641
2. L’État sioniste
En ces années-là, le petit État improprement nommé «Israël» se
révéla être quelque chose d’unique dans l’histoire. Il était gouverné,
tout comme il fut conçu, installé et en grande partie peuplé, par des
juifs non sémitiques de Russie, de la race des Khazars. Fondé sur une
tradition tribale datant de l’Antiquité, avec laquelle ce peuple ne
pouvait avoir aucun lien de sang imaginable, il développa un
chauvinisme féroce basé sur l’application littérale de la Loi des Lévites
dans l’ancienne Juda. Minuscule, il n’avait pas d’existence en propre
et dès le début vécut seulement des richesses et des armes que ses
puissants sympathisants des grands pays occidentaux pouvaient
soutirer à leurs pays. Pendant ces années, il l’emporta sur les
seigneurs de la guerre les plus belliqueux de l’Histoire, dans des
paroles et des actions guerrières. Dirigé par des hommes de la même
origine que ceux qui exerçaient la terreur en Pologne et en Hongrie, il
menaça quotidiennement les sept peuples sémitiques voisins de la
destruction et de l’asservissement prescrits pour eux dans le
Deutéronome des Lévites.
Il fit cela dans la croyance non dissimulée que son pouvoir dans
les capitales occidentales était suffisant pour dissuader les
gouvernements de ces pays de jamais contredire sa volonté, et pour
ordonner leur soutien en toutes circonstances. Il se comportait comme
si l’Amérique, en particulier, était sa colonie, et les actes de ce pays
se conformaient à cette idée. À l’intérieur de ses frontières, ses lois
contre la conversion et le mariage mixte étaient celles du ô combien
cité Hitler; au-delà de ses frontières s’étendait une horde d’Arabes
indigents, qu’il avait repoussés dans le désert, et dont le nombre
s’éleva, par les naissances, à presque un million au cours de ces huit
ans. Par des massacres et des raids répétés, on rappela à ces
populations, et à leurs hôtes involontaires, que le sort de Deir Yassin
leur pendait au nez aussi: «détruis totalement, homme, femme et
enfant, … ne laisse rien en vie qui respire». Les pays occidentaux, ses
créateurs, murmurèrent des reproches tout en lui envoyant de l’argent
et les moyens nécessaires à la guerre qu’ils prétendaient craindre;
ainsi, comme Frankenstein, ils créèrent l’organisme destructeur qu’ils
ne pouvaient contrôler.
Fondé sur l’imagination, le petit État n’avait pas d’existence réelle,
juste le pouvoir de répandre le malaise de par le monde - qui dès le
moment de sa création n’eut aucun véritable moment de répit pour
sortir de la peur. Il commença à accomplir les paroles de la Promesse
642
ancienne: «À partir d’aujourd’hui, je répandrai la terreur et la crainte
de toi parmi les peuples qui sont sous tous les cieux… [et qui] seront
dans l’angoisse à cause de toi».
Abandonné à ses propres ressources, il se serait effondré, tout
comme le «Foyer National juif» des années de l’entre-deux-guerres se
serait effondré. L’envie puissante de le quitter une fois encore
commença à surmonter l’envie puissante d’y entrer, et cela en dépit du
pouvoir du chauvinisme, qui pendant un temps triomphe de presque
toutes les autres impulsions chez ceux qui y cédent. En 1951, déjà, les
départs auraient dépassé les arrivées, excepté que l’ «ouverture
incroyable» mentionnée plus tôt (New York Herald Tribune, avril 1953)
se fit alors «dans le Rideau de Fer» (où les ouvertures n’ont guère lieu,
à moins d’être intentionnées; l’État communiste révolutionnaire avait
à l’évidence un but calculé en réapprovisionnant l’État sioniste
révolutionnaire avec des habitants à cette période). Néanmoins, en
1952, 13 000 émigrés partirent et seulement 24 470 entrèrent, et en
1953 (la dernière année pour laquelle je possède des chiffres),
l’émigration dépassa l’immigration, selon l’Agence juive. Un certain Dr
Benjamin Avniel, prenant la parole à Jérusalem, dit au mois de juin
que dans les cinq premiers mois, 8500 immigrants étaient arrivés et
25 000 personnes étaient parties.
C’était l’évolution naturelle, si «Israël» était livrée à elle-même,
car elle n’avait rien d’autre à offrir que le chauvinisme. Le portrait des
conditions de vie sur le territoire est donné par les autorités juives. M.
Moshé Smilanski (fort de soixante ans d’expérience en Palestine) écrivit
dans la Jewish Review [NdT: la revue juive] de février 1952:
«Quand le mandat britannique a pris fin, le pays était riche. Les
entrepôts alimentaires, privés et gouvernementaux, étaient pleins et il
y avait un bon stock de matières premières. Le pays avait trente
millions de livres à la Banque d’Angleterre, en plus de fonds
britanniques et américains en grande quantité. La monnaie en
circulation était d’environ trente millions de livres, qui avaient la même
valeur que la livre sterling… Le gouvernement mandataire nous a
laissé un héritage de valeur, le port profond d’Haïfa, deux digues à
Jaffa et Tel Aviv, des chemins de fer, de nombreuses routes et des
bâtiments gouvernementaux de qualité, des terrains d’aviation
militaires et civils très bien équipés, des casernes militaires de qualité
et les raffineries de Haïfa. Les Arabes qui ont fui ont laissé derrière eux
environ cinq millions de dounams de terre cultivable, comprenant des
vergers, des orangeraies, des oliveraies, des vignes et des arbres
fruitiers, environ 75 000 maisons d’habitation en ville, dont certaines
très élégantes, environ 75 000 magasins, usines et biens mobiliers, des
meubles, des tapis, des bijoux, etc. Tout ceci représente de la richesse,
et si nous, en Israël, sommes tombés dans la pauvreté, nous accusons
643
l’excessive centralisation bureaucratique, la restriction de l’entreprise
privée et la promesse d’un régime socialisant pour notre époque».
En avril 1953, M. Hurwitz du Parti révisionniste d’Israël parla,
devant une audience juive à Johannesburg, de la «dégradation» de
l’État sioniste. Il dit qu’il ne pouvait rester aveugle à cette situation
alarmante:
«Économiquement, le pays est au bord de la faillite. L’immigration a
diminué et durant les derniers mois, il y a eu plus de gens qui ont
quitté le pays qu’il n’y en a qui y sont entrés. De plus, nous avons 50
000 chômeurs et des milliers de plus qui sont au chômage partiel».
On pourrait comparer ces deux citations (j’en ai de nombreuses
autres d’une teneur similaire) venant de résidents juifs, à l’image de la
vie en Israël que les populations occidentales recevaient de leurs
hommes politiques. Un certain M. Clement Davies (leader du Parti
libéral britannique - qui avait 401 sièges à la Chambre des communes
en 1906, et 6 sous son leadership, en 1956), devant une audience
juive à Tel Aviv, «salua les progrès en cours dans l’État juif, qui pour
lui semblaient être un miracle de progrès le long de la voie de la
restitution du pays à une terre où coulaient le lait et le miel» (publié
dans le même journal juif que les remarques de M. Hurwitz). À la
même période, M. Franklin D. Roosevelt Junior, en campagne
électorale à New York (où «le vote juif» est considéré comme décisif)
dit: «Israël est une parcelle de vie et d’espoir dans l’océan des
populations arabes grouillantes. Elle «vend la liberté» pour le monde
libre avec plus de succès que toute la propagande que nous avons pu
envoyer des États-Unis d’Amérique».
M. Adlai Stevenson, faisant campagne pour la présidence de 1952,
dit au public sioniste qu’ «Israël a accueilli parmi elle, à bras ouverts
et chaleureusement, tout son peuple en recherche d’un refuge contre
l’adversité… L’Amérique ferait bien de prendre exemple, concernant
ses propres politiques d’immigration, sur la générosité de la nation
d’Israël, et nous devons oeuvrer dans ce but» (la seule signification
possible à cela est que le peuple américain devrait être chassé des
États-Unis et qu’on devrait rendre leurs terres aux Indiens nordaméricains).
Un autre aspirant à la présidence, un certain M. Stuart
Symington, dit qu’«Israël est un exemple de la manière dont la
détermination, le courage et l’action constructive peuvent finir par
l’emporter, pour les idéaux démocratiques, au lieu d’abandonner le
terrain à l’impérialisme soviétique» (à environ la même période, les
professeurs de l’État israéliens étaient en train de chanter le Drapeau
Rouge [l’hymne du parti travailliste - NdT] par décret gouvernemental,
le Premier Mai, tandis que les politiciens de Washington et de Londres
fulminaient contre «l’antisémitisme derrière le Rideau de Fer»).
644
Face à l’inversion prolongée de la vérité par les hommes politiques
de tous les partis d’Amérique et d’Angleterre, seules des protestations
juives - comme dans les décennies précédentes - se firent entendre
(pour la raison donnée auparavant, qui est que l’on empêcha
efficacement les écrivains non-juifs de publier de telles protestations).
M. William Zukerman écrivit:
«La théorie généralement acceptée selon laquelle l’émergence de
l’État d’Israël servirait à unifier et à cimenter le peuple juif s’est
révélée fausse. Au contraire, le Congrès» (le Congrès sioniste de
Jérusalem, 1951) «a démontré de manière dramatique que la
création d’un État politique juif après deux mille ans a introduit une
nouvelle et puissante distinction, que les juifs en tant que groupe
n’ont pas connue depuis des siècles, et qu’il est probable qu’Israël
séparera plutôt qu’elle n’unira les juifs à l’avenir… D’une façon
quelque peu mystique, Israël est censée avoir une juridiction unique
sur les dix à douze millions de juifs qui vivent dans tous les pays du
monde en dehors d’Israël… Elle doit continuer à s’agrandir en
important des juifs du monde entier, peu importe s’ils vivent heureux
dans leur pays actuels… Les juifs qui vivent dans ces pays depuis
des générations et des siècles, doivent selon cette théorie être
«rachetés» de «l’exil» et amenés en Israël par un procédé
d’immigration de masse… Les leaders israéliens de tous les partis,
depuis l’extrême droite jusqu’à l’extrême gauche, y compris le Premier
ministre Ben Gourion, ont commencé à exiger que les juifs
américains, et particulièrement les sionistes, tiennent leurs
engagements envers l’ancienne patrie, quittent «l’exil» américain et
s’installent en Israël, ou au moins y envoient leurs enfants… Le
Congrès de Jérusalem a officiellement marqué la fin de la gloire du
sionisme américain et l’inauguration d’une période d’intense
nationalisme moyen-oriental… façonné sur le modèle de feu Vladimir
Jabotinsky, qui rêva d’un grand État juif sur les deux rives du
Jourdain, pour y inclure tous les juifs et pour devenir la plus grande
puissance militaire du Proche-Orient».
M. Lessing J. Rosenwald protesta de façon similaire:
«Nous déclarons notre invariable opposition à tous les programmes
destinés à transformer les juifs en un bloc nationaliste aux intérêts
particuliers dans l’État étranger d’Israël. La politique dictée par M.
Ben Gourion pour le sionisme américain encourage les sionistes à
intensifier leurs efforts pour organiser les juifs américains en bloc de
pression politique indépendant, aux États-Unis. Ce programme est
destiné à transformer les juifs américains en colonie spirituelle et
culturelle d’un État étranger… Nous pensons que le nationalisme
«juif» est une distorsion de notre foi, la réduisant, depuis des
dimensions universelles, aux dimensions d’une secte nationaliste».
Les protestations juives, c’était tout naturel, étaient suscitées par
la crainte de l’effet du sionisme, en tant que générateur de discorde,
sur les juifs. Cela n’était qu’un aspect infime du problème: le véritable
645
danger du sionisme se trouvait dans sa capacité à diviser les nations
du monde entre elles et à les amener à entrer en collision, catastrophe
dans laquelle les grandes populations de l’humanité seraient
impliquées dans une proportion de cent ou d’un millier pour chaque
juif.
Décrire cette évidente probabilité était une hérésie dans les
années 1950, et les protestations non-juives restèrent impubliées,
tandis que les protestations juives furent inefficaces. En 1953, le
journal juif de New York, Commentary, fut ainsi en mesure d’annoncer
que la catastrophe prévisible s’était rapprochée un peu plus, en ces
termes: «La survie et la consolidation d’Israël sont devenues un
élément définitif de la politique étrangère des États-Unis et aucun
résultat ou changement électoral n’affecteront cela».
Voilà, une fois encore, la mystérieuse référence à un pouvoir
supérieur à tous les présidents, Premiers ministres et partis sur
lesquels j’ai attiré l’attention plus haut. C’est ce que M. Léopold Amery,
l’un des ministres britanniques responsables de la Palestine durant la
période de l’entre-deux-guerres, dit un jour: La politique est fixée et ne
peut changer. Le secret intime de toute l’affaire est contenu dans ces
affirmations menaçantes, dans lesquelles l’accent d’autorité et de
connaissance supérieure est clair. Elles sont laconiques, mais
spécifiques et catégoriques, et expriment la certitude que l’Occident ne
peut, et ne voudra se retirer du jeu de l’ambition sioniste en aucune
circonstance. La certitude doit reposer sur quelque chose de plus solide
que les menaces, ou même la capacité à influencer «le vote juif» et la
presse publique d’une façon ou d’une autre. Le ton est celui de maîtres
qui savent que les galériens doivent faire ce qu’on leur ordonne parce
qu’ils sont enchaînés et ne peuvent s’échapper.
Le New York Times, dont j’estime qu’il s’exprime avec autorité au
nom du «pouvoir juif» dans le monde, a souvent fait allusion à cette
secrète entente, ou capitulation, ou quoi que cela puisse être dans sa
nature: par exemple, «En essence, le soutien politique que l’État
d’Israël a aux États-Unis rend toute décision antagoniste aux intérêts
israéliens impossible à envisager pour une administration américaine»
(1956).
Si cela fait juste allusion au contrôle de la machine électorale, cela
veut dire que la méthode de gouvernement parlementaire par les
«élections libres» a été complètement falsifiée. À mon avis, c’est le cas
en Occident en ce qui concerne le présent siècle.
Cette situation en Occident seul a permis au nouvel État de
survivre. Il a été maintenu en vie par des infusions d’argent venu
d’Amérique. Commentary (cité plus haut) a déclaré qu’en juin 1953,
l’aide totale du gouvernement des États-Unis à Israël s’élevait à
646
$ 293 000 000 avec un supplément de $ 200 000 000 sous forme de
prêts bancaires Import-Export. Le représentant du programme
d’«assistance technique» du président Truman à Jérusalem déclara
(octobre 1952) qu’Israël avait reçu la plus grosse part d’entre tous les
pays du monde, proportionnellement à sa population, et plus que tous
les États du Moyen-Orient additionnés. Le New York Herald-Tribune (12 mars 1953) dit que le montant total d’argent américain, y compris
les prêts et les cadeaux personnels, se monta à «plus de
$ 1 000 000 000 durant les cinq premières années de l’existence
d’Israël», qui ainsi, ajouta le journal, fut «assurée». En plus de tout
cela, vint le tribut annuel allemand - soutiré par le gouvernement
américain - de 520 000 000 livres israéliennes. Je n’ai pu trouver les
chiffres officiels pour le total cumulé jusqu’en 1956; le délégué syrien
aux Nations unies, après l’une des attaques sionistes de cette année, a
dit que «depuis 1948, un flot de $ 1 500 000 000 coule des États-Unis
jusqu’en Israël sous forme de contributions, de subventions, de bons
et de prêts» (même ce chiffre exclue les paiements allemands et autres
formes de tributs occidentaux).
On n’a jamais vu rien de tel dans le monde auparavant. Un État
financé ainsi depuis l’étranger peut bien se permettre (financièrement)
d’être belliqueux, et l’attitude menaçante du nouvel État n’a été rendue
possible que par cet afflux massif d’argent occidental, principalement
américain. Assuré de ce soutien financier sans réserve et d’un soutien
politique à Washington qui ne pouvait changer, le nouvel État mit en
oeuvre son ambition grandiose: restaurer dans sa pleine puissance, au
XXe siècle de notre ère, la «Nouvelle Loi» promulguée par les Lévites
dans le Deutéronome en 621 av. J.-C. Tout ce qui viendrait serait
«l’accomplissement» de cela; les Khazars mongols devaient voir que
Jéhovah honorerait son contrat, tel que les Lévites l’avaient publié. Et
ce qui suivit fut en fait un acompte provisionnel sur cet
«accomplissement»; la vision des «païens» amenant les trésors
terrestres à Jérusalem commença à devenir réalité, sous forme
d’argent américain, de tribut allemand et du reste.
Avec un porte-monnaie ainsi bien rempli, le petit État commença
à poursuivre le fantasme d’un «accomplissement» entier et littéral, qui
est de voir, au moment de la fin miraculeuse, tous les grands de la
terre rabaissés, Sion toute-puissante et tous les juifs «rassemblés». Il
rédigea la charte de ce «rassemblement»: la «loi de la nationalité»,
qui rendait israéliens tous les résidents juifs de l’État sioniste, et la
«loi du retour», qui revendiquait Israël pour tous les juifs partout
dans le monde - et dans les deux cas, qu’ils le veuillent ou non.75
647
Telles étaient les lois qui, telles des fantômes issus des ghettos
disparus, alarmèrent M. Zukerman et M. Rosenwald. Elles expriment
la plus grande ambition jamais proclamée par aucun État dans
l’histoire, et le Premier ministre, un certain M. Ben Gourion de Russie,
fut explicite à ce sujet en de nombreuses occasions, par exemple dans
son message du 16 juin 1951 aux sionistes d’Amérique: «Une
opportunité rare a été donnée à notre organisation pour ouvrir la voie
à un mouvement sioniste unificateur et uni qui se tiendra à la tête de
la communauté juive américaine, à la grande époque qui s’ouvre au
peuple juif avec l’établissement de l’État et le début du rassemblement
des exilés à l’intérieur de ce dernier». Le rabbin Hillel Silver, proche
collaborateur du président Eisenhower, exprima la satisfaction
particulière que «M. Ben Gourion accepte maintenant la vision que les
tâches principales du mouvement sioniste, c’est le cas jusqu’à
maintenant, incluent le programme complet et non tronqué du
sionisme». À New York, en juin 1952, M. Ben Gourion fut plus
explicite: «L’État juif n’est pas l’accomplissement du sionisme… Le
sionisme englobe tous les juifs en tous lieux». Le second président
d’Israël, M. Ben Zvi, lors de son investiture en décembre 1952, dit:
«Le rassemblement [en Israël] des exilés demeure toujours notre tâche
centrale et nous ne reculerons pas… Notre tâche historique ne sera
pas accomplie sans l’assistance de la nation entière en Occident et en
Orient».
Le monde aurait lancé un concert de protestations si un kaiser ou
un Hitler avait dit de telles choses. L’ambition exprimée par des
paroles telles que «le programme complet et non tronqué du
sionisme» est en fait illimitée, car c’est le programme politique
contenu - sous l’apparence d’un contrat avec Jéhovah - dans la Torah:
la domination mondiale des «païens», exercée depuis un empire
s’étendant du Nil à l’Euphrate. Le soutien des gouvernements
occidentaux a amené à la réalité ce qui autrement serait la prétention
la plus absurde de toute l’histoire.
Que les hommes politiques occidentaux comprissent la pleine
signification de ce qu’ils faisaient sembla impossible jusqu’en 1953,
lorsqu’une déclaration fut faite qui sous-entendait cette pleine
compréhension. En mai 1953, M. Winston Churchill, alors Premier
ministre britannique, se disputait avec le Premier ministre égyptien à
propos du canal de Suez et le menaça, non pas de châtiment
britannique mais de châtiment juif. Il parla, au Parlement, de l’armée
648
israélienne comme de «la meilleure du Levant» et dit que «rien de ce
que nous ferons dans l’approvisionnement en avions de cette partie du
monde ne permettra qu’Israël soit placée en position désavantageuse».
Puis il ajouta, dans des termes très analogues à ceux de M. Ben
Gourion et du rabbin Hillel Silver, qu’il «attendait l’accomplissement
des aspirations sionistes».
En aparté, voilà probablement l’engagement le plus grand jamais
pris par un chef de gouvernement au nom d’une nation peu
soupçonneuse. Le Parlement israélien fit immédiatement part de sa
satisfaction concernant «l’attitude amicale de M. Churchill envers le
gouvernement israélien actuellement, et envers le mouvement sioniste
durant toute son existence». Le public d’Angleterre lut ces mots sans
comprendre, si jamais il les lut. Ils stupéfièrent de nombreux juifs,
parmi lesquels même M. A. Abrahams, qui en révisionniste au long
cours aurait pu, logiquement, être ravi (les révisionnistes poursuivent
ouvertement l’ambition de feu M. Jabotinsky d’«un grand État juif sur
les deux rives du Jourdain, pour y inclure tous les juifs et pour
devenir la plus grande puissance militaire du Proche-Orient» - M.
William Zukerman).
M. Abrahams demanda avec étonnement, et même avec un
soupçon d’inquiétude, si les paroles de M. Churchill étaient vraiment
sincères, disant: «Le Premier ministre est un vieil étudiant de la
Bible; il sait très bien que les aspirations sionistes demeure[rero]nt
inaccomplies jusqu’à ce qu’Israël soit pleinement rétablie à l’intérieur
des frontières historiques, la terre des Dix Tribus».
Cette «aspiration», bien-sûr, ne peut être «accomplie» sans
guerre universelle, et c’est manifestement la raison pour laquelle M.
Abrahams fut interloqué, et presque atterré. Les paroles de M.
Churchill, si elles étaient réfléchies et délibérément intentionnées,
signifiaient le soutien à l’ambition grandiose dans toute sa littéralité, et
le prix ultime de cela ne pouvait être que l’extinction de «l’Occident»
tel qu’on l’a toujours connu.76
649
L’événement du 30 octobre 1956 (bien qu’il fut ordonné par
l’héritier désigné de Sir Winston) semble montrer que les paroles de M.
Churchill au mois de mai 1953, avec tout ce qu’elles présageaient pour
son pays, étaient prononcées sérieusement. Si l’Occident, tel que ces
paroles le laissaient à entendre, était secrètement employé à «l’accomplissement [inconditionnel] des aspirations sionistes», cela
pouvait seulement signifier une guerre plus importante que l’Occident
ait encore jamais subie, dans laquelle ses armées joueraient le rôle de
650
pions dans un jeu désastreux, dans le but de diviser les peuples
chrétiens, d’écraser les peuples musulmans, d’installer l’empire
sioniste, et ensuite de servir de janissaires à ce dernier. Dans ce grand
jeu risqué, on attendrait des juifs partout dans le monde, de quelque
côté de l’apparente ligne de combat qu’ils se trouvassent, qu’ils
agissent dans l’intérêt primordial de Sion, selon la «loi du retour». On
peut avoir une idée de ce que cela pouvait signifier dans un article
publié dans le Jewish Herald de Johannesburg le 10 novembre 1950, à
propos d’un épisode secret de la Seconde Guerre. Selon cet article,
quand la production d’armes atomiques démarra, «une proposition fut
faite au Dr Weizmann de rassembler quelques-uns des scientifiques
juifs les plus éminents afin d’établir une équipe qui négocierait avec
les alliés dans l’intérêt de la communauté juive… J’ai vu le projet
dessiné dans ses grandes lignes et soumis au Dr Weizmann par un
scientifique qui avait lui-même atteint une certaine renommée dans le
domaine de l’invention militaire».
La menace est claire, avec de telles paroles. Quant à «l’accomplissement des aspirations sionistes», par ces moyens ou
d’autres, le Dr Nahum Goldman, leader de l’Organisation sioniste
Mondiale, fit une déclaration significative devant une audience juive à
Johannesburg en août 1950. Décrivant une interview avec M. Ernest
Bevin, alors ministre des Affaires étrangères, le Dr Goldman dit: «Ce
minuscule pays (Israël) est un pays vraiment unique, sa position
géographique est unique. Du temps où M. Bevin tentait d’obtenir l’État
juif avec le consentement du gouvernement britannique, et au cours
de l’une des discussions privées que j’eus avec lui, il dit: «Est-ce que
vous savez ce que vous êtes en train de me demander? Vous êtes en
train de me demander de vous donner la clé de l’une des régions les
plus vitales et stratégiques au monde.» Et j’ai répondu: «Il n’est écrit
ni dans le Nouveau ni dans l’Ancien Testament que c’est la Grande-
Bretagne qui doit avoir cette clé».
M. Churchill, si ses paroles étaient pleinement intentionnelles,
était apparemment prêt à tendre la clé, et après la mort de M. Bevin,
tous les autres à Washington et Londres semblaient tout aussi prêts.
Les effets sont déjà clairement visibles et prévisibles, et ces effets ne
peuvent plus être excusés par le hasard. Ici, un grand projet s’avance
clairement vers son accomplissement ou son fiasco, avec les grandes
nations d’Occident faisant office d’escorte armée et elles-mêmes
assurées d’être humiliées si ce projet réussit; elles ressemblent à un
homme qui prend un travail à la condition que son salaire baissera si
l’entreprise prospère.
À chacune de ses étapes de mauvais augure, cette aventure a été
discutée en tant que projet parmi les initiés. J’ai précédemment cité les
paroles de Max Nordau au sixième Congrès sioniste de 1903:
651
«Laissez-moi vous montrer les barreaux d’une échelle qui mène
toujours plus haut… la prochaine guerre mondiale, la conférence de
paix où, avec l’aide de l’Angleterre, une Palestine libre et juive sera
construite.»
Vingt-cinq ans plus tard, un sioniste important en Angleterre,
Lord Melchett, parla sur le même ton de la connaissance secrète aux
sionistes de New York: «Si je m’étais tenu là en 1913 et que je vous
avais dit «Venez à une conférence pour discuter de la reconstruction
d’un foyer national en Palestine», vous m’auriez regardé comme un
rêveur oisif, même si je vous avais dit en 1913 que l’archiduc
d’Autriche serait tué et que de tout ce qui suivrait viendrait la chance,
l’opportunité, l’occasion d’établir un foyer national pour les juifs, en
Palestine. Ne vous êtes vous jamais dit combien il était remarquable
que du bain du sang mondial, cette opportunité soit née? Croyez-vous
vraiment que nous ayons été ramenés en Israël par un simple coup de
chance?» (Jewish Chronicle, 9 novembre 1928).
Aujourd’hui, la Troisième Guerre mondiale, si elle arrive, ne sera
de toute évidence pas un «coup de chance»; la succession de causes
menant aux conséquences, et l’identité du pouvoir contrôlant, ont été
rendues visibles par l’écoulement fluide du temps. Trente et un ans
après la déclaration impériale de Lord Melchett, je me trouvais par
hasard (février 1956) en Caroline du Nord, et seulement grâce à ce
hasard - et le journal local - j’ai été mis au courant d’un commentaire
dans la même veine, apparemment inspiré d’une source olympienne
similaire, à propos de la troisième guerre. M. Randolf Churchill, le fils
de Sir Winston, était à cette période en visite chez l’ami de sa famille,
M. Bernard Baruch, dont la résidence est la baronnie de Little Hobcaw
en Caroline du Sud. En sortant de son entrevue avec cette autorité, M.
Randolph Churchill déclara (Associated Press, 8 fév. 1956) que «la
situation tendue du Moyen-Orient pourrait éclater en conflit armé à
tout moment. Mais je ne pense pas que la civilisation va aller en
trébuchant vers la prochaine guerre… La Troisième Guerre mondiale, si
elle arrive, sera froidement calculée et planifiée plutôt qu’accidentelle».
En arrière plan de «l’accomplissement» (le paiement du tribut par
les grandes nations du monde et la déclaration que tous les juifs du
monde étaient ses sujets), le nouvel État donna la garantie de son
intention de rétablir les «frontières historiques» par la parole et l’acte.
Aucun «belliciste» occidental n’utilisa jamais de tels termes. M. Ben
Gourion proclama (Johannesburg, Jewish Herald, 24 déc. 1952)
qu’Israël «ne permettrait sous aucune condition le retour des
émigrants arabes» (les habitants d’origine). Quant à Jérusalem (divisée
entre les sionistes et les Jordaniens pendant «l’internationalisation»
sous l’administration des Nations unies), «pour nous, l’avenir de cette
ville est aussi fixé que celui de Londres, en dépit de ses frontières
652
ridicules; ce ne peut être un problème pour les négociations». Les
«exilés» à l’étranger devaient être «rassemblés» au rythme de «quatre
millions d’immigrants les dix prochaines années» (le ministre des
Affaires étrangères, M. Moshé Sharett, juin 1952) ou «dans les dix à
quinze prochaines années» (déclara-t-il à une autre occasion).
