une enchère", chaque candidat
subissant la pression permanente de ses conseillers afin de
surenchérir » en termes de soutien à l’invasion de la Palestine.
Dans de telles circonstances, le candidat élu ne pouvait considérer
son élection que comme une récompense pour « son soutien à la
partition de la Palestine » de novembre 1947 et « la reconnaissance
officielle » de mai 1948 ; rien ne pouvait illustrer plus clairement les
changements majeurs que la migration massive de juifs de l’Est qui
avait suivi la guerre de Sécession avait apporté au sein de la vie
politique américaine. M. Forrestal laissa un compte rendu exhaustif
des principales manoeuvres qui eurent lieu au cours de cette lutte
décisive et secrète.
La bombe à retardement posée par M. Balfour trente ans
auparavant atteignit l'heure de son déclenchement lorsque le
gouvernement britannique annonça en 1947 qu’il se retirerait de
Palestine si d’autres puissances y rendaient impossible l’exercice
d’une administration impartiale ; c'était la réponse à la proposition
du président Truman d’autoriser l’entrée immédiate en Palestine de
100 000 « réfugiés ». Les consciencieux conseillers de M. Truman
informèrent immédiatement le gouvernement américain des
conséquences qui découleraient d’un retrait britannique. Le général
Marshall déclara au cabinet américain qu’un retrait britannique
« serait suivi d’une lutte sanglante entre les Arabes et les Juifs » (8
août 1947), et son sous-secrétaire d’État, M. Robert Lovett, souligna
le danger de « cristalliser parmi les peuples arabes et
mahométans des sentiments » dirigés contre les États-Unis (15 août
1947).
Cet avertissement reçut une réponse immédiate de la part des
dirigeants des partis politiques. Au cours d’un déjeuner de cabinet,
552
M. Robert Hannegan (ministre des Postes et Télécommunications,
mais ex-président national du parti du président - le Parti
démocrate) pressa le président de faire une « déclaration sur la
politique menée en Palestine , déclaration où il demanderait
« l’admission de 150 000 sionistes ». Ainsi, le conseil du
représentant du parti était-il que le président Truman réponde à
l’avertissement britannique en augmentant son enchère pour
remporter le soutien des sionistes aux élections, la faisant passer
de 100 000 à 150 000 personnes . M. Hannegan déclara que cette
nouvelle demande « aurait une influence excellente et des conséquences
très positives sur le financement du Comité national des démocrates »,
et, comme preuve de ce qu’il avait promis, il ajouta que la demande
initiale (relative à 100 000 immigrants) avait induit « l’obtention de
sommes très importantes venant de donateurs juifs, qui tiendraient
compte, quand à augmenter ou retirer leurs dons, de ce que le président
ferait en Palestine »
Ainsi, dès le début, le problème fut-il clairement présenté au
président, avec d’un côté l’intérêt national, et de l’autre le
financement du parti, les votes du parti et le succès du parti. Cela
fut discuté pendant les mois qui suivirent, et finalement arbitré sur
cette base, sans autres considération.
L’avertissement de M. Forrestal était perspicace. Il soutenait
que si la politique d’État et la sécurité nationale (qui relevaient de
son mandat) devaient être subordonnées à l’achat de votes, le pays
passerait sous le contrôle des sionistes, et auparavant (en 1946), il
avait demandé au président si la Palestine ne pouvait pas être
« retirée des questions politiques ». À ce moment-là, M. Truman
avait « donné son accord de principe », mais il avait exprimé le
sentiment selon lequel « il n’y a pas grand-chose à gagner d’une telle
tentative, les manoeuvres politiques sont inévitables, la politique et
notre gouvernement étant ce qu’ils sont ».
En septembre 1947, M. Forrestal, aiguillonné par ses
appréhensions, oeuvra sans répit pour que la Palestine soit « retirée
des questions politiques ». Sa vision était que les deux partis rivaux
devaient inclure une majorité d’individus qui pouvaient être
amenés à convenir, eu égard à la primauté de l’intérêt national, que
les questions majeures concernant la politique internationale
devaient être élevées au-delà des rivalités, afin que la Palestine ne
puisse être utilisée comme un argument vendeur pendant la
période des élections. Son idée ne rencontra que le dédain chez les
représentants de la « politique pragmatique ».
Profondément perturbé par les remarques de M. Hannegan
faites le 4 septembre (voir plus haut), M. Forrestal demanda
ouvertement au président Truman, lors d'un déjeuner de cabinet le
29 septembre 1947, « s’il ne serait pas possible d’exclure la question
553
judéo-palestinienne de la politique ». M. Truman déclara que « cela
valait la peine d’essayer, bien qu’il fût manifestement sceptique ».
Au cours du déjeuner de cabinet qui suivit (le 6 octobre), le chef de
parti réprimanda le directeur de cabinet responsable :
« M. Hannegan aborda la question de la Palestine. Il déclara que de
nombreuses personnes qui avaient contribué à la campagne des
démocrates demandaient fermement des garanties de la part de
l’administration concernant un soutien définitif à la position juive en
Palestine ».
M Forrestal vit venir la capitulation de M. Truman, et multiplia
ses avertissements. Il rencontra le responsable du Parti démocrate,
M. J. Howard McGrath (le 6 novembre 1947), et encore une fois, rien
n'en sortit. M. McGrath déclara qu’ « il y avait deux ou trois États clefs qui ne pouvaient être remportés sans le soutien d’individus qui
étaient fortement intéressés par la question palestinienne ». La réplique
de M. Forrestal eut peu d'effets : « Je lui dis que je préférais perdre
ces États au cours d’une élection nationale plutôt que de courir
certains risques qui, selon moi, pourraient se présenter en gérant
la question palestinienne ».
Le jour suivant, il reçut à nouveau le soutien du général
Marshall, qui déclara au cabinet que le Moyen-Orient était une
« nouvelle poudrière », et M. Forrestal « réitéra [alors] ma
suggestion… qu’une tentative sérieuse soit menée afin d’extraire la
question palestinienne de la politique partisane américaine… La
politique intérieure s’arrêtait à l’océan Atlantique, et aucune question ne
menaçait autant notre sécurité que celle-ci » (7 novembre 1947).
À ce moment-là, le vote sur la « partition » se rapprochait, et M.
Forrestal fit un nouvel appel du pied au chef du Parti démocrate, M.
McGrath, en lui montrant un document confidentiel sur la
Palestine, transmis par les services secrets. M. McGrath écarta tout
cela, déclarant que les fonds d’origine juive représentaient une
partie substantielle des donations allant au Parti démocrate, et que
la plupart de ces contributions étaient faites « avec pour objectif de la
part des donateurs de pouvoir exprimer leur vision, et que celle-ci
soit sérieusement prise en compte sur des sujets tels que l'actuelle
question palestinienne. Il planait au sein de la communauté juive
un sentiment comme quoi les États-Unis ne faisaient pas tout ce
qu’il fallait pour solliciter les votes, au sein de l’Assemblée générale
des Nations unies, en faveur de la partition de la Palestine ; et audessus
de cela, les juifs attendaient des États-Unis qu’ils fassent tout
leur possible pour mettre en oeuvre la partition, après le vote de
cette décision par les Nations unies, même si pour cela le recours à la
force était nécessaire ».
Cette citation révèle le processus d’accroissement progressif
554
des enchères qui avait lieu en coulisses afin de remporter les
financements et les votes sionistes. Au départ, seul le soutien des
États-Unis concernant la proposition de partition était « attendu ». En
quelques semaines, cette « attente » s’était transformée en une
requête comme quoi les États-Unis devaient « solliciter » les votes
des autres pays en faveur de la partition, et recourir aux troupes
américaines afin d’imposer la partition ; et de telles notions étaient
tout à fait familières au chef de parti (si jamais, au cours des
années 50 et 60, les soldats américains se retrouvent au Proche-
Orient, quiconque parmi ces derniers aura lu les journaux intimes de M. Forrestal saura pourquoi ils a atterri là). M. Forrestal devait
être animé par le sens du devoir, et non par l’espoir, lorsqu’il
implora M. McGrath de « bien réfléchir à ce dossier, parce qu’il
n’impliquait pas seulement les Arabes du Moyen-Orient, mais aussi
parce qu’il pouvait impliquer l’intégralité du monde musulman, avec
ses quatre-cent millions de personnes : l’Égypte, l’Afrique du Nord,
l’Inde et l’Afghanistan ».
Alors que M. Forrestal livrait à huis-clos cette bataille
désespérée dans les bureaux de la Maison Blanche et des sièges des
partis, le Dr Weizmann, à Washington, New York et Lake Success,
organisait infatigablement « le vote » sur la partition. Il rencontrait
des difficultés, mais fut sauvé pendant la phase la plus critique,
lorsqu’il rencontra « un changement sensible et positif » parmi
certains de ces « juifs aisés » qui s’étaient précédemment opposés
au sionisme. Vers la fin de son ouvrage, il mentionne tout d’abord M.
Bernard Baruch, déclarant que celui-ci avait auparavant été un « juif
de l’opposition », l’un de ces « juifs riches et puissants qui
s’opposaient à l’idée d’un foyer national juif, mais ils ne
connaissaient pas vraiment le sujet »
On ne peut que spéculer quant à la composition exacte et la
nature de l’ « Internationale juive » décrite par le Dr Karstein
comme ayant vu le jour aux alentours du début de ce siècle. Il est
permis, à la lumière de ce qui s’est passé au cours des cinquante
dernières années, de la voir comme un conseil d'administration
supérieur permanent, disséminé à travers tous les États-nations,
ses membres n’étant probablement remplacés qu’à leur mort. Si
telle est sa nature, une seconde inférence raisonnable serait que le
Dr Weizmann était l’un de ses membres hauts placés, peut être le
plus élevé, mais que sans aucun doute il existait un groupe audessus
de lui. Dans ce cas, je dirais que ses quatre plus hauts
membres, aux États-Unis à cette époque-là, devaient être tout
d’abord M. Bernard Baruch, puis le sénateur Herbert Lehman, M.
Henry Morgenthau junior et ensuite, le juge Felix Frankfurter. Si
un doute avait subsisté, il aurait auparavant concerné M. Baruch,
qui n'avait jamais fait part publiquement de ses liens avec les
555
causes « gauchistes » ou avec le sionisme. Son grand ami, M.
Winston Churchill, rapporta l’« opinion négative » de M. Baruch au
sujet du sionisme au Dr Weizman, qui par conséquent (comme il le
déclare dans son livre) « pri[t] grand soin de ne pas aborder la
question juive » quand il rencontra précédemment M. Baruch en
Amérique.
Néanmoins, à ce moment décisif M. Baruch « changea soudain
du tout au tout » (Dr Weizmann) et son soutien, ajouté à la
« pression » sioniste qui était exercée sur les hommes politiques
américains, fut déterminant. Le Dr Weizmann, qui se pressait
auprès des lobbies à Lake Success, apprit que la délégation
américaine était opposée à la partition de la Palestine. Là-dessus, il
s'assura le soutien « particulièrement utile » de M. Baruch (qui
jusqu’alors, et pendant plus de quarante ans, avait été considéré
comme un opposant au sionisme même par des proches tels que M.
Winston Churchill !), ainsi que celui de M. Henri Morgenthau (dont
le nom est lié au plan de « vengeance aveugle » adopté par M.
Roosevelt et M. Churchill à Ottawa en 1944).
On peut supposer que M. Baruch ne semblait pas considérer le dr
Weizmann avec la crainte respectueuse qui semblait saisir les
dirigeants occidentaux à l’approche du leader sioniste. Par conséquent,
son soutien précipité envers le sionisme dénote soit une conversion
soudaine, soit la révélation d’un sentiment jusqu’alors dissimulé ;
dans tous les cas, son intervention fut décisive, comme nous allons le
montrer.
Le Dr Weizmann était fortement épaulé par les autres juifs
influents au sein du Parti démocrate. Le sénateur Lehman était à la
tête de l’UNRRA quand celle-ci fut utilisée pour faire passer les juifs de
l’Est à travers l’Europe jusqu’en Palestine, et avait demandé la
démission du général Morgan parce que celui-ci avait attiré l’attention
publique sur ce mouvement démographique de masse ; son rôle dans
ce drame était déjà clair. Le juge Frankfurter était tout aussi occupé ;
M. Forrestal entendit de la bouche de M. Loy Henderson (en charge du
Moyen-Orient au sein du département d’État) qu’ « une pression très
importante avait été exercée sur lui ainsi que sur le M. Lovett dans le
but d’obtenir une sollicitation américaine active concernant les votes en
faveur de la partition de la Palestine au sein des Nations unies ; il
déclara que Felix Frankfurter et le juge Murphy avaient tous deux
envoyé des messages au délégué philippin le pressant de voter dans
leur sens » (c’est le même M. Frankfurter qui contacta M. House à la
Conférence de paix à Paris en 1919 pour « parler des juifs en
Palestine » ; il fut aussi l’instructeur dévoué de M. Alger Hiss à la
faculté de droit d’Harvard).
556
Avec un tel soutien, le Dr Weizmann apparut comme un général
en siège soutenu par une armée supérieure lorsqu’il s’adressa au
commandant de la citadelle assiégée - le président Truman - le 19
novembre 1947, pour lui demander que les États-Unis soutiennent la
partition de la Palestine, et aussi que la région du Néguev (à laquelle le
Dr Weizmann accordait une « grande importance ») soit incluse dans le
territoire sioniste.
La discipline de M. Truman fut exemplaire : « il me fit la promesse
qu’il allait contacter immédiatement la délégation américaine » (Dr
Weizmann). En déplacement à Lake Success, le chef de la délégation
américaine, M. Herschel Johnson, alors qu’il était sur le point
d’informer le représentant sioniste de la décision des Américains de
voter contre l’inclusion du Néguev, fut contacté par téléphone et reçut,
par l’intermédiaire du président Truman, les ordres du Dr Weizmann.
Grâce à cela, l’affaire fut bouclée, et le 29 novembre 1947, l’Assemblée
générale des Nations unies recommanda (la propagande sioniste dit
toujours « décida ») que « des États arabes et juifs indépendants, et un
statut international spécifique pour la ville de Jérusalem » soient mis en
place après la fin du « mandat » britannique, le 1er août 1948.