Deux guerres mondiales avaient été nécessaires pour mettre en
place «le foyer national» et l’«État», successivement, et pour y faire
entrer quelque 1 500 000 juifs. Ces indices signifiaient une autre
guerre mondiale dans les quinze ans au plus tard, car par aucun autre
moyen autant de juifs ne pouvaient être arrachés aux pays où ils
vivaient. Quant au coût de leur transfert, M. Ben Gourion dit que cela
coûterait entre 7000 et 8000 millions de dollars (aux taux actuels,
équivalant à la totalité de la dette nationale italienne, et environ cinq
fois la dette nationale britannique en 1914) et il se «tournait vers la
communauté juive américaine pour fournir cet argent». De toute
évidence, même la communauté juive américaine ne pouvait trouver
pareilles sommes; elles ne pouvaient être obtenues que des
contribuables occidentaux.
Tout ce qui était dit était donc une menace de guerre aux Arabes
voisins, et cela avait un sens spécial quand c’était dit (et cela le fut
souvent) par M. Menahem Begin, chef du groupe d’«activistes», ou de
tueurs, qui avait perpétré le massacre de Deir Yassin. Officiellement
désavoués à l’époque, ils avaient été honorés dans le nouvel État et
avaient formé un parti politique majeur, le Hérout, à son Parlement .
Par conséquent, les Arabes savaient exactement de quoi ils étaient
menacés quand M. Begin leur parlait.
Je vais donner un exemple typique. En mai 1953, il menaça le Roi
de Jordanie, âgé de 18 ans au moment de son couronnement, de mort
sous la Loi du Deutéronome (qui guida l’acte de Deir Yassin). Prenant
la parole lors d’un rassemblement de masse dans la partie sioniste de
Jérusalem, à un jet de pierres des frontières jordaniennes, M. Begin
dit: «À cette heure, un couronnement est en train d’avoir lieu, celui
d’un jeune Arabe, en tant que Roi de Gilead, Bashân, Naplouse,
Jéricho et Jérusalem. Le moment est approprié pour déclarer à ses
oreilles et à celles de ses maîtres: «Nous reviendrons, et la ville de
David sera libérée".»
L’allusion, obscure pour les lecteurs occidentaux et explicite pour
n’importe quel Arabe ou Juif, se réfère à un verset du troisième
chapitre du Deutéronome: «Le Roi de Bashân sortit se battre contre
nous… Et l’Éternel me dit, Ne le crains pas: car je le livre entre tes
mains, lui et tout son peuple, et son pays… Et l’Éternel, notre Dieu,
livra encore entre nos mains Og, roi de Bashân, avec tout son peuple;
nous le battîmes, sans laisser échapper aucun de ses gens… Et nous
653
les détruisîmes totalement… détruisant totalement les hommes, les
femmes et les enfants».
Ces menaces eurent une signification fatale pour les foules de
fugitifs arabes rassemblées au-delà des frontières. Selon le récit de M.
Henry R. Labouisse - Directeur de l’Office de secours et de travaux des
Nations unies pour les réfugiés de Palestine - en avril 1956, il y avait
plus de 900 000 [réfugiés arabes]: 499 000 en Jordanie, 88 000 en
Syrie, 103 000 au Liban et 21 000 en Égypte (dans la région de Gaza).
Les menaces de M. Begin les maintinrent dans la perspective
constante d’une nouvelle fuite, ou tentative de fuite, dans un désert
plus reculé, toujours plus inhospitalier. Puis les paroles furent
concrétisées par les actes; une longue série de raids et de massacres
locaux symboliques furent perpétrés, pour leur montrer que le sort de
Deir Yassin leur pendait vraiment au nez.
Cela commença le 14 octobre 1953, quand une force puissante
traversa soudainement la frontière jordanienne, assassina chaque être
vivant à Qibya et détruit ce village; soixante-six victimes, la plupart
des femmes et des enfants, retrouvés massacrés. Les 499 000 Arabes
réfugiés en Jordanie en tirèrent les conclusions naturelles.
L’archevêque de York dit que le monde civilisé était «horrifié», que «le
vote juif à New York avait un effet paralysant sur les Nations unies
dans son traitement de la Palestine», et qu’à moins que des mesures
énergiques ne soient prises, «le Moyen-Orient s’embrasera». Le
Conseil des députés des juifs britanniques qualifia cette déclaration de
«provocatrice et [de] partiale»; le maire de New York (un certain M.
Robert Wagner) dit qu’il était «choqué», et que «le bon archevêque ne
connaît manifestement pas bien la scène américaine». Les Nations
unies condamnèrent timidement Israël.
Le 28 février 1955, une force puissante israélienne pénétra dans
la région de Gaza («accordée» aux Arabes par les Nations unies en
1949, et sous occupation miliaire égyptienne) où 215 000 réfugiés
arabes se lamentaient «dans une misère noire le long d’une bande
étroite de littoral aride, aux deux-tiers des dunes de sable» (Sir
Thomas Rapp, The Listener, 6 mars 1955). 39 Égyptiens furent tués
ainsi qu’un nombre non précisé de réfugiés arabes, qui alors, en signe
de protestation désespérée contre leur sort, brûlèrent cinq centres de
secours des Nations unies, et avec eux leurs propres maigres rations.
La Commisssion mixte d’armistice condamna Israël pour «agression
brutale» dans «une attaque préparée à l’avance et planifiée».77
654
L’affaire fut ensuite portée au Conseil de sécurité des Nations
unies lui-même, qui par vote unanime de onze pays condamna Israël.
Le délégué des États-Unis dit que c’était le quatrième cas similaire et
«le plus grave à cause de son évidente préméditation»; le délégué
français dit que la résolution devrait servir de «dernier avertissement» à Israël (un avertissement qui reçut un post-scriptum sous forme de
complicité française dans l’attaque israélienne de l’Égypte vingt mois
plus tard).
Le 8 juin 1955, l’U.N.M.A.C. condamna Israël pour une autre
«violation flagrante de l’armistice» quand les troupes israéliennes
traversèrent Gaza et tuèrent plusieurs Égyptiens. La seule
conséquence apparente de cette condamnation fut que les Israéliens
arrêtèrent aussitôt six observateurs militaires des Nations unies et
trois autres membres de l’équipe du chargé de surveillance de la trêve
aux Nations unies (le général de division E.L.M. Burns, du Canada)
avant d’attaquer à nouveau dans Gaza, tuant 35 Égyptiens (Time,
septembre 1955). Le même mois de septembre 1955, dans une
interview, M. Ben Gourion dit qu’il attaquerait l’Égypte «d’ici un an»
(l’attaque se produisit en octobre 1956) si le blocus du port israélien
d’Eilat sur le golfe d’Aqaba n’était pas levé.
Le Conseil de sécurité des Nations unies semblait appréhender de
«condamner» cette nouvelle attaque (la campagne pour les élections
présidentielles américaines venait de commencer) et proposa
simplement que les Israéliens et les Égyptiens se replient de 500
mètres chacun, laissant une zone démilitarisée - une proposition que
les Égyptiens avaient déjà faite en vain. Puis, le 23 octobre 1955, le
général Burns «condamna Israël» pour une «attaque bien planifiée»
en Syrie, où plusieurs Syriens furent kidnappés et les observateurs du
général Burns furent à nouveau empêchés, de par leur détention,
d’observer ce qui se passait. Le 27 octobre 1955, M. Moshé Sharett, le
ministre des Affaires étrangères, dit à des correspondants de presse à
Genève qu’Israël mènerait une «guerre préventive» contre les Arabes
si cela était nécessaire. Le 28 novembre 1955, l’Organisation sioniste
d’Amérique annonça dans les journaux importants (par publicité
payante) que «la Grande-Bretagne, elle aussi, a rejoint le camp des
ennemis d’Israël»; Sir Anthony Eden, qui dans l’année devait se
655
joindre à l’attaque israélienne, eut à ce moment l’idée d’apporter des
rectifications mineures aux frontières.
Le 11 décembre 1955, les Israéliens attaquèrent la Syrie en force
et tuèrent 56 personnes. Cela déclencha la «condamnation» la plus
forte des Nations unies, qui comporte un intérêt historique parce que
l’année de l’élection présidentielle était commencée et la
«condamnation» pour quelque motif que ce soit devint bientôt
indésirable. Le délégué syrien fit remarquer que des condamnations
répétées «n’ont pas dissuadé Israël de commettre l’attaque criminelle
que nous examinons actuellement». Le Conseil de sécurité (12 juin
1956) rappela quatre résolutions antérieures de condamnation et
condamna l’attaque en tant que «violation flagrante… des termes de
l’accord d’armistice général entre Israël et la Syrie et des obligations
d’Israël selon la Charte» et entreprit de «considérer quelles mesures
supplémentaires» il devrait prendre si Israël continuait à se conduire
ainsi.
La réponse à cela fut qu’Israël demanda impérieusement d’obtenir
plus d’armes. M. Ben Gourion (à Tel Aviv, le 18 mars 1956) dit que
seul la remise rapide d’armes pourrait empêcher «une attaque arabe»
et ajouta que «les agresseurs seraient le dictateur égyptien Nasser»
(sept mois plus tôt, M. Ben Gourion avait entrepris d’attaquer l’Éypte
«d’ici un an») «et ses alliés, la Syrie et l’Arabie Saoudite». Le 5 avril
1956, alors que le Conseil de sécurité des Nations unies était sur le
point d’envoyer son secrétaire général, M. Dag Hammarskjold, en
«mission de paix» au Moyen-Orient, l’artillerie israélienne bombarda
la région de Gaza, tuant 42 et blessant 103 civils arabes, pratiquement
la moitié étant des femmes et des enfants.
Le 19 juin, M. Ben Gourion renvoya M. Sharett du ministère des
Affaires étrangères en faveur de Mme Golda Meirson (maintenant Meir,
et venant également de Russie) et le New York Times rapporta de
manière significative que cela pourrait dénoter le passage de la
«modération» à l’«activisme» (M. Sharett, comme le Dr Weizmann et
le Dr Herzl avant lui, s’étant attiré le reproche d’être modéré). Le
problème en question était celui qui mena à la déconvenue du Dr
Weizmann au Congrès sioniste de 1946, où «l’activisme» l’emporta et
le Dr Weizmann vit la résurgence du «mal ancien, sous une forme
nouvelle et horrible». «L’activisme» fut toujours, depuis l’ancien
temps en Russie, un euphémisme pour la violence sous forme de
terreur et d’assassinat. Dès le moment où ce mot réapparut dans les
journaux, l’étudiant du sionisme sut à quoi s’attendre avant la fin de
l’année.
Le 24 juin 1956, les Israéliens ouvrirent le feu au-delà de la
frontière jordanienne et l’U.N.M.A.C. condamna Israël. Là-dessus,
Israël insista sur le retrait du Membre de la Commission des Nations
656
unies (un officier naval américain, le commandant Terrill), dont la voix
prépondérante avait décidé de la question, et le général Burns se
soumit - le remplaçant par un officier canadien. Les observateurs de
l’ONU étaient mis dans la même position que les administrateurs
britanniques des années de l’entre-deux guerres; ils ne pouvaient
compter sur le soutien de leurs gouvernements d’origine. Ils avaient
constamment le rappel sous les yeux (le village Wingate en Israël) que
l’avancement et la promotion, en Palestine, étaient les récompenses
pour la trahison, et non le devoir. Deux ans plus tôt, un autre
observateur américain, le commandant E.H. Hutchinson, avait voté
contre la condamnation de la Jordanie et avait été destitué lorsque les
Israéliens avaient, suite à cela, boycotté la Commission. De retour en
Amérique, il écrivit un livre sur cette période au Moyen-Orient, livre
dont la valeur historique est permanente. Comme tous les honnêtes
hommes avant lui, il rapporta que la seule façon de sortir de cette
confusion était d’établir le droit des Arabes expulsés à revenir chez
eux, d’admettre que les lignes de démarcation de l’armistice de 1949
n’étaient que provisoires (et non des «frontières»), et
d’internationaliser la ville de Jérusalem afin qu’elle ne devienne pas la
scène d’une bataille mondiale.
Le 24 juillet 1956, deux observateurs militaires de l’ONU et un
officier jordanien du M.A.C. (Military Armistice Commission - NdT)
furent soufflés par des mines sur le Mont Scopus qui, expliquèrent
platement les sionistes, faisaient partie d’«un vieux champ de mines
israélien». Deux colonels égyptiens, qui selon selon les sionistes
faisaient partie des services de renseignements égyptiens, furent tués
par des «lettres piégées» reçues par la poste (cette méthode avait été
utilisée dix ans plus tôt contre un officier britannique en Angleterre, le
capitaine Roy Farran, qui avait servi dans les renseignements en
Palestine et s’était attiré l’hostilité des sionistes; son frère, dont
l’initiale du prénom était aussi un R., ouvrit le colis et fut tué). Le 29
juillet 1956, un observateur de la trêve à l’ONU, un Danois, fut tué par
une mine ou une bombe près de la bande de Gaza et deux autres
personnes furent blessées par des tirs au fusil. «L’activisme»
commençait à faire des victimes par la méthode des assassinats,
comme aux époques précédentes.
Le 28 août 1956, Israël fut à nouveau condamnée par le M.A.C.
pour «violation grave de l’armistice». La condamnation fut suivie
d’une autre attaque israélienne (12 sept.), où une force militaire
puissante pénétra en Jordanie, tua quelque vingt Jordaniens et fit
exploser un poste de police à Al-Rahwa. Le général Burns protesta que
de tels actes «ont été condamnés à plusieurs reprises par le Conseil de
sécurité des Nations unies», sur quoi immédiatement après (14 sept.),
une autre force puissante attaqua la Jordanie, tuant entre vingt et
trente Jordaniens à Gharandai. Le ministère des Affaires étrangères
657
britannique (la Grande-Bretagne avait une alliance avec la Jordanie)
exprima son «fort mécontentement», sur quoi le Conseil des députés
des juifs britanniques l’attaqua pour cette «déclaration tendancieuse».
Le 19 septembre, le M.A.C. «condamna» à nouveau Israël pour des
«actes hostiles et belliqueux» (ces deux attaques furent menées
apparemment dans une intention symbolique, le moment choisi étant
durant la période du Nouvel An juif), et le 26 septembre, la
Commission «condamna» Israël expressément pour l’attaque du 12
septembre.
La réponse immédiate à cette condamnation particulière fut une
annonce officielle à Jérusalem, le même jour (26 sept.), comme quoi la
plus grosse attaque jusqu’à ce jour avait été menée par l’armée
régulière israélienne, en force, envers un poste jordanien à Husan, où
quelque 25 Jordaniens avaient été tués, parmi lesquels un enfant de
douze ans. Le M.A.C. répondit (4 oct.) par sa «condamnation» la plus
sévère, pour une «agression planifiée sans provocation». La réplique
fut une autre attaque (10 oct.), plus grosse, avec de l’artillerie, des
mortiers, des bazookas, des torpilles Bangalore et des grenades. Par la
suite, les observateurs de l’ONU découvrirent les corps de 48 Arabes,
dont une femme et un enfant. Il semble qu’un bataillon blindé et dix
jets prirent part à ce massacre, qui suscita une déclaration
britannique comme quoi si la Jordanie, son allié, était attaquée, la
Grande-Bretagne remplirait ses engagements. Le gouvernement
israélien dit qu’il reçut cet avertissement «avec inquiétude et stupéfaction».78
L’attaque du 26 septembre fut la dernière de la série qui remplit
les années 1953-1956; la prochaine devait être une guerre généralisée.
J’ai résumé la liste des raids et massacres pour donner au futur
lecteur la véritable image du Moyen-Orient à l’automne 1956, lorsque
M. Ben Gourion déclara qu’Israël était «sans défenses» et les
politiciens de Washington et de Londres rivalisaient entre eux dans
l’exigence qu’Israël reçoive des armes pour parer «l’agression arabe».
Si la pile entassée des résolutions qui à cette époque étaient étalées
658
sur la table des Nations unies, «condamnant» «l’agression sans
provocation» d’Israël, la «violation flagrante» et tutti quanti, avait
signifié quoi que ce soit, cette dernière attaque, ouvertement annoncée
pendant qu’elle avait lieu, jetée avec mépris à la tête de la dernière
«condamnation», aurait dû produire quelque action contre Israël par
les Nations unies, ou bien l’admission implicite qu’Israël était son
maître.
La question ne fut jamais examinée, car avant même que l’appel79
de la Jordanie au Conseil de sécurité des Nations unies ne soit
examiné, l’attaque de l’Égypte eut lieu. Elle avait été annoncée, pour
quiconque faisait attention, au moment même de l’attaque de la
Jordanie, car M. Menahem Begin, à Tel Aviv, «insistait sur une
attaque israélienne immédiate de l’Égypte» (Daily Telegraph, 26 sept.
1956). M. Begin était la voix de «l’activisme» et il dit que tous ceux qui
avaient regardé la situation évoluer savaient ce qui viendrait ensuite:
une invasion sioniste totale de l’Égypte.
Au cours de cet événement, la «pression irrésistible» de la
«politique internationale» dans les capitales occidentales produisit un
résultat, dont les pleines conséquences seront calculables uniquement
lorsque de nombreuses années auront passé.
Par conséquent, la dernière partie de ce chapitre et livre doit à
nouveau passer en revue les mécanismes de la «pression irrésistible» à l’oeuvre dans les coulisses occidentales, cette fois lors de la phase du
climatère proche - les années 1952-1956. À la fin de cette phase, le
communisme révolutionnaire et le sionisme révolutionnaire, les forces
destructrices jumelles libérées des régions talmudiques de Russie au
siècle dernier, étaient moribondes. Par l’acte de l’Occident, à l’automne
1956, elles bénéficièrent toutes deux d’un sursis pour davantage de
destruction. 79
659
3. Les Années d’Apogée
Les années 1952-1956 amenèrent les populations d’Occident
encore plus près du calcul des comptes pour le soutien que leurs
leaders, par deux générations et deux guerres mondiales, avaient
donné à la révolution et au sionisme. On était en train de les attirer
dans deux guerres qui, de manière prévisible, fusionneraient en une
seule guerre servant un but dominant. D’une part, ils étaient engagés
par leurs hommes politiques et leurs partis dans la préservation de
l’État sioniste, dont la politique déclarée était d’agrandir sa population
de «trois ou quatre millions de personnes» en «dix à quinze ans»; ce
qui signifiait la guerre. D’autre part, on les accoutumait
quotidiennement à l’idée que c’était leur destinée et devoir de détruire
le communisme, qui avait submergé la moitié de l’Europe quand
l’Occident avait ouvert les vannes; ce qui signifiait la guerre.
Ces deux guerres deviendraient, inévitablement, une guerre
unique. Le calcul est simple. Le territoire pour l’expansion de l’État
sioniste ne pouvait être pris qu’aux peuples arabes voisins; les gens nécessaires à l’expansion de l’État sioniste ne pouvaient être pris que
dans la région occupée par la révolution, parce qu’on ne pourrait
trouver nulle part ailleurs «trois ou quatre millions» de juifs, les
États-Unis mis à part.80
Dans ce but, l’Occident, durant la phase qui commença en 1952,
dut être persuadée que «l’antisémitisme» sévissait dans la zone
soviétique, tout comme elle fut persuadée durant les quatres années
qui suivirent que les attaques sionistes envers les pays arabes étaient
des attaques arabes envers Israël. M. Ben Gourion (8 déc. 1951)
informa officiellement le gouvernement soviétique que «le retour des
juifs dans leur foyer national historique est la mission centrale de l’État
660
d’Israël… le gouvernement d’Israël fait appel à l’Union soviétique pour
permettre aux juifs de l’Union soviétique qui souhaitent émigrer, de le
faire». Le New York Times, deux ans plus tard, mentionnant
l’immigration déclinante vers Israël, dit que le but de M. Ben Gourion
«semble très lointain» et ajouta que «le modèle actuel d’immigration»
ne changerait radicalement que s’il y avait «un regain
d’antisémitisme» quelque part (à cette période, le 26 juin 1953, la
dénonciation de «l’antisémitisme derrière le Rideau de Fer» avait
commencé). Le New York Herald-Tribune dit à la même période (12 avril
1953) que «l’antisémitisme» était devenu virulent en Union soviétique
et que «l’entreprise de sauvetage la plus cruciale» à laquelle faisait
face Israël dans sa sixième année était celle des «2 500 000 juifs
prisonniers de la Russie et des pays satellites».
Donc, il était clair, à la lumière des deux guerres mondiales et de
leur issue dans les deux cas, que toute guerre entreprise par
«l’Occident» contre le «communisme» serait en réalité menée dans le
but premier de fournir à l’État sioniste de nouveaux habitants venus
de Russie; que toute guerre au Moyen-Orient dans laquelle l’Occident
s’engagerait serait menée dans le but premier d’agrandir le territoire de
l’État sioniste, pour y loger cette population plus nombreuse; et que
les deux guerres fusionneraient bien en une seule guerre, au cours de
laquelle ce but dominant resterait caché aux populations qui y
seraient entraînées, jusqu’à ce qu’elle soit remportée et entérinée par
quelque nouvel «instrument mondial», à la fin de la bataille.
Telle était la position de «l’Occident», cinquante ans après la
première capture de M. Balfour et de M. Woordrow Wilson dans les
filets du sionisme. J’ai une raison de mettre les mots «l’Occident»
entre guillemets, à savoir que ces mots ne signifient plus ce que
l’Occident signifiait avant. Autrefois, le terme signifiait le territoire
chrétien, depuis les frontières orientales de l’Europe, et en traversant
l’Atlantique, jusqu’au littoral occidental américain, incluant les pays
anglophones reculés d’Amérique du Nord, d’Afrique et des antipodes.
Après la Seconde Guerre, quand la moitié de l’Europe fut abandonnée
à la révolution talmudique, ce mot reçut une portée plus limitée. Dans
l’esprit populaire, «l’Occident» signifiait l’Angleterre et l’Amérique, en
rang contre la nouvelle barbarie qu’elle extirperait un jour d’Europe et
renverrait dans sa barbare terre natale asiatique. L’Amérique et
l’Angleterre, avant tout, représentaient encore «le monde libre» qui un
jour serait rétabli sur tout le territoire d’autrefois et avec lui, comme
dans les temps anciens, l’espoir des hommes vivant à l’extérieur de ce
territoire et qui souhaitaient être libres; c’est ce que l’esprit populaire
comprenait.
Militairement, cette supposition était correcte; la force physique
de «l’Occident», soutenue par l’attente fiévreuse des populations
661
captives, était plus qu’équivalente à la tâche. En réalité, les grands
pays vers lesquels les peuples asservis se tournaient étaient euxmêmes
prisonniers du pouvoir qui avait amené cet asservissement; et
ils avaient montré par deux fois que leurs armes, si elles étaient
utilisées, ne seraient pas employées pour libérer et réparer, mais pour
prolonger le supplice du XXe siècle.
Les valeurs morales et spirituelles autrefois contenues dans ces
deux mots, l’Occident, étaient les plus fortes dans les pays
abandonnés au communisme et dans ceux menacés de sionisme, où la
souffrance et le danger ranimaient [ces valeurs] dans les âmes
humaines. Dans ces grandes citadelles occidentales qu’étaient
autrefois Londres et Washington, [ces valeurs] étaient réprimées et
latentes.
Pour cette raison, l’Amérique n’était pas véritablement qualifiée
pour reprendre à l’Angleterre le rôle principal sur la scène mondiale
lors de la deuxième moitié du XXe siècle, et pour accomplir la tâche de
libération que les masses étaient incitées à attendre d’elle.
Matériellement, la république fondée presque deux cents ans
auparavant était extraordinaire. Les richesses du monde y avaient
coulé durant les deux guerres mondiales; sa population atteignait
rapidement deux cents millions; sa marine et son armée de l’air
étaient les plus importantes du monde et, comme son armée de terre,
étaient fondées sur cet ordre de contrainte que sa population avait
longtemps considéré comme étant la malédiction de l’Europe. Dans
l’industrie et les compétences techniques, elle était redoutable au point
d’en devenir un cauchemar pour elle-même. Sa production était si
vaste qu’elle ne pouvait être absorbée, et le souvenir terrible de la crise
de 1929 incita ses leaders à concevoir de nombreuses manières de
distribuer les marchandises dans le monde sous forme de présents, et
de payer ces biens au producteur par des fonds publics, si bien que,
pendant un temps, les fabricants et les ouvriers étaient payés pour
une production pour laquelle, en temps de paix, aucun marché naturel
ne se présentait. Ses bases militaires, sur le territoire de peuples
autrefois souverains, étaient disséminées sur tout le globe, de sorte
qu’à tout instant elles pouvaient frapper avec une puissance
fulgurante… mais frapper quoi, et dans quel but?
Le «communisme», répondait-on aux masses, dans un but de
libération des asservis, d’aide au monde en esclavage, et de
rectification des actions de 1945. Si cela était vrai, la fin du supplice
du siècle était au moins en vue, un de ces jours, car partout dans le
monde les hommes mettaient leur coeur dans cette cause-là. Mais
chaque acte majeur du gouvernement à Washington durant les années
1952-1956 démentit ces professions de foi. [Le gouvernement] semblait
plus esclave du «pouvoir juif» que même les gouvernements
662
britanniques des cinquante années précédentes. Il se révélait
incapable de prendre en mains toutes questions importantes
concernant les affaires étrangères ou intérieures américaines, excepté
en termes de leur rapport avec le sort des «juifs», tel que le cas des
juifs lui était présenté par les impérieux sionistes. Aucun petit
gouvernement fantoche ne ressembla plus à un vassal dans ses actes
que celui-là même que les masses considéraient comme le
gouvernement le plus puissant du monde: celui des États-Unis sous
son chef de l’Exécutif, le président Eisenhower, durant les années
1953 à 1956.
Comme celle d’un chancelier lors d’une naissance royale, l’ombre
du sionisme s’abattit sur la sélection, la nomination et l’élection du
général Eisenhower. La fulgurante promotion de ce dernier durant la
guerre de 1939-1945, du rang de colonel peu versé dans le combat, à
celui de commandant suprême de toutes les armées alliées
envahissant l’Europe, semble indiquer qu’il fut désigné pour recevoir
de l’avancement longtemps auparavant, et les recherches soutiennent
cette déduction. Dans les années 20, le jeune lieutenant Eisenhower
étudia au National War College à Washington, où un certain M.
Bernard Baruch (qui avait joué un rôle si important dans la sélection,
nomination et élection du président Woodrow Wilson en 1911-1912)
donna ses instructions. M. Baruch, à cette époque précoce, décida que
le lieutenant Eisenhower était un élève vedette, et quand le général
Eisenhower fut élu président trente ans plus tard, il dit aux vétérans
américains qu’il avait pendant un quart de siècle «eu le privilège de
s’asseoir aux pieds de Bernard et de l’écouter parler». Au début de sa
présidence, M. Eisenhower intervint pour résoudre, en faveur de M.
Baruch, un petit conflit au Collège de guerre national, où certains
s’opposaient à l’acceptation d’un buste de M. Baruch, offert par des
admirateurs (aucun buste de civil en vie n’y avait jamais été exposé
auparavant).
Il est fort possible que le soutien du «conseiller des six
présidents» ait facilité l’ascension rapide du lieutenant Eisenhower
aux commandes de la plus grande armée de l’histoire. Dans les
annales publiques, on peut trouver le soutien que M. Baruch donna
quand le général Eisenhower (qui n’avait pas d’affiliations ou d’histoire
au parti) se présenta en 1952 comme candidat du Parti républicain pour la présidence. Jusqu’à cet instant, M. Baruch avait été un
membre ardent du Parti démocrate, non juste un démocrate ordinaire,
mais un fervent défenseur de l’étiquette du parti et un détracteur
quasiment fanatique de l’étiquette républicaine» (cf sa biographie
approuvée). En 1952, M. Baruch devint soudain un fervent défenseur
de l’étiquette républicaine, pourvu que M. Eisenhower la portât. De
toute évidence, de fortes raisons devaient avoir causé ce changement
663
soudain de l’allégeance de toute une vie, et il serait utile de chercher à
les découvrir.
En 1952, le Parti républicain n’avait pas été au pouvoir depuis
vingt ans. Selon la seule théorie du balancier, par conséquent, on
s’attendait à ce qu’il revienne au pouvoir et donc évince le Parti
démocratique, dont M. Baruch avait été un «fervent défenseur»
pendant cinquante ans. Hormis le retournement de la chance - auquel
on devait s’attendre - contre un parti trop longtemps au pouvoir,
l’électeur américain de 1952 avait des raisons particulières de voter
contre les démocrates; la raison principale était la révélation d’une
infestation communiste du gouvernement sous les régimes de
Roosevelt et Truman et le désir du public d’un nettoyage drastique des
écuries.
Dans ces circonstances il était relativement clair, en 1952, que le
Parti républicain et son candidat gagneraient les élections et la
présidence. Le candidat naturel était le leader du parti, le sénateur
Robert E. Taft, qui y avait consacré sa vie. À ce moment précis, et
après son propre soutien «fervent» de toute une vie au Parti
démocrate (ses contributions d’argent étaient très importantes, et les
notes personnelles de M. Forrestal rapportent le rôle joué par de telles
contributions, en général, pour déterminer le cours des élections
américaines et de la politique nationale), M. Baruch, le «détracteur
fanatique» de l’étiquette républicaine, présenta un candidat alternatif
pour la nomination républicaine. C’est à dire, l’officier qu’il avait
admiré pendant si longtemps apparut soudain sur le ring, et la
chaleureuse recommandation de ce dernier par M. Baruch indiquait
d’où provenait son soutien le plus solide.
La perspective qui s’ouvrait alors était que si M. Eisenhower, au
lieu du sénateur Taft, arrivait à obtenir la nomination du parti, le Parti
républicain serait à travers lui engagé à poursuivre la politique
démocrate d’«internationalisme» commencée par les présidents
Woodrow Wilson, Roosevelt et Truman. Cela, en retour, signifiait que si
le leader du parti pouvait être évincé, l’électeur américain serait privé
de tout choix véritable, car le seul homme qui lui offrait une politique
alternative et différente était le sénateur Taft.
Cela était devenu clair pour l’initié plus d’un an avant l’élection,
grâce au leader républicain le plus important après le sénateur Taft, le
gouverneur Thomas E. Dewey de l’État de New York. M. Dewey - qui
s’était étonné lui-même et avait étonné le pays avec en perdant
l’élection présidentielle de 1948 en faveur de M. Truman, un exemple
classique de l’échec prévu d’avance de la méthode «moi aussi» -
déclara: «Je suis un internationaliste. C’est pourquoi je suis pour
Eisenhower. Eisenhower est un républicain de coeur, mais ce qui est
plus important, c’est qu’il est internationaliste» (Look, 11 sept. 1951).
664
Parmi les initiés, «internationaliste» (comme «activiste» dans le
sionisme) est un mot-clé, signifiant de nombreuses choses inavouées;
jusqu’ici, au cours de notre siècle, aucun «internationaliste» inavoué à un poste de premier plan ne s’est authentiquement opposé à
l’avancée du communisme, l’avancée du sionisme, et le projet de
gouvernement mondial vers lequel ces deux forces convergentes
mènent. Le sénateur Taft, d’autre part, était violemment attaqué à
cette époque comme «isolationniste» (un autre mot-clé; il signifie
seulement que la personne attaquée croit en la souveraineté nationale
et en l’intérêt national, mais on fait en sorte que cela sonne mal à
l’oreille des masses).
Ainsi, M. Eisenhower se présenta-t-il à la convention du Parti
républicain à Chicago, en 1952, contre le sénateur Taft. J’en fus le
témoin, par la télévision, et, bien que je ne sois pas novice, je fus
étonné de la façon lisse dont la défaite du sénateur Taft fut atteinte.
Cet événement montra, longtemps avant les véritables élections, que le
mécanisme de nomination avait été tellement maîtrisé qu’aucun parti
ne pouvait même ne serait-ce que proposer quiconque n’était pas un
candidat approuvé par les puissants sélectionneurs derrière la scène.
La conséquence de l’élection présidentielle elle-même dans ces
circonstances présente relativement peu d’intérêt en Amérique de nos
jours, et l’observateur ne peut pas non plus se faire une idée de la
manière dont la République pourrait échapper à ce contrôle occulte. Il
n’est pas possible pour les deux partis de désigner son leader de parti,
ou tout autre homme, s’il n’a pas auparavant été jugé acceptable par
«les internationalistes».
L’évincement du leader vétéran du parti, à la veille du retour au
pouvoir de son parti, fut accompli grâce au contrôle des votes groupés
des «États-clés». L’effectif démographique détermine le nombre de
votes déposés par les délégations d’État, et au moins deux de ces États
prépondérants (New York et la Californie) sont ceux vers lesquels
l’immigration juive des derniers soixante-dix ans a été orientée,
manifestement dans ce but81. En 1952, alors que je regardais la télé, le
vote pour les deux hommes était plutôt à égalité, lorsque M. Dewey
remit en souriant l’important vote groupé de l’État de New York contre
le leader de son parti et en faveur de M. Eisenhower. D’autres «États-
665
clés» suivirent le même exemple et il reçut la nomination, qui dans les
circonstances du moment signifiait aussi la présidence.
Cela signifiait aussi, de fait, la fin de tout système bipartiste
authentique en Amérique, pour l’heure; le système des représentants
élus connu sous le nom de «démocratie» est rabaissé au niveau du
système au parti unique des non-démocraties si les deux partis
n’offrent pas un véritable choix de politique. La situation fut décrite
ainsi, à la veille des élections, aux lecteurs juifs du Jerusalem Post (5
nov. 1952), qui les informa qu’il y avait «guère de différence entre les
deux». (M. Eisenhower, républicain - M. Stevenson, démocrate) «du
point du vue de l’électeur juif» et que l’intérêt juif devrait se concentrer
sur «le sort» des membres du Congrès et des sénateurs considérés
comme «hostiles à la cause juive».
Immédiatement après l’investiture du nouveau président (janvier
1953), le Premier ministre britannique, Sir Winston Churchill, se
précipita en Amérique pour s’entretenir avec celui-ci, mais pas à
Washington, où résident les présidents; M. Eisenhower proposa qu’ils
se rencontrent «chez Bernie», à l’hôtel particulier de M. Baruch, sur la
Cinquième avenue (Associated Press, 7 fév. 1953). À cette période, M.
Baruch recommandait avec insistance l’adoption de son «plan de
bombe atomique» comme la seule force de dissuasion efficace contre
«l’agression soviétique» (ses remarques à la Commission du Sénat ont
été citées dans un chapitre précédent). Apparemment, il n’était pas si
méfiant ou hostile envers les Soviétiques qu’il en avait alors l’air, car
quelques années plus tard, il dévoila que la notion d’une dictature
nucléaire commune américano-soviétique exercée sur le monde l’avait
aussi séduit: «Il y a quelques années, j’ai rencontré Vishinsky lors
d’une soirée, et je lui ai dit… “Vous avez la bombe et nous avons la
bombe… Contrôlons la chose tant que nous le pouvons, parce qu’au
moment où nous parlons, toutes les nations sont en train d’obtenir la
bombe, ou l’obtiendront tôt ou tard”» (Daily Telegraph, 9 juin 1956).
L’élection du général Eisenhower en tant que candidat républicain
priva l’Amérique de son dernier moyen de se dissocier, par la
répudiation électorale, de la politique d’«internationalisme» de Wilson-
Roosevelt-Truman. Le sénateur Taft était le seul homme politique
important qui, dans l’esprit public, prenait clairement position pour la
rupture nette avec cette politique, et manifestement pour cette raison,
les puissances qui gouvernent efficacement l’Amérique depuis les
dernières quarante années attachèrent une importance majeure au fait
d’empêcher sa nomination. Certains extraits de son livre de 1952
possèdent une valeur historique permanente, ne serait-ce qu’en tant
qu’illustration de ce qui aurait pu être si on avait permis à l’électeur
républicain de voter pour le leader du parti républicain:
666
«Le résultat de la politique de l’administration» (Roosevelt-Truman)
«a été de construire la force de la Russie soviétique si bien qu’elle est,
en fait, une menace à la sécurité des États-Unis… La Russie est bien
plus une menace à la sécurité des États-Unis qu’Hitler en Allemagne
ne le fut jamais…
Il ne fait aucun doute que nous possédons la plus grande force
navale au monde, et certainement, alors que les Britanniques sont
nos alliés, un contrôle total des mers dans le monde entier… Nous
devrions accepter de porter assistance avec nos propres forces
maritimes et aériennes à toutes les nations insulaires qui désirent
notre aide. Parmi elles se trouvent le Japon, Formose, les Philippines,
l’Indonésie, l’Australie et la Nouvelle-Zélande; du côté atlantique, la
Grande-Bretagne évidemment… Je crois qu’une alliance avec
l’Angleterre et la défense des Îles britanniques sont bien plus
importantes qu’une alliance avec toute nation continentale… Avec les
Britanniques, il ne peut y avoir de doute sur notre contrôle total des
mers et des airs de par le monde…
Si nous sommes vraiment sincères concernant notre politique anticommuniste… nous devrions définitivement éliminer du
gouvernement tous ceux qui sont directement ou indirectement liés à
l’organisation communiste…
Fondamentalement, je crois que le but ultime de notre politique
étrangère doit être de protéger la liberté du peuple américain… Je
sens que les deux derniers présidents ont placé toutes sortes de
considérations politiques et tactiques avant leur intérêt pour la
liberté et la paix…
Il me semble que l’envoi de troupes sans autorisation du Congrès
dans un pays qui est attaqué, comme cela fut fait en Corée, est
clairement interdit» (par la Constitution américaine)… «Le projet de
l’armée européenne, cependant, va plus loin… Il inclut l’envoi de
troupes à une armée internationale similaire à celle qui fut envisagée
sous la Charte des Nations unies… Je n’ai jamais été satisfait de la
Charte des Nations unies… elle n’est pas fondée sur une loi qui soustend
l’ensemble, avec une administration de la justice sous cette loi…
Je ne vois d’autre choix que de développer notre propre politique
militaire et notre propre politique d’alliances, sans considération
importante pour le pouvoir inexistant des États-Unis à empêcher
l’agression…
L’autre forme d’organisation internationale qui est poussée avec
acharnement sur la population des États-Unis - à savoir, un État
mondial avec une législature internationale pour faire les lois et un
exécutif international pour diriger l’armée de cette organisation…
m’apparaît, tout du moins en ce siècle, comme fantasque, dangereuse
et difficilement applicable. Un tel État, à mon avis, s’écroulerait sous
dix ans… Les difficultés à faire tenir une telle Tour de Babel sous un
gouvernement direct unique seraient insurmontables… Mais par
dessus tout, quiconque suggère un tel plan propose la fin de cette
liberté qui a généré dans ce pays le plus grand bonheur… que le
monde ait jamais vu. Il soumettrait le peuple américain au
667
gouvernement d’une majorité qui ne comprend pas la nature des
principes américains, et a peu de sympathie pour eux. Toute
organisation internationale qui vaut le papier sur lequel elle est écrite
doit être fondée sur le maintien de la souveraineté de tous les États.
La paix doit être recherchée, non en détruisant et en fusionnant les
nations, mais en développant l’autorité de la loi dans les relations
entre les nations…»
Ces extraits montrent que le sénateur Taft voyait à travers
l’«illusion [actuelle] des nations»; ils expliquent aussi pourquoi son
nom était hérésie pour les puissances contrôlant «le vote des Étatsclés
» et pourquoi on ne lui permit même pas de se présenter à
l’élection présidentielle82. Toute la période de démarchage électoral, de
nomination, d’élection et de début de présidence de M. Eisenhower fut
dominée par «la question juive»; il aurait aussi bien pu n’être élu que
président des sionistes, tant ses paroles et actions furent
constamment orientées vers la poursuite de leur ambition.
Immédiatement après sa nomination, il dit à un certain M.
Maxwell Abbell, le président de la Synagogue unie d’Amérique: «Le
peuple juif ne pourrait avoir meilleur ami que moi», et ajouta que ses
frères et lui avaient été élevés par leur mère dans «les enseignements
de l’Ancien Testament» (Mme Eisenhower était une fervente adhérente
de la secte des Témoins de Jéhovah), et «J’ai grandi en croyant que les
juifs étaient le peuple élu et qu’ils nous avaient donné les principes
élevés d’éthique et de morale de notre civilisation» (de nombreux
journaux juifs, septembre 1952).
Cela fut suivi d’ardentes professions de solidarité envers «les
juifs» et «Israël» de la part des deux candidats à l’occasion du Nouvel
An juif (sept. 1952); pendant ces festivités, également, la pression
américaine sur les Allemands «libres» d’Allemagne de l’ouest réussit à
668
leur soutirer la signature de l’accord pour payer des «réparations» à
Israël. En octobre eut lieu le procès de Prague, avec l’accusation de
«conspiration sioniste», et M. Eisenhower commença à faire ses
déclarations menaçantes à propos de «l’antisémitisme en Union
soviétique et dans les pays satellites».
L’accusation d’«antisémitisme» était jugée comme un moyen
d’obtenir des votes aux élections, et fut portée par le président sortant,
M. Truman, contre M. Eisenhower, qui dit en public qu’il était dépassé
par cette insinuation: «Ma voix s’étrangle, je vous laisse juger». Le
rabbin Hillel Silver de Cleveland (qui fit des menaces de guerre à
l’Union soviétique sur l’accusation d’«antisémitsme») fut appelé en
réunion privée avec M. Eisenhower et il en ressortit qu’il innocenta le
candidat de toute souillure antisémite (le rabbin Silver offrit une prière
à la Convention républicaine qui désigna M. Eisenhower; à
l’investiture du nouveau président, et à la requête de M. Eisenhower, il
offrit une prière «pour la grâce et la guidance»). Parmi ses rivaux en
campagne, le vice président sortant, un certain M. Alben Barkley,
surpassa tous les autres.
À propos d’une déclaration typique de M. Barkley («Je prédis un
avenir glorieux à Israël comme modèle sur lequel la plupart du Moyen-
Orient pourrait se former»), Time dit: «La vedette du circuit de parole
est le vice président Alben Barkley, qui depuis des années soutire
jusqu’à $ 1000 pour chaque apparition. Barkley est un favori des
tribunes rémunéré pour les campagnes de vente de bons israéliens. De
nombreux Arabes pensent… que ce fait a eu une influence sur la
politique des États-Unis au Moyen-Orient; mais il y a peu d’Arabes
qui votent aux élections américaines.
»Quelques semaines après l’investiture, l’accord sur le tribut de
l’Allemagne de l’ouest fut ratifié, un ministre allemand annonçant alors
que le gouvernement de Bonn avait cédé à la pression de l’Amérique,
qui ne souhaitait pas apparaître ouvertement comme le financier de
l’État sioniste. Le même mois (avril 1953), les journaux juifs, sous la
une «Israël Montre Sa Puissance», rapportèrent que «Tout le corps
diplomatique et les attachés militaires étrangers qui regardaient le
plus grand défilé de l’armée israélienne à Haïfa, avec la Marine tirée à
sec au large et les unités de l’armée de l’air passant au dessus de leurs
têtes, furent dûment impressionnés et le but du défilé, démontrer
qu’Israël était prête à prendre une décision sur le terrain, fut atteint».
C’est dans ces circonstances, avec diverses nouveaux
«engagements» et promesses dont acte pour le futur, avec Staline
mort, Israël prête à «une décision sur le terrain» et la moitié «libre»
de l’Allemagne peinant pour payer son tribut, qu’un nouveau mandat
présidentiel commença en 1953. Un curieux incident marqua le grand
défilé du jour de l’investiture à Washington. À la queue du cortège, se
669
tenait un homme à cheval dans un costume de cow boy, qui mit son
cheval au pas alors qu’il approchait de la tribune présidentielle, et
demanda s’il pouvait essayer son lasso. Docilement, M. Eisenhower se
leva et baissa la tête; le lasso tomba autour de lui et [le cow boy]
l’enserra avec; les images filmées montraient un homme, nu-tête, au
bout d’une corde.
Nombreux sont ceux qui pensèrent que le nouveau président
prononçait de simple platitudes quand il dit: «L’État d’Israël est l’avant-poste de la démocratie au Moyen-Orient et chaque Américain
aimant la liberté doit se joindre à l’effort pour assurer à jamais l’avenir
de ce nouveau membre de la famille des nations». En réalité, c’était un
engagement, ou considéré comme tel par ceux à qui il était adressé, de
même que les paroles similaires de M. Roosevelt et M. Woodrow
Wilson. Huit ans après la mort d’Hitler, le nouvel État, où les lois
mêmes d’Hitler avaient cours et d’où la population d’origine avaient été
chassée par le massacre et la terreur, était «l’avant-poste de la
démocratie» et tous ceux «aimant la liberté» devaient (à l’impératif)
s’unir pour le préserver.
Si le nouveau président pensait qu’il était libre de former une
politique d’État après avoir prononcé de telles paroles, on lui montra
autre chose dans les neuf mois qui suivirent son investiture. En
octobre 1953, l’engagement fut rappelé, et de manière impérieuse. Un
effort pour agir de manière indépendante, et dans l’intérêt national
américain, sur un problème affectant «le plus jeune membre de la
famille des nations» fut réprimé, et le président américain contraint de
faire pénitence publiquement, ce qui ressemblait beaucoup à la
manière dont «Rockland» (Woodrow Wilson) avait été rappelé à l’ordre
dans le roman de M. House de 1912.
Cette humiliation du chef de ce que l’humanité considérait comme
le gouvernement le plus puissant du monde est l’incident le plus
significatif de cette histoire, qui compte de nombreux épisodes,
similaires dans leur nature mais moins ouverts à l’appréciation
publique. La série d’attaques sionistes envers les États arabes voisins
(listée dans la partie précédente) commença le 14 oct. 1953, lorsque
tous les habitants du village arabe de Qibya, en Jordanie, furent
massacrés. C’était une répétition du massacre de Deir Yassin de 1948,
à la différence qu’il fut perpétré hors de la Palestine, ainsi il annonçait
délibérément à l’ensemble des peuples arabes qu’en temps voulu ils
subiraient tous la «destruction totale», de nouveau avec l’accord tacite
de «l’Occident».
Les faits furent rapportés aux Nations unies par le général danois
Vagn Bennike - chef de l’Organisation de surveillance de la trêve (qui
reçut des menaces de mort) - et son subalterne responsable immédiat,
le commandant E.D. Hutchinson de la Marine américaine, qui décrivit
670
l’attaque comme «un meurtre de sang froid» (et fut destitué par la
suite). Durant la discussion qui suivit devant le Conseil de sécurité de
l’ONU, le délégué français dit que «le massacre» avait suscité «horreur et réprobation» en France et reprocha à Israël, l’État fondé
sur l’affirmation de «persécution», d’«assouvir sa vengeance sur des
innocents». Le délégué grec parla de «l’horrible massacre» et les
délégués britannique et américain reprirent en choeur le refrain de la
«condamnation» (9 nov. 1953). En Angleterre, l’archevêque de York
dénonça cet «horrible acte de terrorisme» et un membre du Parlement
conservateur, le major H. Legge-Bourke, le qualifia de «culmination de
l’atrocité dans une longue série d’incursions dans des territoires non
israéliens, faisant partie d’un projet concerté de vengeance».
Au moment où ces manifestations d’horreur étaient prononcées,
une prime américaine de $ 60 000 000 avait été allouée de fait à Israël
pour cet acte, et le président américain avait publiquement cédé à la
«pression» sioniste à New York. Voici la chronologie des événements:
Quatre jours après le massacre (18 oct. 1953), le gouvernement
américain «décida de réprimander sévèrement son protégé» (The
Times, 19 oct.). Il annonça que «les rapports choquants qui sont
parvenus au département d’État concernant la perte de vies et de
biens impliquée dans cet incident nous convainquent que ceux qui
sont responsables devraient rendre compte de leurs actes et des
mesures efficaces devraient être prises afin d’empêcher de tels incidents
à l’avenir» (ces mots valent la peine d’être comparés avec ce qui se
passa quelques jours plus tard). Le Times ajouta: «derrière cette
déclaration, il y a une rancoeur grandissante envers la manière
désinvolte dont le gouvernement israélien a tendance à traiter les
États-Unis - peut-être parce qu’elle croit qu’elle pourra toujours
compter sur la pression politique intérieure dans ce pays». On
rapportait même (ajouta Le Times, comme dans un souffle) «qu’une
subvention de plusieurs millions de dollars au gouvernement israélien
pourrait être suspendue jusqu’à ce que la garantie soit donnée qu’il n’y
aura plus d’incidents aux frontières».
Deux jours plus tard (20 oct.), le département d’État annonça que
la subvention a Israël serait interrompue. Si le président Eisenhower
estimait qu’avec l’élection de l’an passé et les trois prochaines années
devant lui, son administration était libre de formuler la politique
nationale américaine, il avait tort. La faiblesse de l’Amérique, et la
force de la méthode passe-partout, est qu’une élection est toujours
imminente - si ce n’est pas une élection présidentielle, alors une
élection au Congrès, à la mairie, la municipalité ou autre. À cette
période, trois candidats (deux juifs et un non-juif) concouraient pour la
mairie de New York, et la campagne commençait pour les élections au
Congrès de 1954, où la totalité des 435 membres de la Chambre des
671
députés et un tiers des sénateurs devaient se présenter aux élections.
Dans ce contexte, la pression était mise sur la Maison Blanche.
Les trois rivaux de New York commencèrent à surenchérir entre
eux pour le «vote juif». Cinq cents sionistes se rassemblèrent à New
York (25 oct.), annoncèrent qu’ils étaient «choqués» par l’annulation
de «l’aide à Israël», et exigèrent que le gouvernement «reconsidère et
renverse son hâtive et injuste décision». Le candidat républicain
télégraphia à Washington pour demander une entrevue immédiate
avec le secrétaire d’État; à son issue, il assura aux électeurs inquiets
qu’«une aide économique complète sera[it] donnée à Israël» (New York
Times, 26 oct.) et dit qu’elle se monterait en tout à $ 63 000 000
(malgré cela, il ne fut pas élu).
Entre-temps, les directeurs du Parti républicain vociféraient à la
porte du président, menaçant de ce qui se passerait aux élections de
1954 s’il ne se rétractait pas. Le 28 octobre, il capitula, une
déclaration officielle annonçant qu’Israël recevrait la somme qui lui
avait été assignée auparavant, dont $ 26 000 000 dans les six
premiers mois de l’année fiscale (sur un total d’environ $ 60 000 000).
Le candidat républicain à la mairie de New York accueillit cela
comme «la reconnaissance du fait qu’Israël est un bastion sûr de la
sécurité du monde libre au Proche-Orient», et comme un acte de
«diplomatie mondiale» typique du président Eisenhower. La véritable
illustration de ce qui avait provoqué cet acte fut donnée par M. John
O’Donnell dans le New York Daily News, le 28 oct.: «Les hommes
politiques de profession ont tenté de lui mettre la main dessus pour de
bon. Ike n’a pas du tout aimé ça… mais la pression était si violente
que pour maintenir la paix au sein de la famille, il a dû faire marche
arrière. Et cette volte-face, politiquement et personnellement, est
pratiquement la plus maligne et rapide qu’on ait vue dans cette
capitale politique mondiale depuis bien des mois… Depuis une
semaine, la pression sur les candidats, qui courent après l’énorme vote
juif à New York City, est terrible… L’éducation politique du président
Eisenhower a changé à une vitesse vertigineuse ces dix derniers
jours». (Néanmoins, le Parti républicain a bien perdu le contrôle du
Congrès aux élections de 1954, ceci étant le résultat familier et
invariable de ces capitulations; et après d’encore plus importantes
capitulations, il subit un échec encore plus grand en 1956, lorsque
son candidat désigné, à nouveau M. Eisenhower, fut réélu président).
Après cela, le gouvernement américain ne s’aventura plus jamais
à «réprimander son protégé» durant la longue série d’«actes [tout
aussi]horribles» les uns que les autres commis par ce dernier, et à
l’anniversaire de la création d’Israël (7 mai 1954), l’armée israélienne
exposa fièrement les armes reçues des États-Unis et de Grande-
Bretagne; une exhibition gigantesque de chars américains et
672
britanniques, de jets, de bombardiers et de chasseurs fut alors offerte à la vue. (Les États-Unis avaient rapporté le 12 août 1952 qu’Israël
avait «droit à une aide à l’armement» et le 17 janvier 1952, la Grande-
Bretagne autorisa l’exportation d’armes vers Israël par des
fournisseurs privés).
Deux années de calme relatif suivirent, mais ce n’était que le
silence des préparatifs; la prochaine série d’événements était
manifestement en train d’être organisée pour l’année de la prochaine
élection présidentielle, en 1956. En mai 1955 (le mois où Sir Anthony
Eden succéda à Sir Winston Churchill en tant que Premier ministre
d’Angleterre), le secrétaire d’État américain, M. John Foster Dulles -
comme M. Balfour trente ans auparavant - visita enfin le pays qui
ruinait la politique étrangère américaine, comme il avait ruiné celle de
l’Angleterre. Après son expérience avec la «réprimande», si rapidement
encaissée, il dut réaliser qu’il avait affaire à la force la plus puissante
au monde, suprême dans son propre pays, et dont «Israël» n’était que
l’instrument utilisé pour diviser et dominer les autres.
Comme M. Balfour, il fut accueilli par des émeutes arabes quand
il s’aventura hors de la Palestine. En Israël, peu d’Israéliens le virent -
on le poussa dans une voiture fermée, entouré d’une ceinture de
policiers, de l’aéroport jusqu’à Tel Aviv. L’opération de police dédiée à
son escorte et à sa protection fut appelée «Opération Kitavo», Kitavoétant l’Hébreu pour «Lorsque tu seras entré». C’est une allusion au Deutéronome 26: «Lorsque tu seras entré dans le pays que l’Éternel,
ton Dieu, te donne pour héritage… et aujourd’hui, l’Éternel t’a fait
promettre que tu serais son peuple spécial, comme il te l’a dit, et que
tu observerais tous ses commandements, afin qu’il te donne sur toutes
les nations qu’il a créées la supériorité… et afin que tu sois un peuple
saint pour l’Éternel ton Dieu». Ainsi, un secrétaire d’État américain
dans l’Israël sioniste n’était-il considéré que comme un personnage
mineur dans la grande saga de «l’accomplissement» de la Loi
lévitique.
M. Dulles, à son retour, dit qu’il avait trouvé que les Arabes
craignaient le sionisme plus que le communisme - une évidence: les
Arabes avaient lu la Torah et témoigné de son application littérale sur
eux-mêmes à Deir Yassin et Qibya. Il dit lors d’un programme télévisé
(selon l’Associated Press, 1er juin 1953): «les États-Unis respectent
fermement la déclaration de 1950 faite conjointement avec la Grande-
Bretagne et la France; elle engage les trois nations à agir au cas où les
frontières israéliennes actuelles seraient violées par toute action
militaire» (la célèbre «Déclaration tripartite»). Je n’ai pu découvrir si
M. Dulles a bien dit cela ou si ses propos furent déformés (la
Déclaration était censée être impartiale et garantissait «les frontières
du Moyen-Orient et les délimitations de l’armistice», non «les
673
frontières israéliennes», mais c’était ce genre d’informations qui
parvenait toujours jusqu’au Arabes et en réalité, l’erreur verbale, ou la
déformation des propos, s’approchait beaucoup plus de la réalité
manifeste de la situation.)
À nouveau, les générations passaient, mais l’ombre grandissante
du sionisme s’abattait plus lourdement sur chaque nouvelle
génération. Sir Winston Churchill, ses facultés finissant par baisser,
abandonna son poste à l’homme auquel il l’avait déjà conféré à la
manière d’un potentat décidant de la succession: «Je ne prends
aucune mesure dans les affaires publiques sans consulter M. Eden; il
reprendra le flambeau du conservatisme quand d’autres mains plus
vieilles l’auront laissé tomber». Ceci étant le cas, Sir Anthony hérita
sans doute du soutien inconditionnel de Sir Winston à «l’accomplissement des aspitations du sionisme» et il se pourrait bien
qu’il ait souhaité que le flambeau se trouve en d’autres mains, car ce
dernier ne pouvait que détruire, et non éclairer le «conservatisme» et
l’Angleterre. Du moment où Sir Anthony accéda à la fonction pour
laquelle toute sa vie l’avait préparé, son administration souffrit
beaucoup du «problème du Moyen-Orient», de sorte que la fin de sa
carrière politique semblait vouée à être aussi malheureuse que celles
de M. Roosevelt et de M. Woodrow Wilson.