Le vote fut de 31 voix pour, 13 voix contre et 10 abstentions. La
manière dont le vote américain fut obtenu a été exposée. Comme pour
certains autres votes, le sous-secrétaire Robert Lovett déclara au cours
du déjeuner de cabinet suivant (le 1er décembre 1947) qu’au cours de
sa vie, « il n’avait jamais subi une pression égale à celle des trois
derniers jours ». Le producteur de pneumatiques et de caoutchouc
Firestone Tire and Rubber Company, qui avait une concession au
Libéria, rapporta (d’après les déclarations de M. Lovett) qu’il lui avait
été demandé par téléphone de contacter ses représentants au Libéria « pour qu’ils mettent la pression sur le gouvernement libérien afin qu’il
vote en faveur de la partition ». (Le récit de M. Loy Henderson relatif à la
« forte pression » exercée pour obtenir la « sollicitation » américaine des
votes des petits pays à déjà été citée). Ainsi se déroula le « vote » des
« Nations unies » à propos du problème international le plus explosif de
ce siècle.
Au cours du déjeuner de cabinet qui eut lieu juste après ce
« vote », M. Forrestal revint à l’attaque : « J’ai remarqué que de
nombreuses personnes raisonnables d’obédience juive nourrissaient
de forts doutes quant à la sagesse des pressions sionistes pour obtenir
un État juif en Palestine… La décision induisait un grand danger pour
la sécurité future de ce pays ». Il discuta alors de ce sujet (le 3
décembre 1947) avec M. James F. Byrnes, qui n’était plus secrétaire
d’État depuis le début de l’année (sa fin de mandat était prévisible,
puisque c’était lui qui avait révélé le promesse qu’avait faite le
président Roosevelt à Ibn Saoud).
557
M.Byrnes déclara que les décisions de M. Truman avaient mis le
gouvernement britannique « dans une situation particulièrement
délicate » et ajouta que M. David K. Niles et le juge Samuel Rosenman
« étaient les principaux responsables » de cette situation. Ces deux
hommes avaient rejoint la Maison Blanche et faisaient partie de la
« garde de palais » dont M. Roosevelt s’entourait ; M. Niles (d’origine
russo-juive) était le « conseiller pour les affaires juives » et le juge
Rosenman avait participé à la rédaction de discours présidentiels.
Selon M. Byrnes, ces hommes dirent à M. Truman « que Dewey était
sur le point de faire une déclaration soutenant la position sioniste en
Palestine, et ils insistèrent sur le fait que si le président n’anticipait
pas ce mouvement, l’État de New York serait perdu au profit des
démocrates ».
À ce moment-là, M. Byrnes laissa entrevoir une partie des
enchères qui avaient lieu en coulisse. Dans ce comptes-rendus, les
deux candidats pour le poste le plus élevé aux États-Unis (M. Thomas
Dewey était le candidat probable du parti adverse, le Parti républicain),
ressemblent à des enfants qu’on aurait montés les uns contre les
autres dans la perspective d’un sac de friandises. M. Truman, en
faisant la vlonté des sionistes concernant la partition, n’avait
aucunement assuré la victoire des démocrates, puisque l’élection était
encore à une année de là, et pendant ce temps, les sionistes allaient
exiger toujours plus, et le Parti républicain allait enchérir encore et
encore pour décrocher la récompense.
Plongé dans le désespoir, M. Forrestal, essaya alors de convaincre
M. Dewey : « Je dis que la question palestinienne était selon moi de la
plus grande importance en ce qui concernait la sécurité de la nation, et
je demandai, une fois de plus, si les partis ne pouvaient pas se mettre
d’accord pour retirer cette question de la campagne électorale ». La
réponse du gouverneur (de l’État de New York) Dewey fut bien proche
de celle du président Truman : « C’était un sujet délicat à traiter en
raison de l’attitude passionnée des juifs qui avaient pris la Palestine
comme symbole émotionnel, car le Parti démocrate ne refusait de
tourner le dos aux avantages du vote juif ». Là-dessus, M. Dewey
continua à essayer de surpasser les enchères des démocrates pour
obtenir « le vote juif » (et à sa grande surprise, il perdit néanmoins
l’élection).
La tentative suivante de M. Forrestal fut d’essayer de renforcer la
position du département d’État dans son opposition au président, par
un mémorandum (21 janvier 1948) dans lequel il analysait les
menaces pour la sécurité intérieure américaine qui découlaient de
cette implication : « Il est peu probable qu’il existe aucun dossier relatif
à nos relations extérieures ayant une telle importance et impliquant
d’aussi grands dangers… pour la sécurité des États-Unis que nos
558
relations au sein du Moyen-Orient ». Il avertit des risques « d’une
blessure permanente infligée à nos relations avec le monde
musulman » et « d’une marche vers la guerre ». Il dit avoir rencontré « quelques modestes encouragements » de la part de certains
républicains concernant sa proposition de retirer la question
palestinienne « de la lutte politique qui opposait les partis », mais du
côté des démocrates, il avait eu le sentiment « qu’une partie
substantielle des fonds des démocrates proviennent de sources
sionistes enclines à attendre en retour un gage concernant cette partie
de notre politique nationale ».
Ces neuf derniers mots sont explicites et littéralement corrects.
Les sionistes demandèrent l’assujettissement de la politique d’État
américaine, et en retour offrirent au plus offrant un mandat
présidentiel de quatre ans. Il n’a jamais été vérifié s’ils étaient
véritablement capables d’offrir ce qu’ils proposaient ; les chefs de parti
les crurent, et les candidats des deux partis revêtirent leur robe de
pénitent avant d’être nominés candidat, sachant (ou croyant) qu’ils
n’atteindraient même pas la nomination s’ils ne la portaient pas.
M. Forrestal pressa le secrétaire d’État (le général Marshall) de
faire des remontrances au président, soulignant qu’une grande partie
des juifs « pense que le zèle actuel des sionistes peut entraîner des
conséquences particulièrement néfastes, non seulement en termes de
fractures induites au sein de la société américaine, mais à long terme au
niveau de la situation des juifs à travers le monde ».
Après avoir lu le mémorandum de M. Forrestal, le sous-secrétaire
Lovett transmit un autre mémorandum qui avait été rédigé au
préalable par le service de planification du département d’État. Ce
document informait le président que la partition n’était « pas
réalisable » (exactement de la même manière que les gouvernements
britanniques avaient été prévenus par les administrateurs basés sur
place que « le mandat » était « inapplicable ») ; que les États-Unis n’étaient pas obligés de la soutenir si elle ne pouvait être menée à bien
sans avoir recours à la force ; qu’il était contraire aux intérêts
américains de fournir des armes aux sionistes tout en les refusant aux
Arabes ; que les États-Unis ne devaient pas prendre sur eux la mise en
application par la force de la « recommandation » de partition et
devaient essayer de s’assurer du retrait de la proposition de partition.
M. Lovett ajouta que « l’utilisation des Nations unies par d’autres
acteurs comme tribune de propagande complique notre gestion des
affaires étrangères », et déclara que le département d’État était
« particulièrement gêné et handicapé par les activités de Niles au sein
de la Maison Blanche, celui-ci s’adressant directement au président
sur les questions relatives à la Palestine ». Le jour même, le soussecrétaire
se plaignit d’être à nouveau sous « pression » ; M. Niles lui
559
ayant téléphoné depuis la Maison Blanche, « exprimant le souhait que
l’embargo sur la vente d’armes aux sionistes soit levé ».
À partir de ce moment, M. Forrestal devint manifestement une
véritable nuisance pour ceux qui contrôlaient la Maison Blanche, et
son élimination fut décidée. Tout d’abord, il reçut une visite de M.
Franklin D. Roosevelt junior. Malgré la promesse ne pas initier
« d’actions hostiles à l’encontre des Arabes » que son père avait faite
sur son lit de mort, son fils (un politicien new-yorkais nourrissant des
ambitions présidentielles) était un partisan radical du sionisme. M.
Forrestal lui dit de façon ostensible : « Je pense que les méthodes qui
furent été utilisées par des individus extérieurs à l’exécutif
gouvernemental pour faire peser la coercition et la contrainte sur
d’autres nations au sein de l’Assemblée générale [des Nations unies]
frisent le scandale ». Il rapporte (comme s’il en était surpris) que son
visiteur « n’émit aucune menace » en réponse à cette déclaration ; il
exposa alors sa proposition de « retirer la question de la sphère
politique » grâce à un accord entre les deux partis.
M. Roosevelt, en fils de son père, répondit que « cela était impossible, que la nation était trop largement impliquée, et qu’en outre,
un tel accord scellerait la défaite du Parti démocrate et la victoire des
républicains ». M. Forrestal répondit que « l’incapacité à s’accorder
avec les sionistes pourrait induire la perte des États de New York, de
Pennsylvanie et de Californie » (les « États-clefs » mentionnés
précédemment par le directeur de parti McGrath) ; « je pensai qu’il
commençait à être temps que quelqu’un se préoccupe de savoir si
nous n’allions pas perdre les États-Unis».
Aucun commentaire de la part de M. Roosevelt n’a été enregistré,
mais il fut de mauvais présage pour M. Forrestal, puisque le même
jour (3 février 1948) eut lieu l’intervention de M. Bernard Baruch. M.
Baruch, qui s’était opposé au sionisme, soutenait désormais si
passionnément cette cause qu’il conseilla à M. Forrestal « de ne pas
participer à cette question… j’étais déjà assimilé, à un degré qui ne
servait pas mes propres intérêts, à l’opposition envers la politique des
Nations unies en Palestine.»
Déclaration de mauvais augure pour M. Forrestal ! À cette
occasion, les annales comportent pour la première fois une
intervention spécifique de M. Baruch sur un dossier important, ainsi
que la nature de cette intervention. Son conseil était que M. Forrestal,
un membre du cabinet, prenne en compte son propre intérêt, qui était
menacé ; jusqu’alors, M. Forrestal, en tant que fonctionnaire de
cabinet consciencieux, avait uniquement considéré l’intérêt de son
pays. M. Forrestal ne précise pas s’il perçut quoique ce soit de
menaçant dans ce conseil ; son allusion à M. Roosevelt le même jour
montre que l’idée de « menace » lui traversa l’esprit.
560
Il céda alors à la peur qui finit par dominer presque tous les
hommes qui luttèrent contre la servitude de Sion. Quatre jours plus
tard (le 7 février 1948), il rédigea une dernière note sur le sujet, note
qu’il ne soumit jamais au président mais qui comporte un élément de
première importance pour l’Histoire. Il déclara que le 6 février,
« Eisenhower me dit qu’une participation effective des États-Unis aux
forces de police en Palestine nécessiterait approximativement une
division ainsi que les unités logistiques attenantes ». Par conséquent, à
cette période, le général Eisenhower (alors chef des armées) était en
train d’élaborer des plans relatifs à un engagement potentiel des
troupes américaines en Palestine. M. Forrestal mit de côté ce dernier
mémorandum. Les 12 et 18 février, il fit deux dernières requêtes
auprès du général Marshall afin que celui-ci débatte avec le président
et les chefs de parti, et à partir de là, ses efforts cessèrent.
Son retrait ne lui rapporta rien, puisqu’au cours des douze mois
qui suivirent, il fut littéralement harcelé jusqu’à la mort. Sa disparition
mérite d’être décrite ici, avant que la partition forcée de la Palestine ne
soit rapportée ; il s’agit d’un cas classique de persécution par
diffamation, menant à la mort.
Je me rendis pour la première fois en Amérique en 1949, et fus
étonné par la virulence des attaques, dans la presse et à la radio,
contre un certain M. James Forrestal, secrétaire à la Défense. Je ne
connaissais rien de lui si ce n’était son nom, le rôle qu’il jouait dans
cette affaire (tel que décrit plus haut) était alors totalement inconnu du
grand public. Néanmoins, celui-ci lisait ou entendait chaque jour que
c’était un déséquilibré, un lâche qui avait laissé sa femme se faire
agresser par un malfrat, un individu qui avait échappé au fisc, et
toutes sortes d’autres attaques. Par hasard, je rencontrai l’un de ses
amis qui me dit qu’il avait été si affaibli par cette persécution que ses
proches en étaient très inquiets. Quelques semaines plus tard, il se
jeta par la fenêtre d’un étage élevé, laissant dans sa chambre quelques
vers recopiés d’une tragédie grecque qui se terminait par ces mots :
« Calamité ! Calamité ! Telle sera la clameur… »
Les lois américaines contre la diffamation sont peu contraignantes
et varient d’un État à l’autre, et le règlement des litiges est long. Même
un procès gagné ne mène pas forcément à des réparations. En
pratique, quasiment aucune limite n’est fixée quant à ce qui peut être
dit au sujet d’un individu victime de diffamation ; les calomnies sont
publiées dans un style propre à stimuler la passion des foules, et
lorsque des émissions sont diffusées sur un ton enragé, cela me
rappelle la rumeur montant des tribus africaines primitives lors des
moments de catalepsie. Parmi les affaires de M. Forrestal, on retrouva
un album de coupures de journaux remplies de ces attaques, et
lorsque sa fin approcha, il ne pouvait même plus écouter la radio. Le
561
fiel de la calomnie fut répandu sur son dos, et vers la fin, deux
animateurs de radio se joignirent à la mise à mort. L’un d’eux annonça
(le 9 janvier 1949) que le président Truman était prêt à « accepter la
démission de M. Forrestal dans la semaine qui suivait » (suivi de
propos diffamatoires concernant des actions détenues par M. Forrestal
dans le consortium du textile allemand German Dye Trust). Le 11
janvier, le seconde animateur annonça à des millions d’auditeurs qu’à
l’heure de la diffusion, le président Truman aurait déjà accepté la
démission de M. Forrestal, si le premier journaliste n’avait anticipé
cette décision (l’histoire du vol de bijoux fut ajoutée à cela). Quelques
semaines plus tôt, le président Truman avait déclaré à la presse qu’il
avait demandé à M. Forrestal de ne pas démissionner ; le 1er mars, il
convoqua M. Forrestal et demanda sa démission immédiate, sans
explication ; démission qui prendrait effet le 1er mai. M. Forrestal se
suicida le 21 mai. À la cérémonie d’enterrement M. Truman, le qualifia
de « victime de guerre » !