Et aussi, le scribe pourrait ajouter, celle du président Eisenhower.
En septembre 1955, il fut terrassé [par une crise cardiaque - NdT], et
même s’il s’en remit, ses photos commencèrent à présenter les traits
qui étaient apparus sur celles de MM. Roosevelt et Woodrow Wilson
vers la fin de leurs mandats. La «pression» que ces hommes puissants
en apparence doivent supporter en ce «siècle juif» semble avoir
quelque effet qui se révèle sur un visage rongé par les soucis. Ils sont
entourés de faiseurs de louanges, mais s’ils essaient de suivre leur
conscience et de faire leur devoir, on les oblige avec acharnement à
rendre des comptes. Après sa première expérience, l’attente générale
était qu’Eisenhower ne se présenterait pas une deuxième fois.
Ce n’était pas un républicain, et durant son premier mandat il se
sentit mal à l’aise en président «républicain». En vérité, peu après son
investiture, ses «tracas avec la puissante aile droite du parti» (en
d’autres mots, avec les républicains traditionnels, qui étaient pour le
sénateur Taft) «atteignirent de tels extrêmes que pendant un temps, il
réfléchit longuement à l’idée d’un nouveau parti politique en Amérique,
un parti auquel les personnes ayant la même philosophie,
indépendamment de leur affiliations précédentes, pourraient se
rallier… Il commença par demander à ses associés les plus intimes s’il
ne fallait pas qu’il se mette à réfléchir à un nouveau parti. Tel qu’il
l’imaginait, un tel parti aurait avant tout été son parti. Il aurait
représenté les doctrines, internationales et nationales, qu’il croyait être
674
les meilleures pour les États-Unis et à vrai dire pour le monde83». Il
n’abandonna cette idée que lorsque la mort du sénateur Taft laissa le
Parti républicain sans leader naturel et lorsque le Sénat, sur incitation
personnelle du président, condamna le sénateur Joseph McCarthy du
Winsconsin pour son attaque fervente du communisme au sein du
gouvernement. La colère publique suscitée par la révélation de
l’infestation communiste de l’administration sous les présidents
Roosevelt et Truman fut l’une des causes principales du revirement
des votes en faveur du Parti républicain (et de son candidat, M.
Eisenhower) en 1952.
Ainsi, à la fin de l’année 1955, une année d’élection présidentielle
était-elle à nouveau imminente, dans des circonstances que le pouvoir
dominant en Amérique avait toujours trouvées idéales: un président
souffrant, des politiciens de parti avides de «vote juif», une situation
de guerre au Moyen-Orient et une autre en Europe. Dans une telle
situation, la «pression politique intérieure» dans la capitale du pays le
plus riche et le mieux armé du monde pouvait pratiquement produire
n’importe quel résultat. Les directeurs du Parti républicain, voulant à
tout prix conserver au moins un républicain nominal à la Maison
Blanche s’ils n’arrivaient pas à obtenir une majorité au Congrès, se
rassemblèrent autour d’un homme malade et le poussèrent à se présenter.84
675
La véritable campagne commença, comme toujours, une bonne
année avant l’élection elle-même. En septembre 1955, le gouvernement
égyptien du président Gamal Abdel Nasser passa un contrat avec
l’Union soviétique pour l’achat d’armes. La «Déclaration tripartite»
américano-franco-britannique de 1950 stipulait qu’Israël et les États
arabes pouvaient acheter des armes à l’Occident. Le président Nasser,
pour justifier son acte, déclara (16 nov. 1955) qu’il n’avait pas réussi à
obtenir «une seule pièce d’armement de la part des États-Unis en trois
ans de tentatives» et accusa le gouvernement américain de «tentative
délibérée de maintenir perpétuellement les Arabes à la merci d’Israël et
de ses menaces».
Cet achat égyptien d’armes aux Soviétiques produisit une tempête
de protestations immédiate à Wahington et Londres similaire à celle
qui s’était élevée en 1952-3 à propos du «procès des docteurs juifs».
Le président Eisenhower fit appel à l’Union soviétique pour différer
l’expédition d’armes vers l’Égypte (la majeure partie de ces armes
venait de l’usine d’armement de Skoda en Tchécoslovaque, qui était
tombée sous possession soviétique en conséquence des accords de
Yalta de 1945 et qui avait fourni les armes permettant à «Israël» de
s’installer en 1947-8 et d’«acclamer les Soviétiques comme des
libérateurs»).
À Londres, le même jour (9 nov. 1955), Sir Anthony Eden accusa
l’Union soviétique de créer des tensions guerrières au Moyen-Orient;
le ministre des Affaires étrangères britannique, M. Harold Macmillan,
se plaignit de l’introduction d’un «nouveau facteur inquiétant dans
cette situation délicate». Pour les Arabes, toutes ces paroles venues
d’Occident signifiaient ce qu’elles avaient toujours signifié: qu’on
donnerait des armes à Israël et qu’on les refuserait aux Arabes.
Après cela, la campagne de propagande enfla jour après jour, de la
même manière que celle de 1952-3, jusqu’à ce qu’en quelques
semaines, le souvenir des trois années d’attaques israéliennes des
pays arabes et les condamnations de celles-ci par les Nations unies
aient été effacés de l’esprit public. À sa place, le lecteur moyen reçut
l’impression quotidienne qu’Israël désarmée, par la faute de l’Occident,
était laissée à la merci de l’Égypte, armée jusqu’aux dents grâce aux
armes «rouges». À ce stade précoce, la vérité de l’affaire fut publiée
une fois: une importante autorité militaire américaine, M. Hanson W.
Baldwin, parlant de la fourniture d’armes américaines à Israël, dit:
676
«Nous essayons de maintenir un «équilibre» très difficile entre les
Israéliens et les Arabes. Ce n’est pas actuellement, et il est peu
probable que ce le soit bientôt, un véritable équilibre dans le sens où
les deux bords possèdent une force militaire équivalente. Aujourd’hui,
Israël est nettement supérieure à l’Égypte, et à vrai dire, à la force
combinée de l’Égypte, de la Jordanie, de l’Arabie Saoudite, du Liban,
de la Syrie et de l’Irak» (New York Times, 11 nov. 1955).
On ne permit plus à cette vérité d’atteindre les masses lisant les
journaux dans les onze mois qui suivirent, en tous les cas d’après mes observations85. Elles furent maintenues perplexes par la clameur
grandissante à propos des «armes rouges pour les Arabes», qui
donnait le ton pour les deux campagnes électorales (pour le Congrès et
pour la présidence) commençant alors86. Tous les candidats à la
présidence du côté des démocrates (MM. Estes Kefauver, le gouverneur
Harriman de l’État de New York, Stuart Symington et Adlai Stevenson)
firent des déclarations incendiaires dans ce sens87. À un moment, un
comité sioniste américain réfléchit à une «manifestation à Denver»
mais se ravisa (le président y était à l’hôpital après son attaque), et à la
place aborda tous les candidats des deux partis, pour leur demander
de signer une «déclaration de politique» contre la subvention d’armes
à tout État arabe. 120 candidats au Congrès signèrent sur-le-champ,
et plus tard le nombre atteignit 102 pour les démocrates et 51 pour les
républicains (New York Times, 5 avril 1956). L’excès de signataires
démocrates explique la déclaration faite au Congrès sioniste mondial à
Jérusalem le 26 avril par M. Yishak Gruenbaum, un important homme
politique israélien et ex-ministre: «Israël n’obtiendra pas de soutien
des États-Unis aussi longtemps que la direction républicaine sera aux
commandes».
C’était, de la part d’Israël, la demande publique que les juifs
américains votent pour les démocrates, et la croyance des directeurs
de parti américain dans le pouvoir du «vote juif» aux États-Unis fut
renforcée, à cette occasion, par le succès des démocrates à l’élection
au Congrès, succès désiré par M. Gruenbaum à Jérusalem.
677
Dans ce climat de «pression» sur un président souffrant par le
biais des directeurs de parti et d’une campagne de plus sur «la
persécution des juifs» (symbolisée, cette fois, par Israël), l’année de
l’élection présidentielle commença. Dès le début, les observateurs
expérimentés virent qu’elle avait été choisie (comme les années des
élections présidentielles précédentes) comme une année de crise
montante organisée qui pourrait exploser en guerre générale. La base
de tous les calculs était la «pression politique intérieure» qui pouvait
être exercée sur le gouvernement américain et ses actions.
Dans le monde réel, l’année débuta, typiquement, par une
nouvelle «condamnation» unanime (19 jan. 1956) d’Israël pour une
attaque «délibérée» et «flagrante» (celle de la Syrie, le 11 déc. 1955).
C’était la quatrième condamnation majeure en deux ans et elle arriva
au moment où la campagne de propagande à propos de «l’absence de
défenses» d’Israël et «l’agression» arabe battait déjà son plein en
Occident. À la même période, un «état d’urgence national» fut déclaré
en Israël.
L’attaque sioniste s’en prit alors au noyau de représentants
officiels responsables du département d’État américain qui (comme
ceux du ministère des Colonies et du ministère des Affaires étrangères
britanniques lors de la génération précédente) tentaient d’éviter les
«engagements» périlleux envers Israël. En novembre 1955,
l’organistation sioniste religieuse la plus importante au monde,
l’Organisation Mizrahi d’Amérique, avait déclara à Atlantic City
qu’«une clique» d’«élements anti-Israéliens au département d’État des
États-Unis» était en train de «bloquer l’aide effective des États-Unis à
Israël» (ceci est, mot pour mot, la plainte faite par le Dr Chaim
Weizmann contre les représentants officiels britanniques sur une
période de trois décennies, 1914-1947).
Lors de l’année de l’élection présidentielle de 1956, l’homme qui
reprit le fardeau en Amérique fut M. John Foster Dulles, le secrétaire
d’État. Immédiatement après la «condamnation» d’Israël par le
Conseil de sécurité de l’ONU, en janvier, M. Dulles annonça qu’il était
en train d’essayer d’obtenir l’accord des principaux hommes politiques
démocrates pour maintenir la question israélo-arabe «en dehors du
débat durant la campagne électorale présidentielle» (24 jan. 1956). Le
New York Times commenta: «On sait que M. Dulles s’est plaint que les
représentants de l’ambassade israélienne [aux États-Unis] ont cherché à persuader les candidats au Congrès de prendre une position
favorable à la cause israélienne… Le secrétaire désire vivement
qu’aucun des deux partis ne complique les délicates négociations pour
une solution au Moyen-Orient en débattant de la question israélienne
pour des avantages personnels ou partisans, lors de la campagne
électorale… Particulièrement, il craint que quelque chose ne soit
678
déclaré pendant la campagne présidentielle qui pourrait inciter les
Israéliens à penser que les États-Unis pourraient tolérer ou collaborer
à une invasion israélienne des territoires arabes».
Ainsi, M. Dulles se plaignait-il de la «pression politique»
rapportée par le président Truman dans ses mémoires88, et tenta-t-il,
en 1956, ce que M. Forrestal avait tenté en 1947 - au prix d’une
destitution, d’une dépression et d’un suicide. Il fut immédiatement
attaqué par la presse (autant en Amérique qu’en Angleterre) de la
même manière que M. Ernest Bevin et M. Forrestal dans les années
1947-8. Il reçut une lettre réprobatrice d’«un groupe de membres
républicains au Congrès», auxquels il répondit d’un ton apaisant (7
fév. 1955) que «La politique étrangère des États-Unis inclut la
préservation de l’État d’Israël… Nous n’excluons pas la possibilité de
vendre des armes à Israël». Entre-temps, il avait péché davantage, car
le Jerusalem Post, qui en 1956 était une sorte de Court Gazette des
capitales occidentales, annonça qu’il avait commis «un acte mineur
mais inamical… il a reçu pendant 45 minutes une délégation du
Conseil américain pour le judaïsme89».
Le Conseil sioniste américain «protesta» immédiatement contre la
proposition de M. Dulles que la question palestinienne soit maintenue
«en dehors du débat» durant l’élection présidentielle; son président,
un certain rabbin Irving Miller, qualifia cela de «vision erronée, le fait
qu’un segment particulier de la politique étrangère soit retiré de l’arène
du débat public libre et sans entraves». Quant à cette absence
d’entraves, les rares allusions suivantes à la situation actuelle
apparurent à cette époque dans la presse américaine: «Les querelles
d’Israël avec ses voisins ont été transférées à chaque tribune
679
américaine, où le simple fait d’expliquer pourquoi les Arabes
ressentent ce qu’ils ressentent fait de vous un candidat à
l’anéantissement professionnel» (Miss Dorothy Thompson); «Une
politique pro-égyptienne ne donnera aucune voix aux républicains
dans le New Jersey, le Connecticut ou le Massachussets, et lorsque
qu’on discute avec des hommes politiques de profession, on entend
peu parler de la question» (M. George Sokolsky); «Les cerveaux
politiques soutiennent que pour obtenir le vote juif dans des États
aussi cruciaux que New York, le Massachussets, l’Illinois, le New
Jersey et la Pennsylvanie, les États-Unis devraient apporter un soutien
total contre les Arabes» (M. John O’Donnell).
Le développement suivant fut une annonce dans le New York
Times (21 fév. 1956) que M. Dulles devrait «faire face à une enquête
sur la politique étrangère» demandée par la Commission des affaires
étrangères du Sénat «pour enquêter sur les tournants et les virages de
l’administration dans sa politique d’armement au Moyen-Orient». M.
Dulles parut comme prévu devant la Commission (24 fév. 1956) et cela
mena à un incident significatif. Habituellement, le public en Amérique
et en Angleterre est défendu d’exprimer toute opinion défavorable sur
l’aventure en Palestine, qui lui coûte si cher; les candidats à l’élection
ne peuvent espérer être désignés par le parti s’ils ne souscrivent pas à
la vision sioniste, et la presse en général refuse de publier toute autre
vision. À cette occasion, le représentant responsable au cabinet donna
une audience constituée d’autant d’Américains que pouvait en
contenir l’espace réservé aux spectateurs, et ils l’ovationnèrent à son
entrée, pendant qu’il parla, et à sa sortie.
La raison de ces ovations était claire, et l’incident montrait
comment le public occidental réagirait si leurs leaders politiques
faisaient jamais appel à eux franchement concernant cette question.
M. Dulles dit entre autres choses: «une des plus grandes difficultés
auxquelles les États-Unis doivent faire face dans leur rôle de tentative
de médiation entre Arabes et Israéliens est la croyance du monde
arabe selon laquelle l’approche de Washington serait guidée par des pressions politiques internes». Il y avait le danger que les Israéliens
«précipitent ce qu’on appelle une guerre préventive». Si cela se
produisait, les États-Unis «ne s’engageront pas au côté d’Israël» parce
qu’ils ont des engagements avec leurs alliés: s’opposer à toute nation
qui commencerait une «agression» au Moyen-Orient. Il «suggéra
plusieurs fois que les pressions politiques internes étaient exercées
pour tenter de forcer l’administration à prendre une tournure
excessivement et imprudemment pro-israélienne au Moyen-Orient».
Ce qui était applaudi alors était clair, et c’était la première
allusion officielle et publique, devant une assistance grand public, à la
poigne qui maintient l’Occident en servitude. La manifestation
680
d’approbation publique ne diminua pas les «pressions» dont M. Dulles
se plaignait. Quelques semaines plus tard (12 avr. 1956), il fut
interpelé devant les leaders du Congrès pour faire un compte rendu
sur le Moyen-Orient et leur dit: «Je crains qu’il ne soit trop tard pour
une solution pacifique». Il indiqua que les deux «facteurs-clés» dans
la politique des États-Unis [au Moyen-Orient] étaient «en conflit», à
savoir: «La rétention des immenses ressources de pétrole de la région
à des fins militaires et économiques en Europe de l’Ouest» (ces
ressources se trouvent actuellement dans les pays arabes), et «la
préservation d’Israël en tant que nation». Le leader de la Chambre des
démocrates, M. John McCormack, demanda alors sur un ton
péremptoire: «Quelle politique est prioritaire, sauver Israël, ou
conserver la mainmise sur le pétrole?» Par sa réponse: «Nous
essayons de faire les deux», M. Dulles montra que tout l’Occident était
plus profondément que jamais prisonnier du dilemme insoluble créé
par la participation originelle de la Grande-Bretagne au sionisme.
Dans l’effort vain de «faire les deux», M. Dulles empira bientôt les
choses. Apparemment, il n’avait jamais eu aucun espoir que sa
proposition originelle réussirait; il «poussa un beuglement de rire
sardonique» quand on lui demanda, lors d’une conférence de presse à
la même époque, s’il croyait vraiment qu’il pourrait faire retirer la
question israélo-arabe de la politique. Au moment même où il parlait
devant la Commission du Sénat (ses spectateurs auraient-ils applaudi,
s’ils avaient su?) , on était en train d’imaginer la méthode par laquelle
l’Amérique pourrait annoncer officiellement qu’elle ne fournirait pas du
tout d’«armes au Moyen-Orient», et en même temps garantirait qu’Israël reçoive de telles armes, lui permettant de lancer la «guerre
préventive» que le secrétaire d’État «craignait». Le moyen était
similaire à celui utilisé dans le cas des «réparations» de l’Allemagne
de l’ouest, qui furent exigées sous la pression américaine et assuraient
l’approvisionnement d’Israël en argent ou en biens sans que cela
n’apparaisse dans aucun budget américain.
Immédiatement après le rapport de M. Dulles devant la
Commission du Sénat, et apparemment en réponse à celui-ci, les
troupes israéliennes réalisèrent «une attaque organisée à l’avance et
planifiée» des Égyptiens dans le territoire de Gaza, tuant trente-huit
personnes (27 fév. 1956), et fut condamnée pour «agression brutale»
par l’U.N.M.A.C. En quelques semaines, les chroniqueurs
commencèrent alors à faire des allusions à la nouvelle façon de fournir
des armes à Israël: «Si les États-Unis vendaient des armes à Israël,
cela rouvrirait le pipeline d’armes communiste vers les États arabes…
apparemment on pense que la même chose n’arriverait pas si la
Grande-Bretagne, la France et le Canada satisfaisaient aux demandes
d’armes de la part d’Israël… On estime ici que si les Alliés vendent des
681
armes à Israël, les États-Unis pourront maintenir leur propre situation
d’impartialité.»
C’était «faire les deux» en pratique. Le rabbin Hillel Silver (le
leader sioniste qui avait prononcé la prière pour la «grâce et la
guidance» à l’investiture du président) déclara alors en Israël que
«l’administration Eisenhower n’a pas encore dit son dernier mot sur
les armes pour Israël» (New York Times, 4 avr. 1956). De retour à
Washington, il eut «une discussion très franche et amicale» avec le
président. Puis on révéla que les États-Unis «encourag[eai]ent
discrètement les gouvernements français et canadien à vendre des
armes à Israël» (New York Times, avril 1956). Plus, ces dernières se
révélèrent être en vérité des armes fournies par les Américains, car le
gouvernement français annonça officiellement (12 mai 1956) que le
gouvernement américain «avait accepté de retarder les livraisons afin
de permettre à la France d’effectuer rapidement une dernière livraison
de douze avions Mystère IV en Israël». Ils faisaient partie des avions
français qui seraient utilisés lors de l’attaque de l’Égypte cinq mois
plus tard; le fait que l’armée de l’air française y prendrait part ne fut
pas révélé en mai90.
Pour être clair: le gouvernement américain finançait l’achat
d’armes pour ses alliés dans l’Organisation du Traité de l’Atlantique
Nord à cette époque, en passant des commandes aux fabricants
étrangers. Ces livraisons financées par les Américains étaient
détournées vers Israël sur «l’incitation» américaine. Donc le Traité de
l’Atlantique Nord, censé au départ être une alliance de l’Occident
contre «l’agression soviétique» et le «communisme», fut lui aussi
détourné à des fins sionistes. Signé en 1949, le but prétendu originel
était que les membres (l’Amérique et le Canada, l’Angleterre, la France
et dix autres pays européens, puis la Turquie) considéreraient toute
attaque de l’un d’entre eux comme une attaque de tous et porteraient
assistance à celui qui est attaqué.
Donc le gouvernement américain, tout en s’en prenant à l’Union
soviétique pour avoir fourni des armes à l’Égypte et déclarant que luimême
ne promouvrait pas «la course à l’armement» au Moyen-Orient
en fournissant des armes à Israël, procurait en réalité des armes à
Israël afin de maintenir la supériorité de cette dernière sur la totalité
des sept pays arabes. Ici, M. Dulles opérait avec une pincée de
682
machiavélisme qui eut l’effet de l’huile sur le feu. L’acte d’acquisition
de matériel militaire ne fut même pas tenu secret: comme les citations
ci-dessus le montrent, on lui fit de la publicité et on l’utilisa comme un
discours vantard destiné à obtenir des voix dans cette campagne
électorale, dont M. Dulles avait demandé que la question israélo-arabe
soit tenue à l’écart.
Un curieux effet secondaire de ces machinations en Occident était
que les déclarations faites, sur cette question particulière, par les
dirigeants totalement sans scrupules de Moscou prenaient une
apparence d’honnête respectabilité. Par exemple, le gouvernement
soviétique, lorsque la tempête de protestations occidentale à propos
des «armes pour l’Égypte» commença, envoya une note aux
gouvernements américain, britannique, égyptien et tchécoslovaque,
déclarant: «Le gouvernement soviétique considère que chaque État
possède le droit légitime de s’occuper de sa défense et d’acheter des
armes pour ses besoins défensifs à d’autres États dans les conditions
commerciales normales, et qu’aucun État étranger n’est en droit
d’intervenir». C’était une déclaration irréprochable d’une position
légale, et même morale, et elle fut reprise par Israël, car pendant que le
tapage occidental enflait, le ministre israélien des Affaires étrangères,
M. Moshé Sharett déclara alors à New York (10 nov. 1955): «Si nous
sommes acculés et que notre existence est en péril, nous chercherons
et accepterons des armes de n’importe quelle provenance mondiale»
(en réponse à une question de savoir si les Soviétiques avaient offert des armes à Israël). Ainsi, toute l’essence du tollé en Occident était en
fait que les armes soviétiques ne devaient pas aller aux États arabes,
et pour cela, aucune espèce d’argument moral ou légal n’existe.
Dans ce contexte, «Israël sans défense» (M. Ben Gourion)
organisa son défilé anniversaire le 16 avril 1956 avec force exhibition
d’avions et de chars américains, britanniques et français (New York
Times, 17 avril); les armes soviétiques furent probablement retirées du
défilé à cette occasion, en accord avec la propagande du moment en
Occident. Le 24 avril, à Jérusalem, M. Ben Gourion proclama une fois
encore le projet nationaliste et expansionniste: «Le rassemblement
continu d’exilés est le but suprême d’Israël et la condition sine qua
non de la réalisation de la mission messianique qui a fait de nous un
peuple éternel».
Le subterfuge par lequel les États-Unis procurait des armes à
Israël tout en refusant officiellement de les fournir («Personne ne se
réjouit particulièrement de notre décision de ne pas vendre d’armes à
Israël mais d’encourager d’autres alliés à le faire, et d’abandonner du
matériel réservé à cette fin», New York Times, 19 mai 1956) n’amenait
aucun répit au président américain. Une soumission déclarée est la
condition requise invariable, et la colère sioniste commença à être
683
dirigée contre lui. La veille de son second gros problème de santé (au
début de l’été, il dut subir une opération pour une hépatite), les
railleries commencèrent à fuser contre lui, comme quoi il n’était qu’un
«président à temps partiel». Une éminente sioniste, Mme Agnes
Meyer, lança la chose en disant devant un public juif à New York que
pendant que «le bastion de la démocratie» (Israël) était en péril «le
président n’est pas à son poste à Washington; il joue au golf à
Augusta», et le poussant à se demander «si cette nation peut se
permettre un président à temps partiel». Sa seconde maladie, qui
suivit presque immédiatement, interrompit cette attaque particulière
pendant un temps, mais le président Eisenhower, comme d’autres
avant lui, n’eut pas le loisir d’oublier que les ressources entières de la
propagande sioniste pourraient à tout moment se retourner contre lui
s’il sortait de la ligne de ses prédécesseurs.
Tandis qu’il se débattait dans ces rets, outre-Atlantique un autre
Premier ministre semblait sur le point d’être broyé sous la roue
sioniste. Sir Anthony Eden, à un tout autre siècle, serait devenu un
homme d’État majeur; à ce siècle-ci, l’ «engagement» dont il hérita fut
dès le début de son ministère un boulet à traîner derrière lui.
Aucun homme politique au monde ne l’égalait, quand il prit la
fonction de Premier ministre en 1955, en qualification et en
expérience. Il était de la génération de la Première Guerre, si bien que
le souvenir des champs de Flandre [champs d’honneur - NdT] formèrent l’arrière-plan de toute sa vie d’adulte, qui par la suite fut
entièrement consacrée à la politique. Il venait d’une vieille famille avec
une tradition héritée pour le service, et était brillant et de belle
prestance. Il s’éleva au poste de ministre à un jeune âge et, avec de
courts intervalles, occupa poste élevé sur poste élevé pendant plus de
vingt ans, durant lesquels il en vint à connaître personnellement
chaque dictateur et député d’Europe et d’Amérique du Nord. Il acquit
ainsi une expérience unique pour les années éprouvantes qui se
profilaient; seul Sir Winston Churchill, dans le monde entier, avait un
rang comparable de connaissances, de négociation et en général de
formation à ce qui autrefois était considéré comme l’art de la
diplomatie.
Il était encore jeune pour la fonction de Premier ministre, quand
Sir Winston céda à la loi de l’âge et tendit «le flambeau» à l’homme
qu’il avait décrit comme incarnant «l’espoir de vie de la nation
britannique» (1938), M. Eden (tel qu’il était en 1938) s’attira l’espoir
des hommes de sa génération par sa démission du gouvernement
britannique en protestation contre la politique d’apaisement d’Hitler,
qui (jugea-t-il à raison) était le chemin le plus sûr vers la guerre. Le
fait qu’on donna son nom à l’événement d’octobre 1956 rendit celui-ci
plus difficile à supporter pour ses contemporains.
684
J’ai connu M. Eden, comme un correspondant étranger pourrait
connaître un homme politique, dans les années qui menèrent à la
Seconde Guerre, et en vertu de nos sentiments similaires en cet âge
sombre, j’ai pu lui écrire par la suite à des moments où il semblait
perdre le contact avec l’esprit de sa génération et recevoir une réponse
plaisante, témoignant d’une relation ancienne et de la lecture attentive
de mes livres. Je le vis, en 1935, sortir la mine troublée d’une première
rencontre avec Hitler, qui avec des accents menaçants lui avait dit que
l’armée de l’air allemande (alors officiellement non-existente) était plus
importante que l’armée de l’air anglaise. Je l’accompagnai à Moscou et
pus confirmer auprès de lui quelque chose que j’avais entendu
concernant sa première rencontre avec Staline: que le bandit géorgien
avait montré du doigt le petit point sur la mappemonde qui
représentait l’Angleterre, et dit combien il était étrange qu’un si petit
pays détienne la clé de la paix mondiale (une affirmation correcte à
l’époque). Avec ces souvenirs personnels, je fus probablement plus
atterré que la plupart des hommes quand j’appris l’action dans
laquelle on le fourvoya à tort en octobre 1956.
Dès le début, en mai 1955, l’observateur expérimenté put voir qu’il
n’était en vérité pas tant le Premier ministre que le ministre de la
question juive, représentée à sa génération par l’État sioniste et son
ambition. Cela signifiait que toute la durée de sa fonction tomberait
sous l’emprise de cette ombre et que son destin politique serait
déterminé par ses actions eu égard au sionisme, et non par sa réussite
ou son échec en matière d’intérêt national. Cela fut illustré à la veille
de son ministère, alors qu’il était encore ministre des Affaires
étrangères pour quelques semaines de plus. Le gouvernement
britannique avait conclu un arrangement avec l’Iran et la Turquie pour
assurer la défense des intérêts britanniques au Moyen-Orient, dont les
ressources en pétrole étaient vitales à l’Angleterre et aux dominions
des antipodes. Le débat à la Chambre des communes ignora cette
aspect et pesta contre les conséquences de cet accord «sur Israël», si
bien que deux membres isolés (sur 625) protestèrent: «Ce débat n’est
pas sur la Palestine, et le ministre des Affaires étrangères doit
rechercher les intérêts mondiaux et les intérêts de la Grande-Bretagne,
même s’ils causent de la contrariété et de l’embarras à d’autres États»
(M. Thomas Reid); «À en juger par presque tous les discours des
honorables membres des deux partis, on serait pardonné d’avoir
imaginé que le débat concernait avant tout les conséquences d’un
pacte sur Israël, au lieu de l’amélioration de notre système défensif
mondial contre la menace de l’impérialisme russe» (M. F. W. Bennett).
Ce à quoi un membre socialiste juif répondit: «Pourquoi pas?»
Dans les faits, il était à cette époque devenu quasiment impossible de
débattre d’une quelconque question majeure excepté en termes de ses
685
conséquences pour Israël, et cela préfigurait nettement le cours que
prendrait le ministère de Sir Anthony.
Durant les derniers mois de 1955, alors Premier ministre, il
continua à se démener sur «la question du Moyen-Orient», suggérant
lors d’une occasion qu’une force internationale soit placée entre Israël
et les États arabes (les États-Unis rechignaient) et lors d’une autre,
qu’Israël pourrait accepter des rectifications de frontière mineures,
comme elle s’était emparé en 1948 de plus de terres que ne lui en avait
«attribuées» les Nations unies (cela provoqua des accusations
sionistes furibondes dans les journaux new-yorkais, comme quoi «la
Grande-Bretagne avait rejoint le rang des ennemis d’Israël»). Puis,
l’année de l’élection présidentielle - et la crise de Sir Anthony -
commencèrent. La machine sioniste démarra en quatrième vitesse,
jouant Washington contre Londres et Londres contre Washington avec
le savoir-faire de quarante années d’expérience. En mars, une chose
significative se produisit; ignorée du monde, elle rendit certaine une
attaque prochaine de l’Égypte pour l’observateur attentif des
événements.
La veille de la Pâque juive, la mystérieuse «Voice of America»
diffusa une commémoration, chargée d’allusions explosives d’actualité,
de «l’évasion des juifs hors de la captivité égyptienne». Considéré dans
sa relation évidente au bombardement de propagande de l’Égypte alors
en cours à Washington et Londres, cela présageait clairement des
événements violents avant la Pâque prochaine. Le peuple américain en
général ne sait rien de ce que «The Voice of America» dit, ou à qui elle
parle. Même en faisant des recherches, je n’ai pu découvrir quel
ministère officiel est censé superviser cette «voix», qui est utilisée
pour exprimer les intentions du gouvernement américain à des
populations auditrices lointaines. J’ai pu apprendre que ses fonds,
budgétaires et autres, sont immenses et qu’elle se compose en majorité
de juifs de l’Est. Elle semble fonctionner dans l’irresponsabilité et le secret91.
686
Dès ce moment, tout le poids de la propagande occidentale se
retourna contre l’Égypte. Les événements qui suivirent peuvent être
considérés à la lumière des notes personnelles d’Henry Stimson,
ministre de la Guerre, durant la période précédant Pearl Harbour,
selon lesquelles le but de l’administration du président Roosevelt était
de manoeuvrer le Japon afin qu’il «tire le premier». Les événements
postérieurs eurent tous l’apparence d’avoir été conçus pour
manoeuvrer l’Égypte afin qu’elle tire la première. L’Égypte ne fit pas
cela. Alors le monde décida que tirer le premier n’était plus nécessaire
pour se qualifier en tant qu’agresseur; le pays en question pouvait
être surnommé l’agresseur alors qu’il était en train d’être envahi, et
même avant; les ressources de la propagande de masse en étaient
arrivées à ce point-là au cours du XXe siècle. Toutes les
«condamnations» d’Israël pour cause d’agression n’avaient rien
signifié.
La période de crise commença le 7 mars 1956 (juste avant
l’émission de «The Voice of America» sur la captivité égyptienne) alors
que Sir Anthony Eden faisait à nouveau face à l’éternelle question à la
Chambre des communes. À cette période, ses adversaires socialistes
(malgré les nombreuses «condamnations» d’Israël) étaient acharnés
dans leur réclamation d’armes pour Israël et d’«un nouveau traité de
garanties pour Israël»; comme les politiciens new-yorkais, ils voyaient
687
l’espoir d’arriver au pouvoir dans une nouvelle soumission à Sion. Le
Premier ministre «dut subir une tempête de vitupérations et d’insultes
dépassant tout ce qu’on avait pu entendre à la Chambre des
communes depuis les derniers jours du ministère de Neville
Chamberlain» (le New York Times); «Ce fut une scène qui, pendant
un temps, sembla choquer même ceux qui l’avaient causée; le
président de la Chambre lui-même dut intervenir pour implorer la
Chambre d’écouter le Premier ministre» (le Daily Telegraph). Sir
Anthony protesta en vain qu’il avait été entendu avec politesse
«pendant plus de trente ans» par la Chambre. À ce moment, il se
pouvait qu’il espérait un soutien américain, car le même jour le
président Eisenhower dit qu’il était «inutile d’essayer de maintenir la
paix au Moyen-Orient en armant Israël, avec ses 1 700 000 habitants,
contre 40 000 000 d’Arabes» (l’acquisition américaine d’armes pour
Israël était alors en cours).
En Angleterre, Sir Anthony trouva tout le monde contre lui. Le Daily Telegraph (prétendument dans le camp de son propre parti)
pouvait dans ses rapports d’information paraître choqué de la manière
dont la Chambre le traitait, mais dans ses éditoriaux elle disait que les
arguments pour donner des armes à Israël étaient «irréfutables», un
mot qui épargne toujours le besoin d’apporter des arguments
corroborants. Ses opposants, les socialistes, s’affranchirent de toute
retenue dans leur empressement à le renverser au moyen d’Israël. Le
journal de gauche principal, le New Statesman, dans deux éditions
successives, dit que l’Angleterre n’avait aucun droit ou moyen de
mener une guerre quelles que soient les circonstances et devait
déposer toutes les armes («Une défense efficace est maintenant audessus
de nos moyens et le désarmement est la seule alternative à
l’annihilation», 10 mars) et que l’Angleterre devait armer Israël et
s’engager à partir en guerre pour Israël («la guerre sera moins
probable si Israël est fournie en armes modernes et le parti travailliste
a raison de pousser à ce qu’Israël les obtienne maintenant… Le
problème n’est pas tant le côté peu souhaitable de garantir une
frontière qui n’a pas encore été formellement établie… mais la question
militaire de rassembler et de fournir la force nécessaire… Dispose-t-on
d’une puissance navale suffisante en Méditerranée orientale? Est-ce
que M. Gaitskell» (le leader socialiste) «est seulement sûr que le public
britannique l’appuierait pour partir en guerre, probablement sans
l’appui des Nations unies, en défense d’Israël?» (17 mars).
Les conséquences innombrables de l’engagement originel - en
apparence mineur - envers Sion peuvent être observées dans de telles
citations. À cette occasion, Sir Anthony Eden parut tenter, de concert
avec le gouvernement des États-Unis, d’endiguer une course folle,
mais il donna un «avertissement à l’Égypte» qui n’était pas alors
justifié et était de mauvais augure, comme les événements le
688
montrèrent. À cette période, les gouvernements britannique et
américain courtisaient (officiellement) l’amitié égyptienne dans l’espoir
d’aider à pacifier le Moyen-Orient. Dans ce but commun, l’Angleterre,
«sous la pression américaine», se préparait à retirer ses troupes du
canal de Suez92.
Pourquoi Sir Anthony Eden céda sans garanties à «la pression»
pour lâcher ce qui, immédiatement après, fut proclamé comme «la
nécessité vitale» du Commonwealth britannique fait partie de ces
questions auxquelles les hommes politiques ne répondent jamais. La
«pression» de Washington sur les sujets liés au Moyen-Orient a
toujours été, dans les quatre dernières décennies, une pression
sioniste, en définitive; et à environ la même époque, un journaliste
égyptien - M. Ibrahim Izza - fut cordialement reçu par le Premier
ministre, le ministre des Affaires étrangères et le ministre travailliste
israéliens, qui lui dirent qu’«Israël et l’Égypte avaient le but identique
de s’opposer à l’influence britannique au Moyen-Orient» (Rose el-
Youssef, mai 1956; New York Times, 20 mai 1956).
La conséquence de cette soumission à la pression devint très vite
évidente: il y aurait la guerre, impliquant l’Angleterre dans une grande
humiliation, un fiasco. Le retrait britannique était censé être la moitié
d’un plus large arrangement anglo-américain pour «gagner l’amitié des
Arabes», et l’autre moitié américaine n’avait pas encore été acquittée.
Elle consistait à se joindre au gouvernement britannique et à la
Banque mondiale pour fournir $ 900 000 000 pour la construction
d’un barrage sur le Nil à Aswan (l’offre avait été faite à l’Égypte en
décembre 1955).
La chronologie des événements devient à nouveau importante. Les
troupes britanniques se retirèrent du canal de Suez en juin 1956,
comme promis. Le 6 juillet 1956, le porte-parole du département d’État
dit à la presse que l’offre du barrage d’Aswan «tenait toujours».
Quelques jours plus tard, l’ambassadeur égyptien à Washington
annonça que l’Égypte avait «décidé de manière définitive qu’elle
souhaitait l’aide occidentale pour le barrage». Le 19 juillet,
l’ambassadeur égyptien rendit visite à M. Dulles pour accepter l’offre.
On lui dit que le gouvernement des États-Unis avait changé d’avis.
À Londres la veille, le porte-parole du bureau des Affaires
étrangères avait annoncé que la partie britannique de l’offre «tenait
toujours». Le 19 juillet, le porte-parole informa la presse (et non
l’ambassadeur égyptien) que l’offre britannique, elle aussi, était retirée.
689
Le porte-parole refusa de donner les raisons mais reconnut qu’il y
avait une «concertation continue entre Whitehall et Washington».
Donc, la «pression» pour rendre furieux les Égyptiens par cet
affront méprisant venait du même endroit que la «pression» pour les
apaiser en se retirant du canal de Suez. Le gouvernement britannique
se retrouva seul dans son coin, pour reprendre l’expression
américaine; si la première soumission avait été faite dans la confiance
en l’annonce du président Eisenhower en février (selon laquelle
il voulait «stopper la détérioration des relations entre les nations
arabes et les États-Unis» et «restaurer l’assurance et la confiance des
Arabes» en l’Amérique), le volte-face dans l’offre du barrage d’Aswan
aurait dû alerter le gouvernement britannique, et il aurait alors pu
sauver beaucoup de choses s’il avait résisté à la «pression» dans le
second cas.
Je ne peux me rappeler provocation plus calculée ou offensive
envers un gouvernement dont «l’Occident» recherchait prétendument
l’amitié. Un tel comportement par les gouvernements de Washington et
de Londres n’est seulement devenu envisageable que depuis qu’ils sont
devenus les esclaves du sionisme. Le retrait de l’offre par les
américains et la façon dont cela fut accompli (son imitation par
Londres se passe de commentaires), furent clairement le véritable
début de la crise de guerre de 1956, mais la source originelle, la
«pression», n’était pas «américaine». «Certains hommes au Congrès
craignaient la désapprobation sioniste», fit discrètement remarquer le New York Times à propos du retrait de l’offre à l’Égypte; et c’était
l’année des élections.
En l’espace d’une semaine, le président égyptien Nasser
nationalisa le canal de Suez, et immédiatement l’air se chargea de
rumeurs de guerre, comme en 1952-3 durant l’épisode des «docteurs
juifs». Dès ce moment, le président Nasser reçut le traitement du
«méchant»; c’est le signe sûr de l’imminence de la guerre. J’ai vu
beaucoup de «méchants» fabriqués au cours de ma vie, et j’ai observé
que cette propagande peut s’ouvrir et se fermer comme par un robinet,
et infusée avec un effet toxique dans l’esprit du public:
Une fiole pleine du jus maudit de la jusquiame,
Et m’en versa dans le creux de l’oreille
La liqueur lépreuse…
[Hamlet I, V - William Shakespeare - NdT]
Ma petite enfance fut assombrie par la méchanceté du Mollah Fou
(un leader musulman maintenant universellement oublié) et celle d’un
respectable ancien Boer du nom de Paul Kruger. De tous les
personnages de ce cabinet des horreurs, construit autour de moi alors
690
que je grandissais, je vois maintenant que presque tous ne furent pas
meilleurs ou pires que ceux qui les traitaient de méchants.
Même avant que les rumeurs de guerre n’atteignent l’étape du
«méchant», et longtemps avant la provocation sans précédent du 19
juillet (qui ne provoqua toujours pas d’action belliqueuse de la part de
l’Égypte), le président Nasser avait été déclaré l’agresseur dans une
guerre qui n’avait pas encore commencé. En mars, M. Ben Gourion
déclara à Tel Aviv qu’une livraison rapide d’armes uniquement à Israël
pourrait prévenir «une attaque par les États arabes dans les prochains
mois» et ajouta que l’agresseur «serait le dictateur égyptien Nasser».
Le 13 avril, Sir Winston Churchill sortit d’une retraite d’un an pour
dire devant un auditoire à la Primrose League que «la prudence et
l’honneur» exigeaient l’assistance britannique d’Israël si elle était
attaquée par l’Égypte. Sir Winston exprima son approbation implicite
mais claire de l’attaque israélienne envers l’Égypte que les «activistes»
en Israël réclamaient alors: «Si Israël est dissuadée d’utiliser la force
vitale de sa race pour tenir en respect les Égyptiens jusqu’à ce que les
Égyptiens aient appris à se servir des armes russes avec lesquelles il
ont été approvisionnés et que les Égyptiens attaquent, cela deviendra
non seulement une affaire de prudence mais une preuve d’honneur
que de s’assurer qu’ils [Israël] ne soient pas les perdants en
attendant». Cela fut suivi en mai d’une attaque israélienne envers les
troupes égyptiennes dans le territoire de Gaza, au cours de laquelle
environ 150 hommes, femmes et enfants furent tués ou blessés.
Néanmoins, le tollé à propos du «méchant» et de «l’agression
égyptienne» enfla de plus belle en Occident.
L’état de servitude dans lequel l’Angleterre était tombée à cette
période fut révélé par deux événements symboliques. En juin 1956, la
«communauté anglo-juive» organisa un banquet au Guildhall pour
commémorer «le trois centième anniversaire de la réinstallation des
juifs dans les Îles britanniques»; on exigea de l’époux de la jeune
reine, le duc d’Édimbourg, qu’il apparaisse coiffé d’une calotte juive.
En septembre, l’«Association Cromwell» organisa une cérémonie en
l’honneur de la statue du régicide et boucher de Drogheda pour
célébrer cette même fiction (selon laquelle il avait «rétabli» les juifs en
Angleterre trois cents ans plus tôt). Dans son discours, le président de
ce groupe, un certain M. Isaac Foot, recommenda que le jeune prince
Charles, quand il accèderait au trône, prenne le nom d’«Oliver II»,
parce que «Nous ne voulons pas de Charles III93».
691
Après la saisie du canal de Suez par le président Nasser, les cris
de guerre venus d’Occident atteignirent une note élevée. La
«nationalisation» en elle-même n’était pas assez surprenante ou
choquante, en 1956, pour l’expliquer. L’Amérique avait accepté la
saisie de gisements de pétrole appartenant à des étrangers, Mexico
acceptant (comme le président Nasser avait accepté) de payer le prix
normal pour en être propriétaire; à l’échelon national, l’Amérique, par
le Tennessee Valley Authority, foulait déjà ces sentiers battus de
l’appauvrissement; en Angleterre, le gouvernement socialiste avait
nationalisé les chemins de fer et les mines de charbon. Un terrain légal
ou moral valide pour une dénonciation virulente n’était pas facile à
trouver, même s’il est vrai que des degrés de différence existaient entre
l’acte du président Nasser et les nombreux précédents, et son acte
était de toute évidence un acte de protestation contre la provocation,
non un acte politique sensé.
En tous les cas, la seule réponse efficace, si son acte était
intolérable, était de réoccuper le canal sur-le-champ, et cela ne fut pas
fait. À la place, tous les oracles, comme s’ils lisaient un script préparé
depuis longtemps, commencèrent à le surnommer «Hitler». Le Premier
ministre Ben Gourion commença par «dictateur», qui devint
«dictateur fasciste», et le Premier ministre français (un certain M. Guy
Mollet à l’époque) changea cela en «Hitler». Après quoi, la campagne
suivit la ligne de celle utilisée contre Staline en 1952-3. Dictateurfasciste
dictateur-Hitler; l’insinuation était claire; le président Nasser
devait être décrit, et puni s’il était puni, en ennemi des juifs.
Quand Sir Anthony Eden monta à nouveau à la Chambre des
communes (9 août 1956) pour lutter avec ce monstre qui hantait ses
rêves - «la question du Moyen-Orient» - le leader socialiste, M. Hugh
Gaitskell, dit: «Tout cela est terriblement familier… C’est exactement
la même chose que nous avons rencontrée avec Mussolini et Hitler avant la guerre». Un autre orateur socialiste, M. Paget C.R. [Conseil de
la Reine, abrégé C.R. après le nom; avocat nommé par Sa Majesté -
NdT] le piégea ainsi: «La technique de ce week-end est exactement ce
que nous avons obtenu d’Hitler. Êtes-vous au courant des
conséquences de ne pas répondre à la force par la force avant qu’il ne
soit trop tard?»
Les socialistes incitaient délibérément Sir Anthony à utiliser la
force (ils le traitèrent d’«assassin» quand ils l’utilisa) par ces allusions
sarcastiques à son passé politique. Il était l’homme qui avait
démissionné en 1938 en protestation de la politique d’apaisement
d’Hitler, et sa démission avait été immédiatement justifiée par
l’invasion de l’Autriche par Hitler. C’était cela, la «force» - prévue
692
depuis longtemps - et le M. Eden de 1938 avait eu raison. En 1956, le
cas était différent, et aucune comparaison n’était possible. L’Égypte
n’était pas une grande puissance militaire, mais une puissance très
faible. L’Égypte n’avait pas été «apaisée» après le retrait britannique,
mais soumise à des provocations par l’humiliation publique. L’Égypte
n’était pas un agresseur avéré; elle avait été la victime d’attaques et
Israël avait déclaré qu’elle ferait la guerre à l’Égypte.
Donc, la comparaison avec «Hitler» était absurde, à moins qu’elle
ne soit uniquement destinée à indiquer que les sionistes considéraient
l’Égypte comme leur ennemi. Néanmoins, Sir Anthony Eden céda à
cette invention (peut-être le souvenir de 1938 avait-il une emprise trop
forte sur lui), car il fit allusion au président Nasser comme un pillard
«fasciste dont l’appétit grandit à mesure qu’il mange», ce qui était
exactement le langage que M. Churchill et lui avaient utilisé à juste
titre à propos d’Hitler dix-huit ans plus tôt. Je dois ajouter que je ne
retrouve pas ces mots exacts dans le texte de son discours, mais c’est
la forme sous laquelle ils atteignirent «la foule» par le biais du New
York Times et c’est cela qui importe, comme les Premiers ministres
doivent le savoir. Pour le reste, Sir Anthony basa son attaque du
président Nasser sur l’argument que le canal de Suez «est vital aux
autres pays dans toutes les parties du monde… une question de vie ou
de mort pour nous tous… le canal doit être administré de manière
efficace et maintenu ouvert, comme il l’a toujours été par le passé,
comme une voie navigable internationale libre et sûre pour les navires
de toutes les nations…»
Mais le président Nasser n’avait pas fermé le canal, il l’avait juste
nationalisé. Il était «ouvert» aux navires de toutes les nations, à une
seule exception. En ces cinq mots [navires de toutes les nations] se
trouvait le secret. Le seul pays auquel on refusait une liberté totale de
passage était Israël, avec qui l’Égypte était toujours techniquement en
guerre; l’Égypte avait stoppé des navires à destination d’Israël et les
avait inspectés, à la recherche d’armes. C’était le seul cas d’ingérence;
par conséquent, Sir Anthony exposait seulement ce cas, et aucun cas
britannique. Cependant, il conclut: «Mes amis, nous n’avons pas
l’intention de chercher une solution par la force».
Les semaines qui suivirent, alors qu’on cherchait «une solution»
lors de différentes conférences à Londres et Washington, la presse
informa les masses que «les Égyptiens» ne seraient pas capables de
faire fonctionner le canal, et que le trafic s’arrêterait bientôt. En
réalité, ils s’avérèrent capables de le faire marcher et la navigation
continua sans obstacles, à une seule exception. Par claire insinuation,
donc, le cas d’Israël était le seul sur lequel le gouvernement de Sir
Anthony pouvait faire reposer sa protestation de plus en plus furieuse.
Cela devint bientôt explicite. Le 22 août 1956, Mme Rose Halprin,
693
présidente suppléante de l’Agence juive pour la Palestine, déclara au New York Times que «le seul argument légal que les puissances
occidentales possèdent contre l’Égypte en termes de violation de la
convention de 1888 est l’interdiction par l’Égypte du canal aux navires
israéliens et les restrictions sur les navires à destination d’Israël».
La déclaration de Mme Halprin sur la position légale est correcte.
Si toute la querelle reposait sur un point de loi, alors le seul argument
qui pouvait être invoqué était celui d’Israël; et cela ouvrirait tout le
débat sur la légalité de la création d’Israël elle-même et de l’état de
guerre permanent entre Israël et l’Égypte. Par conséquent, tout
gouvernement qui se joignait à la tempête de protestations contre le
président Nasser agissait en fait au nom d’Israël et d’Israël seule, et
jugeait d’avance en faveur d’Israël toutes les questions légales.
Vers octobre, Sir Anthony Eden avait été plus loin en présumant
d’une agression égyptienne. Je n’ai pas le texte de ce discours, mais la
version distribuée par l’Associated Press - et donc reproduite dans des
milliers de journaux du monde entier - dit: «Le Premier ministre Eden
a prédit ce soir que le président Nasser attaquerait Israël
prochainement s’il se sortait impunément de la saisie du canal de
Suez. Sir Anthony a fait remarquer que la Grande-Bretagne irait au
secours d’Israël avec des armes si nécessaire» (13 sept. 1956).
Ainsi, le Premier ministre britannique marchait-il sur un chemin
glissant. En l’espace de six semaines, le thème de la «nécessité vitale»
et de la «question de vie ou de mort» était devenue subalterne et le
monde faisait face à une menace de guerre fondée sur quelque chose
que le président égyptien ferait si quelque chose d’autre se produisait.
À partir de là, on gava «la foule» avec des nouvelles d’attaque
égyptienne imminente d’Israël (le thème de l’«interférence avec la
navigation internationale» fut abandonné, comme il ne pouvait être
maintenu) et avec le temps, cela prit un ton si définitif que beaucoup
de lecteurs occasionnels, j’imagine, ont dû pensé que l’Égypte avait déjà attaqué Israël. Je donne un exemple parmi tant d’autres (de la Weekly Review de Londres, septembre 1956, quelques semaines avant
l’attaque israélienne de l’Égypte): «Nous pouvons êtres absolument
certains que les Arabes, encouragés par la Russie, attaqueront Israël.
Cela ne fait maintenant aucun doute, et cela devrait être à la base de nos
calculs.»
En écrivant ce livre, j’ai été principalement mû par l’espoir de
donner au lecteur futur, dans des temps je l’espère plus rationnels,
une idée de la condition étonnante des publications officielles au cours
des années 50. Il sera certainement incapable de comprendre les
choses qui arrivèrent, à moins qu’il ne soit mis au courant de ce
régime de désinformation prolongée et des extrémités sans bornes
auxquelles il fut amené. La dernière déclaration citée eut lieu après
694
des années d’attaques israéliennes répétées envers les différents
voisins arabes et de condamnations répétées de ces actes par les
Nations unies.
De la manière que j’ai résumée plus haut, le terrain fut préparé,
durant les neuf premiers mois de l’année de l’élection présidentielle,
pour les événements paroxystiques d’octobre. Des armes continuèrent
à être importées en Israël depuis l’Occident. Après la saisie du canal de
Suez, Sir Anthony Eden annonça que «toutes les livraisons d’armes en
Égypte avaient été interrompues»; le même mois (juillet), deux contretorpilleurs
britanniques furent livrées en Israël. Tout au long du
printemps et de l’été, la France - sous la «pression» américaine -
fournit des chasseurs à réaction et d’autres armes à Israël. En
septembre, le Canada, sur la même incitation, accepta d’envoyer des
avions jets à Israël, le gouvernement d’Ottawa annonçant qu’il avait
«consulté les États-Unis avant de prendre cette décision» (New York
Times, 22 sept. 1956).
Pendant tout ce temps, la campagne pour l’élection présidentielle
continuait. Les démocrates, impatients de reprendre la Maison
Blanche, surpassaient toutes les performances passées dans leurs
enchères pour «le vote juif» (le maire de New York exigea qu’Israël
reçoive des armes «en cadeau»); les républicains sortants étaient
légèrement plus réservés. Cependant, quand les conventions rivales
pour la désignation des candidats eurent lieu (la républicaine à San
Francisco, la démocrate à Chicago, toutes les deux en août), il n’y avait
guère de différence entre les soumissions faites par chaque parti (si
bien que le Jerusalem Post aurait pu répéter, et l’a peut-être vraiment
fait, son affirmation de 1952, comme quoi pour l’électeur juif de là-bas,
il n’y avait «guère de différence» entre les candidats présidentiels).
Le seul passage ayant une quelconque signification majeure dans
les «programmes de politique étrangère» adoptés par les deux partis
était relié, dans les deux cas, à Israël; les autres déclarations sur la
politique étrangère étaient d’une grande platitude. Les engagements
envers Israël étaient dans les deux cas spécifiques.
Le programme du parti républicain, sur lequel le président
Eisenhower fut à l’unanimité désigné candidat, disait: «Nous
considérons la préservation d’Israël comme un principe important de
la politique étrangère américaine. Nous sommes déterminés à ce que
l’intégrité d’un État juif indépendant soit maintenue. Nous
soutiendrons l’indépendance d’Israël contre l’agression armée».
Le programme du parti démocrate disait: «Le parti démocrate fera
en sorte de redresser le dangereux déséquilibre des armes dans la
région créé par la livraison d’armes communistes à l’Égypte, en
vendant ou en fournissant des armes de défense à Israël, et nous
695
prendrons les mesures, incluant des garanties de sécurité, qui
pourraient être requises pour prévenir l’agression et la guerre dans la
région. (La phrase «dangereux déséquilibre des armes» reflétait
l’invention propagandiste qu’Israël était «sans défense» et que les pays
arabes étaient forts; la vérité, établie un peu plus tôt par M. Hanson
Baldwin, était qu’Israël était plus forte en armes que la totalité des
sept pays arabes réunis).
Ces deux déclarations de politique donnaient l’image d’un monde
sous l’emprise sioniste, et complétaient les déclarations faites alors par
le gouvernement britannique. Elles n’avaient aucun rapport avec les
intérêts américains mais reflétaient simplement le contrôle sioniste de
la machine électorale, ou la croyance inébranlable en ce contrôle de la
part des directeurs de parti. (À cette occasion, des événements eurent
lieu pour justifier cette croyance; le parti démocrate, le plus offrant,
l’emporta au Congrès, bien que le «républicain» nominal fût réélu
président).
Le seul autre événement d’importance dans les deux conventions
pourrait sembler avoir peu de rapport avec le thème de ce livre, mais
par la suite pourrait se révéler avoir une signification directe: la renomination
de M. Richard Nixon en tant que candidat à la viceprésidence
du président Eisenhower (et dans les faits, en tant que
vice-président). L’état de santé de M. Eisenhower rendait le viceprésident
plus important que de coutume, et la possibilité que M.