(Entre parenthèses, durant cette période, un autre homme était
également harcelé à mort - à laquelle il échappa, plus tard au cours de
la même année, uniquement en raison de l’échec de sa tentative de
suicide. Sa persécution venait des mêmes diffamateurs, bien que son
affront fût lié à un autre sujet, le communisme. M. Whittaker
Chambers commit le péché de révéler l’infiltration communiste au sein
du gouvernement américain. J’étais en Amérique au moment de son
inquisition, qui est décrite dans son livre ; il contient l’exemple
frappant, auquel j’ai fait précédemment allusion, des pratiques
talmudiques consistant à « maudire en regardant méchamment et
fixement » (l’Encyclopédie juive). Les talmudistes littéraux verraient
probablement dans la tentative de suicide de M. Chambers, et dans les
maux qui l’affectèrent ensuite, une illustration de l’efficacité littérale de
« la Loi » dans ce domaine).
Après la retraite dans le silence de M. Forrestal, suite à
l’avertissement de M. Baruch, les hommes en charge du département
d’État, poursuivirent leur lutte sous la houlette du général Marshall.
(Pendant ce temps, en Angleterre, M. Bevin continuait son combat
solitaire contre l’opposition des conservateurs et contre les membres
de son propre parti). À un moment donné, pour la première fois depuis
1917, les responsables de Cabinet et les élus des deux pays
semblaient avoir gagné la bataille.
C’était en mars 1948. La violence en Palestine s’était tellement
accrue suite à la « recommandation » des Nations unies concernant la
partition du pays que le Conseil de sécurité s’alarma et battit en
retraite. Même le président Truman était troublé, et ses représentants
au sein du Conseil de sécurité annoncèrent un renversement de la
politique américaine (le 19 mars, 1948), proposant que le projet de partition soit suspendu,
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qu’un cessez-le-feu soit mis en place, et qu’après la fin du « mandat »,
le territoire soit mis « sous tutelle des Nations unies » (c’était dans les
faits la proposition mentionnée par le mémorandum de janvier émis
par le département d’État).
Ainsi, au dernier moment, le projet d’ « État juif » semblait-il
s’écrouler. Le retour à la raison d’après-guerre commençait (ce
processus que M. Lloyd George, trente ans plus tôt, avait appelé sur
un ton d’avertissement le « dégel »), et si le coup échouait maintenant,
seule une troisième guerre mondiale offrirait une nouvelle opportunité.
La « mise sous tutelle » serait le « mandat » sous une autre forme, mais
avec les États-Unis comme pays principalement impliqué ; et dans dix
ou vingt ans, l’Amérique, de façon prévisible, découvrirait que la « mise
sous tutelle » est aussi « inapplicable », sous la pression sioniste, que
les Britanniques l’avaient découvert pour le « mandat ».
C’était maintenant ou jamais, et les sionistes frappèrent d’un
coup. Ils mirent les « Nations unies » devant le fait accompli, en
divisant eux-mêmes la Palestine. L’acte terroriste par lequel cela fut
réalisé était le fruit de la politique adoptée par le Congrès sioniste
mondial de 1946, où « les forces démoralisantes au sein du
mouvement » (selon les mots du Dr Weizman) avaient recommandé les
méthodes de « résistance … défense … activisme », et le Dr Weizmann,
qui savait ce que cela signifiait, avait été exclus pour s’y être opposé.
Le Dr Weizmann avait alors qualifié « la terreur en Palestine » de
« mal ancien sous une forme nouvelle et horrible ». La date du 9 avril
1948 montra ce qu’il voulait dire, et en particulier pourquoi il l’appelait
le mal ancien. Ce jour-là, les « activistes », les groupes de terroristes et
d’assassins du sionisme, « détruisirent totalement » un village arabe,
accomplissant exactement et littéralement « la Loi » énoncée dans le
Deutéronome (qui, comme le lecteur s’en souvient, constitue la loi
judaïque fondamentale, mais est elle-même un amendement de la loi
mosaïque originelle des Israélites).
Ce fut le jour le plus important de toute l’histoire du sionisme.
Pour les Arabes (qui connaissaient la Torah et « savaient depuis deux
mille ans ce qu’il vous a fallu deux guerres mondiales pour
comprendre »), cela signifiait que la Loi barbare de Juda, élaborée par
les Lévites entre 700 et 400 av. J.-C. allait être ramenée à la vie et
allait leur être imposée par la force et la violence, avec le soutien de
l’Occident chrétien main dans la main avec la Russie communiste. Ils
savaient que ce massacre symbolique avait pour but de montrer ce qui
arriverait à tous ceux qui resteraient. Sur quoi, quasiment toute la
population arabe de Palestine fuit vers les États arabes frontaliers.
Le massacre de Deir Yassin fut succinctement rapporté en
Occident, par exemple le magazine Time de New York écrivit :
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« Les terroristes juifs du groupe Stern et d’Irgoun Tzvaï Leoumi ont
fondu sur le village de Deir Yassin et massacré tout le monde. Les
corps de 250 Arabes, essentiellement des femmes et de jeunes
enfants, ont été retrouvés plus tard jetés au fond de puits ».
À la Conférence de paix de Versailles, en 1919, le Dr Weizmann
avait déclaré, « la Bible est notre Mandat », et ces paroles sonnaient
bien aux oreilles des Occidentaux. Cet événement illustra ce qu’elles
voulaient dire, et les mêmes paroles furent répétées par les dirigeants
sionistes de Palestine, trente années après que le Dr Weizmann les eut
prononcées. Le massacre de Deir Yassin était un acte d’ « observance »
des anciens « lois et commandements », comprenant le passage du
Deutéronome s’y rapportant : « Lorsque l’Éternel, ton Dieu, t’aura fait
entrer dans le pays dont tu vas prendre possession, et qu’il chassera…
sept nations plus grandes et plus puissantes que toi… Mais tu les détruiras entièrement ; tu ne feras aucune alliance avec elles, et tu ne
leur montreras aucune pitié », et l’extrait lié « tu ne laisseras en vie rien
qui respire, mais tu les détruiras entièrement ». Aujourd’hui, il existe
sept nations arabes, et chacune d’entre elles a accueilli une partie des
réfugiés de 1948, qui depuis huit ans maintenant constituent une
preuve vivante du destin collectif futur dont le sionisme les menace
sous la Loi ancestrale.
La condamnation passive de cet acte par la communauté juive
dans son ensemble montra plus clairement que jamais le changement
que le sionisme avait provoqué dans l’esprit des juifs en quelques
années. Rédigeant son ouvrage en 1933 (seulement quinze ans avant
Deir Yassin), M. Bernard J. Brown décrivit le passage du Deutéronome cité plus haut comme étant la raison de la peur éprouvée par les
Arabes, et il ajouta : « Bien sûr, les Arabes incultes ne comprennent
pas que le juif moderne n’interprète pas sa Bible littéralement, et que
c’est une personne bonne et charitable qui ne serait pas aussi cruelle
envers son semblable, mais ils soupçonnent que si les juifs fondent
leurs revendications envers la Palestine sur leurs droits historiques à cette terre, cela ne peut se faire qu’en se basant sur l’autorité de la
Bible, et les Arabes refusent d’en rejeter le moindre passage ». Les
Arabes avaient raison et M. Brown avait tort ; ce juif éclairé ne pouvait
concevoir, en 1933, que le sionisme signifiait un retour complet aux
superstitions de l’Antiquité dans leur forme la plus barbare.
Il est probable que Deir Yassin demeura un incident isolé
uniquement parce que sa signification était tellement claire que les
Arabes quittèrent le pays. M. Arthur Koestler est catégorique sur ce
lien de cause à effet. Il se trouvait en Palestine et affirme qu’après Deir
Yassin, la population des civils arabes fuit immédiatement Haïfa,
Tibériade, Jaffa et toutes les autres villes, et ensuite tout le pays, de
sorte que « le 14 mai, tous étaient partis à l’exception de quelques
milliers d’habitants ». Toutes les autorités impartiales en la matière
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s’accordent sur les objectifs et les conséquences de Deir Yassin, et à
partir du 9 avril 1948, plus aucun doute ne subsista concernant le
rôle majeur joué par la Loi mosaïque ancestrale dans les actions et
ambitions futures de Sion. Le massacre Deir Yassin explique la peur
actuelle des États arabes survivants aussi pleinement qu’il explique la
fuite des Arabes palestiniens.
Pendant une courte période, Deir Yassin résolut le problème des sionistes. La partition de la Palestine avait été finalisée par le recours à la force. En même temps, cet événement révéla - aux Arabes, si pas encore à l’Occident - la nature de « l’abîme auquel mène le terrorisme », tel que mentionné par le Dr Weizmann. À partir du 9 avril 1948, l’Occident lui-même se retrouva au bord de cet abîme, creusé par les actes de deux générations de politiciens.
Ainsi, la situation changea-t-elle complètement entre le 19 mars 1948, quand le gouvernement américain décida que la partition était « inapplicable » et renversa sa politique, et le 9 avril 1948, quand le terrorisme rendit effective la partition. Le Dr Weizmann devait toujours être hanté par ses peurs, mais maintenant que le territoire prévu pour établir l’État juif avait été nettoyé, il ne voulait pas, ou ne pouvait pas, quitter cet « abîme ». L’objectif était désormais de déclencher un second renversement de la politique américaine, d’obtenir une reconnaissance de ce qui avait été réalisé au moyen du terrorisme, et à cette fin , le Dr Weizmann, une fois de plus, investit toute son énergie. Au moment du premier renversement de la politique américaine, il avait été convoqué d’urgence à Lake Success depuis Londres, par courrier, télégramme et téléphone, et le jour précédant l’annonce officielle de ce renversement, il s’entretenait à nouveau à huis clos avec le Président Truman. Alors que les jours passaient et que les nouvelles de Deir Yassin apparaissaient brièvement dans les médias, il oeuvra infatigablement à sa tâche suprême : obtenir la « reconnaissance » de l’État juif mis en place par les terroristes à Deir Yassin.
L’énergie déployée par le Dr Weizman était extraordinaire. Il assiégea à lui tout seul toutes les « Nations unies » (bien sûr, il était reçu partout comme le représentant d’un nouveau type de superpuissance mondiale). Par exemple, il entretenait des « relations étroites » avec les délégués de l’Uruguay et du Guatemala, qu’il appelait « les vaillants et fidèles défenseurs » du sionisme, ainsi qu’avec le secrétaire général des Nations unies, qui à l’époque était un certain M. Trygve Lie, un Norvégien. À la mi-avril, alors que la vague de Deir Yassin lui montait jusqu’aux cou, l’Assemblée générale des Nations unies se réunit. Clairement, le vote américain allait être décisif, et le Dr Weizmann fait remarquer qu’il « commençai[t] à être préoccupé par la perspective de reconnaissance de l’État juif par l’Amérique ». En d’autres termes, la politique américaine, élaborée via le processus constitutionnel d’échanges entre le Chef de l’exécutif et les membres
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compétents de son cabinet, allait être encore une fois renversée sur la demande de Chaim Weizmann.
À nouveau, les dates ont une grande importance. Le 13 mai 1948, le Dr Weizmann rencontra le président Truman ; la course à la candidature pour la présidence se profilait, suivie des élections présidentielles quelques mois plus tard, c’était donc le moment idéal pour exercer une « pression irrésistible ». Le Dr Weizmann informa le président Truman que le mandat britannique prendrait fin le 15 mai et qu’un gouvernement provisoire reprendrait la gestion de « l’État juif ». Il insista pour que les États-Unis le reconnaissent « rapidement », ce que le président s’empressa de faire avec zèle.
Le 14 mai (heure palestinienne), les sionistes de Tel Aviv proclamaient la création de leur nouvel État. Quelques minutes plus tard, « une information officieuse » atteignait Lake Success, affirmant que le président Truman l’avait reconnu. Les délégués américains (qui n’avaient pas été informés) « étaient incrédules », mais « après de nombreuses hésitations », ils prirent contact avec la Maison Blanche et en reçurent les instructions du Dr Weizmann, transmises par l’intermédiaire du président. Le Dr Weizmann se rendit immédiatement à Washington en tant que président du nouvel État, et le président Truman accueillit son invité, annonçant par la suite que le moment de la reconnaissance fut « le moment de sa vie dont il est le plus fier ».
Huit ans plus tard, le président Truman décrivit dans ses mémoires les circonstances qui amenèrent « le moment de sa vie dont il est le plus fier », et il semble approprié de citer ici son compte-rendu. Décrivant la période de six mois (depuis le « vote de la partition » en novembre 1947 jusqu’à la « reconnaissance » en avril 1948), il écrit :
« Le Dr Chaim Weizmann… me rendit visite le 19 novembre, et quelques jours plus tard, je reçus une lettre de sa part ». Ensuite, M. Truman cite cette lettre, datée du 27 novembre ; dans celle-ci, le Dr Weizmann fait référence à des « rumeurs » selon lesquelles « nos hommes ont exercé des pressions excessives et abusives sur certaines délégations » (des Nations unies), et, parlant en son nom, il déclare que « ces accusations n’ont aucun fondement ». M. Truman commente : « Les faits prouvent que non seulement, il y avait des pressions autour des Nations unies sans pareil à tout ce qui s’était jamais vu auparavant, mais encore, la Maison Blanche subissait elle aussi un harcèlement incessant. Je pense n’avoir jamais vu autant de pressions et de propagande ciblant la Maison Blanche qu’à cette époque-là. L’opiniâtreté de certains dirigeants extrémistes du sionisme – animés par des desseins politiciens et proférant des menaces politiques - me perturbait et m’irritait. Certains suggéraient même que nous exercions des pressions sur des nations souveraines afin qu’elles aillent dans le sens d’un vote favorable à l’Assemblée générale [des Nations unies] ».