Nixon puisse hériter de la présidence entre 1956 et 1960 était
manifestement vue comme un danger majeur par les puissances qui
gouvernent l’Amérique actuelle, si bien qu’un effort suprême fut
accompli pour empêcher sa nomination. Cela n’avait rien de
remarquable, pour ce siècle; ce qui fut remarquable est que la
tentative échoua. À un moment donné, il est évident que des hommes
surgissent, et brisent l’esclavage dans lequel est maintenue la vie
politique américaine et britannique, si bien que la personne de M.
Richard Nixon acquiert une importance symbolique à notre époque,
même si, s’il devenait président, il pourrait se trouver incapable de
briser les chaînes.
La raison de cette forte hostilité envers M. Nixon est que ce n’est
pas un «internationaliste». Loin s’en faut, il joua un rôle décisif dans
le dévoilement et la condamnation de M. Alger Hiss, l’agent soviétique
de l’administration de M. Roosevelt. C’est la vraie raison pour laquelle
il a toujours eu depuis, de façon uniforme, mauvaise presse - non
seulement en Amérique mais partout ailleurs dans le monde
occidental. Avec ce mauvais point pour lui, on le considère comme un
homme qui, une fois à la fonction principale, pourrait en théorie se
rebeller contre les contraintes auxquelles les présidents américains et
les Premiers ministres britanniques, presque sans exception, se sont
696
soumis ces cinquante dernières années et que les vice-présidents
subissent automatiquement94.
Ainsi, une campagne d’une grande force et ingéniosité commençat-
elle afin d’empêcher sa nomination. Un membre de la propre maison
(et du parti nominal) du président fut libéré de ses obligations pour
plusieurs semaines afin de mener une offensive «Arrêter Nixon» à
l’échelle nationale, avec des réunions de commission, des affiches et
des meetings. Cela n’eut aucun effet sur le public, auprès duquel M.
Nixon semble être populaire. Alors, pour sa déconvenue particulière,
de nouvelles tactiques furent introduites à la convention du parti rival
démocrate. Au lieu que le candidat désigné (M. Adlai Stevenson)
choisisse son propre «candidat à la vice-présidence» comme lors des
occasions précédentes, le choix d’un «candidat vice-présidentiel» fut
ouvert aux votes et parmi les différents concurrents, le sénateur Estes
Kefauver (un sioniste exceptionnellement zélé) reçut la nomination de
candidat vice-présidentiel.
Le but de la manoeuvre était de forcer la convention du parti
républicain à suivre cette «procédure démocrate» et aussi à soumettre
le choix du candidat vice-présidentiel au vote. C’est ce qui arriva et M.
Nixon, comme M. Eisenhower, reçut un vote unanime. Cet événement,
et l’attitude de M. Nixon durant les maladies du président Eisenhower,
rendit ses chances de devenir lui-même président un jour beaucoup
plus grandes qu’elles ne l’avaient jamais été estimées auparavant. Son
histoire jusqu’à aujourd’hui en fait un personnage prometteur (tel que
M. Eden le paraissait en 1938), et au poste suprême, il pourrait
théoriquement produire un effet thérapeutique sur la politique
américaine et les relations extérieures.
Après les nominations, l’Amérique resta là à soupirer de
soulagement, car la réélection de M. Eisenhower était tenue pour sûre
et il avait reçu une publicité enthousiaste dans la presse, comme
«l’homme qui nous préserva de la guerre». L’expression rappelait les
expressions similaires utilisées à propos de M. Woodrow Wilson en
1916 et M. Roosevelt en 1940, mais en 1956, un répit de trois ans était
considéré comme une bénédiction et on lui fut reconnaissant pour
cette période de «paix», pour ce qu’elle valait.
Je fus témoin de cette élection, comme de celle de 1952, et réalisai
qu’en fait la guerre, localisée ou générale, était proche. Je sentais
qu’un répit, au moins, serait obtenu si le jour de l’élection (6 nov.) se
passait sans éruption au Moyen-Orient - une éruption qui se préparait
depuis des mois (une fois que les élections sont terminées, le pouvoir
697
des sionistes à exercer la pression diminue, pour un petit moment). Je
me rappelle avoir dit à un ami américain le 20 octobre que si les dixsept
jours prochains pouvaient se passer sans guerre, elle pourrait
être épargnée au monde pour trois ou quatre années de plus95.
Le 29 octobre - huit jours avant les élections - la guerre arriva, par
prédétermination évidente du moment considéré comme étant le plus
favorable pour provoquer la consternation à Washington et Londres.
Dès ce moment, les événements balayèrent tout sur une vague de
forces brutes libérées dans la nature, et c’est seulement bien plus tard
que l’humanité sera capable de voir ce qui a été détruit et ce qui a
survécu. Pour la Grande-Bretagne et la famille des nations d’outre-mer
qui émergé de cette dernière, ce fut presque la ruine, la fin prévisible
de l’implication dans le sionisme.
Le 29 octobre 1956, le gouvernement israélien annonça qu’il avait
commencé une invasion généralisée de l’Égypte et que ses troupes
s’étaient «avancées de 75 miles [120 km - NdT] à l’intérieur de la
péninsule égyptienne du Sinaï96».
698
La nouvelle, qui arriva après la longue série d’attaque précédentes
envers les Arabes et leur «condamnation» répétée par les Nations
unies, envoya un choc, une onde de répugnance dans le monde entier.
À ce moment précis, les Hongrois étaient en train de combattre et de
gagner la guerre de leur peuple contre la révolution communiste. Les
deux forces destructrices libérées par la Russie en octobre 1917 se
retrouvaient auto-condamnées par des actes d’une égale brutalité.
Elles étaient en train de s’auto-détruire; il n’y avait aucun besoin de
les détruire. À cette période, d’importantes forces contraires issues de
la réprobation universelle furent libérées, qui auraient été trop
puissantes pour ces deux forces destructrices. Pas même la «pression
sioniste» à New York ne pouvait faire passer cet acte pour une
«agression égyptienne» ou persuader les masses de l’accepter.
C’était un cadeau du ciel, libérant «l’Occident» de ses deux
dilemmes. Il avait juste besoin de se mettre à l’écart et, pour une fois,
de laisser «l’opinion mondiale» faire le travail; car en cette occasion, il
y avait bien une opinion mondiale, générée par des actes qui ne
pouvaient être cachés, déguisés ou dénaturés par «la presse».
En vingt-quatre heures, l’occasion en or fut rejetée. Les
gouvernements britannique et français annoncèrent qu’ils envahiraient
la région du canal de Suez «à moins que les troupes israéliennes et
égyptiennes n’acceptent d’arrêter les combats et ne s’éloignent à dix
miles [quinze km - NdT] du canal dans les douze heures». Comme cela
aurait laissé les troupes israéliennes presque cent miles [centcinquante
km - NdT] à l’intérieur du territoire égyptien, la demande
n’était de toute évidence pas destinée à être acceptée par l’Égypte. Làdessus,
les armées de l’air britannique et française débutèrent un
bombardement intensif des terrains d’aviation égyptiens et d’autres
cibles, et en détruisant la force aérienne de l’Égypte, offrirent une
victoire incontestée à l’envahisseur.
Le futur lecteur aura du mal à imaginer les sentiments d’un
Anglais dans mon genre, qui entendit la nouvelle en Amérique. La
699
honte n’est pas un mot assez fort, mais comme c’est le seul mot, je
l’utilise pour exprimer quelque chose que je ressentis encore plus fort
qu’à l’époque même de Munich, quand je démissionnai du Times en
guise de protestation - la seule que je pouvais faire (une protestation
stupide, je l’estime maintenant). Je me rappellerai toujours
l’impartialité des Américains à ce moment-là. Incrédules, choqués et
perplexes, aucun parmi ceux que je rencontrai ne céda à la jubilation
face à une déconvenue britannique - jubilation instinctive, bien
qu’irrationnelle, chez beaucoup d’Américains. Quelques-un d’entre eux
réalisaient que la politique américaine, avec ses constants revirements
sous «la pression», avait principalement causé ce dénouement
calamiteux, et partageaient mon sentiment de honte. C’étaient ceux
qui comprenaient que la honte était celle de tout «l’Occident», dans sa
servilité, et non de l’Angleterre ou de l’Amérique en particulier.
Cependant à ce moment-là, la responsabilité en tant que telle,
distincte de la honte, incombait à la Grande-Bretagne. Les
conséquences de cet acte vont si loin dans l’avenir qu’on ne peut les
estimer actuellement, mais une chose sera toujours claire: l’occasion
glorieuse offerte par les événements simultanés au Sinaï et en Hongrie
fut gâchée, apparemment par une suite d’erreurs de calculs sans
précédent, je le pense, dans l’Histoire.
Mon but ici est de montrer cela uniquement comme un pari
politique (assurément, on ne peut le considérer comme un acte de
diplomatie); c’était comme l’acte d’un homme qui miserait toute sa
fortune sur un cheval déjà retiré de la course. Par aucun retournement
inattendu, cet acte n’aurait pu être bénéfique à l’Angleterre ou à la
France.
Des trois parties concernées, Israël n’avait rien à perdre et
beaucoup à gagner: la réprobation instantanée du monde fut déviée
d’Israël quand l’Angleterre et la France accoururent pour arracher la
cape de l’agresseur et gagner sa guerre; on laissa Israël au coeur du
territoire égyptien, acclamant sa «conquête». La France n’avait pas
plus à perdre, malheureusement, que la dame dans la chanson de
soldat qui «avait encore oublié son nom»: par sa révolution, la France
restait la terre du fiasco récurrent, à jamais incapable de se relever de
l’abattement spirituel où elle se trouvait. Pendant 160 ans, elle essaya
toutes les formes de gouvernement humainement imaginables et ne
trouva de revigoration et de nouvelle assurance dans aucune. Ses
Premiers ministres changeaient si souvent que les masses
connaissaient rarement leurs noms; personnages indéfinis, ils
semblaient indifférenciables même dans leur apparence, et le politicien
français avait acquis une tradition de vénalité; un comique américain
dit un jour qu’il allait à Londres pour voir la relève de la garde et à
Paris pour voir la relève du gouvernement. Un pays rendu incapable,
700
par une série de gouvernements corrompus, de résister à l’envahisseur
allemand sur son propre sol en 1940, envahit le sol égyptien en 1956
au service d’Israël. Mais ce n’était qu’un épisode dans la triste histoire
de la France depuis 1789, et cela ne pouvait guère affecter son avenir.
Le cas était différent pour l’Angleterre: un exemple, un nom
illustre et une tradition de relations honorables autant en période
difficile qu’en période faste. L’Angleterre avait son âme à perdre, en
telle compagnie, et aucun monde à gagner. L’Angleterre avait fait
preuve de sagesse en appliquant les leçons de l’Histoire. Elle n’avait
pas tenté de pétrifier un empire et de parer les vagues du changement
à coups de baïonnettes. Elle avait accepté l’inévitabilité du changement
et chevauché ces vagues avec succès, transformant successivement
son Empire de colonies, d’abord en un Commonwealth de nations et de
colonies indépendantes d’outre-mer, et ensuite, alors que de plus en
plus de colonies parvenaient à l’autonomie, en une grande famille de
peuples, unie sans aucune contrainte mais par des liens intangibles
qui, comme le couronnement de la jeune reine Elizabeth le montra en
1953, n’étaient pas plus faibles qu’auparavant, et peut-être même
encore plus forts. Le fait d’avoir évité toute organisation rigide basée
sur la force, et d’avoir toujours laissé la porte ouverte à de nouvelles
formes de relation entre ces peuples associés, faisaient de la famille
des nations issues de «l’Angleterre» et de «l’empire britannique» une
expérience unique dans l’histoire humaine, en 1956, et une expérience
porteuse de promesses infinies, si elle continuait sur ce même chemin97. Le résultat remarquable de l’apparente faiblesse de ce
processus élastique était la force qu’il générait sous la pression; il
pliait sans s’effondrer, sous des tensions qui auraient fait éclaté une
organisation rigide fondée sur des règles dogmatiques, puis il se
retendait une fois la tension passée.
Donc, l’Angleterre avait tous les accomplissement de l’histoire
britannique à mettre en péril ou à perdre, en 1956, par toute action
qui dans les faits ou même en apparence, renverserait la politique - ou
méthode - qui lui avait acquis une si grande réputation et avait
produit, tout compte fait, de bons résultats matériels.
701
L’action du gouvernement britannique du 30 octobre 1956 doit
être considérée sous cet angle.
Si le canal de Suez était «vital» pour lui, pourquoi s’était-il donc
retiré? Si l’amitié de l’Égypte était vitale après le retrait, pourquoi cet
affront calculé en juillet? Si les navires britanniques utilisaient
librement le canal, pourquoi prétendre qu’il n’était pas «ouvert» et que
«la liberté et la sécurité de la navigation internationale» était mises en
danger? Si un quelconque intérêt britannique vital était en jeu,
pourquoi a-t-il attendu qu’Israël attaque l’Égypte, pour alors attaquer
l’Égypte?
On peut retourner et examiner la question sous tous les angles, et
la même réponse ressort toujours. Cette action n’a pu être menée pour
les intérêts de la Grande-Bretagne ou de la France; le moment choisi
est compromettant. Cela ne serait jamais arrivé si Israël n’avait pas
existé; par conséquent, l’humiliation subie par l’Angleterre (et la
France, si le lecteur veut bien) se trouvait dans cette cause.
L’implication commencée par M. Balfour cinquante ans plus tôt
produisit sa conséquence logique, et par cet acte la continuation de
cette implication fut assurée, au moment où la libération était enfin à
portée de main.
Si c’est un quelconque calcul rationnel d’intérêt national qui
suscita le plus téméraire des raids de Jameson, celui-ci surgira un
jour dans la mémoire des hommes concernés; personnellement, je
doute qu’il puisse jamais être justifié. À cet instant, il peut seulement
être examiné à la lumière d’un enchaînement d’événements sur quatre
semaines, qui ont déjà témoigné de l’immense fiasco.
L’entreprise fut manifestement préparée longtemps à l’avance
entre au moins deux des parties concernées, Israël et la France - la
preuve de cela apparut bientôt98.
702
En Angleterre, le gouvernement (jusqu’au moment de la
conclusion de ce livre) a refusé la demande d’enquête sur l’accusation
de complicité, qui ne peut être établie dans le cas britannique (en tant
que distinct du cas français). Il semble qu’il y ait une possibilité que
l’action britannique ait été soudaine, décidée sous l’impulsion d’un
moment jugé favorable. En ce cas, ce fut une monumentale erreur de
calcul, car quand «l’ultimatum» britannique et français fut lancé, les
États-Unis avaient déjà convoqué une réunion d’urgence du Conseil de
sécurité de l’ONU et présenté une résolution condamnant l’attaque
israélienne et exigeant que les Israéliens se retirent du territoire
égyptien (29 oct.).
Ainsi, le seul effet de l’attaque britannique et française fut que la
réprobation mondiale fut transférée d’Israël à ces derniers (les
Britanniques et les Français), et à la date du 7 novembre (après une
seconde résolution appelant Israël à se retirer), une majorité écrasante
à l’Assemblée générale avait dûment déporté le poids de sa
condamnation sur «la Grande-Bretagne et la France», Israël
apparaissant alors à la troisième place parmi les parties auxquelles on
avait demandé de se retirer99.
À ce moment-là, le fiasco militaire était aussi clair que le fiasco
politique; les oreilles anglaises avaient dû écouter pendant presque
cinq jours les nouvelles des bombardements britanniques des
Égyptiens, le canal de Suez était bloqué par des navires engloutis, le
président Nasser était plus populaire dans le monde arabe qu’il ne
l’avait jamais été, et le gouvernement britannique reculait
progressivement, passant d’«aucun retrait» à un «retrait
conditionnel», pour en arriver à un «retrait inconditionnel».
Le président Eisenhower et son administration utilisèrent au
mieux ces événements. Ce qui se profilait était de toute évidence
connu de Washington (comme l’attaque de Pearl Harbour avait été
connue à l’avance). On avait dit aux résidents américains de quitter la
703
zone de danger quelques jours avant l’attaque, et dans les deux jours
qui la précédèrent, le président Eisenhower mit en garde deux fois M.
Ben Gourion, une fois en des termes «urgents» et ensuite en des
termes «graves»; la seule réponse qu’il reçut fut un message radio qui
lui fut délivré durant un voyage en avion de Floride jusqu’en Virginie,
lui disant que M. Ben Gourion avait lancé l’attaque.
Toutefois, le gouvernement britannique n’informa pas officiellement le président (ou même les gouvernements des dominions)
de son intention, et M. Eisenhower put présenter à son peuple un
visage empreint d’une souffrance patiente quand il apparut à la
télévision, en prononçant ces paroles: «Nous croyons qu’elle»
(l’attaque) «a été faite par erreur, car nous n’acceptons pas l’utilisation
de la force comme moyen sage et approprié pour le règlement des
conflits internationaux». Ce fut une déclaration irréprochable, dans
un climat de culpabilité (l’approvisionnement incité par les Américains
d’armes françaises, britanniques et canadiennes à Israël pendant tout
l’été). Si le gouvernement britannique comptait sur la «pression
sioniste» à Washington, elle fut déçue cette fois là. Il y a toujours une
marge d’erreur dans ces affaires, et M. Eisenhower était assuré d’être
élu; en tous les cas, l’opportunité de transférer sa colère sur la
Grande-Bretagne lui épargna le besoin de l’apaiser plus encore sur
Israël (qui, dans cette affaire, avait obtenu ce qu’elle voulait). Avoir des
paroles dures envers l’Angleterre, qui plus est, était populaire en
Amérique depuis la Boston Tea Party; peut-on imaginer que le
gouvernement britannique ne réalisât pas cela?
L’acte britannique semble s’expliquer uniquement dans le contexte
de l’entière illusion sioniste. Si tant est que la chose devait se faire, le
seul espoir reposait sur une opération rapide et extrêmement efficace
qui aurait fait gagné la possession d’un canal intact et aurait confronté
le monde à quelque chose d’accompli. L’entreprise britannique fut
lente dès le départ, et très vite montra tous les signes du doute. Après
le fiasco, le Times (16 nov.) rapporta depuis la base britannique à
Chypre: «La décision du gouvernement britannique d’intervenir en
Égypte a été prise sans l’avis de pratiquement tous ses hauts
représentants diplomatiques dans la région. Elle été maintenue malgré
les avertissements de la plupart d’entre eux à propos de ses
conséquences probables sur l’avenir des relations britanniques avec
les nations arabes… Quand les détails de l’ultimatum britannique
lancé au Caire et la décision d’intervenir militairement contre l’Égypte
ont été connus pour la première fois dans les ambassades et les
légations britanniques des pays arabes, les réactions chez presque
chacune d’entre elles sont allées de la franche incrédulité à des
discussions sur la potentialité que cela soit un désastre… Beaucoup
sont devenus incrédules ou atterrés quand la forme de cette action
directe a semblé associer la politique britannique à celle d’Israël et de
704
la France» (ce passage me rappela de façon frappante le sentiment
dont je fus le témoin dans les «ambassades et les légations
britanniques» de toute l’Europe à l’époque de Munich).
Voilà pour la décision politique; ensuite, venait son exécution
militaire. Le Times (17 nov.) rapporta que parmi le commandants
militaires à Chypre, «Il y avait un sentiment quasiment unanime que
si cela se faisait, il vaudrait mieux le faire vite. L’incapacité à leur
permettre de terminer le travail a produit un sentiment de frustration
et de confusion parmi de nombreux officiers supérieurs ici, tout
comme parmi nombre de leurs subalternes». L’éminent écrivain
militaire américain, M. Hanson Baldwin, examinant par la suite «A
Confused Invasion» [Une Invasion Confuse - NdT] qui allait
«probablement devenir une étude de cas célèbre au sein des collèges
d’état-major militaire du monde entier», dit que sous la direction
confuse de Londres, «les multiples objectifs politiques, psychologiques
et militaires devinrent inextricablement confus; le résultat fut qu’il n’y
avait aucun but défini, ou en tout cas aucun objectif que la puissance
militaire pût accomplir, étant donné les limitations qui y avaient été
imposées».
Il devint bientôt apparent qu’en fait, quelque chose retardait et
dissuadait les gouvernements britannique et français de mener à bien
cette entreprise. Pour les Français, cela importait peu, pour les raisons
données précédemment; pour les Britanniques, la réputation,
l’honneur et la promesse de prospérité, la cohésion de la grande famille
britannique étaient tous en jeu. Déjà, dans le stress des ces jours-là, le
Premier ministre canadien avait averti que de telles actions pourraient
mener à la dissolution du Commonwealth. Aux Nations unies, la
Grande-Bretagne se tenait au pilori avec Israël et la France, une triste
vision en vérité. Malgré des votes massivement défavorables, seules
l’Australie et la Nouvelle-Zélande restèrent à ses côtés, peut-être plus
par fidélité acharnée que par conviction.
Qu’est-ce qui fit retarder cette entreprise hasardeuse - annoncée
de façon si orgueilleuse - jusqu’au point où elle tomba à l’eau? La
«protestation énergique et vigoureuse» du président Eisenhower et la
résolution des Nations unies provoquèrent sans doute une première
remise en cause à Londres. Puis il y eut la coïncidence atroce des
événements. Dès que les Britanniques et les Français commencèrent à
bombarder les Égyptiens, les Moscovites retournèrent en Hongrie et
commencèrent à massacrer les Hongrois. Ensuite, aux Nations unies,
les porte-paroles de l’Est et de l’Ouest se mirent à s’accuser les uns les
autres en criant: «Vous mêmes»; pendant que les avions
britanniques et français bombardaient Port-Saïd, les délégués
britanniques et français accusaient les Soviétiques de sauvagerie
inhumaine; pendant que les chars soviétiques massacraient les
705
Magyars, les délégués soviétiques accusaient les Britanniques et les
Français de pure agression. Ces échanges commençaient à prendre le
ton de la malhonnêteté professionnelle des vendeurs dans les bazars
levantins.
Le tableau prit alors des contours cauchemardesques. Sir
Anthony Eden, le jeune homme prometteur lors de sa démission en
1938, reçut la démission de M. Anthony Nutting, le jeune homme
prometteur de l’année 1956 - qui en tant que secrétaire d’État aux
Affaires étrangères «avait fortement déconseillé l’intervention
britannique en Égypte» - et celles d’autres collègues. Pour rétablir sa
position, il eut recours à Sir Winston Churchill, qui proclama: «Israël,
sous la plus grave des provocations, s’est embrasée contre l’Égypte…
Je ne doute pas que nous pourrons prochainement mener notre
barque vers une conclusion juste et victorieuse. Nous avons l’intention
de rétablir la paix et l’ordre au Moyen-Orient et je suis convaincu que
nous atteindrons notre but. La paix mondiale, le Moyen-Orient et notre
intérêt national profiteront sans conteste à long terme de l’action
déterminée du gouvernement».
Il incombe à l’avenir de vérifier cette déclaration, qui est peut-être
l’une des dernières de Sir Winston. L’acte britannique possède des
traits fortement churchilliens, et son successeur était si intimement
associé à lui que, dans tous les cas, il est peu probable qu’elle eût été
menée sans l’approbation de Sir Winston. Au même moment, le
vétéran [Churchill - NdT] publia le second volume de son Histoire des
Peuples de Langue Anglaise, et le New York Times commenta:
«L’auteur est fier du fait que sa petite île, «le petit royaume en mer du
Nord", bien que ne comptant au début de ce volume que trois millions
d’habitants, ait civilisé trois continents et éduqué la moitié du
monde». Seul le temps montrera si l’attaque britannique de l’Égypte
était dans cette tradition civilisatrice et éducatrice, ou si elle
continuera à discréditer l’Angleterre.
C’est alors que le plus gros choc résultant de l’action du
gouvernement britannique se produisit. Le Premier ministre soviétique
Boulganine, dans des notes adressées à Sir Anthony Eden et au
Premier ministre français, les menaça clairement d’attaque nucléaire
et à la roquette s’ils ne voulaient pas «arrêter l’agression, arrêter le
carnage» (le carnage continuait à Budapest et le flot des Hongrois en
fuite qui traversaient la frontière hospitalière autrichienne atteignait
environ cent mille âmes; à Budapest, un autre des hommes du Bela
Kun de 1919, M. Ference Münnich, devint l’«homme-clé» de Moscou
succédant à Rakosi et Gerö, et commença la nouvelle terreur). Qui
plus est, M. Boulganine, dans une lettre au président Eisenhower,
proposa une attaque commune américano-soviétique, «dans les
prochaines heures», de la Grande-Bretagne et de la France, une
706
proposition que la Maison Blanche qualifia simplement
d’«impensable» dans une déclaration à la presse.
Existe-t-il quelque chose d’«impensable» à notre époque?
L’alliance Hitler-Staline de 1939 (un dénouement évident, prédit par
l’auteur et par d’autres) fut décrite aux masses comme quelque chose
d’«impensable» jusqu’à ce qu’elle soit conclue et que la Seconde
Guerre débute. Le New York Times à cette période cita «un haut
diplomate américain à la longue expérience dans le monde arabe» comme approuvant implicitement cette proposition [celle de
Boulganine - NdT]: «Notre rejet de l’offre russe comme «impensable",
sans proposer d’y réfléchir dans le cadre des Nations unies, est
interprété ici» (il se trouvait en Jordanie) «comme signifiant que
malgré tout ce que nous pourrons dire, nous nous rangerons toujours
du côté de l’Occident et d’Israël dans les moments cruciaux».
Nul doute que la proposition d’attaque nucléaire commune
américano-soviétique envers l’Angleterre était impensable à cette
époque, mais en réalité les deux pays agirent ensemble contre
l’Angleterre de manières différentes, qui se combinèrent pour générer
une pression énorme des deux côtés. Sir Anthony Eden s’était engagé
sur des rapides torrentiels dans un fragile canoë. Il y a en Amérique
un instinct matricide constant et latent envers l’Europe en général et
l’Angleterre en particulier (on ne peut l’expliquer, mais on doit toujours
le prendre en compte), instinct qui est le plus facilement activé par
l’accusation de «colonialisme». Le fait que l’Amérique soit la plus
grande puissance coloniale au monde - car je ne vois aucune différence
valable entre l’expansion outre-mer et l’expansion outre-terre100 - n’y
change rien; il s’agit d’une impulsion irrationnelle qui a toujours été
prise en compte dans l’estimation des résultats de toute action
envisagée qui impliquerait «l’opinion américaine».
Cependant, l’ «opinion», de nos jours, est un produit
manufacturé et peut être générée sous n’importe quelle forme voulue.
Ce qui est beaucoup plus important et qui n’aurait pas dû être ignoré,
c’est que le président Eisenhower, de manière tout à fait évidente, a été
sélectionné, désigné et dans les faits élu par le groupe
«internationaliste» qui domina les présidents Wilson, Roosevelt et
707
Truman, et que la politique américaine, sous son administration, a
toujours soutenu la révolution et pris une nature anti-britannique
dans les moments de crise culminants. L’ultime ambition
«internationaliste» est le projet de gouvernement mondial, qui doit
être réalisé par le biais des forces convergentes et destructrices du
communisme révolutionnaire et du sionisme révolutionnaire, et il est
essentiel à cette ambition que les deux grands pays anglophones de
chaque côté de l’Atlantique restent divisés, car l’empire ne pourra
s’accomplir que par leur division. Cette ambition domina la Seconde
Guerre.
Le président Eisenhower émergea d’abord comme le troisième
personnage du groupe Roosevelt-Marshall - Eisenhower. On a montré
plus tôt la nature anti-britannique des propositions du général
Marshall dans les années de guerre; il était en fait le grand adversaire
de M. Churchill et l’homme responsable du fait que - tel que l’histoire
britannique officielle de la guerre le rapportait en 1956 - malgré la
renommée mondiale et la redoutable autorité de M. Churchill, il se
montra, en vérité, incapable de formuler une seule décision stratégique
majeure durant cette guerre - à l’issue de laquelle la politique
Roosevelt-Marshall - Eisenhower doit être jugée. Durant les palabres
finales, à Yalta, le voeu dominant fut de porter atteinte à la Grande-
Bretagne, comme le montrent les journaux de Yalta101.
Le général Eisenhower, en tant que commandant en Europe,
donna l’ordre militaire dont le résultat fut, dans les faits, la cession de
la moitié de l’Europe à la révolution.