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Les « menaces politiques » mentionnées dans cet extrait font manifestement référence à la campagne pour la réélection de M. Truman, qui approchait ; c’est la seule interprétation raisonnable de ce passage. M. Truman (selon le Dr Weizmann) promit, durant l’entretien du 19 novembre, « de contacter immédiatement la délégation américaine », et ensuite le vote américain fut donné, le 29 novembre, soutenant la « recommandation » d’une partition de la Palestine. Ainsi, la colère du président Truman (tel que mentionné dans son récit de 1956) concernant les méthodes employées ne retarda aucunement le moment auquel il leur céda en 1947 (si cela n’avait pas été rendu évident, le lecteur de ses Mémoires pourrait en retirer une interprétation différente).
M. Truman (en 1956) nota les conséquences de la « solution » (la recommandation d’une partition) qu’il soutint en novembre 1947 : « chaque jour, de nouveaux actes de violence en Terre sainte étaient rapportés ». Il remarqua également que sa capitulation de novembre et le déni du Dr Weizmann concernant une « pression excessive » n’eurent aucun effet au cours des mois qui suivirent : « La pression juive sur la Maison Blanche ne diminua pas au cours des jours suivant le vote des Nations unies pour la partition. Des individus et des groupes me demandaient, généralement sur un ton plutôt querelleur et passionné, d’arrêter les Arabes, de faire cesser le soutien britannique aux Arabes, de mobiliser des soldats américains, de faire ceci, cela et son contraire » (ceci illustre la description de Disraeli concernant « le monde […] dirigé par des personnages très différents de ce que peuvent imaginer ceux qui ne sont pas dans les coulisses »).
Le président chercha refuge dans l’isolement : « Comme la pression augmentait, il me sembla nécessaire de donner des directives selon lesquelles je ne souhaitais plus être approché par aucun porteparole de la cause extrémiste sioniste. Je me sentais tellement déstabilisé que je refusai de rencontrer le Dr Weizmann, qui était revenu aux États-Unis et avait demandé à s’entretenir avec moi ». En 1956, M. Truman considérait manifestement le report d’un entretien avec le Dr Weizmann comme une mesure tellement drastique qu’elle méritait d’être consignée dans les annales. Il reçut ensuite la visite (le 13 mars 1948) d’un ancien associé juif « qui était profondément touché par les souffrances subies par le peuple juif au-delà de nos frontières » (cette visite eut lieu moins d’un mois avant le massacre de Deir Yassin), et qui l’implora de recevoir le Dr Weizmann, ce que le président Truman fit immédiatement (le 18 mars).
C’était le jour qui précédait l’annulation du soutien américain à la recommandation de partition (le 19 mars). M. Truman raconte que lorsque le Dr Weizmann le quitta (le 18 mars), « je sentis qu’il avait parfaitement compris ma politique, et je pensai savoir ce qu’il voulait ».
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M. Truman ne fait pas mention des semaines sanguinaires qui suivirent (il ne mentionne pas Deir Yassin), sauf par une déclaration indirecte comme quoi « les spécialistes du Proche-Orient au sein du département d’État étaient, presque tous sans exception, hostiles à l’idée d’un État juif… Je suis désolé de dire que certains d’entre eux versaient également dans l’antisémitisme ». Son récit reprend son cours deux mois plus tard (le 14 mai, après Deir Yassin et son bain de sang), en déclarant : « La partition ne se déroulait pas exactement de la manière pacifique que j’avais espérée, mais le fait est que les juifs contrôlaient le territoire où vivait leur peuple… Maintenant que les juifs étaient prêts à proclamer l’État d’Israël, je décidai de réagir immédiatement et de déclarer la reconnaissance américaine de cette nouvelle nation. Environ trente minutes plus tard, exactement onze minutes après que l’État d’Israël eut été proclamé, Charlie Ross, mon attaché de presse, annonça aux médias la reconnaissance de facto du gouvernement provisoire israélien par les États-Unis. On me rapporta que pour certains cadres du département d’État, cette nouvelle fut une vraie surprise ».
Dans ses Mémoires, M. Truman ne rappelle pas sa déclaration de 1948 selon laquelle ce fut « le moment de sa vie dont [il est] le plus fier » ; il n’explique pas non plus pourquoi il éprouva ce sentiment - après de nombreux mois de « pression » et de « menaces politiques » subies par une Maison Blanche assiégée, à tel point qu’il avait été à un moment donné obligé de se dédire - ne serait-ce que pendant une période brève - même devant le Dr Weizmann ! Pour les besoins de ce récit, il sort désormais quasiment de l’histoire, ayant rempli son rôle. Il fut élu président six mois après son moment le plus glorieux, et à l’heure où ce livre est rédigé, il semble prêt à vivre vingt ans de plus, homme sémillant et quelque peu exubérant sur lequel les conséquences des actes auxquels son nom est associé semblent avoir eu aussi peu d’effet que la furie d’un cyclone océanique sur un bouchon qui flotte. (En 1956, il rejoignit le groupe de ceux ayant obtenu un diplôme honorifique de la vénérable université d’Oxford, où une enseignante éleva une voix solitaire et ignorée contre l’octroi de ce titre au dirigeant dont le nom est surtout connu pour avoir été associé à l’ordre de larguer des bombes atomiques sur Nagasaki et Hiroshima).
Après que le président Truman eut fièrement reconnu ce qui avait été fait en Palestine entre novembre 1947 et mai 1948, les discussions aux « Nations unies » devinrent insignifiantes, et le Dr Weizmann (qui dans sa lettre du 27 novembre 1947 adressée au président Truman avait énergiquement nié le recours à « une pression excessive ») se remit à l’ouvrage pour obtenir d’autres reconnaissances, afin que la question ne fasse plus débat. Il apprit qu’à Londres, M. Bevin « faisait pression sur les dominions britanniques… afin qu’ils refusent la
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reconnaissance », et il montra immédiatement qui était le plus grand expert pour ce qui est d’exercer la « pression ».
D’un point de vue historique, ce moment fut capital, parce qu’il montra pour la première fois que le sionisme, qui avait si profondément divisé la communauté juive, avait divisé l’Empire britannique, ou Commonwealth ; ce qu’aucune menace de guerre ou danger n’avait jamais accompli, « la pression irrésistible exercée sur la politique internationale » l’accomplit habilement. Tout à coup, Sion révéla sa suprématie dans des capitales aussi éloignées de la scène centrale qu’Ottawa, Canberra, Le Cap ou Wellington.
Ceci donna la preuve d’un superbe travail d’équipe et d’une excellente synchronisation ; l’organisation secrète devait avoir produit des miracles, en quelques décennies, pour obtenir l’obéissance, au moment décisif, des « politiciens de premier plan » au Canada, en Australie, en Afrique du Sud et en Nouvelle-Zélande. Ces pays étaient éloignés de la Palestine ; ils n’avaient aucun intérêt à semer les germes d’une nouvelle guerre mondiale au Moyen-Orient ; leur proportion de juifs était faible. Pourtant, leur soumission fut instantanée. La puissance mondiale était en action.
L’importante signification de ce qui se produisit pourrait nécessiter une explication pour les lecteurs non-britanniques. Les liens entre la Grande-Bretagne et les nations d’outre-mer qui en dépendent, bien qu’intangibles et ne reposant sur aucune contrainte, avaient fait preuve dans les situations de crise d’une force mystérieuse aux yeux des profanes. Une anecdote pourrait l’illustrer.
Le général de brigade néo-zélandais George Clifton rapporte que lorsqu’il fut capturé en 1941 dans le Sahara occidental, il fut présenté au maréchal Rommel, qui demanda : « Pourquoi vous, les Néo- Zélandais combattez-vous ? Il s’agit d’une guerre européenne, pas de la vôtre ! Etes vous ici pour le divertissement ? »
Le général de brigade Clifton fut perplexe à l’idée d’expliquer quelque chose qui lui semblait tellement naturel : « Réalisant qu’il était tout à fait sérieux et sincère dans son questionnement, et n’ayant jamais essayé auparavant de mettre des mots sur ce qui, pour nous, était une évidence, c’est-à-dire que si la Grande-Bretagne combattait, alors nous combattions aussi, je levai la main, les doigts joints, et dit : “Nous sommes unis. Si vous attaquez l’Angleterre, vous attaquez aussi la Nouvelle-Zélande, et l’Australie et le Canada aussi. Le Commonwealth britannique combat ensemble” ».
Cela était vrai, eu égard aux individus, mais ce n’était plus vrai eu égard aux « politiciens de premier plan ». À travers eux, la conspiration venant de Russie avait trouvé le défaut de la cuirasse. La « pression » à Wellington (et dans les autres capitales) fut aussi puissante et efficace
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que celle exercée à la Maison Blanche. Dans ce cas spécifique (la Nouvelle-Zélande), un personnage emblématique de cette époque et de ce groupe de serfs était un certain M. Peter Fraser, Premier ministre de Nouvelle-Zélande. Nul n’aurait pu avoir moins de raisons d’haïr, ou même de savoir quoi que ce soit sur les Arabes, mais il était leur ennemi implacable, parce qu’il était devenu, pour une raison ou pour une autre, un esclave de plus du sionisme. Ce pauvre garçon d’écurie écossais, qui se rendit de l’autre côté de la planète et y trouva gloire et fortune, attrapa apparemment ce virus au cours de ses jeunes années influençables passées à Londres (alors que ces idées s’y répandaient parmi les jeunes hommes politiques ambitieux) et l’emmena avec lui dans ce nouveau pays, si bien que des années plus tard, il employa toute son énergie et le pouvoir de sa fonction à la destruction de gens inoffensifs en Palestine ! Lorsqu’il mourut en 1950, un journal sioniste écrivit à son propos :
« C’était un sioniste convaincu…il était très occupé par la direction de la délégation de son pays aux Nations unies lors de l’Assemblée générale à Paris, mais il accorda beaucoup de temps et d’attention au problème de la Palestine… assistant chaque jour aux réunions du Comité politique lorsque la question palestinienne était abordée. Il ne quitta pas un instant la salle, aucun détail ne lui échappa… C’était le seul Premier ministre au sein du Comité, et il le quitta dès que le dossier palestinien fut bouclé… À plusieurs reprises, Peter Fraser se retrouva à voter contre le Royaume-Uni, mais cela lui était égal… Il resta un ami jusqu’à son dernier jour ».
Un individu animé de cette ambition atypique pensait certainement très différemment du général de brigade Clifton et de ses semblables, et s’il avait connu le point de vue de son Premier ministre, le brigadier général Clifton aurait eu beaucoup plus de mal à trouver quoi répondre au maréchal Rommel. Comme il accordait tellement d’énergie au sionisme, on ne pouvait attendre de M. Fraser qu’il ait à coeur l’intérêt de son pays, et la Nouvelle-Zélande entra dans la Seconde Guerre mondiale sans aucune préparation, si bien qu’en 1941, lorsqu’il rencontra à Port-Saïd des combattants survivants néozélandais revenant de Crête et de Grèce, il les trouva « hagards, mal rasés, salis par les combats, beaucoup d’entre eux blessés, tous dans un sale état physique et mental, tous tourmentés par la perte de tant de bons “camarades” ; M. Fraser était en partie responsable de cela » (général de brigade Clifton). Avec cet homme comme Premier ministre, la reconnaissance rapide par la Nouvelle-Zélande de ce qui avait été fait en Palestine était assurée, même si les Néo-Zélandais n’en savaient pas grand-chose.
En Afrique du Sud, le Dr Weizmann, dans sa stratégie de déstabilisation de M. Bevin, se tourna immédiatement vers le général Smuts, dont le lecteur a fait la connaissance bien plus tôt dans ce
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récit. Par hasard, je me trouvais en Afrique du Sud à ce moment-là. Un émissaire bien connu du sionisme prit en urgence un vol depuis New York, et lorsque j’appris son arrivée par la presse, je devinai ce qui allait suivre. (Cet homme parla devant un auditoire sioniste, déclarant que « les juifs n’ont pas à se sentir retenus par les frontières que les Nations unies pourraient établir, quelles qu’elles soient » ; la seule objection à cette déclaration dont je puisse témoigner vint d’un dissident juif, qui dit que de tels mots présageaient mal d’une paix future).
Le général Smuts reçut ce visiteur venu des airs et annonça immédiatement la « reconnaissance », uniquement pris de vitesse par le président Truman et le dictateur soviétique Staline (qui sur ce point étaient tous deux parfaitement d’accord) : il s’agit là, je crois, du dernier acte politique du général Smuts, puisqu’il perdit les élections deux jours plus tard. Son fils l’avait fortement mis en garde contre la reconnaissance, soutenant qu’elle lui ferait perdre des voix. Le général Smuts balaya ce conseil (ce qui est pertinent, d’un point de vue électoraliste, puisque ses adversaires étaient sans aucun doute prêts à surenchérir pour obtenir les voix sionistes, et il n’y avait pas d’électeur arabe en Afrique du Sud).
La renommée du général Smuts dans tout le Commonwealth (et son impopularité auprès de ses compatriotes boers) reposait entièrement sur la croyance collective qu’il était l’architecte de la « réconciliation entre les Anglais et les Boers » ainsi qu’un fervent supporter du concept de grande famille. Sur cette question, il abandonna le gouvernement de Londres en difficulté avec une obéissance absolue, fruit d’une discipline inculquée pendant des années. Je réalisai à cette époque une vieille ambition, qui était de le rencontrer. Il atteignait alors la fin de sa vie, et quitte désormais lui aussi ce récit ; mais avant de mourir, à l’instar du Dr Weizmann, il avait vu « l’abîme » qu’il avait aidé à creuser : « au coeur du problème palestinien » (dit-il à son fils plus tard au cours de cette année 1948) « se trouve une tragédie qui est à notre porte… Il n’est pas étonnant que la Grande-Bretagne soit écoeurée et fatiguée par toute cette affaire. L’échec en Palestine ne sera pas seulement un échec britannique. D’autres nations ont également joué un rôle, y compris l’Amérique, et elles ont aussi échoué. La Palestine… représente l’un des grands problèmes de notre monde, et peut avoir d’immenses conséquences sur l’avenir de celui-ci… Nous avons pensé laisser les Arabes et les Juifs se battre entre eux, mais nous ne pouvons pas faire cela. Le Pouvoir est en marche, et la Palestine se trouve sur sa route ».