Dans ce contexte, le gouvernement britannique n’aurait pu
compter sur le soutien du président Eisenhower; la préhistoire de tout
cela est trop lourde. Il fut l’exécuteur testamentaire de la politique
Roosevelt-Marshall durant la guerre, et sept ans après la fin de celleci,
il fut manifestement choisi par de puissants partisans, en
opposition au sénateur Taft, comme l’homme qui poursuivrait plus
avant la politique «internationaliste». Ce qui était inattendu, et ne
peut être justifié, est jusqu’où il alla - humiliant publiquement la
Grande-Bretagne cette fois-là, en imposant le retrait «inconditionnel»
dans les circonstances les plus méprisables, en ostracisant quasiment
l’ambassadeur britannique à Washington, et généralement en affichant
une rancoeur qui rappela celle du président Roosevelt à Yalta.
708
Cet étalage d’aversion (tout le pays put voir son air réprobateur à
la télévision) n’avait aucun fondement moral. La «pression» sur la
Grande-Bretagne de se retirer du canal, et la «pression» suivante sur
la Grande-Bretagne de se joindre à l’Amérique dans l’insulte
provocatrice envers l’Égypte - qui fut le véritable début de la crise de
guerre de 1956 - émanèrent de la Maison Blanche.
De plus, cela arriva au moment du massacre en Hongrie, et à part
le fait de dire que sa sympathie allait aux victimes, le président
américain et son administration ne réagirent pas dans cette affaire
beaucoup plus grave. En cela, une fois encore, il était en accord avec
les actes précédents: l’abandon de la promesse de «répudier Yalta»,
après son élection en 1952, et l’ordre aux armées alliées de faire halte
à l’est de Berlin en 1945. La conséquence de tout cela fut la
continuation de ce «soutien à la révolution» qui fut le principe
dominant de la politique nationale américaine durant deux guerres.
Une grande leçon fut apprise grâce aux événements d’octobre et
novembre 1956. Ils montrèrent que, si elle est suffisamment choquée,
quelque chose comme «l’opinion mondiale» peut s’exprimer par les
débats contradictoires de la société de conférences connue sous le nom
de «Nations unies» à New York. La démonstration d’aversion fut
écrasante dans les deux cas, celui de l’attaque de l’Égypte et celui du
massacre soviétique en Hongrie. De plus, ils montrèrent que comme
instrument susceptible de donner du poids à toute condamnation
morale de ce genre, les Nations unies sont totalement impuissantes.
Dans le cas le plus grave, celui de la Hongrie, elles ne purent
absolument rien faire, parce que les Soviétiques occupaient les lieux et
les États-Unis ne réagirent pas. Dans l’autre cas, celui de l’Égypte, un
résultat immédiat ne fut produit que parce que ces deux pays [les États-Unis et l’URSS] s’unirent contre la Grande-Bretagne; l’un avec
«des quasi-mesures de guerre» (le refus des fournitures de pétrole) et
l’autre directement avec des menaces de guerre.
En fait, le retrait britannique de Suez s’effectua avec la
collaboration américano-soviétique, et tant que «les
internationalistes» seront en mesure de contrôler la machine à
sélection - et à élection - américaine, un grand danger continuera à
peser sur le monde. Et le pacte Eisenhower-Boulganine n’est pas en
soi plus «impensable», dans les circonstances de ce siècle, que ne le
fut le pacte Hitler-Staline en 1939; en tous les cas, l’intention déclarée
(écraser le «communisme») est la même dans les deux cas.
Si le gouvernement britannique avait confiance en la «pression
sioniste» à Washington (et cela avait abouti au retrait britannique de
Palestine et à la création d’Israël en 1947-8), ce fut une autre erreur de
calcul à ce moment particulier. Il ne tint pas compte de l’effet de choc
de l’attaque israélienne et de l’effet de choc plus important de l’attaque
709
britannique et française, qui fit que les yeux du monde se tournèrent
principalement sur la Grande-Bretagne et conforta beaucoup le
président Eisenhower dans sa décision d’adopter l’attitude morale.
Donc, le gouvernement britannique se retrouva pris entre des
menaces d’attaque soviétique d’un côté, et de l’autre une hostilité qui
apparemment le surprit, de la part de la Maison Blanche. La
«nécessité vitale» fut bloquée, et les fournitures en pétrole de la
Grande-Bretagne furent bloquées avec elle. Apparemment, il se tourna
en toute confiance vers le gouvernement américain pour arranger les
choses, et apprit qu’il ne pouvait espérer aucun pétrole américain tant
qu’il ne «sortait» pas; à ce moment-là, tout le poids de l’affaire
retomba sur la Grande-Bretagne. Les représentants britanniques à
Washington furent reçus froidement et découvrirent qu’on refusait de
débattre de tout sujet d’importance avec eux; on leur fit comprendre
qu’ils pourraient revenir s’ils le souhaitaient, dans leur quête de
pétrole, quand la Grande-Bretagne serait «sortie». Le président
américain, durant ces jours-là, alla beaucoup plus loin que nécessaire
dans l’humiliation publique du gouvernement britannique, et on doit
en chercher la raison dans le sentiment anti-britannique révélé dans
les actes et paroles avérés de son protecteur, le président Roosevelt.
Toute l’histoire des machinations gouvernementales américaines dans
cette affaire, durant sa présidence, le privait de motifs pour une
attitude de franche indignation.
Malheureusement, les humiliation britanniques étaient méritées.
L’attaque de l’Égypte fut désastreuse sur tous les points majeurs:
dans son apparence évidente de complicité avec Israël, dans son
exécution au moment exact de la défaite soviétique en Hongrie, et dans
son indécision et son inefficacité, une fois débutée. Sir Anthony Eden,
miné par la pression et politiquement ruiné, se retira en Jamaïque
pour récupérer. Le «retrait inconditionnel» (des Britanniques et des
Français, non de l’agresseur originel, Israël) commença. Une «force
internationale» rassemblée à la hâte par les Nations unies apparut sur
le canal de Suez102 et attendit là, se demandant ce qu’elle était censée
faire. La popularité du président Nasser monta en flèche dans le
monde arabe; le canal resta bloqué; l’Égypte déclara qu’elle ne
céderait pas un pouce de territoire égyptien; Israël commença à se
plaindre de l’«antisémitisme» en Égypte.
Trois semaines après l’attaque, Khrouchtchev, le leader
communiste soviétique, en état d’ébriété, se moqua des ambassadeurs
britannique et français lors d’une réception à l’ambassade polonaise à
Moscou: «Vous dites que nous voulons la guerre, mais vous vous êtes
mis maintenant dans une situation que je qualifierais de stupide…
710
Vous nous avez donné une leçon en Égypte». Qui pourrait le
contredire?
Une semaine plus tard, le New York Times jaugea la balance: «la
Grande-Bretagne et la France ont misé et semblent être en train de
perdre de façon désastreuse… jusque là, Israël est sortie de la crise
dans une position relativement meilleure» (25 nov.).
La même édition rapportait en détails les remarques d’un membre
du Parlement israélien, un certain M. Michael Hazani: «M. Hazani a
expliqué sa théorie selon laquelle l’échec de la Grande-Bretagne et de
la France à conclure leur objectif concernant le canal de Suez était une
chance pour Israël… Les Israéliens se sentent moins isolés aujourd’hui
qu’avant leur percée du 29 octobre au Sinaï qui leur a aliéné leurs
amis et a hérissé leurs ennemis partout dans le monde… Les
Israéliens se sont délectés de leur nouvelle amitié avec la France qui a
fourni les outils qui ont permis à leurs forces armées de battre les
Égyptiens à plates coutures… Il y a quelques semaines, les Israéliens
ont eu peur quand ils ont craint d’avoir amené le monde au bord d’une
guerre thermonucléaire. La panique initiale s’est dissipée, les menaces
sont vues comme des tactiques dans une guerre des nerfs… Certains
membres de la Knesset ont dit qu’Israël aussi pouvait jouer à ce jeu…
alors ils demandent pourquoi Israël n’exploiterait pas sa capacité
actuelle à embêter le monde pour inciter la grande puissance à
pousser l’Égypte et les autres États arabes à négocier la paix».
Ces phrases montrent peut-être au lecteur le peu d’espoir de répit
qu’aura le monde tant que l’aventure sioniste ne sera pas liquidée. Le
fiasco est le sort inévitable de tous ceux qui s’associent avec elle, parce
que sa propre fin inévitable sera un fiasco, mais le poids de chaque
désastre doit retomber, et retombera toujours sur ces associés, non
sur les auteurs originels de cette folle ambition. Aujourd’hui, elle
affecte toutes les relations sensées entre les nations, contrariant celles
qui n’ont aucun motif de discorde, en fourvoyant certaines dans des
entreprises qui ne peuvent en aucun cas leur apporter quelque chose
de positif, et suscitant des menaces de guerre mondiale chez d’autres.
Dans le cas de l’Angleterre, qui par cet acte fut réimpliquée dans
le marasme d’où M. Ernest Bevin l’avait extirpée en 1947-8, les
pénalités furent si lourdes que, si le processus entier de l’implication
dans le sionisme était comparé à treize marches jusqu’à la potence, on
pourrait dire qu’on en était à la douzième; la seule chose qui pouvait
arriver de pire à l’Angleterre à cause de cela était la calamité suprême.
Déjà, à cette occasion, l’avertissement à propos de la désintégration du
Commonwealth fut entendu du plus haut lieu en-dehors de l’île
Britannique elle-même, et à aucune autre occasion cela avait-il été ne
serait-ce qu’un vague péril. L’Angleterre fut mise sur le banc des
accusés, aux côtés d’Israël (et de la France) face au monde, et
711
réprimandée comme un gredin. Elle découvrit soudain des menaces
alarmantes s’élevant de tous côtés. Aucun des objectifs annoncés
n’était atteint, ses forces armées ne furent même pas autorisées à
accomplir ne serait-ce qu’une tâche rebutante, rien ne restait que la
honte. À la fin, des impôts plus lourds, des privations, et des épreuves
s’abattirent sur le pays, comme prix à payer - et c’était en vérité un
tribut de plus à Sion.
Une chose est claire dans tout cela; rien de tout cela n’aurait pu
se produire sans l’État fondé en 1948. Si une guerre générale avait eu
lieu, elle aurait été débutée par Israël; si elle devait encore survenir à
cause de cette affaire (et c’est toujours une possibilité ouverte au
moment où je termine ce livre), elle devrait être débutée par Israël.
Pour ma part, si j’avais pu me persuader que l’attaque britannique
de l’Égypte fut réellement motivée par l’inquiétude concernant les
intérêts britanniques, je l’aurais acceptée, persuadé que le
gouvernement britannique savait des choses que j’ignorais, qui d’une
manière ou d’une autre justifiaient ce qui semblait, selon toute
apparence extérieure, indéfendable et voué à l’échec. Je ne peux me
persuader d’une telle chose. Ce n’était que le dernier faux pas dans la
tragédie d’erreurs qui commença avec l’engagement britannique
originel envers le sionisme en 1903; j’ai retracé toutes ces erreurs
dans ce livre.
Je pense que cela est clairement implicite, d’après ce qu’on
entendit sur les bancs du gouvernement à la Chambre des communes
à l’issue du fiasco. Sir Anthony Eden étant en Jamaïque, la tâche de la
justification échoua à ses collègues et l’un d’eux, M. Anthony Head, le
ministre de la Défense, ne fit aucunement reposer la justification sur
un intérêt britannique, mais sur l’affirmation d’avoir évité «une Israël
paralysée, un Tel Aviv bombardé et un monde arabe uni» (une fois
encore, je n’ai pas le texte, je cite le New York Times; je considère que
les politiciens doivent être en accord avec ce que le monde comprend
d’après leurs propos).
Or, le corollaire de ce qu’ils affirment avoir accompli est un monde
arabe désuni, un Port-Saïd bombardé, et une Égypte endommagée
(parmi ces trois choses une seule a été accomplie - le bombardement;
les autres n’ont pas été réalisées). Quel intérêt britannique peut-il être
servi en désunissant le monde arabe et en paralysant l’Égypte? Quel
Anglais aurait-il soutenu cette action si elle lui avait été posée en ces
termes avant d’être entreprise? Quand l’argument de soutien à «l’accomplissement des aspirations sionistes» fut-il jamais exposé à
l’électeur britannique en ces termes-là?
Dans certaines maladies, la médecine moderne est à même
d’identifier la source originelle de l’infection, la première plaie. La
712
source première de tous ces maux, alors qu’ils atteignaient leur point
culminant dans les actes des 29 et 30 octobre 1956, est
manifestement le sionisme; chaque acte, depuis qu’il prit forme en
tant que force politique dans les ghettos de Russie quelque quatrevingts
ans plus tôt, mena le monde au bord d’une guerre universelle,
d’où nul ne savait lequel de leurs amis de la veille serait l’ennemi du
lendemain. C’était vraiment «la duperie des nations» à son maximum.
Le temps pourra-t-il distiller quelque chose de positif de tout
cela? Manifestement, il le peut, et le fera; il n’y a que pour les
contemporains que l’agitation gratuite dans laquelle nous vivons est
rageante. Les premiers signes de l’amélioration longtemps différée
commencent à se montrer. Les nations qui se trouvent dans les
chaînes du communisme révolutionnaire commencent à s’en libérer;
les peuples d’Europe de l’Est peuvent encore s’en sortir par leurs
propres moyens, et le reste de l’Occident captif aussi, en suivant leur
exemple. Je crois que les juifs du monde entier commencent eux aussi
à voir l’erreur du sionisme révolutionnaire, le jumeau de l’autre
mouvement destructeur, et à la fin de ce siècle, ils décideront enfin de
se mêler au commun des mortels103.
Les événements d’octobre et novembre 1956 eux-mêmes ont
fourni un chapitre de conclusion pertinent à ce livre104. Je crois qu’ils
ont également ajouté une preuve convaincante à son argumentation.
713
NOTES:
65. En 1952 environ, un poisson coelentéré, d’une espèce jusqu’alors considérée comme disparue depuis des millions d’années, fut ramené à la surface de l’Océan Indien (portant gravement atteinte à la chaîne de la théorie darwinienne par son apparition, tout comme le fait de découvrir, un peu plus tard, que le crâne de Piltdown était un faux). L’émergence du sionisme lévitique, quand il émergea à la surface politique du XXe siècle, fut une surprise quelque peu similaire venue des profondeurs. (retournez)
66. Sa place de dirigeant fut brièvement reprise par un certain Gueorgui Malenkov, qui la céda à des duumvirs, Nikita Khrouchtchev (leader du parti) et Nikolay Bulganin (Premier ministre). Le monde ne put dire dans quelle mesure ils héritèrent du pouvoir personnel de Staline ou furent dominés par d'autres. Survivant de tous les changements et purges, M. Lazare Kaganovitch, un Juif, demeura Vice-Premier ministre tout au long et à l'anniversaire bolchévique en novembre 1955, fut choisi pour dire au monde: «Les idées révolutionnaires ne connaissent pas de frontières». Quand les duumvirs visitèrent l'Inde ce mois là, le New York Times, demandant qui dirigeait l'Union soviétique en leur absence, répondirent «Lazare Kaganovitch, leader communiste chevronné». M. Kaganovitch fut parmi les proches les plus anciens et les plus intimes de Staline, mais ni cela ni aucun autre fait pertinent (en rapport) ne dissuada la presse occidentale d'attaquer Staline, dans ces derniers mois, comme étant le nouvel «Hitler» antisémite. (retournez)
67. Ce tollé en Occident avait commencé dix semaines plus tôt, la veille de l'élection présidentielle en Amérique, en vertu d'un procès à Prague, où onze accusés sur quatorze furent pendus, après les «confessions» habituelles, sur les accusations de conspiration sioniste. Trois des victimes n'étaient pas juives, mais elles auraient aussi bien pu, elles aussi, ne pas être nées ou pendues, étant donné l'attention qu'elles reçurent dans la presse occidentale. (retournez)
68. Qui, selon les «estimations» juives en cours, comptait quelque deux millions, soit environ un pour cent de la population soviétique totale (déclarée comme étant de 200 000 000 par le Manuel Statistique de l’Économie Soviétique du gouvernement Soviétique, en juin 1956). (reournez)
69.M. Eisenhower ajouta que «sa mère les avait élevés, son frère et lui, selon les enseignements de l’Ancien Testament». Cette allusion quelque peu sibylline se réfère à la secte chrétienne des Témoins de Jéhovah, au sein de laquelle M. Eisenhower et ses frères furent élevés dans la maison parentale. (retournez)
70. «Alors qu’il proclamait à nouveau la politique de libération, M. Dulles, secrétaire d’État, nia toute responsabilité des États-Unis dans le soulèvement malheureux en Hongrie. Il dit qu’au début de l’année 1952, le président et lui avaient invariablement déclaré que la libération devait être accomplie par des moyens pacifiques et évolutifs». Déclaration à Augusta, Géorgie, 2 décembre 1956. (retournez)
71. Cette révolte fut écrasée, et une revanche impitoyable fut prise par «la terrifiante Frau Hilde Benjamin» (Le Times, 17 juillet 1953), qui fut promue ministre de la Justice pour l’occasion, et qui devint tristement célèbre pour ses condamnations à mort (dont celle d’un jeune adolescent qui distribuait des tracts anti-communistes) et pour sa persécution particulière de la secte des Témoins de Jéhovah, au sein de laquelle le président Eisenhower avait été élevé. Dans la pensée populaire et dans les descriptions du journal new-yorkais, elle était décrite comme «une juive». Aussi loin que j’aie pu le découvrir par mes recherches, bien que mariée à un juif, elle n’était pas née juive. (retournez)
72. Un bon exemple de la confusion introduite dans cet événement par la «question juive». Rokossovsky, né polonais et maréchal soviétique, stoppa l’avancée des troupes aux portes de Varsovie en 1944 pour donner aux troupes SS et de la Gestapo le temps et la liberté de massacrer l’armée de la résistance polonaise. Il était donc l’homme le plus haï de Pologne. En même temps, les journaux new-yorkais le considéraient comme «antisémite». Quel sentiment général pesa le plus lourdement contre lui, on ne peut le déterminer à ce stade. (retournez)
73. Le compte rendu le plus authentique de l’événement originel fut donné, pour des raisons qui lui appartenaient, par le dictateur communiste yougoslave Tito, au cours d’un programme national, le 15 nov. 1956. Il dit, parmi bien d’autres choses: «Quand nous étions à Moscou, nous avons déclaré que le régime de Rakosi et Rakosi lui-même n’avaient pas les qualifications nécessaires pour diriger l’état hongrois ou pour le guider vers l’unité interne… Malheureusement, les camarades soviétiques ne nous ont pas crus… Quand les communistes hongrois eux-mêmes ont réclamé le départ de Rakosi, les leaders soviétiques ont réalisé qu’il était impossible de continuer dans cette voie et ont convenu qu’il devait être destitué. Mais ils ont commis une erreur en ne permettant pas également la destitution de Gerö et des autres partisans de Rakosi… Ils sont tombés d’accord sur la destitution de Rakosi, à la condition que Gerö devait rester… Il avait suivi la même politique et était aussi coupable que Rakosi… Il a qualifié ces centaines de milliers de manifestants, qui étaient encore en train de manifester à l’époque, de populace» (un participant déclara que les paroles de Gerö furent: «sales bandits fascistes, et d’autres termes trop grossiers pour les répéter»)«… Cela était assez pour mettre le feu au baril de poudre et le faire exploser… Gerö a fait appel à l’armée. C’était une erreur fatale de faire appel à l’armée soviétique au moment où les manifestations étaient encore en cours… Cela a mis ces gens encore plus en colère, et alors une révolte spontanée a suivi… Nagy a appelé le peuple aux armes contre l’armée soviétique et a fait appel aux pays occidentaux pour qu’ils interviennent…» (retournez)
74. Ce trait anti-chrétien invariable et délibéré apparut à nouveau dans le traitement subi par le cardinal Mindszenty, dont il publia les détails après sa libération. En résumé, il dit avoir été torturé par ses ravisseurs pendant les vingt-neuf jours et nuits entre son arrestation et son procès, mis à nu, battu jour après jour avec un tuyau en caoutchouc, maintenu dans une cellule froide et humide pour irriter ses poumons affaiblis, forcé de regarder des spectacles obscènes, et interrogé sans pouvoir dormir durant toute cette période (interview publiée dans de nombreux journaux et périodiques, décembre 1956). (retournez)
75. La Loi du Retour, de 1953, dit entre autres: «Le rassemblement des exilés requiert des efforts constants de la part de la nation juive dispersée, et l’État d’Israël s’attend donc à la participation de tous les juifs, soit à titre personnel soit par le biais d’organisations, à l’édification de l’État et à l’assistance à l’émigration de masse, et voit la nécessité pour toutes les communautés juives de s’unir dans ce but». Un état permanent d’«antisémitisme» dans le monde est de toute évidence le pré-requis pour la réalisation de cette loi, et comme le groupe le plus important de juifs dans le monde se trouve actuellement en Amérique, une situation «antisémite» là-bas devrait manifestement être déclarée à quelque étape du processus. (retournez)
76. Un événement du mois précédent, en avril 1953, avait déjà montré que M. Churchill était préparé à aller plus loin, dans ses hommages au sionisme, que nul n’aurait pensé qu’il était possible à en juger par ses annales et sa légende nationales. Ce mois-là, il s’associa avec ostentation à la canonisation sioniste d’un officier anglais du nom d’Orde Wingate, et ce faisant, humilia le peuple anglais en général, et en particulier tous les fonctionnaires, officiers et soldats britanniques qui pendant trente ans avaient accompli loyalement leur devoir en Palestine. Wingate, officier des renseignements britanniques en Palestine durant les années de l’entre-deux-guerres - tellement éloigné de l’impartialité honorable, entre Arabes et Juifs, qui était la fierté et le devoir de ses camarades, jusqu’à en devenir non pas un simple ennemi des Arabes, mais un renégat envers son pays et son métier. Sa perfidie fut d’abord rendue publique lors de l’occasion où M. Ben Gourion, dédiant un village d’enfants sur le Mont Carmel à la mémoire de Wingate (il fut tué durant le Seconde Guerre) dit: «Il était prêt à se battre avec les juifs contre son propre gouvernement» et au temps du Livre blanc britannique de 1939 «il vint me trouver avec l’intention de combattre la politique britannique». Une des propositions de Wingate était de faire exploser un oléoduc britannique. M. Churchill, dans son message lu lors de la cérémonie de consécration, décrivit le village nommé d’après Wingate comme «un monument à l’amitié qui devrait toujours unir la Grande-Bretagne à Israël», et le ministre britannique fut prié d’y assister en guise de témoignage officiel de l’approbation du gouvernement britannique. Ainsi, le Britannique tellement honoré dans l’État sioniste avait-il trahi son devoir, et le Premier ministre britannique de l’époque se joignit à ces honneurs. L’histoire significative du service dans l’armée de Wingate est donnée dans le livre du Dr Chaim Weizmann. Le Dr Weizmann, qui parle avec indulgence des efforts de Wingate pour se faire bien voir des colons sionistes en essayant de parler hébreu, dit que c’était «un sioniste fanatique». En fait, Wingate était un homme très similaire au prophète Monk du siècle précédent, mais avec les moyens de ce dernier, il fut en mesure de faire beaucoup plus de mal. Il copia sur Monk en essayant de ressembler à un prophète judaïte, en se laissant pousser la barbe, et il trouva visiblement sa véritable vocation sur la terre de Judas. Il était soit dément, soit totalement instable, et fut déclaré par l’armée britannique «trop déséquilibré pour commander à des hommes d’une manière responsable». Il se tourna alors vers le Dr Weizmann, qui demanda à un médecin important de Londres (Lord Horder, un ardent sympathisant sioniste) de témoigner devant le Conseil médical de l’armée «du sérieux et du sens des responsabilités de Wingate». Comme résultat de ce parrainage, Wingate «reçut une affectation au poste de capitaine des services de renseignements en Palestine», avec le résultat prévisible relaté plus haut. Pendant la Seconde Guerre, cet homme, entre tous les hommes, fut désigné pour recevoir les honneurs particuliers par M. Churchill, et fut rappelé à Londres au moment de la Conférence de Québec pour recevoir la promotion de général de division. Le Dr Weizmann dit que le «désir qui le consumait» était de mener une armée britannique jusque dans Berlin. Le contexte du récit du Dr Weizmann suggère que cette opération aurait été dirigée par une brigade juive menée par Wingate, si bien que l’événement aurait adopté la nature visible d’un triomphe talmudique, détaché des couleurs d’une «victoire britannique». «Les généraux», conclut le Dr Weizmann, prévinrent cette humiliation; leur refus «fut total et définitif». L’épisode fait à nouveau ressortir la nature inégale et énigmatique de M. Churchill, qui prêchait l’honneur, le devoir et la loyauté de façon plus éloquente qu’aucun autre avant lui, et demandait sans ménagement à une nation aux abois de donner son «sang et sa sueur, son labeur et ses larmes» pour ces principes éternels. Il avait vu l’un de ses propres ministres assassiné et des sergents britanniques symboliquement pendus «à un arbre», et pourtant il patronna spécialement cet homme, de son vivant, et le distingua pour recevoir les honneurs à sa mort. M. Churchill, à une période antérieure, abandonna un jour la tâche d’écrire la vie de son illustre ancêtre à cause d’une lettre qui paraissait prouver que John Churchill, Duc de Marlborough, avait trahi une attaque imminente par la flotte britannique de son ennemi de l’époque, les Français. «La trahison de l’expédition contre Brest», écrivait-il alors, «fut un obstacle que je ne pouvais regarder en face»; et de honte, il refusa d’écrire la biographie, changeant seulement d’avis quand il se persuada que la lettre était un faux. Pourtant, même dans ce livre, sa conception de la loyauté n’est pas évidente à suivre, car dans sa préface il accepte comme naturel et même juste le premier acte avéré de traîtrise de la part de Marlborough, quand il quitta Londres à cheval en tant que commandant du Roi Jacques pour rencontrer les armées d’invasion allemande et hollandaise de Guillaume d’Orange, et passa à l’ennemi, de sorte que l’invasion de l’Angleterre réussit sans qu’un coup de feu anglais ne soit tiré. (retournez)
77. Ces Commissions mixtes d’armistice des Nations unies, qui seront désormais dénotées par U.N.M.A.C. (UN Command Military Armistice Commission - NdT) comprenaient dans chaque cas un représentant d’Israël et de l’État arabe voisin, et un représentant des Nations unies dont les conclusions et le vote décidaient ainsi quelle était la Source à blâmer. Les conclusions étaient invariablement contre Israël jusqu’à ce que, comme dans le cas des administrateurs britanniques entre 1917 et 1948, la «pression» commence à être exercée sur les gouvernements d’origine des représentants, soucieux de rappeler quiconque donnait impartialement son soutien à l’argument arabe. Au moins deux responsables américains qui se prononcèrent contre Israël lors de tels incidents furent rappelés. Tous ces responsables, quelle que soit leur nationalité, travaillaient avec en tête la mémoire du sort du comte Bernadotte [médiateur des Nations unies en Palestine assassiné par les Israéliens en 1948 - NdT], et celui de bien d’autres, toujours présents dans leurs esprits. En règle générale, comme les administrateurs britanniques avant eux, ils se révélaient impossibles à intimider ou à suborner, et ainsi le contraste frappant entre la conduite des hommes sur le terrain et les gouvernements des lointaines capitales occidentales était-il maintenu. (retournez)
78. Dès le début de l’année des élections présidentielles, tous les journaux américains importants, et de nombreux journaux britanniques, parlèrent des attaques israéliennes comme de «représailles» ou «vengeances», si bien que les victimes furent transformées dans chaque cas en agresseurs par la machine à propagande. Le général Burns, dans son récit de la dernière attaque, dit à l’ONU qu’Israël «paralysait la machine investigatrice» en boycottant les Commissions mixtes d’armistice à chaque fois qu’elles votaient contre elle, et ajouta: «Actuellement, la situation est que l’une des parties prenant part à l’accord d’armistice général fait ses propres investigations, qui ne sont soumises à vérification ou à confirmation par aucun observateur désintéressé, publie les résultats de telles investigations, en tire ses propres conclusions et sur cette base, fait entreprendre des actions par ses forces militaires». La presse britannique et américaine, en adoptant le terme «représailles» d’Israël dans ses comptes rendus, donna au public des deux pays, tout au long de cette période, l’image fausse de ce qui se passait, tel que le souhaitaient les sionistes. (retournez)