Il parla ainsi en privé, mais pas en public. Apparemment, les politiciens, comme les clowns au cirque, sentent qu’ils doivent toujours porter leur masque en public : à l’instar de M. Truman, il fit
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sans tarder ce que le Dr Weizmann lui ordonnait, et en 1949, devant un auditoire sioniste, il déclara même qu'il était « heureux d’avoir contribué, au cours de ma vie, à au moins une chose qui ait réussi ».
La retraite par rapport à Londres se changea en débâcle. Le Dr Weizmann raconte que le représentant de la Nouvelle-Zélande, Sir Carl Berendsen, « obtint alors le soutien de l’Australie », et rapidement, les « politiciens [canadiens] de premier plan » lui emboîtèrent le pas. Lorsque les dominions britanniques suivirent M. Truman et le généralissime Staline, les Ètats plus petits se hâtèrent d’accorder leur « reconnaissance » ; ils ne pouvaient refuser d’avancer là où les grands s’étaient pressés, et ainsi, « l’État juif « se concrétisa-t-il « de facto », son acte fondateur étant le massacre de Deir Yassin.
Bien qu’il en devint le président, il s’agit en vérité du moment où le Dr Chaim Weizmann se retire de la scène, après cinquante ans d’une activité essentiellement conspiratrice, qui inclut la capitulation de tous les dirigeants occidentaux et laissa la « tragédie », comme un enfant abandonné, sur le pas de la porte de la communauté occidentale. Je ne saurais guère où trouver une existence aussi fascinante, et un autre écrivain pourrait même la décrire en termes héroïques. À mes yeux, elle semble avoir été orientée à des fins destructrices, et le Dr Weizmann, dont la mort était proche lorsqu’il atteignit la victoire, découvrit que celle-ci était une coupe d’amertume, peut être même une coupe mortelle.
En tous les cas, j’en juge ainsi d’après son livre, dont la dernière partie est la plus passionnante. Il fut publié en 1949, de sorte que l’auteur aurait pu, au moins, mener son récit jusqu’au point maintenant atteint par celui-ci. Il ne le fit pas. Il termina son récit en 1947. Pourquoi fit-il ce choix ?
Je pense que la réponse est évidente. En 1946 , il avait averti l’Organisation sioniste mondiale contre la « terreur », avait décrit « l’abîme » auquel « le mal ancien » menait inévitablement, et avait été remercié en conséquence. Puis, il était devenu président du nouvel État mis en place grâce à la « terreur ». Je pense qu’il souhaitait mettre par écrit ses avertissements à la communauté juive, et qu’il ne put se décider à parler des actes de terreur et d’assassinats grâce auxquels le nouvel État était né, si bien qu’il fit mine de terminer le manuscrit avant que ces faits ne se produisent.
Il établit la date de clôture de la rédaction au 30 novembre 1947, le lendemain de son triomphe à Lake Success (lorsque le président Truman, sur sa sollicitation, appela la délégation américaine afin qu’elle vote pour la partition). Manifestement, il souhaitait que le livre se termine sur cette note. Le retournement de la politique américaine, et les actes contre lesquels il avait prononcé des avertissements,
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eurent lieu juste après, et comme le livre ne devait pas être publié avant 1949, il disposait de beaucoup de temps pour exprimer son opinion sur ces événements. Tout ce qu’il fit fut de rajouter un épilogue dans lequel il n’aborda même pas l’étape déterminante de Deir Yassin - la réponse méprisante à ses avertissements. De plus, il se mit à nouveau en quatre pour dire que cet épilogue était terminé en août 1948 ; ce qui le dispensa de faire référence au prochain acte terroriste, l’assassinat du comte Bernadotte, qui eut lieu en septembre1948. Manifestement, le Dr Weizmann se rétractait. Il s’était associé à ce massacre et à ce meurtre en acceptant et en conservant la présidence du nouvel État.
C’est pour cette raison que ses précédentes mises en garde sont d’une grande importance ; il aurait pu les retirer avant publication. Par exemple, il accusa « les terroristes » (entre les mains desquels il mit l’avenir de la Palestine, et pas seulement de la Palestine) d’essayer de « forcer la main de Dieu ». Cela était sans conteste l’hérésie du sionisme, de tous ceux qui le soutenaient - qu’ils soient juifs ou gentils - depuis le tout début, et du Dr Weizmann plus que tout autre. Il ajoute : « Les groupes terroristes en Palestine constituaient un grave danger pour l’avenir entier de l’État juif ; en fait, leur comportement était proche de l’anarchie ». C’était l’anarchie, et non pas proche de l’anarchie, de même que l’effort de toute une vie du Dr Weizmann était anarchique. Même dans cet argument, ce n’est pas le dégoût moral qui l’animait ; sa plainte ne portait pas sur la nature destructrice de l’anarchie en tant que telle, mais simplement sur le fait qu’elle était inopportune, « parce que les juifs détiennent des otages dans le monde entier ».
Le lendemain même de son triomphe à Lake Success, il revint à son nouveau thème : « Il ne doit pas y avoir une loi pour les Juifs et une autre pour les Arabes… On doit donner aux Arabes le sentiment que la décision des Nations unies est définitive et que les Juifs ne s’introduiront pas dans les territoires situés au-delà des frontières qui leur ont été assignées. Cette peur existe chez de nombreux Arabes, et cette peur doit être éliminée par tous les moyens possibles… Ils doivent voir dès le départ qu’au sein de l’État juif, leurs frères sont traités exactement comme les citoyens juifs… Nous ne devons pas nous prosterner devant des dieux païens. Les prophètes ont toujours puni le peuple juif avec la plus grande sévérité pour cette inclination, et à chaque fois qu’il retourna au paganisme, à chaque fois qu’il revint en arrière, il fut puni par l’inflexible dieu d’Israël… Je suis certain que le monde jugera l’État juif à la façon dont il traitera les Arabes ».
Tu le dis 56! À cette occasion, le Dr Weizmann revêtit la robe d’un prophète israélite, ou peut-être la couronne du roi Knut ordonnant aux
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vagues de s’écarter. Lorsque ces mots furent publiés, les Arabes avaient déjà été expulsés de leur terre natale, les juifs s’étaient « introduits » dans les territoires situés au-delà des frontières précédemment « recommandées », et les Arabes n’étaient pas « traités exactement comme les citoyens juifs », mais étaient devenus des fugitifs sans foyer et sans ressources. Le Dr Weizmann prétendait ne pas savoir tout cela ! Il ignora tout ce qui avait eu lieu et déclara que cela ne devait pas avoir lieu. On aurait du mal à surpasser une telle démonstration d’hypocrisie, même dans le domaine de la politique. L’explication probable est qu’il n’arrivait toujours pas à se décider à dénoncer ce qui avait été commis mais, comme sa mort approchait, il ressentait le besoin d’attirer l’attention sur ses conséquences. Des conséquences que, dès le début, l’oeuvre de toute sa vie était destinée à produire, si cette oeuvre aboutissait. Finalement, il cria « En arrière toute ! », mais en vain.
Un plus grand homme que lui hurla son horreur et lia les conséquences aux actes, qu’il n’eut pas peur de nommer. Le Dr Judah Magnes se situait dans la ligne directe des Israélites dissidents de jadis. Il était né en Amérique en 1877, et, comme le Dr Weizmann, avait consacré sa vie au sionisme, mais d’une manière différente. C’était un sioniste religieux, et non politique, et il n’avait pas la présomption de « forcer la main de Dieu ». Dès le début, il avait oeuvré à la création d’un État judéo-arabe binational, et avait attaqué le chauvinisme sioniste dès sa première manifestation. Il devint « président honoraire de l’université Hébraïque de Jérusalem en 1925 (après s’être violemment opposé au Dr Weizmann au sujet de la pompeuse cérémonie de pose de la première pierre en 1918), puis la présida à partir de 1935 ; en 1948, il se trouvait à Jérusalem. Il fut consterné par l’apparition du « mal ancien sous une forme nouvelle et horrible », et fit un discours d’adieu déplorant et condamnant les sionistes ainsi que les dirigeants occidentaux :
« Les réfugiés ne devraient jamais être instrumentalisés et brandis tels une carte maîtresse par les hommes politiques. Il est déplorable, et même incroyable, qu’après tout ce que les juifs d’Europe ont traversé, un problème de réfugiés arabes soit créé en Terre sainte ».
Il mourut juste après cette déclaration, et je n’ai pas réussi à connaître les circonstances de sa disparition; dans les ouvrages juifs, les mentions relatives à cet événement sont souvent laconiques et ressemblent à celles concernant l’effondrement et la mort soudaine du Dr Herzl. Par exemple, une de ces allusions (dans la préface du livre écrit par le rabbin Elmer Berger en 1951) dit qu’ « il est mort d’une crise cardiaque ».
Avec le Dr Magnes, c’était un autre pacifiste juif qui rejoignait le groupe des hommes responsables qui depuis cinquante ans tentaient
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vainement de maintenir l’Occident (et les juifs) hors de l’emprise de la conspiration talmudique de Russie. Il créa puis quitta une organisation, l’Association Ihud, qui parle encore en son nom, et même depuis Jérusalem. Son porte-parole à Jérusalem, le mensuel NER, déclara en décembre1955 : « Finalement nous devrons révéler ouvertement la vérité : Fondamentalement, nous n’avons aucun droit d’empêcher le retour des réfugiés palestiniens sur leurs terres… Quel combat Ihud devraitil mener ? Transformer la poudrière permanente (qu’est l’État d’Israël, selon le ministre Pinhas Lavon) en une terre de paix. Et quelles armes Ihud doit-il utiliser ? L’arme de la vérité… Nous n’avions pas le droit d’occuper une maison arabe sans en payer d’abord le prix ; de même pour les champs et les vergers, les magasins et les usines. Nous n’avons absolument aucun droit de coloniser et de concrétiser le sionisme au détriment d’autrui. C’est du vol, c’est du banditisme… Nous faisons à nouveau partie des pays très riches, mais nous n’avons pas honte de voler les biens des fellahin ».
Actuellement, ce point de vue est encore peu répandu au sein de la communauté juive (à ce sujet, le Dr Albert Einstein avait la même opinion : « Ma perception de la nature profonde du judaïsme est incompatible avec la notion d’un État juif entouré de frontières, d’une armée et de quantité de pouvoirs temporels, même s’ils sont limités ; j’ai peur des dégâts internes que le judaïsme devra endurer », 1950), mais c’est le seul point de vue qui offre à la communauté juive l’espoir d’échapper définitivement au sionisme des Khazars. Aujourd’hui, il est probable, si ce n’est certain, que cette libération ne pourra avoir lieu qu’après la tribulation finale au cours de laquelle l’aventure abjecte en Palestine devra impliquer les multitudes occidentales, y compris les juifs parmi celles-ci.
Un dernier point doit être signalé au sujet de la création « de facto » de l’État sioniste ; à savoir, qu’il est l’enfant de la révolution. La révolution permit aux juifs de « devenir majoritaires en Palestine », conformément à ce que les auteurs britanniques de la déclaration Balfour de 1917 avait souhaité, et cette transformation en Palestine n’aurait pu être réalisée d’aucune autre manière, puisqu’aucun autre grand groupe de juifs n’aurait pu être amené à se rendre là-bas. Ce mouvement de masse n’était possible que pour les juifs de l’Est, qui vivaient depuis des siècles dans la stricte application des règles talmudiques, et la manière dont ils furent transférés en Palestine a été décrite ici. En 1951, les statistiques du gouvernement israélien montraient qu’au sein de la « majorité » qui avait été constituée (approximativement 1 400 000 juifs), 1 061 000 personnes étaient nées à l’étranger, et parmi celles-ci, 577 000 venaient des pays communistes situés au-delà du Rideau de Fer, pays où les non-juifs n’avaient pas le droit de se déplacer ne serait-ce que d’une ville à une
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autre sans autorisation de la police ou de quelqu’autre autorité. (L’essentiel des 484 000 restants étaient des juifs nord-africains ou asiatiques qui arrivèrent après l’établissement de l’État, et donc ne participèrent pas à sa violente appropriation).
Par conséquent, les envahisseurs étaient des juifs de l’Est d’origine tataro-mongole, mais leur nombre seul n’aurait pas suffi à assurer la victoire. Ils avaient besoin d’armes pour cela. Pendant la guerre, le général Wavell avait informé M. Churchill que les juifs, si on le leur permettait, pourraient « battre les Arabes », et manifestement, il basait ce jugement sur les armes que, comme il le savait, les sionistes avaient accumulées. À cette époque, il ne pouvait s’agir que d’armes britanniques ou américaines, obtenues clandestinement depuis les arsenaux des armées alliées localisées en Afrique du Nord et au Moyen-Orient (comme il a été montré précédemment, les dirigeants de Londres et Washington, bien qu’ils ne l’approuvassent pas officiellement, fermèrent les yeux sur ce procédé). Le général Wavell, bien que son opinion se révélât correcte, surestimait peut-être à l’époque la puissance sioniste, ou sous-estimait la résistance arabe, car les sionistes, après l’événement, n’attribuèrent pas leur succès aux armes qu’ils avaient obtenues des Alliés. Au contraire, ils pensèrent qu’ils devaient leur victoire, obtenue après six mois de combats (entre le vote pour la « partition » et Deir Yassin) aux armes qu’ils avaient reçues de la révolution. Le Rideau de Fer, qui s’était ouvert pour laisser passer les envahisseurs de la Palestine, s’était réouvert pour permettre qu’une quantité substantielle d’armes leur soit livrée.
Ce fut la première conséquence majeure de l’ordre donné par le général Eisenhower - sous la direction du président Roosevelt - d’arrêter les forces alliées à l’ouest de la ligne Berlin-Vienne, et de permettre que la Tchécoslovaquie revienne aux Soviétiques ; les armes venaient de ce pays annexé, où le grand arsenal Skoda, suite à cet ordre, était simplement passé des nazis aux communistes. Quelques semaines après que le président Truman eut reconnu l’État sioniste, le New York Herald Tribune publia ce reportage en provenance d’Israël :
« Le prestige russe s’est extrêmement accru au sein de toutes les familles politiques… De par son soutien constant à la cause israélienne au sein des Nations unies, l’Union soviétique a augmenté son crédit auprès des sympathisants de gauche, de droite et des modérés. Fait peu connu et peut être encore plus important pour une nouvelle nation combattant pour son existence : la Russie a fourni une aide matérielle lorsqu’une aide matérielle était nécessaire… La Russie a ouvert ses arsenaux militaires à Israël. Les juifs ont réalisé certains de leur achats les plus importants et probablement les plus volumineux auprès de la Tchécoslovaquie, nation satellite de l’Union soviétique. Certaines livraisons d’armes tchèques à Israël à des moments critiques de la guerre ont joué un rôle capital… Lorsque les
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troupes juives ont défilé la semaine dernière le long de la rue Allenby à Tel Aviv, de nouveaux fusils tchécoslovaques sont apparus à l’épaule des soldats d’infanterie » (5 août 1948).
À cette époque, en Occident, la presse sioniste et celle contrôlée par les sionistes commença à assimiler explicitement « antisémitisme » à « anticommunisme » (l’attribution au communisme d’origines juives et d’un leadership juif avait été depuis longtemps dénoncée comme étant la caractéristique de « l’antisémite »). Par exemple, en juin 1946, le journal juif de Chicago Sentinel avait déjà déclaré : « Nous reconnaissons l’anti-soviétisme pour ce qu’il est réellement… Avezvous jamais entendu parler, où que ce soit dans le monde, d’ antisémites qui n’étaient pas également anti-soviétiques ?… Nous reconnaissons nos ennemis. Reconnaissons également nos amis, le peuple soviétique ». Dans les écoles du nouvel État lui-même, le drapeau de la révolution était hissé et son hymne entonné chaque premier mai, reconnaissance ostensible d’une affinité, si ce n’est d’une filiation. En janvier 1950, le correspondant du Times de Londres à Tel Aviv rapporta que la Tchécoslovaquie fournissait encore des armes à l’État sioniste.
Voilà pour la naissance d’ « Israël » et les souffrances qu’elle infligea aux autres. Aucun enfant issu de l’illégitimité politique ne fut jamais soutenu à sa naissance par autant de parrains ; les « reconnaissances » affluaient, et partout les pacifistes étaient déconfits. M. Bevin continua son mandat pendant quelques années, puis démissionna peu avant sa mort ; le général Marshall et M. Forrestal furent éliminés à la première occasion, manifestement pour décourager ceux qui auraient pu prendre leur propre devoir trop au sérieux.
En quelques semaines, le nouvel État fit un nouveau pas vers « l’abîme » du « mal ancien ». Les « Nations unies », ayant accepté post facto la partition de l’Europe et recommandé la partition de la Palestine, montrèrent un intérêt tardif pour la « paix » et firent appel au comte suédois Folke Bernadotte pour qu’il se rende en Palestine jouer le rôle de médiateur entre les deux parties. Le comte Bernadotte s’était toujours consacré à apaiser les souffrances humaines, et en particulier à l’aide et au sauvetage des victimes juives au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il oeuvra sous la bannière croisée (la Croix rouge) et fut tué à l’endroit même où la Croix devint pour la première fois symbole de foi et d’espoir. Aucun acte ne peut être plus atroce que le meurtre, commis par l’une des parties en conflit, d’un pacifiste et médiateur reconnu, et quatre mois après sa création, l’État sioniste ajouta ce second acte symbolique à son histoire 57.
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Le comte Bernadotte (comme M. Forrestal) tenait un journal, qui fut publié après sa mort. Il relate qu’après avoir accepté sa mission pour la paix, il passa par Londres et reçut la visite du Dr Nahun Goldman, alors vice-président de l’Agence juive et représentant de l’État sioniste, qui lui dit : « l’État d’Israël est désormais en mesure d’assumer l’entière et totale responsabilité des actes commis par le groupe Stern et les membres de l’Irgoun ».
Il s’agissait des bandes de meurtriers dont le massacre de Deir Yassin avait déclenché l’évacuation du territoire au profit des sionistes, et avait implicitement été « reconnu » par l’Occident. C’étaient les « activistes » contre lesquels le Dr Weizmann avait émis des avertissements au Congrès sioniste de 1946. Deir Yassin avait montré qu’ils avaient le pouvoir, par des actes terroristes calculés, de modifier totalement le cours des affaires internationales, quels que soient les propos des dirigeants sionistes, des hommes politiques occidentaux ou des « Nations unies ».
Ils détiennent ce pouvoir aujourd’hui, en 1956, et continueront à le détenir. À tout instant, ils peuvent précipiter le monde dans une nouvelle guerre, car on les a placés à l’endroit le plus explosif du globe, très justement qualifié de « poudrière » par un secrétaire d’État américain, un ministre des Affaires étrangères britannique et le Premier ministre sioniste en personne. Jusqu’au moment où le Dr Nahum Goldman fit au comte Bernadotte la déclaration citée précédemment, on avait entretenu le mensonge selon lequel ils étaient hors du contrôle des dirigeants sionistes « responsables », qui déploraient de tels actes. L’affirmation rassurante du Dr Goldman avait probablement pour objectif de convaincre le comte Bernadotte que son travail de médiation ne serait pas gratuitement détruit par un acte tel que celui de Deir Yassin. Les terroristes assassinèrent alors le comte Bernadotte lui-même, et par la suite (comme on le montrera), le gouvernement israélien assuma la responsabilité de ces actes et de ceux qui les avaient commis.
Après avoir entendu ces propos rassurants, le comte Bernadotte entama sa mission de pacification. En Égypte, il rencontra le Premier ministre, Nokrachi Pacha, qui déclara « reconnaître la portée de la puissance économique juive, puisque celle-ci contrôle l’économie de nombreux pays dont les États-Unis, l’Angleterre, la France, l’Égypte et peut-être même la Suède » (le comte Bernadotte ne contredit pas cette dernière affirmation). Nokrachi Pacha dit que les Arabes n’espéraient
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pas échapper à cette domination. Toutefois, que les juifs établissent une domination économique de toute la Palestine était une chose ; mais ce que les Arabes n’accepteraient pas, et rejetteraient, serait la tentative de mettre en place un État sioniste coercitif en ayant recours à la force et au terrorisme, et ce avec l’assistance du sionisme mondial. Après cela, le roi Farouk déclara au comte Bernadotte que si la guerre continuait (elle n’est toujours pas terminée), elle se transformerait en troisième guerre mondiale ; le comte Bernadotte acquiesça et déclara que c’était la raison pour laquelle il avait accepté le rôle de médiateur.
Il mentionna aussi que pendant la guerre, il avait eu « le privilège de secourir environ 20 000 personnes, la plupart des juifs ; j’avais été moi-même chargé de ce travail ». Il pensait manifestement que cela lui vaudrait le respect des sionistes, et il avait tort. En quelques jours, il avait persuadé les Arabes (le 9 juin 1948) d’accepter un cessez-le-feu sans condition, mais il lut alors des propos agressifs à son encontre tenus par des fanatiques sionistes, parce qu’il « avait imposé la trève aux juifs ». « Je commençai à réaliser combien ma situation était délicate… la sympathie à mon encontre se transformerait en suspicion et en rancune si, au cours de mon travail ultérieur en tant que médiateur, je manquais d’étudier d’abord les intérêts de la partie juive, et que je cherchais une solution juste et impartiale au problème ».
L’Irgoun (dont le gouvernement sioniste, par l’intermédiaire du Dr Goldman à Londres, avait affirmé prendre « l’entière et totale responsabilité ») rompit alors le cessez-le-feu (18-30 juin 1948) en débarquant des hommes et des armes. Le comte Bernadotte et ses observateurs « furent incapables d’évaluer le nombre de membres de l’Irgoun ou la quantité d’armes déployés », parce que le gouvernement sioniste leur refusa l’accès à la zone. Au cours de la première semaine de juillet, « la presse juive dirigea de violentes attaques à mon encontre ». Les méthodes diffamatoires (utilisées contre M. Forrestal) étaient désormais utilisées, et les efforts du comte Bernadotte pour secourir des victimes juives durant la guerre furent tournés contre lui ; on insinua que vers la fin de la guerre, ses négociations avec Heinrich Himmler, le chef de la gestapo nazi, au sujet de la libération de juifs furent d’une nature douteuse. « Il était injuste de me calomnier », (l’insinuation était que M. Bernadotte était « un nazi »), « mes activités ayant contribué à sauver la vie d’environ 10 000 juifs ».
Cela avait aussi peu d’importance aux yeux des sionistes que les efforts, quarante années auparavant, d’Alexandre II et du comte Stolypine pour « améliorer le sort des juifs » ; L’offense capitale du comte Bernadotte était son impartialité. Entre le 19 juillet et le 12 août, il dut signifier au Dr Joseph, gouverneur militaire sioniste de Jérusalem, que d’après les rapports de ses observateurs, « les juifs étaient le groupe le plus agressif à Jérusalem ». Le 16 septembre, sur
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la route historique du pacificateur « vers Jérusalem » (c’est le titre de son livre), le comte Bernadotte signa de fait son propre arrêt de mort ; ce jour-là, il envoya son « rapport d’étape » de médiateur, depuis Rhodes à destination des Nations unies, et dans les vingt-quatre heures qui suivirent, il fut assassiné.
La raison se trouve dans ses propositions. Il acceptait la création « de facto » de l’État sioniste, mais, partant de cette base, pensait réconcilier et pacifier grâce à des mesures impartiales, aussi justes pour chaque partie que la situation donnée le permettait. Son souci majeur concernait les populations civiles arabes, éloignées de leurs villages natals par le massacre de Deir Yassin et réfugiées au-delà de leurs frontières. Jamais rien de pareil n’avait été fait sous la protection de l’Occident, et le comte Bernadotte venait à peine de sauver des juifs des griffes d’Hitler. Ainsi, il proposait :
(1) que les frontières de l’État sioniste correspondent à la « recommandation » des Nations unies du 29 novembre 1947, le Néguev restant un territoire arabe et les Nations unies s’assurant que ces frontières soient « respectées et maintenues » ;
(2) que (comme cela avait été « recommandé ») Jérusalem devienne une zone internationale sous contrôle des Nations unies ;
(3) que les Nations unies « proclament et mettent en oeuvre » le droit au retour des réfugiés arabes.
Ayant transmis ces propositions le 16 septembre 1948, le comte Bernadotte, avant que celles-ci n’atteignent New York, prit un vol pour Jérusalem (le 17 septembre). Accompagné de ses collaborateurs, il se rendait, sans armes et sans protection, au siège du gouvernement lorsque leur véhicule fut arrêté par une Jeep occupée par des sionistes et garée en travers de la route. Clairement, on était autant au courant de leurs déplacements que du contenu du rapport du comte Bernadotte ; trois hommes jaillirent de la Jeep, rejoignirent son véhicule en courant et avec des pistolets-mitrailleurs Sten, l’abattirent ainsi que le colonel français Serot, observateur en chef à Jérusalem.
Dans une annexe de son journal intime, les survivants décrivent l’assassinat en détail. Leurs comptes-rendus démontrent l’efficacité de sa préparation et de son exécution et établissent clairement l’identité du commanditaire principal. Les meurtriers s’échappèrent sans encombre, deux à bord de la Jeep et un autre en courant. Aucun ne fut arrêté ou poursuivi (un rapport, probablement crédible, déclare qu’un avion attendait les assassins et les transporta en Tchécoslovaquie communiste). Selon l’enquête israélienne qui en découla :
« La manière dont le meurtre a été exécuté ainsi que tous les préparatifs qui s’y rapportent suivent la trame suivante : (a) une
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décision claire d’assassiner le comte Bernadotte et l’élaboration d’un plan détaillé pour sa mise en oeuvre ; (b) un réseau d’espionnage complexe capable de suivre les déplacements du comte pendant ses séjours à Jérusalem, afin de permettre aux responsables de l’opération de définir son lieu et sa date ; (c) des hommes ayant de l’expérience dans ce genre d'activités ou ayant reçu un long entraînement sur le sujet ; (d) des armes et des moyens de communication adaptés ainsi qu’un point de chute sür après le meurtre ; (e) un chef expérimenté et responsable de l'exécution de l’acte ».
Le nouvel État s’était déclaré « entièrement responsable » de tels individus. Trois jours plus tard, une agence de presse française reçut une lettre exprimant des excuses pour le meurtre du colonel Serot, qui avait été confondu avec le général suédois Lundstrom, chef d’étatmajor du médiateur et « antisémite » (le général Lundstrom était assis à une autre place dans la voiture). Cette lettre était signée du « Hazit Moledeth » ; le rapport de la police israélienne indiqua qu’il s’agissait du nom de la cellule terroriste secrète au sein du groupe Stern.
Le général Lundstrom annonça (le 18 septembre) que « ces meurtres délibérés de deux hauts responsables internationaux constituent une rupture du cessez-le-feu de la plus grande gravité et une page noire dans l’histoire de la Palestine, et les Nations unies en exigeront des explications exhaustives ». Une telle demande de la part des Nations unies était improbable, car (comme ce récit l’a montré) elles ne réagissent qu’à la pression la plus forte exercée en coulisse. Elles n’ont (ou n’avaient alors - nul ne peut prédire quelles extraordinaires transformations l’avenir pourrait amener) aucune morale par elles-mêmes ; elles fonctionnent comme un oracle, actionné par un mécanisme caché ; elles ne s’émurent pas du meurtre de leur médiateur, pas plus que les gouvernements de Washington et de Londres ne s’émurent de la persécution de M. Forrestal et du meurtre de Lord Moyne. Elles ignorèrent les propositions du médiateur ; les sionistes saisirent et conservèrent tous les territoires qu’ils souhaitaient (Néguev inclus), refusèrent le retour des Arabes, et proclamèrent qu’ils n’autoriseraient pas que Jérusalem devienne zone internationale (à ce jour, huit ans plus tard, ils restent inflexibles sur ces points-là). Les journaux du monde entier publièrent l’éditorial qu’ils semblaient conserver spécialement pour de telles occasions (« On a fait un mal incalculable à la cause sioniste… »), et reprirent ensuite leurs dénonciations quotidiennes de tous ceux qui défendaient la cause arabe, les accusant d’être « antisémites ». Le Times de Londres rendit même le comte Bernadotte responsable de son propre meurtre ; on pouvait y lire que la proposition d’internationaliser Jérusalem « incita sans aucun doute certains juifs à tuer le comte Bernadotte », et dans l’acception générale, le mot « inciter » impute une responsabilité.