79. L’histoire que j’ai relatée montre qu’au moment de l’invasion israélienne, aucun observateur attentif ne pouvait espérer que les États-Unis feraient grand chose de plus que de la réprouver. Les sionistes avaient de toute évidence choisi un moment où, selon leurs calculs, l’imminence du vote pour l’élection présidentielle américaine paralyserait tout moyen d’action efficace contre eux. Je croyais que j’étais préparé à la soumission occidentale au sionisme - une fois encore - sous une forme ou une autre. Ce que, même moi, je n’aurais pas cru, jusqu’à ce que cela arrive, c’est que mon propre pays, la Grande- Bretagne, se joindrait à l’attaque. Celle-ci, la plus récente et plus importante dans la succession d’erreurs vers lesquelles la population anglaise fut conduite par ses dirigeants à la suite de l’implication originelle dans le sionisme en 1903, assombrit les perspectives d’avenir pour l’Angleterre et l’Occident durant le reste de ce siècle, juste au moment où elles s’éclaircissaient; ce fut comme une éclipse soudaine du soleil, déjouant tous les calculs des astronomes. (retournez)
80. L’extraction des juifs des États-Unis, bien qu’essentielle au «rassemblement des exilés», appartient manifestement à un stade ultérieur du processus et dépendrait du succès de la phase suivante, le «rassemblement» des juifs du territoire soviétique et des pays du Maghreb. Après cela, quelqu’étrange que paraisse l’idée aux Américains et aux Britanniques d’aujourd’hui, il faudrait qu’il y ait une «persécution juive» en Amérique, et cela serait produit par la méthode propagandiste utilisée dans le passé et appliquée impartialement pays après pays, y compris en Russie, Pologne, Allemagne, France, Espagne et Grande- Bretagne. Le Dr Nahum Goldman, leader de l’Organisation sioniste mondiale, dit devant un public israélien, en octobre 1952, qu’il n’y avait qu’un problème que le sionisme devrait résoudre s’il voulait réussir: «Comment faire émigrer en Israël les juifs des pays où ils ne sont pas persécutés». Il dit que ce problème était «particulièrement difficile aux États-Unis parce que les États-Unis sont moins un pays de persécution juive, ou de toute perspective de persécution juive, que n’importe quel autre pays» (Johannesburg Zionist Record, 24 oct. 1952). Le lecteur remarquera qu’il n’y a aucun pays sans «persécution juive»; il y a seulement des degrés de «persécution juive» dans les différents pays. (retournez)
81. Cela est essentiel à la stratégie électorale dictée, bien qu’originellement non conçue par lui, par le colonel House. Le problème des bâtons dans les roues qu’elle pose fait l’objet de nombreuses illusions citées précédemment, par ex: «… Notre échec à nous accorder avec les sionistes pourrait nous faire perdre les États de New York, de Pennsylvanie et de Californie; J’ai pensé qu’il était grand temps que quelqu’un prenne en considération la possibilité de ne pas perdre les États-Unis» (M. James J. Forrestal); «Niles avait dit au président que Dewey était sur le point de sortir une déclaration en faveur de la position sioniste et à moins que le président ne le devance, les démocrates perdraient l’État de New York» (le secrétaire d’État James J. Byrnes); «Le Parti démocrate refuserait d’abandonner les avantages du vote juif» (le gouverneur Thomas E. Dewey). (retournez)
82. La question de savoir si le sénateur Taft, fût-il devenu président, se serait révélé capable de mener la politique alternative claire qu’il exposait ici dans ses grandes lignes ne trouvera désormais jamais de réponse. Dans le cas particulier du sionisme, qui joue un rôle essentiel dans toute l’affaire dénoncée ici par lui, il fut aussi soumis que tous les autres hommes politiques importants, et sans doute ne discerna-t-il pas la relation inséparable entre le sionisme et l’ambition de l’«État mondial» qu’il fustigeait. On demanda à un important sioniste de Philadelphie, un certain M. Jack Martin, de devenir le «secrétaire exécutif» du sénateur Taft en 1945, et il rapporte que sa première question à M. Taft fut: «Sénateur, que puis-je vous dire à propos des aspirations du sionisme?» On rapporte la réponse de Taft, dans une veine balfouréenne ou wilsonienne: «Qu’y a t’il à expliquer? Les juifs sont persécutés. Ils ont besoin d’une terre, d’un gouvernement à eux. Nous devons les aider à obtenir la Palestine. En outre, cela contribuera incidemment à la paix mondiale…» Le contraste entre ce discours typique d’un politicien en chef courant après les voix, et le commentaire éclairé donné plus haut est évident. M. Martin, qui est décrit dans l’article cité ici (Jewish Sentinel, 10 juin 1954) comme l’«alter ego» et héritier du sénateur Taft, fut invité après la mort de Taft par le président Eisenhower à devenir son «assistant, conseiller et liaison avec le Congrès». Commentaire de M. Martin: «Le président Eisenhower est disposé à écouter volontiers votre opinion et il est facile de le conseiller». (retournez)
83. Cette révélation significative est tirée d’un livre, Eisenhower: The Inside Story [Eisenhower: l’histoire vue de l’intérieur - NdT], publié en 1956 par un correspondant à la Maison Blanche - M. Robert J. Donovan - manifestement selon les voeux de M. Eisenhower, car il est basé sur les comptes rendus des réunions du Cabinet et d’autres documents concernant des rapports hautement confidentiels au plus haut niveau. Rien de la sorte ne fut jamais publié en Amérique auparavant, et l’auteur n’explique pas les raisons de cette innovation. Certaines choses y sont rapportées, que les membres du Cabinet du président n’auraient probablement pas dites s’ils avaient su qu’elles seraient publiées - par exemple, la suggestion facétieuse qu’un certain sénateur Bricker et ses partisans (qui réclamaient avec force un amendement constitutionnel pour limiter le pouvoir du président de conclure des traités, et ainsi le soumettre à un fort contrôle de la part du Congrès) soient atomisés. (retournez)
84 Les événements nationaux les plus significatifs du premier mandat du président Eisenhower (à la lumière du fait que son élection exprimait principalement le désir des votants américains, en 1952, de redresser l’infestation communiste avérée au gouvernement et de combattre la menace d’agression communiste) furent la condamnation de l’instigateur le plus obstiné, le sénateur McCarthy, condamnation qui reçut les encouragements et l’approbation personnels du président, et la décision de la Cour suprême des États-Unis en 1955, qui niait le droit des quarante-huit États individuels de prendre des mesures contre la sédition et réservait cela au gouvernement fédéral. Cette décision, si elle entre en vigueur, réduira grandement le pouvoir de la République à «lutter contre la sédition» (les «Protocoles»). Le troisième événement national important fut la décision de la Cour suprême contre la ségrégation des élèves blancs et noirs dans les écoles publiques, qui de fait était dirigée contre le Sud et, si elle était appuyée, pourrait produire des résultats violemment explosifs. Ces événements attirèrent l’attention sur la position spéciale occupée aux États- Unis par la Cour suprême, à la lumière du fait que les nominations y sont politiques, et non la récompense d’une vie de service dans une magistrature indépendante. Dans ces circonstances la Cour suprême, sous le président Eisenhower, montra des signes d’évolution en un corps politique suprême (Politbüro suprême serait un mot assez approprié), capable de prévaloir sur le Congrès. L’adjoint du ministre de la Justice des États-Unis, M. Simon E. Sobeloff, déclara en 1956: «Dans notre système, la Cour suprême n’est pas seulement le juge des controverses, mais dans le processus de jugement, elle est en de nombreux points le décisionnaire final de la polique nationale» (cité dans le New York Times, 19 juillet 1956).(retournez)
85. Cependant, quatorze mois plus tard (4 janv. 1957), après l’attaque de l’Égypte, M. Hanson Baldwin, écrivant depuis le Moyen-Orient, confirma la continuité de la prédominance militaire d’Israël «sans défense»: «Israël est, depuis 1949, la puissance militaire indigène la plus forte de la région. Elle est plus forte aujourd’hui, comparée aux États arabes, qu’elle ne le fut jamais auparavant». (retournez)
86. «La fourniture d’armes par la Tchécoslovaquie soviétique fit que les juifs d’Israël et d’ailleurs se tournèrent vers les Soviétiques en tant que libérateurs», Jewish Times de Johannesbourg, 24 déc. 1952 (retournez)
87. «L’État d’Israël sera défendu si nécessaire avec une aide extérieure massive», le gouverneur Harriman, New York Times, 23 mars 1955. (retournez)
88. Entre-temps, un autre livre était sorti: The U.N. Record [Les Archives de l’ONU - NdT] de M. Chesly Manly, qui racontait que quatre officiels supérieurs du service diplomatique américain, rappelés du Moyen-Orient à Washington durant les élections au Congrès de 1946 afin d’être consultés sur la question palestinienne, avaient exposé le cas arabe et reçu cette réponse du président Truman: «Désolé, messieurs, je dois répondre à des centaines de milliers de personnes qui attendent avec impatience la victoire du sionisme; je n’ai pas des centaines de milliers d’Arabes parmi mes électeurs». La soumission de M. Truman à la pression sioniste lorsqu’il était en fonction, et ses plaintes sur le sujet une fois en retraite, sont ainsi archivées toutes les deux. (retournez)
89. Voilà un exemple, dans la nouvelle génération, de «l’interférence étrangère, entièrement venue des juifs» dont le Dr Weizmann se plaignait amèrement à la génération prédécente. Le Conseil [américain pour le judaïsme] craignait et combattait l’implication de l’Occident dans le chauvinisme sioniste. Il était dirigé par M. Lessing Rosenwald, ancien président de la grande maison de commerce de Sears, Roebuck [and Company - NdT], et le rabbin Elmer Berger. Lors d’un meeting à Chicago à cette période, il [le Conseil] décida que les mémoires du président Truman «confirment que les pressions sionistes - cataloguées comme venant des juifs américains - étaient excessives au-délà de la bienséance» et «offraient le spectacle de citoyens américains promouvant les causes d’un nationalisme étranger». Le lecteur, s’il se réfère aux chapitres précédents, verra avec quelle précision la situation en Angleterre en 1914-1917 avait été reproduite en Amérique en 1947-8 et 1955-6. (retournez)
90. Six mois plus tard, la veille de l’élection présidentielle et immédiatement avant l’attaque israélienne de l’Égypte, le New York Daily News fit appel à «l’électeur juif» en récapitulant les services républicains suivants: «L’administration Eisenhower n’a pas eu la possibilité de fournir Israël en matériel lourd, à cause de diverses situations internationales délicates. Néanmoins, l’administration, en avril et mai derniers, a bien aidé Israël à obtenir 24 avions Mystère français, et le mois dernier le Canada a annoncé la vente de 24 jets Sabre à Israël. Les représentants israéliens ont déclaré que M. Dulles a activement utilisé l’influence du gouvernement des États-Unis pour promouvoir les ventes d’avions français et canadiens». (retournez)
91. Pendant le soulèvement hongrois contre les Soviétiques en octobre-novembre 1956, plusieurs correspondants américains, revenant des champs de bataille, et des fugitifs hongrois attribuèrent dans une large mesure la responsabilité de cette tragédie à cette «Voix». Les Américains avaient trouvé un peuple hongrois sûr de l’intervention américaine; les Hongrois se plaignaient que, bien que le mot «révolte» n’ait pas été utilisé, dans les faits la «Voix» incita et instigua la révolte et maintint la perspective d’un secours américain. En même temps, le président Eisenhower disait au peuple américain: «Nous n’avons jamais conseillé aux peuples captifs de s’élever contre la force armée». Des critiques similaires furent faites envers «Radio Free Europe», une organisation privée américaine qui opérait depuis l’Allemagne sous la licence du gouvernement ouest-allemand.
Un des premiers réfugiés hongrois à atteindre l’Amérique se plaignit que The Voice of America et Radio Free Europe, pendant des années «nous ont harcelés» pour [qu’on se] révolte, mais quand le soulèvement national est survenu, aucune aide américaine n’a été apportée (New York Times, 23 nov. 1956).
Le gouvernement ouest-allemand ordonna une enquête sur les programmes de Radio Free Europe durant le soulèvement hongrois (elle opérait depuis Munich) après que des accusations répandues partout eurent apparu dans la presse ouest-allemande, selon lesquelles elle avait, dans les faits, joué un rôle de provocateur; par exemple, un texte préparé le 5 nov. 1956 alors que le soulèvement était en cours, dit au peuple hongrois qu’«une aide militaire occidentale ne pourrait être espérée avant 2 heures du matin demain», une suggestion évidente qu’elle arriverait bien à un moment (N.Y.T., 8 déc. 1956). L’insinuation la plus grave d’un but provocateur apparut dans les déclarations faites par Mme Anna Kethly, directrice du parti social démocrate hongrois, qui s’enfuit durant la courte libération du pays. Elle dit que pendant qu’elle était en prison en 1952, Radio Free Europe, dans un programme aux pays captifs, dit «que je menais le mouvement de libération souterrain depuis ma cellule en prison et cita les noms de plusieurs leaders du mouvement présumé. On me fit sortir de prison où j’avais été en isolement complet depuis 1950, et je fus confrontée à des centaines d’anciens militants du parti social démocrate et des syndicats. Tous avaient été torturés par la police politique pour avouer leur participation au complot anti-communiste non-existant. Il n’y avait absolument rien de vrai dans les reportages de Radio Free Europe; j’avais vécu en complet isolement depuis mon arrestation et je n’avais vu personne. Radio Free Europe a commis une faute grave en faisant croire au peuple hongrois que l’aide militaire occidentale arrivait, quand aucune aide n’était prévue» (N.Y.T., 30 nov. 1956).
Ainsi l’Amérique parlait-elle avec deux voix, celle du président s’adressant officiellement au monde, et celle de la «Voix» parlant en des termes plus dangereux - «par-dessus les oreilles» du peuple américain - aux populations du monde. À cette période, le New York Times décrivait la ligne officielle: «Les hauts représentants ont bien fait comprendre en privé que l’administration souhaite éviter d’être identifiée uniquement avec Israël et donc abandonner les pays arabes à l’influence de l’Union soviétique». On ne pouvait s’attendre à ce que les populations arabes, s’ils entendirent jamais parler de ces annonces «privées», les croient, au vu de ce qu’ils entendaient par «The Voice of America» sur la libération des juifs de «la captivité égyptienne». (retournez)
92. Le fait que cette «pression» fut utilisée est authentique. Elle fut rapportée partout dans la presse américaine sous l’angle d’un succès américain; par exemple: «Le secrétaire d’État Dulles était sûr qu’il pouvait gagner l’amitié des Arabes, comme lorsqu’il a fait pression sur les Britanniques pour qu’ils quittent l’Égypte, tout en conservant l’amitié des Israéliens (New York Times, 21 oct. 1956). (retournez)
93. La même ombre fut projetée avec une intention délibérée sur le couronnement de la reine Élisabeth en 1953. Au cours du déroulement du défilé, la reine nouvellement couronnée passa en revue à Spithead un grand rassemblement de navires de guerre de tous les pays qui avaient été en mesure d’en envoyer un. Parmi les nombreuses embarcations, entre lesquelles le navire de la reine passait, s’en trouvait une isolée, dont l’équipage ne l’acclama pas (une erreur, affirma-t-on ultérieurement en guise d’explication). Ce vaisseau soviétique était le Sverdlov - du nom de Iakov Sverdlov, l’assassin de la famille Romanov, en l’honneur duquel la ville où ils furent massacrés, Ekaterinbourg, fut renommée Sverdlovsk. (retournez)
94. L’inévitable reproche associé d’«antisémitisme», fut aussi émis contre lui durant la campagne électorale. Un rabbin qui le connaissait bien s’avança pour le défendre contre cela. (retournez)
95 J’avais à l’esprit ce que les hommes politiques américains connaissent comme «la loi Farley». Du nom d’un responsable de parti exceptionnellement malin, M. James A. Farley - considéré comme ayant été l’instigateur des premiers triomphes électoraux de M. Roosevelt - la base de cette «loi» est que les électeurs américains ont déjà décidé à la mi-octobre pour qui ils vont voter, et seuls le décès de leur candidat, la guerre ou un gros scandale avant le 6 novembre pourraient les faire changer d’avis. [Selon cette loi, il est inutile de faire campagne après le jour férié du Labor Day - Fête américaine du Travail, chaque 1er lundi de septembre - parce que les électeurs ont déjà fait leur choix à cette période. En d’autres termes, celui qui est premier dans les sondages le jour du «Labor Day», gagnera les élections - NdT]
Le matin suivant l’attaque israélienne de l’Égypte, M. John O’Donnell écrivit: «Les portesparoles du département d’État au Pentagone» (le ministère de la Guerre), «, où l’on est inquiet, et les sièges des deux partis conviennent que les Israéliens ont lancé leur attaque sur l’Égypte parce qu’ils étaient convaincus que les États-Unis ne prendraient aucune mesure dans une guerre israélienne si proche des élections présidentielles… La rumeur arriva jusqu’aux sièges des partis politiques, comme quoi les sionistes américains avaient informé Tel Aviv qu’Israël réussirait probablement mieux sous l’administration démocrate de Stevenson et Kefauver que sous le régime républicain d’Eisenhower et Nixon» (New York Daily News). (retournez)
96. Au moment exact de l’invasion de l’Égypte, un autre massacre d’Arabes fut perpétré en Israël, en un point très éloigné de la frontière égyptienne, à savoir la frontière avec la Jordanie, de l’autre côté d’Israël. 48 Arabes - hommes, femmes et enfants - du village de Kafr Kassem, furent tués de sang froid. Ce nouveau Deir Yassin ne pouvait être pris par les Arabes, à l’intérieur ou à l’extérieur d’Israël, que comme l’avertissement symbolique que le sort de la «destruction totale… homme, femme et enfant… ne laisse rien en vie qui respire» attendait chacun d’entre eux, car ces personnes faisaient partie de la petite population arabe qui était restée en Israël après Deir Yassin et la création du nouvel État. L’acte fut reconnut officiellement par le Premier ministre israélien, M. Ben Gourion, six semaines plus tard (12 déc.) - après que la nouvelle fut largement répandue, et qu’elle fit l’objet d’une protestation arabe à destination des Nations unies (où elle semble avoir été ignorée jusqu’à la date où j’ai ajouté cette note de bas de page). Ben Gourion dit alors au Parlement israélien que les meurtriers «encouraient un procès», mais comme les Arabes se souvenaient que les meurtriers de Deir Yassin, après avoir «encouru un procès» et avoir été condamnés, avaient été libérés immédiatement et fêtés publiquement, ce fut un piètre réconfort pour eux. Jusqu’à la date de cette note de bas de page (20 déc.), je n’ai vu aucune allusion - parmi les millions de mots qui ont été publiés - au sort des 215 000 Arabes en fuite (rapport de l’ONU, avril 1956) qui étaient rassemblés dans la Bande de Gaza lorsque les Israéliens l’attaquèrent ainsi que l’Égypte. Le gouvernement israélien a annoncé qu’il n’abandonnerait pas ce territoire; plus tôt, il avait annoncé qu’il ne permettrait sous aucune condition le retour des réfugiés arabes en Israël. Donc, le sort de ce quart de million de personnes, qui à n’importe quelle époque passée aurait reçu la compassion indignée du monde, a été totalement ignoré. Sans doute sont-ils mentionnés dans la seule déclaration que j’ai vue sur le sujet: la lettre de onze États arabes aux Nations unies du 14 déc. déclarant que «Des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants ont été impitoyablement assassinés de sang froid», mais il semble qu’il y ait peu d’espoir pour une enquête impartiale ou une confirmation, et la lettre arabe elle-même dit: «Toute l’histoire ne sera jamais racontée et l’étendue de la tragédie ne sera jamais connue». Toutefois, dans le cas particulier de Kafr Kassem, les faits sont authentiquement avérés. (retournez)
97. Cette méthode est l’exact opposé de celle par laquelle le monde serait gouverné selon les plans du «gouvernement mondial» exposés à New York par M. Bernard Baruch et son école d’«internationalistes». Leur concept pourrait en fait s’appeler le «super-colonialisme» et repose entièrement sur une organisation rigide, la force et les sanctions. Prenant la parole lors de la consécration d’un mémorial dédié au président Woodrow Wilson à la cathédrale de Washington en décembre 1956, M. Baruch évoqua à nouveau sa demande en ces termes - étonnamment contradictoires: «Après deux guerres mondiales… nous recherchons toujours ce que Wilson recherchait. “Un régime de loi basé sur le consentement des gouvernés… ce régime de loi ne peut exister que lorsqu’il existe une force pour le maintenir… voilà pourquoi nous devons continuer à insister que tout accord sur le contrôle de l’énergie atomique et sur le désarmement soit accompagné de dispositions strictes pour l’inspection, le contrôle et la punition des transgresseurs”». (retournez)
98. Les correspondants du Times, de Reuters et d’autres journaux et agences rapportèrent par la suite qu’ils avaient vu des avions français et des officiers de l’air français en uniforme sur les terrains d’aviation israéliens pendant l’invasion, et à la «fête de la victoire» donnée à Tel Aviv par l’armée de l’air israélienne, où le commandant israélien, le général Moshé Dayan, était présent. Ces rapports concordèrent sur un point important: l’armée de l’air française était présente pour «couvrir» ou fournir «un bouclier aérien» à Tel Aviv si elle était attaquée par la force aérienne égyptienne. Reuters rapporta que les mêmes officiers de l’air français admirent avoir attaqué les chars égyptiens durant la bataille du Sinaï. En ce qui concernaient les Français, par conséquent, le prétexte d’une descente sur le canal de Suez afin de «séparer» les belligérants se révéla faux, les officiers et les avions français ayant été vus derrière les lignes israéliennes en Israël et au Sinaï durant les combats. Le correspondant au Times rapporta «un engagement de la part de la France à faire de son mieux, si la guerre éclatait entre Israël et l’Égypte, pour empêcher toute action contre Israël selon les termes de la déclaration tripartite de 1950 et pour veiller à ce qu’Israël ait des armes appropriées pour combattre». La déclaration de 1950 engageait impartialement la France «à opposer l’usage de la force ou la menace de la force dans cette région. Les trois gouvernements, s’ils découvraient que l’un de ces États se préparait à violer les frontières ou les lignes de démarcation de l’armistice, prendraient… des mesures immédiatement… afin d’empêcher de telles violations». (retournez)
99. À partir de ce moment, suivant l’exemple montré par le président américain, le poids de la condamnation fut transféré par étapes d’«Israël» à «Israël, la Grande-Bretagne et la France», puis à «la Grande-Bretagne et la France», et en dernière étape, à «la Grande- Bretagne» (rappelant ainsi la transformation effectuée auparavant dans le cas de la persécution des hommes par Hitler, qui commença par «la persécution des opposants politiques», puis devint «la persécution des opposants politiques et des juifs», ensuite «des juifs et des opposants politiques», et enfin, «des juifs»). Un commentaire officiel caractéristique de cette période fut émis par Mme Eleanor Roosevelt, qui était généralement acceptée en Amérique comme la voix de son mari, le feu président. Elle dit lors d’une conférence de presse trois jours avant les élections présidentielles (elle faisait campagne pour le candidat démocrate): «Je ne considère pas qu’Israël soit un agresseur; elle a agi en légitime défense… Je crois que la Grande-Bretagne et la France sont techniquement coupables d’agression» (New York Times, 4 nov. 1956). (retournez)
100. Bien sûr, les États-Unis sont les occupants, par la conquête ou l’achat, de colonies britanniques, hollandaises, françaises et espagnoles, et de vastes territoires mexicains et russes; seule la quasi-extirpation, durant l’existence de la république américaine, des habitants originels de ce large territoire donne de nos jours une illustration qui diffère de celle des colonies britanniques, hollandaises, françaises et espagnoles d’aujourd’hui, avec leurs millions de «populations coloniales». Les possessions américaines d’outre-mer, par la conquête ou l’achat, sont peu nombreuses. La zone du canal de Panama, qui est sous souveraineté permanente américaine, est un cas à part; si elle prouve quoi que ce soit par rapport au canal de Suez et à la Grande-Bretagne, elle démontre seulement les avantages d’un «titre de propriété» valable et d’une contiguïté militaire. (retournez)
101 «Le président dit qu’il ferait part au maréchal» (Staline) «d’une chose indiscrète, puisqu’il ne souhaitait pas la dire devant le Premier ministre Churchill… Les Britanniques étaient un peuple bizarre qui voulaient avoir le beurre et l’argent du beurre… Il suggéra l’«internationalisation» de la colonie britannique de Hong Kong et le placement de la Corée sous une administration d’où les Britanniques seraient exclus. Staline indiqua qu’il ne pensait pas que cela était une bonne idée et ajouta que «Churchill nous tuerait". Quand les problèmes politiques d’après-guerre furent soulevés, il adopta souvent des positions qui étaient anti-britanniques». (New York Times, 17 mars 1955) (retournez)
102. Deux semaines plus tard, après que ce chapitre fut terminé, le même journal écarta la Grande-Bretagne comme étant désormais «une puissance de seconde classe.» (retournez)
103. Un développement qui a peut-être été présagé par un compte rendu (s’il est exact) publié dans le New York Times le 30 décembre 1956, selon lequel «moins de 900 sur les 14 000 juifs qui ont fui la Hongrie… ont décidé de s’établir en Israël, la «grande majorité» préférant aller en Amérique ou au Canada. D’un autre côté, s’ils suivent l’exemple de leurs prédécesseurs, ils y augmenteront la masse des juifs de l’est «explosifs» dont le transfert, au cours des derniers soixante-dix ans, a provoqué la situation actuelle; l’incitation antiaméricaine de ces juifs a été montrée dans les citations d’autorités juives au chapitre précédent. (retournez)
104. Quant à l’affaire de Suez, c’est le président Eisenhower qui nous a fourni une note de bas de page pertinente, quand, le 5 janvier 1957, il a demandé au Congrès l’autorité permanente d’utiliser les forces armées des États-Unis contre «l’agression armée déclarée de toute nation contrôlée par le communisme international» au Moyen-Orient. Il a donc envisagé de faire exactement ce pour quoi il avait condamné le gouvernement Eden. Un exemple d’agression «déclarée» fut sans doute la destruction du Maine dans le port de La Havane; l’explosion fut «déclarée» et elle fut attribuée à l’Espagne. Avant et après l’attaque de l’Égypte, la presse internationale commença à accuser une nation arabe après l’autre d’être «contrôlée» par le communisme international, et la requête du président Eisenhower au Congrès ouvre à nouveau la perspective que l’extirpation moultes fois annoncée du communisme pourrait se révéler, en réalité, être une attaque envers les Arabes, non envers le communisme. La description: «contrôlée par le communisme», est impossible à définir ou à prouver, et sert seulement à fausser la vérité par la propagande. Par exemple, le New York Times publia le 2 déc. 1956 des photos de «chars russes capturés par les Israéliens» pendant l’attaque de l’Égypte. Les objections des lecteurs l’amenèrent à admettre que les chars étaient en fait américains. La question de savoir s’ils furent pris aux Égyptiens reste ouverte, n’importe qui peut prendre un char en photo et mettre une légende. Israël fut à l’origine approvisionnée avec des armes soviétiques, mais on ne dit pas qu’à cause de cela, elle est «contrôlée par le communisme international».
La nouvelle de l’acte du président Eisenhower a été suivie par une montée brusque des diverses actions israéliennes à la Bourse américaine et par des sermons élogieux dans plusieurs synagogues de New York. Une raison possible à cela est le fait que le président s’est engagé à agir militairement au Moyen-Orient uniquement en réponse à la demande de «toute nation ou groupe de nations» attaqué. Comme l’Égypte a largement été déclarée comme étant «l’agresseur» dans l’attaque envers elle-même d’octobre 1956, cette stipulation, une fois encore, reste ouverte à de nombreuses interprétations, au besoin. Si ces paroles étaient sincères, elles impliquent que les forces américaines auraient dû être utilisées, sur demande égyptienne, pour repousser l’attaque israélienne d’octobre 1956. Cela est difficile à imaginer, c’est le moins que l’on puisse dire. Il est difficile de se représenter une intervention militaire américaine en réponse à une demande de tout État du Moyen- Orient en dehors d’Israël; toutefois, les temps changent et tout est possible.(retournez)