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En Israël, quatre mois plus tard, deux dirigeants du groupe Stern du nom de Yellin et Shmuelevitz furent condamnés par une cour spéciale à huit et cinq ans de prison pour leur connection avec ce meurtre. Le président de cette cour, lorsqu’il lut le jugement, dit qu’il n’y avait « pas de preuve établissant que l’ordre de tuer le comte Bernadotte provenait de la hiérarchie ». Les deux hommes (selon l’Agence télégraphique juive) « n’accordèrent guère d’attention au déroulement du procès, eu égard au fait qu’on s’attendait à ce que le Conseil d’État accorde une amnistie générale », et quelques heures après leur condamnation, ils furent libérés et escortés vers la foule qui les accueillit triomphalement. Le « commandant en chef » de l’Irgoun, un certain M. Menahem Begin, fit quelques années plus tard une « tournée triomphale » des villes occidentales, étant par exemple reçu à Montréal par « la garde d’honneur de la police de Montréal précédée par des rabbins portant les parchemins de la Loi » (d’après le Jewish Herald d’Afrique du Sud). Au cours d’une intervention à Tel Aviv durant la campagne électorale de 1950, M. Begin s’attribua le mérite de la fondation de l’État sioniste, par le biais de l’événement de Deir Yassin. Il dit que l’Irgoun avait « occupé Jaffa », territoire que le parti au pouvoir « était prêt à céder aux Arabes », puis il ajouta :
« L’autre partie de la contribution de l’Irgoun fut Deir Yassin, qui a entraîné la fuite des Arabes et a fait de la place pour les nouveaux arrivants. Sans Deir Yassin et la débâcle arabe qui en découla, le gouvernement actuel ne serait pas en mesure d’intégrer un dixième des immigrants ».
Au cours des années suivantes, jusqu’à aujourd’hui, M. Begin continua à proférer des menaces sanguinaires à l’encontre des pays arabes frontaliers 58, pour lesquels la présence des Arabes palestiniens à l’intérieur de leurs frontières constituait un rappel permanent de Deir Yassin et de la terrible signification des menaces de Begin. Pendant cinq ans, la croyance collective fut entretenue selon laquelle « les terroristes » avaient agi à Deir Yassin sans avoir reçu d’ordre, et puis en avril 1953, quatre membres de l’Irgoun blessés à Deir Yassin demandèrent des dédommagements. Le gouvernement israélien, via son ministère de la Sécurité, refusa cette demande sur la base que l’attaque n’avait « pas été autorisée », sur quoi le chef de l’Irgoun
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présenta une lettre émanant des quartiers généraux officiels sionistes basés à Jérusalem, qui autorisait l’intervention. Depuis cette dernière, le signataire était devenu ministre représentant Israël au Brésil.
Dans la ville où se trouvait le siège des « Nations unies », une solide raison expliquait pourquoi aucune « explication » sur la mort du comte Bernadotte ne devait être exigée. Lorsque cet événement eut lieu, les élections présidentielles américaines étaient proches. La campagne battait son plein, et chacun des deux candidats (M. Truman et M. Thomas Dewey) considérait le vote sioniste comme indispensable au succès. Ils luttaient pour l’obtenir, et la Palestine était bien loin de New York. M. Truman était le mieux engagé, car il avait reconnu le nouvel État et avait décrit cet acte de reconnaissance comme celui dont il était le « plus fier ». À une autre occasion, il déclara que cet acte avait été guidé par « les valeurs humanistes les plus nobles ». Quelques semaines après l’assassinat [du comte Bernadotte – Ndt] sur la route de Jérusalem, il fut élu président ; à la fin de l’année, il donna aux employés de la Maison Blanche un marque-page avec ces mots : « Je préférerais avoir la paix plutôt qu’être président ».
En 1948, la stratégie électorale conçue par le Colonel House en 1910 avait été transformée en instrument de haute précision contrôlé par l’internationale sioniste – la commande principale se trouvant dans l’État de New York. L’ère des machines et des sociétés cotées en bourse ajouta un nouveau verbe à la langue anglaise : « truquer », ce qui signifie arranger, ou manipuler. Les experts sont capables de « truquer » les machines. Un exemple concerne les machines à sous en Amérique. M. Dupont glisse une pièce dans la fente dans la vague croyance que la machine est gouvernée par les lois du hasard, et que s’il est chanceux, tout l’argent qu’elle recèle lui tombera dans les mains ; en fait, la machine est minutieusement configurée pour qu’une proportion précisément calculée de l’argent qui y a été introduit (probablement entre quatre-vingts et quatre-vingt-dix pour cent) revienne au syndicat du jeu et que le reste revienne en petits gains à M. Dupont.
Le « trucage » du système électoral américain est le facteur déterminant des événements du XXe siècle. Un mécanisme conçu initialement pour permettre à M. Dupont d’exprimer son opinion à propos de la politique et des partis a été ajusté jusqu’à un tel niveau de précision, empêchant quasiment toute erreur, que M. Dupont s’est retrouvé sans voix pour s’exprimer sur la politique du pays ; quelle que soit la pièce qu’il introduit dans la fente, le groupe des gouvernants gagne.
Au début, le système électoral lui-même fut peut-être conçu de manière à faciliter la tâche d’un « groupe extérieur » enclin à dicter le cours de la politique nationale américaine. Une élection est toujours
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proche : une élection pour le Congrès chaque seconde, une élection présidentielle tous les quatre ans. Un membre du Congrès ou un président n’est pas sitôt élu que les « groupes de pression » commencent à se rapprocher des prétendants pour les prochaines élections ; les chefs de parti commencent à se soucier des prochains votes ; et les aspirants au Sénat, au Congrès et à la Présidence commencent à ressentir et à répondre à « la pression ». Il n’existe pas de périodes de repos au cours desquelles la prudence pourrait prévaloir et ce contrôle disparaître (en 1953, comme nous allons le voir, même la course pour la mairie de New York induisit un retournement soudain et majeur de la politique nationale américaine, le sujet étant « le soutien à Israël ». L’intensification de la « pression » à échéance répétée, et les mises en garde qui s’ensuivent adressées par les directeurs de partis à leurs candidats au Congrès ou à la Maison Blanche, générèrent ces pirouettes, qui font vaciller l’intégralité de l’édifice politique laborieusement construit par des ministres consciencieux et des fonctionnaires compétents).
Dans ces circonstances, le nouvel « État » créé en Palestine en 1948 n’a jamais été, et ne pourra jamais être, un « État », quel que soit le sens que l’Histoire a donné a ce mot. C’était le poste avancé d’une organisation internationale qui bénéficiait d’un accès privilégié aux gouvernement, aux parlements et aux ministères des Affaires étrangères des pays occidentaux (et plus particulièrement au gouvernement, au parlement et au ministère des Affaires étrangères des États-Unis, qui pendant les années 50 étaient le pays le plus puissant de la planète), et dont la fonction principale consistait à exercer un contrôle sur la république américaine, et non de trouver « un foyer » pour les juifs du monde. Les perspectives induites par cet état de fait étaient une implication croissante de l’Amérique dans une situation explosive au Levant, créée artificiellement et portant en elle la menace d’une guerre mondiale.
Fin 1948, trente-et-un ans après le premier triomphe du double complot (la déclaration Balfour et la révolution bolchevique), l’État sioniste avait été mis en place. M. Truman, le pionnier de la « reconnaissance », avait été prévenu par ses représentants en charge que la partition obtenue par la force à Deir Yassin mènerait à une troisième guerre mondiale ; tous les dirigeants occidentaux avaient reçu les mêmes recommandations de la part de leurs conseillers dans le domaine. Aucun des « politiciens de premier plan » concernés ne pouvait avoir de doutes sur les conséquences futures qu’induirait leur soutien au sionisme, et leurs déclarations publiques à ce sujet ne pouvaient refléter ni les informations confidentielles dont ils disposaient, ni leurs convictions personnelles. Les hommes politiques américains des années 40 et 50, comme M. Léopold Amery et M. Winston Churchill au cours des décennies précédentes, étaient
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manifestement victimes de la croyance selon laquelle, pour quelque raison non révélée, la « politique », concernant cette question spécifique, ne pourrait jamais être « modifiée ». L’asservissement des gouvernements de Londres et de Washington, et l’identité des esclavagistes, même aujourd’hui (1956), ne sont pas connus des peuples américain et britannique (pourtant, la menace désormais apparente d’une nouvelle guerre mondiale déclenchée en Palestine sioniste et se répandant dans les pays alentours les touche pour la première fois). Dans le reste du monde, cela est compris depuis longtemps. Par exemple, dès les années 20, le maharadjah du Cachemire demanda à Sir Arthur Lothian (d’après le récit de ce diplomate) « pourquoi le gouvernement britannique était-il en train d’établir une « Yehudi ka Raj » (la Loi des juifs) en Inde. Je contestai cette description, mais il insista sur la véracité des faits, déclarant que Lord Reading, le vice-roi, était juif, que le secrétaire d’État, M. Edwin Montague, était juif, que le haut commissaire, Sir William Meyer, était juif, et de quelle preuve supplémentaire avais-je besoin ? » Ainsi, il y a trente ans, un maharadjah indien du bout du monde vit-il clairement la véritable forme que prendraient les événements qui allaient se produire dans le monde occidental.
J’ai cité précédemment la déclaration du Premier ministre égyptien au comte Bernadotte, selon laquelle « la puissance économique juive contrôlait l’économie… des États-Unis, de l’Angleterre, de la France, de l’Égypte elle-même… » Au cours des sept dernières années, les dirigeants de tous les États arabes ont accusé ouvertement et à plusieurs reprises le gouvernement américain d’être devenu le simple instrument des ambitions sionistes, et se sont référés à leur propre expérience en guise de preuve.
De l’autre côté de la planète, les effets du « trucage » de la machine électorale à New York se firent ressentir à travers leur autre manifestation : le soutien à la révolution. À cause de revirements similaires dans la politique d’État américaine, Tchang Kaï-chek, le dirigeant chinois, dut quitter la Chine continentale (où le communisme s’établit avec le soutien des Américains) pour l’ïle de Formose, où une fois là-bas, il bénéficia à nouveau du soutien américain. M. Tex McCrary, un présentateur américain bien connu, lui rendit visite et rapporta aux millions d’auditeurs new-yorkais : « Je fus extrêmement gêné lorsque j’entendis : “Nous avons appris à ne jamais faire confiance à l’Amérique pendant plus de dix-huit mois d’affilée, entre les élections” ».
Cette mainmise sur la politique d’État américaine, de par le contrôle de la machine électorale, mena en 1952 à un acte paroxystique de vengeance talmudique - vengance portée cette fois contre la moitié de l’Allemagne que la partition avait laissée « libre ».
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Cette partie de l’Allemagne fut obligée de payer un tribut à l’État sioniste - État mis en place trois ans après la défaite de l’Allemagne au cours de la Seconde Guerre mondiale !
Après la Première Guerre, les puissances occidentales victorieuses tentèrent d’extorquer un tribut (« des réparations »), mais échouèrent ; ce qui fut reçu était surtout le résultat de jeux comptables, car cela fut annulé par les prêts américains et britanniques. Après la Seconde Guerre mondiale, la révolution extorqua un tribut à l’Allemagne de l’Est annexée, en se servant directement. Les puissances occidentales victorieuses ne firent aucune demande de « réparation » en leur nom propre, mais l’extorquèrent pour Sion.
Alors que les années passaient, les mises en garde d’hommes responsables basés au Moyen-Orient atteignaient à nouveau le département d’État. Ses conseillers sur le terrain ne cessaient de rappeler que les sept États arabes n’avaient jamais accepté l’acte de 1948, qu’ils se considéraient toujours en état de guerre avec l’État intrus, et qu’ils tenaient les États-Unis pour responsables du financement des armes qui étaient utilisées contre eux.
Ainsi, naquit l’idée, sept ans après la fin de la guerre, d’obliger la partie « libre » de l’Allemagne à payer des « réparations » à un État qui n’existait même pas pendant la Seconde Guerre mondiale ; le patronage permanent du nouvel État allait être assuré, et la véritable source de ce soutien, dissimulée. En coulisse, cette idée s’était ébruitée depuis longtemps, alors on lui offrit (comme pour le procès de Nuremberg) une réalisation symbolique, la veille des fêtes juives de Yamim Noraïm [ou « jours redoutables » - NdT] de 1952 - ou, pour paraphraser le magazine new-yorkais Time : « Au cours de la dernière semaine de l’année juive 5711 ». Cela constitua le thème central des festivités juives qui suivirent, un journal juif soulignant qu’il s’agissait du « plus beau cadeau de Nouvel An qu’on puisse imaginer pour le peuple juif ».
Le chancelier d'Allemagne de l’Ouest occupée, le Dr Adenauer - « blanc comme un linge » - informa le Bundestag à Bonn de « l’obligation de s’amender moralement et financièrement ». Son ministre de la Justice, le Dr Dehler, tint un autre discours au cours d’une conférence à Cobourg : « L’accord avec Israël a été conclu sur le désir des Américains, parce que les États-Unis, au vu du ressenti des nations arabes, ne peuvent continuer à soutenir l’État d’Israël de la même manière qu’avant ».
Les élections présidentielles de 1952 étaient alors imminentes. Le gouvernement d’Allemagne de l’Ouest fut contraint de payer, sur une durée de 12 à 14 ans, la somme de 822 millions de dollars à Israël, principalement sous forme de marchandises. Le tableau résultant de
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cette transaction rappelle d’une façon plutôt frappante le résumé fait par Stehelin au sujet de passages de la Kabbale décrivant l’apothéose messianique : « Mais regardons un peu la manière dont les juifs sont censés vivre sur leur ancienne terre sous l’administration du Messie. Tout d’abord, les nations païennes, dont ils tolèrent à peine l’existence, devront leur construire des maisons et des villes, leur cultiver des terres et leur planter des vignes, et tout cela, sans même attendre quoi que ce soit en échange de ce labeur ». Ce scénario n’est pas très différent de celui qu’on a présenté aux contribuables britanniques, américains et allemands, qui sont soumis à différentes formes de contrainte (dissimulées dans les deux premiers cas, et déclarées dans le troisième) eu égard au tribut versé au sionisme.
Les populations occidentales ne furent pas informées de la manière dont on extorqua le paiement de ce tribut ; cela leur fut présenté comme une décision indépendante prise par le gouvernement ouest-allemand, une décision suscitée par un grand élan de compassion. Les lecteurs juifs, eux, furent aussi bien informés que l’auditoire du Dr Dehler à Coburg. Deux citations l’illustrent : l’Agence télégraphique juive « a révélé que le gouvernement des États-Unis d’Amérique avait joué un rôle très important en poussant l’Allemagne de l’Ouest à faire des réparations décentes aux juifs ; le gouvernement britannique a également apporté sa contribution, mais dans une moindre mesure », et le Zionist Herald de Johannesburg déclara : « L’accord avec l’Allemagne n’aurait pas été possible sans le soutien actif et très efficace du gouvernement des États-Unis à Washington et du bureau du haut-commissaire des États-Unis en Allemagne ». L’intégralité de la presse arabe rapporta la même chose, et un journaliste de presse américain qui essayait de pénétrer dans un camp de réfugiés arabes fut interdit d’accès au motif suivant : « Quel intérêt avons-nous à parler avec vous ? Nous, les Arabes, savons très bien qu’en Amérique, aucun journal n’ose dire toute la vérité sur la question palestinienne ».
En Angleterre, la version officielle fut communiquée au Parlement par Lord Reading, sous-secrétaire aux Affaires étrangères et fils du vice-roi mentionné dans l’épisode de la question posée par le maharadjah du Cachemire à Sir Arthur Lothian trente années plus tôt. La déclaration de Lord Reading fut suscitée par la tactique habituelle consistant en une « question », à cette occasion formulée par un confrère socialiste, Lord Henderson, qui commença par dire que « plus de six millions de juifs [avaient été] menés à la mort ». L’intérêt de la réponse de Lord Reading demeure entier ; il déclara que les paiements que l’Allemagne de l’Ouest verseraient à Israël seraient : « de l’ordre d’une tentative de réparation morale, plus encore que matérielle », et qu’ils seraient « basés sur le coût estimé lié à la réinstallation en Israël des juifs chassés d’Europe par les nazis ».
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Cette déclaration réaffirme implicitement le principe selon lequel le seul crime nazi moralement répréhensible fut le traitement des juifs ; nul ne suggéra jamais que l’Allemagne de l’Ouest devait participer aux frais de réinstallation des Polonais, des Tchèques et de toutes les autres victimes. L’intérêt spécifique de cette déclaration réside dans l’allusion à des « réparations morales » ; lorsque celles-ci furent réglées, près d’un million d’Arabes avaient été « chassés » de Palestine par les sionistes, et leur demande de retour sur leurs terres avait été systématiquement, et même dédaigneusement rejetée.
Le passage le plus caractéristique de cette déclaration typique est probablement celui qui fait référence à « la réinstallation en Israël des juifs chassés d’Europe par les nazis ». Israël est le seul endroit au monde où la démographie juive peut être connue avec précision. Selon les statistiques du gouvernement israélien, elle était de l’ordre de 1 400 000 en 1953, et dans ce chiffre, se trouvaient seulement 63 000 juifs (moins de cinq pour cent) originaires d’Allemagne et d’Autriche. Ces 63 000 personnes étaient les seuls habitants d’Israël dont on aurait pu dire, par de grands efforts d’imagination, qu’ils avaient été chassés d’Europe et réinstallés en Israël. Les flux majeurs vinrent de Pologne, de Roumanie, de Hongrie et de Bulgarie et ce, quelque temps après la fin de la guerre (et il est certain qu’ils ne furent pas « chassés », puisque dans ces pays, ils étaient protégés par des lois spécifiques et bénéficiaient de la priorité concernant les postes dans la fonction publique) ; ils vinrent également d’Afrique du Nord.
Il n’existait aucun fondement moral justifiant d’extorquer un tribut aux Allemands de l’Ouest pour le remettre à l’État sioniste, et si un seul avait jamais existé, eu égard aux 63 000 émigrants précédemment cités, il avait depuis longtemps été annulé par l’« expulsion » par les sionistes de près d’un million d’Arabes. Cette affaire est unique dans l’histoire de l’Occident et prouve seulement à quel point les gouvernements américain et britannique sont soumis au sionisme.
L’Allemagne de l’Ouest fut contrainte de prendre en charge une large part des coûts d’armement et de développement du nouvel État ; avec cela, la probabilité d’un autre confit majeur augmenta, et les perspectives pour les Arabes s’assombrirent encore plus. L’État sioniste était soutenu dans tous les domaines, et les fruits de ce soutien apparurent immédiatement. La mise sous « pression » du gouvernement ouest-allemand dans cette affaire fut le dernier acte marquant de la politique d’État américaine sous la présidence de M. Truman, dont le mandat touchait à sa fin 59.
52. Référence à la réplique de Lady Macbeth dans la pièce de Shakespeare Macbeth, Acte II, scène 2 - NdT (retournez)
53. Réplique de l’usurier juif Shylock dans Le Marchand de Venise de Shakespeare, acte IV, scène 1 - NdT (retournez)
54. Ici, Reed a confondu les dates et les lieux. La conférence de 1939 se tint à Genève, et la conférence de 1946 se tint à Bâle – Note de l’Éditeur (retournez)
55. Après la mort de Forrestal, le 22 mai 1949, la propriété de ses journaux intimes échut à ses exécuteurs testamentaires, et de là, au New York Herald Tribune, qui en acquit les droits pour 100 000 dollars, le 28 septembre 1950. Le New York Herald Tribune autorisa Viking Press à publier ces documents, ce qui fut fait en 1951, sous le titre The Forrestal Diaries (Le journal de Forrestal – NdT]. Une partie de cet ouvrage de 581 pages, qui fut édité par Walter Millis, éditorialiste au New York Herald Tribune, en collaboration avec l’assistant de Forrestal, Eugene Duffied, fut publié sous forme d’épisodes dans le New York Herald Tribune et dans d’autres journaux. Un extrait fut également publié dans le magazine Life. La propriété du document passa du New York Herald Tribune à l’Université de Princeton, où Forrestal étudia. La transaction eut lieu le 29 décembre 1952, grâce au financement provenant de Clarence Dillon et Laurance Rockefeller. L’acquisition des journaux intimes coïncida avec une donation à l’université de Princeton de la part, de la part de l’épouse de Forrestal et de ses deux fils, d’un volume encore plus important de documents personnels, qui, comme ses journaux intimes, concernaient les années au cours desquelles Forrestal avait été ministre de la Marine et ministre de la Défense. L’acquisition de ces documents par Princeton entraîna également des négociations avec le gouvernement des États-Unis, qui avait contrôlé l’édition publiée et avait insisté pour conserver un droit de regard sur les originaux pendant une durée de 25 ans, craignant qu’ « un accès illimité à ces documents à l’époque actuelle ou dans un futur proche par des personnes non accréditées, ou la divulgation de leur contenu, pourraient représenter une menace pour la sécurité militaire des États-Unis et pourrait pénaliser sa politique internationale ». Au cours des années suivantes, le ministère de la Défense examina, et, à l’exception de quelques pages, déclassifia les documents - processus terminé le 28 juin 1973. Le 15 mai 1992, tout ce qui était classifié dans ces documents fut rendu public, à l’exception de 10 pages relatives au dossier nucléaire, que le ministère de la Défense avait « temporairement bloqué » conformément à son accord avec l’université de Princeton. La déclassification relativement récente de ces journaux est l’une des deux raisons d’étudier les journaux en eux-mêmes, soit à la Bibliothèque des manuscrits Seeley G. Mudd de l’université de Princeton, soit via les microfilms, plutôt que de s’en tenir auxl Forrestal Diaries. Selon Millis, l’ébauche de cet ouvrage fut « soumise au ministère de la Défense … pour un contrôle de sécurité. Suite à ce contrôle, quelques passages… furent retirés car ils menaçaient directement la sécurité militaire. Une grande partie de l’ouvrage fut condensée, paraphrasée ou dans certains cas totalement retirée, sur le motif que ces informations pourraient gêner la conduite actuelle des relations internationales, et que leur publication ne serviraient donc pas l’intérêt national ». La seconde raison d’étudier les originaux ou les microfilms vient du fait qu’une partie non négligeable du manuscrit ne fut jamais éditée. Selon Millis, « de vastes omissions et de nombreuses sélections sur la majeure partie de l’ouvrage étaient inévitables », étant donné la longueur du document. Cinq types de passages furent retirés, dont les passages uniquement « routiniers, éphémères ou répétitifs », qui furent considérés comme réduisant la clarté et le caractère succinct de l’ouvrage, les références à des sujets qui « ont depuis largement traités », les références à des sujets « qui ne concernaient pas directement Forrestal et qu’il traita de manière superficielle ou fragmentaire dans son journal », et des on-dit concernant certains individus « qui pourraient susciter des problèmes d’éthique voire de diffamation ». À titre d’exemple, le 28 avril 1947 au cours d’un déjeuner de cabinet, le secrétaire d’État George Marshall, tout juste rentré d’une conférence de ministres des Affaires étrangères à Moscou, rapporta que le ministre des Affaires étrangères britannique Ernest « Bevin n’aidait en rien. Sa volubilité rendait les négociations difficiles. À plusieurs reprises, Marshall avait exposé ses arguments et bouclé son exposé, uniquement pour voir ses objectifs contrariés par la tendance au bavardage de Bevin » (page 1601). Les Forrestal Diaries ne mentionnent pas ce passage, ainsi que d’autres qui eurent lieu pendant ce déjeuner de Cabinet, y compris les propres réflexions de Forrestal sur les doubles rôles joués par l’Union soviétique et les États-Unis : « Je rappelai à Marshall la conversation que nous avions eue juste avant qu’il parte, ainsi que mes propres sentiments comme quoi les États-Unis disposaient de tout ce dont le monde avait besoin pour revenir à un état normal, alors que les Russes n’avaient rien – pas de fonds, pas de biens, pas de nourriture. Les seuls produits qu’il étaient en mesure d’exporter étaient le chaos et l’anarchie » (page 1603). D’une manière similaire, une réunion au sujet de l’énergie atomique qui eut lieu le 8 juillet 1947 fut totalement omise dans les Forrestal Diaries, y compris ses propos sur le mécontentement des Britanniques suite à « notre incapacité à leur fournir le savoir-faire industriel nécessaire à la production de la bombe et à l’exploitation en général de l’énergie atomique » (page 1715). Ce sont de très nombreux passages tels que ceux-ci qui font des journaux écrits par Forrestal une source tellement riche pour les chercheurs intéressés par la politique publique américaine pendant une période charnière de l’Histoire du XXe siècle – Note de l’Éditeur. (retournez)
56. Allusion à la réplique de Jésus à Ponce Pilate - Matthieu, XXVII-11 - NdT (retournez)
57. Il fut assassiné par des membres du groupe clandestin juif Lehi. Le Lehi était décrit comme une organisation terroriste par les autorités britanniques, le Yichouv traditionnel et le médiateur des Nations unies, Ralph Bunche. Leurs documentations reconnaissaient cette étiquette et ces actions terrorises tant qu’elles ciblaient des représentants britanniques. Ce groupe est aussi connu sous le nom de groupe Stern (d’après le nom de son premier chef Avraham Stern), une étiquette acusatrice initialement donnée par les Britanniques qui continue à être utilisée dans nombre de récits historiques. Le terme groupe Stern était également utilisé à l’époque. (retournez)
58. L’Appel de Guerre de Begin : Jérusalem. Attaquer les Arabes, frapper un point faible après l’autre, écraser un front après l’autre jusqu’à l’assurance de la victoire… telle était l’essence du discours que M. Menahem Begin, leader du parti Herout, fit la semaine dernière à Jérusalem. Il parla du balcon d’un hôtel surplombant le square Zion, rempli de quelques milliers de personnes. « Nos pertes, en menant une telle action, ne seront pas négligeables, mais en tout cas, elles seront bien moindres que lorsque nous affrontons les armées arabes réunies sur le terrain de bataille », dit-il… « aujourd’hui, nos forces de défense sont plus puissantes que toutes les armées arabes réunies… Moïse a eu besoin de frapper dix fois pour conduire les Israélites hors d’Égypte ; en une frappe, nous pouvons expulser les Égyptiens d’Israël », dit-il, en référence à la Bande de Gaza” (Le Zionist Record de Johannesburg, 20 août 1954). (retournez)
59. En complément de cette affaire ouest-allemande : à Vienne, les grandes puissances occidentales (agissant à cette occasion en parfait accord avec l’État soviétique) en profitèrent pour humilier la petite Autriche (la première victime d’Hitler) en opposant leur véto à une loi
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d’amnistie et de restitution qui aurait pu bénéficier à des non-juifs. Le gouvernement autrichien (supposé être à nouveau « souverain » à ce moment-là) protesta par écrit auprès du Haut-commissaire américain, l’accusant particulièrement de se soumettre aux ordres provenant « d’émigrants autrichiens » qui faisaient partie de son personnel en tant que « conseillers aux affaires juives ». Aucun rapport explicite concernant cet épisode n’atteignit les lecteurs des journaux britanniques ou américains. (retournez)
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